Vie sauvage
2014
Cédric Kahn
Ferme ta gueule connard de géniteur ! Voilà comment est perçu le droit paternel dans notre pays, confiant pour ainsi dire systématiquement la garde des enfants à la mère lors des divorces. Summum de l’inégalité homme / femme, la société a inventé le principe de pension alimentaire, obligeant occasionnellement le mari à fournir une aide financière à son ex conjointe, alors que l’inverse n’est jamais applicable. Fait divers qui avait fait beaucoup de bruit, l’histoire du film est tirée de faits réels.
Deux marginaux, Paco (Mathieu Kassovitz) et Nora (Céline Sallette) se sont rencontré au cours de leur vie de bohème, voguant de ville en ville, de camp de fortune en roulotte. Une vie qui leur allait très bien, faisant eux même l’école à leur trois enfants (le premier étant issu d’un autre père), Nora ne souhaitant jamais se poser et avoir un vrai foyer. Seulement voilà, quelques années plus tard, elle va subitement se réveiller fatiguée de ce mode de vie, et va kidnapper un beau matin ses enfants et partir avec pour s’installer dans le sud. Pourtant, la justice ne va rien faire, allant même jusqu’à confier à la mère en fuite la garde totale des enfants. Écœuré par un système stupide, Paco va profiter de ses premières vacances avec ses fils pour les garder et ne jamais les ramener.
Les sentiments nous font faire de sacrées conneries. La mère était dans son tort le plus complet, et avec un bon avocat, un peu de patience et de calme, l’affaire aurait peut-être tournée en la faveur du père. Mais non, ce dernier se laissera emporter et tombera dans la criminalité, l’obligeant à passer onze ans en cavale à se cacher à vivre dans la peur. Le film ne rend d’ailleurs pas justice au combat de cet homme, désigné tout de même inapte à la vie en société, à moitié fou et potentiellement violent. Il possède bien sûr quelques qualités humaines, mais globalement on aurait plus tendance à prendre le parti de la mère malgré l’incompréhension de son geste premier. On doute de la pertinence de ce style de vie pour des enfants, qui semble t-il leur a causé beaucoup de peine et de regrets, bien qu’au final leur amour pour leur père fut indéfectible. Le film a sans doute cherché à ne pas trop prendre parti ou embellir l’un des deux camps, mais les choix ont eux des conséquences de toute évidence néfastes. Un film fort, bien interprété et intéressant, mais qui dérange, et pas forcément en bien.