Journal d’une femme de chambre
2015
Benoît Jacquot
C’était il y a tout juste deux semaines, je découvrais dans une profonde indifférence la version de 1964, qui restera probablement à tout jamais l’adaptation la plus populaire et appréciée du roman d’Octave Mirbeau. Se disant que les sujets sur l’esclavagisme patronal et l’antisémitisme abordés par le livre faisaient écho aux problèmes actuels, un énième réalisateur s’est prêté à cet exercice, pour un ennui plus copieux que jamais.
Suite à une mésaventure dans la dernière demeure où elle exerçait (chez Vincent Lacoste), Célestine (Léa Seydoux) a accepté une place en campagne, bien qu’elle se juge largement au dessus de la populace et trop bien pour travailler pour des bouseux pareils. Elle supportera alors d’autant plus mal la conduite dictatoriale de sa maîtresse, ne s’intéressant qu’à Joseph (Vincent Lindon), le vieux jardinier.
Si grosso modo l’histoire ne bouge que très peu, jouant simplement sur la chronologie et la mise en scène, le film est finalement très différent de la dernière version, et cela aurait dû être une bonne nouvelle, mais non. Principale originalité de cette adaptation, le film fait régulièrement rebondir l’histoire sur des flashback, mais l’intérêt n’y est pas, les enjeux ayant déjà été désamorcés et la conclusion étant évidente. Pire, la narration classique en pâti, certains pans entiers étant oubliés et enlevant par là même nombre de ressorts dramatiques. Comment se sentir concerné par le viol et le meurtre d’une petite fille quand le personnage n’a pas été présenté ? D’autant plus que le film désamorce une fois de plus les enjeux de ce passage en banalisant les rapports sexuels à 12 ans, naturels pour l’époque. Et ça n’est malheureusement pas le seul problème du film : le personnage de Célestine a été sabordé, transformée en grosse boudeuse aigrie ; les acteurs sont assez mauvais, surtout l’héroïne ; le son est parfois inaudible, ce qui est assez fâcheux ; et la réalisation est hideuse. Entre le montage saccadé, les scènes hors contexte, les zooms bien dégueulasses et les balayages en phase de dialogue, il n’y a vraiment pas grand chose à sauver. Le matériau de base doit vraiment être mauvais, mais pas autant que les adaptations qui en découlent, trouvant là une itération bien malheureuse.