Les Sept de Chicago
2020
Aaron Sorkin
L’ignorance est parfois une bénédiction, et je n’aurais qu’une chose à dire : foncez voir ce film, disponible sur Netflix. En France nous avons eu mai 68, qui ressemblait de loin à un caprice d’adolescents en quête de liberté. Chose qui fait doucement rire aujourd’hui puisque c’est au nom de ces mêmes jeunes de 20-30 ans de l’époques qui sont désormais dans la tranche 75+ que nous sommes désormais privés d’absolument toutes nos libertés dans la pire des dictatures de l’histoire de l’humanité. Mais bref. Pendant ce temps-là aux Etats-Unis, l’histoire avait un goût de prophétie : l’état tout puissant sacrifiait ses jeunes au nom de magouilles dont on ne saura jamais pleinement tous les tenants et aboutissants.
Comme vous pouvez vous en douter, l’histoire est donc une histoire vraie qui s’est déroulée en 1968 aux Etats-Unis. A cette époque, le pays était fracturé par la guerre du Viêt Nam, qui démarra certes en 1955, mais qui connu un tournant majeur en 1965 suite à un engagement plus grand de la part du pays, mobilisant de force les hommes en âge de se battre comme lors des grandes guerres mondiales. Beaucoup jugeaient l’intervention américaine comme illégitime, s’offusquant donc de la mobilisation générale obligatoire, et lors de l’été 68, une manifestation dégénéra à Chicago. Le film retrace donc le procès de sept manifestants jugées responsables.
Sans avoir les chiffres exacts déjà difficile à vérifier (officiellement 60 000 soldats américains morts et 4 millions de vietnamiens, dont on peine à croire que plus du quart étaient des « soldats »), le spectateur moyen sait bien que la guerre du Viêt Nam fut une sacrée vacherie à base de peuple massacré, villages torpillés, femmes et enfants violées et représailles explosives. A croire que le génocide des amérindiens était un échauffement. De quoi faire douter le plus croyant de tous tant la colère divine aurait dû rayer l’humanité de la carte pour ses exactions. Mais tous ces sujets ont été abordés dans maintes films de guerres, on le sait, et c’est justement de la face cachée dont il sera question ici : les complots gouvernementaux.
Concernant l’histoire, je n’en dirais pas un mot de plus, il faut ménager les suspenses sur cette histoire trop méconnue, d’autant qu’elle prend son temps. Si tous ne sont pas importants et font de la simple figuration, il y a tout de même huit inculpés contrairement à ce que le titre – dont ceux des journaux de l’époque – laisse croire, et il faut aussi introduire le juge, les avocats et procureurs, ce qui fait tout de même beaucoup de monde. Une habitude pour celui qui est considéré comme le plus grand scénariste d’Hollywood à qui l’on doit notamment The Social Network, prodige du genre, et le tour de force de gérer autant de personnages est ici encore pleinement maîtrisé. Tous n’ont pas vocation à être pleinement développés, comme les deux pantins qui n’avaient rien à faire parmi les accusés, et pour ceux qui avaient de vrais enjeux personnels, ils sont portés par des acteurs au meilleur de leur forme, avec à la clé un casting purement exceptionnel : Eddie Redmayne, Sacha Baron Cohen, Mark Rylance, Frank Langella, Joseph Gordon-Levitt, Yahya Abdul-Mateen ou encore Michael Keaton.
Alors oui, les arts oratoires me touchent particulièrement, j’ai soif de justice, de vérité, de liberté, donc un film de procès sur des politiques qui répriment le peuple, le concept ne pouvait que me séduire, mais au delà de ça il y a l’aspect historique : tout cela s’est vraiment passé, et pourtant le peuple continue inlassablement de se faire berner et entuber. Je dois bien avouer que durant la première moitié, je regardais simplement un bon film, d’un œil distrait, mais soudain les choses s’emballent, la rage nous gagne, l’injustice nous révolte et on s’insurge. Outrage à la cours ? Outrage à la vie ! J’accuse le juge de bafouer les libertés élémentaires ! J’accuse ce procès de n’en avoir que le nom, que le verdict a déjà été rendu et que tout cela n’est qu’une vaste supercherie ! Peuple, révoltez-vous et que notre sang coule jusqu’à ce que plus rien ne puisse laver les mains des corrompus ! Et jusqu’à la toute fin mes mains n’ont cessé de trembler, ébloui par le charisme et le courage d’hommes qui par leur seule présence rendent le monde meilleur. Finalement, ce monde n’est peut-être pas perdu.