Le Comte de Monte-Cristo
2024
Matthieu Delaporte, Alexandre De La Patellière
Après la déception des Trois Mousquetaires l’année dernière, la prudence aurait été de mise concernant les attentes sur cette nouvelle tentative de donner au cinéma français les moyens d’adapter avec ambition leurs classiques. A peine moins surexploitée que la précédente œuvre d’Alexandre Dumas, on peut notamment citer la mini série de 6h avec Depardieu comme précédente adaptation ayant le plus fait date, il faut néanmoins reconnaître que dans l’imaginaire collectif l’histoire n’est pas aussi formellement ancrée, laissant plus de place à une relecture avec les moyens actuels. Et côté moyens, on passe un nouveau cap avec plus de 43 M€, plus visibles que jamais.
Ceci n’est pas une histoire de haine, mais de justice. Tout juste promu Capitaine et à qui l’avenir ouvrait les bras, Edmond Dantès (Pierre Niney) croyait le plus beau jour de sa vie arriver quand il poussa les portes de l’église pour se marier avec Mercedes (Anaïs Demoustier) qu’il a toujours ardemment aimé. Seulement entre jalousie et fourberie, plusieurs hommes vont fomenter contre lui, l’accusant de trahison envers le roi, le condamnant à finir ses jours en prison. Bien des années plus tard, quand l’occasion de s’évader va se présenter, Edmond laissera sa place au Comte de Monte-Cristo, bien décidé à se venger de ceux qui l’ont trahi.
Oserais-je le dire ? Ce fut Edmond Dantesque ! On a pas vu des plans en mer aussi épiques depuis la trilogie Pirates des Caraïbes. On a pas vu une telle grandeur dans l’aventure depuis la trilogie du Seigneur des anneaux. Non seulement la production a su remettre à flot des vestiges semblants flambants neufs, ou alors les progrès en effets spéciaux ont passé un nouveau cap dont Hollywood devrait en prendre de la graine, mais en plus le duo de réalisateurs a su s’emparer de cette fresque romanesque pour y insuffler une mise en scène époustouflante, aussi grandiose dans ses décors que dans sa façon de les filmer. Décors, costumes, même les maquillages sont saisissants de justesse, arrivant à un niveau de passe-passe à faire frémir Sherlock Holmes. Mais au delà de ça, c’est au niveau de l’écriture, de l’adaptation que le film épate le plus. L’histoire est d’une richesse folle, mais sa densité n’est jamais indigeste, au contraire, nous bluffant de fluidité et d’efficacité. A aucun moment on ne sent de cassure dans le rythme, d’exposition trop imposante, de trop plein de personnages, et on ne sent pas non plus à l’inverse que certains protagonistes sont trop peu développés. Certes, le film affiche pratiquement trois heures au compteur, ce qui permet de mieux équilibrer l’ensemble, et parfois on se dit que le format sériel s’y prêterait pour souffler un peu et s’attarder sur certains passages, mais une telle maîtrise d’écriture force le respect. Et côté histoire d’ailleurs, ce thriller d’homme prenant sa revanche est fascinant, pouvant s’appuyer sur une construction en puzzle assez jouissive où tout se met en place petit à petit, tel un chasseur jouant avec ses proies.
Enfin, il faut bien sûr glisser un mot sur le casting, absolument parfait. Assurément, disposer de dialogues aussi fins et savoureux donne un terreau génial, mais même au delà de ça, chacun brille dans un registre différent, allant de l’acteur confirmé (Laurent Lafitte, Bastien Bouillon, Patrick Mille) dont le virage dramatique scier à merveilles, ou encore de jeunes prometteurs (Anamaria Vartolomei, Vassili Schneider, Julien de Saint-Jean) qui arrivent à exister au milieu de noms si prestigieux, ce qui n’est pas rien. On notera aussi la musique remarquable, digne des plus grosses productions américaines en termes d’épique, un adjectif qui revient en boucle en pensant à ce film. Entre thriller d’espionnage aux petits oignons, aux dialogues ciselés mémorables, grande fresque d’aventure exaltante, le film arrive sans fausse note à transmettre toute la grandeur de ce grand classique de la littérature, qui vient de trouver là un cinéma à sa démesure.