Le film était le prototype même de l’immense succès programmé. Adaptation de la nouvelle « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques » de l’un des plus grands auteurs de science-fiction de l’histoire, Philip K. Dick, le film pouvait aussi compter sur les phénomènes Alien et Star Wars, qui ont fait exploser les carrières de Ridley Scott et Harrison Ford, réalisateur et acteur principal du film, pour happer les gens dans les salles. Mais malgré un excellent accueil auprès des spectateurs, le scepticisme de la presse prit le pas, faisant ouvrir les yeux sur le manque de consistance du scénario. L’échec du film fut expliqué par des conflits de montages, soit-disant que la Warner a fait n’importe quoi. Mais aujourd’hui avec la version director cut du film, sorti en 2007, il est l’heure de trancher.
Le film est sensé se passer en 2019 – on reviendra plus tard sur la vision complètement incohérente de ce futur -, dans un monde post apocalyptique. Les guerres nucléaires ont ravagé une grande partie de notre monde, détruisant peu à peu la vie par une pollution croissante. Pour coloniser les autres planètes sans se préoccuper de problèmes comme respirer ou se nourrir, des androïdes d’une grande complexité ont été créé : les Nexus 6. D’une intelligence presque égale à celle de leurs créateurs, ces répliques humaines, aussi appelés « Répliquants », ont peu à peu prit conscience de leur esclavagisme, et se sont rebellé. De par leur ressemblance quasi indiscernable et leur animosité, ils ont été déclarés mortellement dangereux, et des escouades policières appelées « Blade Runner » ont ainsi été formées. Normalement retiré du milieu, Rick Deckard (Harrison Ford) est appelé en renfort pour une affaire grave : cinq robots Nexus 6 ont débarqué en ville, menaçant la sécurité de ses habitants. Mais le danger est-il réel ou illusoire ?
La base du film est mine de rien assez solide, se forgeant sur sa propre mythologie. On s’imagine donc une sorte de pré-Prometheus, d’autant que les films seraient liés, se passant sur Terre et dissertant de manière philosophique sur la condition humaine et quel peut-être le degré d’humanisme d’un robot. Feraient-ils de meilleurs hommes que nous ? Mais très vite on comprend que la question n’est pas là, le héros du film ne se remettra pas beaucoup en question, et l’aspect psychologique est à peine esquissé. Le spectateur devra faire tout le travail lui-même dans son fort intérieur. Mais le réel problème du film vient sans doute du fait qu’en dehors de la traque des cinq robots, il n’y a vraiment rien en dehors de l’univers, d’ailleurs loin d’être parfait. Vision triste et cynique de notre civilisation, le film n’aura pas su se projeter correctement dans le futur. Si aujourd’hui l’idée de voitures volantes semble ridicule de par les coûts astronomiques et l’intérêt négligeable d’un tel véhicule, on voit mal comment ce genre de prouesse, allié à des aérocargos publicitaires gigantesques, une évolution robotique hallucinante et une conquête spatiale et coloniale, pourraient aller de pair avec des interfaces technologiques aussi risibles. Mais bon, le film n’ayant pas encore connu le boom des ordinateurs et se projetant de près 40 ans dans le futur, chacun sera juge de la qualité de la projection temporelle. Mais de manière générale, on s’ennuiera plus qu’autre chose face à une intrigue aussi légère, malgré son univers prometteur. L’annonce d’une suite au film après tant d’années est une mauvaise idée, le cinéaste ferait mieux de se concentrer sur les suites de Prometheus.