Podkayne fille de Mars


Podkayne fille de Mars
1962
Robert Heinlein

Derrière cette couverture plutôt horrible (et fausse : Podkayne a les yeux bleus) se cache une œuvre de science-fiction assez fainéante et laborieuse à l’histoire superficiellement étirée. Il est vrai que le quatrième de couverture ne faisait pas état d’une histoire épique et d’envergure, mais il est fait état d’enlèvements, de complots politiques et d’un bébé-fée, trois choses qui seront réservés aux plus patients car l’histoire ne se laisse pas facilement appréhender.

Durant la première moitié du livre, on suivra Podkayne Fries (qui est aussi la narratrice – excepté pour la toute fin), jeune martienne âgée de 16 années terriennes au début de l’histoire, de son départ de Mars à l’escale à Venus. Elle a lu beaucoup d’histoires sur la Terre, et elle voue une véritable fascination pour un endroit en particulier : la méditerranée. Pour lui faire plaisir, son oncle Tom va l’emmener elle et son frère Clark jusqu’à la Terre en croisière stellaire. Ainsi, durant une balade dans les rues marchandes puis dans le vaisseau, la jeune et curieuse Podkayne nous fait part de ses états d’âme et de ses opinions politiques ou morales, avec une touche de naïveté prononcée. Durant plus de 120 pages donc, il ne se passera rien, ou presque. Une fois l’embarquement fait, elle conversera avec une vieille femme (Mme Grew), se planquera avec les autres dans l’abris pour échapper à des radiations, et s’occupera des bébés à bord. Passionnant…

La seconde moitié ne démarre pas tellement mieux : une dizaine de pages de blabla pour aller au Casino Dom Pedro de Venus. La promesse d’un bouleversement important au sein de ce temple de perdissions ? Puis à nouveau, on perds une dizaine de pages avec une discussion mièvre entre Poddy (surnom de Podkayne) et Dexter Kurt Cunha, un riche philanthrope charmé par cette jeune martienne tout juste pubère, qui voit en elle sa possible huitième femme. D’ailleurs, on a un peu du mal avec les mœurs du livre : comment se fait t-il que Clark, à seulement 12 ans (six années martiennes) tourne autour de Girdie, femme d’âge mûr et déjà veuve ? C’est finalement dans les quelques dernières pages de la seizième dizaine que le premier fait marquant d’un possible complot est dévoilé : Clark a déjoué un attenta à bord du Tricorne, le vaisseau qui les a amené sur Venus, le but étant d’assassiner le capitaine (ou c’est ce qu’il croyait du moins). Un acte non resté sans conséquences, puisqu’on apprend chapitre 11 (page 179), qu’il a probablement été kidnappé, n’étant pas revenu du casino depuis quelques jours. À moins que son enlèvement ne soit politique, son oncle Tom devant représenter Mars au sommet triplanétaire. Finalement, une vingtaine de pages plus loin, Poddy trouva une note holographique laissée par son frère, indiquant nul enlèvement mais au contraire un sauvetage : celui de Girdie dont il s’est éprit. Mais une chose ne colle pas : elle a été vu après la disparition de Clark. Mais qu’importe, elle suivra les instructions.

Le chapitre 13 nous projette une fois les instructions respectées, faisant une ellipse narrative importante puisqu’on passe d’une Poddy sortant tout juste de l’hôtel à sa captivité au milieu des fées, créatures féroces et stupides ressemblant à des fœtus verts avec des ailes. Retraçant ensuite son parcours, on apprend que l’enlèvement est une conspiration de Mme Grew, une passagère du Tricorne avec qui Podkayne s’était longuement entretenue, et qui a trouvé là un excellent moyen de faire chanter son oncle de sénateur (Tom) pour ses employeurs. On notera au passage une violence terrible, puisque Clark (âgé de douze ans je le rappelle), sera gravement torturé avec des séquelles potentiellement irrémédiables. Nous voilà donc à une vingtaine de pages du dénouement, et on apprend à peine les derniers éléments d’histoire indiqués dans le quatrième de couverture, au bébé-fée près qui ne se dévoilera que plus tard encore (à deux pages de la fin). C’est dire…

Bon alors, que vaut réellement se livre ? Si les références culturelles sont un peu dépassées – dire que la vision futuriste est pauvre est un doux euphémisme -, le livre conserve une certaine intemporalité et il se lit pas trop mal, le style n’étant pas mauvais même si la ponctuation est utilisée de façon hasardeuse et étrange. Pour le prélude, il se paye même le luxe d’une petite pirouette narrative, mais rien d’extravaguant. C’est donc professionnel, mais deux choses fâchent : la structure du livre et son histoire. À moins de le voir comme une aventure à la découverte de l’univers pour Podkayne, où dans ce cas c’est un peu naïf et mou, l’histoire est franchement mauvaise et peine surtout à démarrer (l’intrigue ne prend le virage annoncé que dans son dernier quart). Un petit complot politique au milieu d’une croisière spatiale avec ses frivolités et ses mondanités, c’est très faible. Pas de romances abouties, un côté science-fiction léger : le livre, sans être inintéressant, peine à convaincre et fait pâle figure face aux maîtres du genre.

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