Closed Circuit
2014
John Crowley
Passé complètement inaperçu lors de sa sortie, le film fut pour ainsi dire boycotté par les cinémas puisque seuls les Etats-Unis eurent droit à une sortie nationale, bien que toute relative. Il faut dire que le film est un genre bien difficile à vendre : pas directement un film de procès, le film retrace surtout l’enquête menée par les avocats, sujet déjà moins porteur. Mais sans doute son principal problème vient de son fond, n’étant pas exactement très « bien pensant ».
Non reconnu comme étant tiré d’une histoire vraie (auquel cas le film n’aurai probablement pas eu le droit de voir le jour), le film fait pourtant écho au récent attentat dans le métro Londonien, et on suit le procès de Farroukh Erdogan, immigré musulman, désigné comme le responsable de l’explosion qui a coûté la vie à 120 personnes. Six mois plus tard le procès n’a toujours pas commencé, se heurtant au « suicide » du dernier avocat à la défense. En charge de reprendre le dossier, Martin Rose (Eric Bana) va tenter d’élucider le mystère de son client, visiblement retissant à prouver son innocence. Et ce qu’il va trouver pourrai bien changer à jamais le visage de la justice anglaise, à moins que comme son prédécesseur, il ne se soit réduit au silence.
Voilà ce que vous allez vous dire, et ce que je me suis moi-même dit pendant une bonne partie du film : « encore un truc de terroristes musulmans avec un procès à la con derrière », et peut-être même allait t-on subir une investigation aussi chiante que dans Veronica Guerin. Et effectivement, le début du film est foncièrement ennuyeux entre des acteurs pas franchement bons, notamment la pourtant géniale Rebecca Hall, ici assurément inutile pendant la première heure, une histoire lamentable et un rythme à faire replonger la princesse Aurore (La Belle aux bois dormant) pour cent années supplémentaires de sommeil. Mais d’un coup c’est la claque, le réveil : on apprend que toute cette histoire est une conspiration des services secrets britanniques, que le fameux Farroukh Erdogan en fait parti, et qu’il ne s’agit que d’une immense manipulation. Ainsi, le film bascule et devient l’opposé de ce qu’on craignait et ose accuser une organisation, dite « hors de contrôle, même pour le premier ministre », de faire l’apologie d’un terrorisme qu’ils orchestrent eux même. Un sacré retournement de situation qui donne une ampleur inédite au film, nous accordant même des dialogues d’une rare intensité, notamment lors de la scène à l’hôpital entre le héros, Martin Rose, et Jim Broadbent, excellent en procureur général véreux. Un petit jeu de subtilités qui donne le ton pour une seconde moitié de qualité, révélant avec pertinence les ficelles qui gouvernent le monde. La pression monte, le ton s’élève et l’action s’intensifie. Difficile pour autant d’oublier le calamiteux démarrage, de même que la réalisation de seconde main et les prestations en dent de scie, mais le regain d’intérêt est net et la dernière ligne droite captivante. Un film qui ose enfin dénoncer les vrais travers de la société, et qu’importe les apparences tant que le massage passe.