Soumission
2015
Michel Houellebecq
La littérature française, tout le monde s’en fout, et mise à part les amis des éditeurs qui refourguent leur énième bouquin sans problèmes alors que seuls les parisiens vont l’acheter mais ne l’ouvriront jamais, un livre a fait sensation. Écrivain qui s’est découvert sur le tard après quelques essais dans le domaine de la poésie, l’ex ingénieur informaticien Michel Houellebecq a publié le 7 janvier dernier l’un des livres les plus polémique de l’histoire, d’autant plus de par la coïncidence calendaire (étant paru le jour des attentats contre Charlie Hebdo), qui battu au passage des records de vente. Dans un pays déchiré entre les conflits ethniques, religieux et politiques, gouverné par le pire président de l’histoire et avec des opposants politiques qui divisent, son roman d’anticipation se pose comme une réflexion sur le possible futur du pays, et ça n’est pas beau à voir.
Dans ce roman écrit à la première personne, l’auteur nous met dans la peau d’un professeur de littérature de 47 ans travaillant à la Sorbonne, quelques mois avant les élections présidentielles de 2022. La politique l’indiffère, comme la vie en général, ne voyant en son travail qu’un moyen de se flatter l’ego, et une fois par an entretenir une courte relation salace avec l’une de ses étudiantes, cette fois ci la belle juive au cul bien ferme et qui maîtrise l’art de la fellation à la perfection, Myriam. Une vie qu’il juge triste et morne, mais quoi de plus normal pour quelqu’un qui a passé sa vie à étudier Huysmans, l’un des plus grands dépressifs de l’histoire. Mais quand face au front national les frères musulmans se sont qualifiés au second tour des présidentielles, sa vie a basculé.
Qu’on se le dise d’emblée, le postulat du livre n’a rien de très crédible. Dès le moment d’évoquer les élections de 2017, on reste dubitatif. Le front national dans les 28 % au premier tour ? Probable. Mais le PS à 20 et l’UMP à 14, dans l’état actuel des choses (avec un Jupé pour l’instant bien parti pour faire second au premier tour puis gagnant au la main au second), c’est totalement impossible, surtout avec Hollande réélu derrière, les français ne sont pas aussi cons. De même, qu’on ne serait-ce que tolère l’existence d’un parti musulman dans notre pays de culture chrétienne, ça serait énorme, qu’il arrive à se présenter au niveau national, c’est du grand n’importe quoi, qu’il arrive second au coude à coude avec un PS qui n’a plus le droit d’exister, c’est stupide à en pleurer, et qu’en plus derrière il batte le front national, qui perd certes un peu plus de son originalité chaque année, on nage en plein délire. Mais voilà, c’est le sien, alors il faut tacher de l’accepter et voir ce à quoi cela abouti, malgré les inepties des élections.
Pas de doutes, si un parti musulman arriverait au pouvoir, notre paysage serait bouleversé, mais le constater fait encore plus peur. On assisterait à la fin de l’identité vestimentaire, voile pour les femmes, djellaba pour les hommes, et tout ce pour quoi les minorités se sont battu va disparaître. Fin de l’éducation pour les femmes, privées du droit de travailler (au début modéré par une simple perte de toutes allocations), aboutissant certes à une baisse massive du chômage, la moitié de la population cessant toute activité rapidement. Et tout cela a pour but de priver du droit de concubinage bon nombre d’hommes pas assez fortunés pour entretenir leur(s) femme(s), permettant de légaliser la polygamie, faisant du mariage une exclusivité de l’élite. Implicite mais logique, les pédérastes sont évidemment lynchés et prescrits, remettant ainsi la morale au cœur de la vie des français. Après une longue réflexion sur les avantages et inconvénients d’un tel système, le héros, alors en pré-retraite à taux plein – car oui, pour continuer à enseigner il fallait se convertir, les universités étant désormais musulmanes -, va peu à peu remettre son jugement en cause et le faire sérieusement songer à tirer profit de tout ça.
Si on passe outre l’affabulation improbable des élections, il faut bien dire que la vision du livre est saisissante. Plutôt bien écrit, étant à la fois très personnel et familier mais non moins soutenu, le livre pose avec brio des questions pertinentes sur notre société, notre mode de vie et notre appréhension dépressive des choses. Il met en avant la peur de l’autre, de sa culture notamment, nous la montrant sous son pire jour, mais tout en essayant de s’y retrouver. Les chamboulements opérés posent bien des questions sur comment améliorer notre système, et l’analyse est pointue, tout en restant divertissante. D’aucuns accusaient le roman d’être provocateur, mais il n’en est rien, ou du moins la passivité du héros aide à faire passer. Car en effet, il parle de sexualité de façon désinvolte et décontractée, aimant particulièrement les voix secondaires, n’hésite pas à faire appel aux services de professionnelles, et nombre de passages sur la société post-élection fait frémir le poil, comme les deux épouses de 14 ans d’un vieux dégueulasse sexagénaire (eh oui, la majorité pour les femme a été largement abaissée pour correspondre aux coutumes musulmanes). On s’ennuiera un peu durant sa période pèlerinage ayant pour but de faire coller au mieux sa vie avec celle de Huysmans, mais globalement le livre est passionnant de bout en bout, abordant avec justesse des sujets tabous.
Bonne analyse, mais tu sous-estimes peut-être le pouvoir potentiel des musulmans : le Parti des Musulmans de France a ainsi été crée en 1997 et l’UDMF, l’Union des démocrates musulmans français, a déposé des candidatures pour les départementales cette année…
Je ne suis pas d’accord avec toi ; ce scénario est tout à fait possible !
Qu’Hollande soit réélu est bel et bien possible : si, en 2017, Juppé ET Sarközy se présentent, il peuvent réussir à faire encore moins qu’Hollande. Donc pour un second tour Hollande / Le Pen, Hollande est à peu près certain de gagner.
Suite à ça, les « Républicains » se disloquent. Le PS, après deux mandats catastrophiques, serait quasi-inexistant. Si dans cette ambiance, un parti musulman décide de se présenter, il risque fort, en effet, de faire deuxième. Surtout si son leader est charismatique et pas radical, comme c’est le cas dans le livre.