Deadpool
2016
Tim Miller
Il y a onze ans quand la folie des super-héros a commencé avec le carton de la saga X-Men, des spin-off centrés sur des personnages secondaires ont été envisagés, notamment un certain Deadpool, qui aurait alors dû être campé par un certain Ryan Reynolds. Sans avoir droit à son film, le personnage et son acteur rattaché s’offrirent une petite sortie lors du premier spin-off X-Men Origins : Wolverine, pas spécialement appréciée, et depuis plus rien. Inlassablement relancé par son interprète portant à bout de bras son projet, le film fut mainte fois repoussé ou annulé pour des raisons de violence, de contenu ou de propos choquants, et cela s’annonçait comme un projet risqué qu’au fond personne n’attendait. C’était sans compter sur son envahissant interprète, balançant illégalement des essais secrets sur internet et ralliant une horde de fans à sa cause. Deux ans plus tard, nous y voilà, et le film a pulvérisé une pléthore de records avec 260 M$ pour son week-end de lancement, et s’il est assuré d’être le plus rentable de la franchise aux Etats-Unis, il pourrait aussi détrôner internationalement Days of Future Past et ses 748 M$, malgré une absence de sortie chinoise qui comptait pourtant pour 116 M$ des recettes du dernier. Respect.
Faisant fi des histoires cinématographiques passées et réinventant son personnage, Ryan Reynolds nous présente un Wade Wilson, alias Deadpool, plus irrévérencieux que jamais. Ex grosse frappe à louer, il a radicalement changé suite à opération. Ayant été diagnostiqué cancéreux et étant près à tout pour continuer son idylle, il va accepter de devenir le cobaye de Ajax (Ed Skrein), qui va faire de lui un X-Men doté de pouvoirs régénérants lents, effaçant son cancer, mais aussi sa belle gueule et son corps de rêve, remplacés par une vieille peau dégueulasse non sans rappeler les grands brûlés. Putain ça va se payer !
S’il y a bien une chose qu’on ne peut pas reprocher au film, c’est son aptitude à nous mettre directement dans l’ambiance. Le générique est une succession de perles où pas une seule personne ne sera citée, tous étant remplacés par un qualificatif, à l’image des producteurs, ces « gros culs qui alignent l’oseille », ou encore le réalisateur, ce « branleur surpayé ». Ça donne le ton, mais le film ne tombe pas toujours dans la provocation gratuite, même si c’est son fer de lance, taclant un Ryan Reynolds qui devrait apparemment sa carrière uniquement à son physique et dont la filmographie est une avalanche de merdes. Une autodérision qu’on retrouve autour de la saga, décriant la confusion de casting et d’époque entre les réalités alternatives, de même que l’interprète de Wolverine qui croule sous les easter-eggs, faisant écho à son omniprésence au sein de la franchise. Dommage du coup, comme le souligne le film, qu’en dehors du caméo prévisible le studio n’est pas eu les moyens de faire intervenir plus de deux X-Men, d’ailleurs inédits (colossus étant uniquement en images de synthèse). C’est drôle, ça marche bien et certains gags sont osés, à l’image de la main de bébé, mais pas non plus de quoi crier au génie, de se ruer dans les salles de la sorte ou d’accorder des notes astronomiques. Au sein de la franchise le film n’a aucun sens, contredisant nombre de faits passés tout en y faisant référence, et même avec lui même il n’est pas cohérent. Sans parler de l’énorme faux-raccord lors de l’intervention médicale, probablement fait exprès, on peut se poser des questions sur la raison de son visage aux vus de ses capacités régénératives. Globalement le scénario n’a rien d’extraordinaire non plus, jouant la carte du revenge-movie classique sur fond de narration déstabilisante, n’hésitant pas à briser régulièrement le quatrième mur. Beaucoup d’excentricité sur la forme, allant de l’excellent au dubitatif (à force de jouer sur la ligne on tombe de temps à autre dans le mauvais goût), mais le fond est tout de suite moins imaginatif et empêche une plus grande extase.