Room
2016
Lenny Abrahamson
Petit film sorti dans une poignée de salles aux Etats-Unis, sans sortie mondiale programmée, il a créé un séisme en décrochant une flopée de nominations dans les plus grands festivals, incluant une nomination en tant que meilleur film de l’année aux Oscars. Avec actuellement un peu moins de 32 M$ au box-office mondial, le succès n’est pas non plus à la hauteur, mais c’est déjà inespéré tant personne ne l’attendait aussi haut entre le jeune débutant et sa mère, connue des seuls vrais cinéphiles.
Un pseudo mystère est entretenu autour de l’histoire, mais en réalité n’importe qui, qui a ne serait-ce qu’entendu parler du film ou vu la bande-annonce, sait de quoi il en retourne. On suit donc le quotidien terrible de Joy (Brie Larson) et de son fils Jack (Jacob Tremblay), enfermés depuis de très nombreuses années dans une remise à outils fortifiée. Sous couvert d’une porte blindée dont seul lui connait le code, un certain Nick les retient captifs, ayant kidnappé Joy alors qu’elle n’avait que 17 ans. Jack n’a jamais connu le monde extérieur, ayant grandit dans cette même pièce, et il a aujourd’hui cinq ans.
De loin le film le plus confidentiel parmi les challengers au prix suprême, le film a beaucoup fait parler de lui malgré tout, et un constat revenait souvent : la seconde moitié n’est pas aussi intéressante que la première. Il y a du vrai, mais je ne dirais pas ça comme ça. Le film aborde successivement deux thèmes, celui de la séquestration qui mène à la folie, puis la tentative de retrouver une vie normale une fois dehors, et les deux parties ont beaucoup de choses intéressantes à dire ou à montrer. Dans la fameuse pièce, deux visions s’opposent : celle de l’enfant, encore dans son monde imaginaire joyeux, loin de se douter du monde qui l’entoure et de l’horreur de sa situation, n’ayant jamais connu rien d’autre et ayant apprit à y trouver son bonheur, et la vision de la mère, prisonnière d’un pervers qui la viole régulièrement depuis de très longues années et qui essaye de ne pas sombrer dans la folie pour son fils. La tension dans la pièce est immense, mais intelligemment atténuée par la joie vivre de l’enfant.
La transition vers la deuxième partie sera ensuite un des plus grands moments de l’histoire du septième art, d’une intensité ahurissante, aux enjeux dantesques, nous coupant le souffle et nous époustouflant par l’intelligence de la mise en scène et des dialogues. Comme quoi, un détail qui vous parait anodin peut être l’élément primordial qui fera la différence. La suite se maintient ensuite à un très haut niveau, trouvant dans le choix de réalisation, à base de focales instables, un formidable écho de la découverte déstabilisante du monde qu’éprouve Jack, formidablement interprété par un jeune des plus prometteurs. Mais si vous cherchez la performance la plus marquante du film, il faut se tourner du côté de la sublime Brie Larson, bouleversante dans son rôle de mère en proie au désespoir mais qui tente de garder la face pour le rayon de soleil de sa vie qui justifie tous les sacrifices possibles. Rarement quelqu’un n’aura autant mérité son Oscar. Un film exceptionnel donc, qui aborde des thèmes terribles avec une émotion d’une rare intensité, et s’il est vrai que la seconde moitié n’a pas le même impact, il n’en reste pas moins magnifiquement émouvant.