Miss Peregrine et les enfants particuliers
2016
Tim Burton
Quand le génie du fantastique et du gothique sort un film, c’est forcément un événement, mais cette fois ce nouveau film de Tim Burton semblait encore plus alléchant. Adaptation d’une trilogie à succès de Ransom Riggs débutée en 2011, le film a fait sensation lors de sa promo. En effet, la bande-annonce était un petit bijoux à elle seule, nous montrant des personnages atypiques dans un univers à la fois sombre et coloré dans un style visuel magnifique, le tout accompagné par une chanson exceptionnelle qu’on regrette de ne pas voir figurer dans le film. Une seule inquiétude persistait : la possible orientation enfantine de l’œuvre.
Voilà qui est extrêmement rare et ô combien agréable. Après avoir vu la bande-annonce, le spectateur ne sait en réalité rien de l’histoire – et surtout rien du contexte – du film et la première scène sonne comme un véritable choc, alors autant ne rien dire de la trame et s’en tenir au simple lieu emblématique. Par un concours de circonstances, un certain Jacob (Asa Butterfield) va se retrouver au foyer pour enfants particuliers de Miss Peregrine (Eva Green). Là bas, tous ont des pouvoirs étranges, comme la capacité de contrôler le feu, l’air, la force, la transparence ou même les morts. Vivant protégés des autres en utilisant une boucle temporelle, leur équilibre est non moins menacé : les « sépulcreux » sont à leur trousse.
Dans une ambiance unique et incomparable, le film nous propose un sublime mélange de Quelque part dans le temps et John Carter. D’apparence facile et enfantin, le film est en réalité d’une très grande profondeur et d’une originalité impressionnante. De mémoire, je n’ai jamais vu une immersion dans un autre monde à ce point réussie, prenant le contre pied de tout ce qui a été fait. Que ce soit Avatar, Alice au Pays des Merveilles ou toute autre plongée dans un univers parallèle ou dans une planète lointaine, on nous montre tout d’abord son côté effrayant ou dangereux, chose faite ici dans la sensibilisation, mais quand le héros arrive dans la boucle on ne voit que la pureté et la simplicité de ce monde malgré la lassitude de l’infini. L’émerveillement est sans commune mesure, époustouflant, tout simplement magique. Il faut dire qu’avec une telle déesse en maîtresse des lieux, l’attrait est immédiat, mais à l’image du héros, si nos palpitations sont si fortes c’est pour les beaux yeux d’Emma (Ella Purnell), la révélation du film. D’une beauté peu commune, son si joli minois nous attendrira, décuplant des enjeux sinon un peu trop classiques, opposant le bien au mal, avec au passage une certaine maladresse. Un peu trop de stéréotypes, le design des sépulcreux est du déjà vu et le coup des yeux sonne un peu débile. Mais d’un autre côté, on peut pousser un soupir de soulagement du fait que le film se déroule en 1943 sans pour autant que les méchants ne soient les nazis, nous épargnant le devoir de mémoire en faisant même preuve de subtilité avec l’écho du grand-père, montrant presque la guerre sous un jour joyeux. L’histoire est donc très solide, d’autant que la fin est particulièrement belle et intelligente. Si bien sûr la claque du film est attribuable à l’interprète d’Emma, les autres membres du casting ne sont pas en reste, pouvant compter sur un héros et un hôtesse très inspirés, mais aussi un Samuel L. Jackson en antagoniste psychopathe comme il les aime. Bon, il y a aussi Judi Dench, mais son rôle est étonnamment anecdotique. Beaucoup plus ancré dans des décors naturels que ce que l’on aurait pu craindre, le film n’abuse pas des effets spéciaux et arrive à nous émerveiller avec du concret non truqué, rendant l’image encore plus éblouissante. Un visuel incroyable, une histoire solide et plus originale qu’il y paraît, une direction artistique quasi parfaite, une fée bleue qui fascine : le film est une réussite incontestable, assurément l’un des plus aboutis de l’année.