Dunkerque

Dunkerque
2017
Christopher Nolan

Après avoir donné une trilogie dantesque à l’une des plus grandes icônes héroïques qui soit, après avoir révolutionné la SF au travers de deux œuvres étourdissantes, la pression était phénoménale pour le réalisateur Christopher Nolan quant à son prochain film, d’autant que pendant ce temps-là son frère offrait au public une série majeur, peut-être même la plus aboutie de tous les temps : Westworld. Le voir s’attaquer à la Seconde Guerre Mondiale était donc source d’inquiétude tant le sujet lasse de par l’overdose perpétuelle qui nous assaille. Inspiration en berne, film de commande ? Oh non, l’homme avait une idée bien précise et le film n’est clairement pas ce qu’on pouvait imaginer.

Si on vous parle de Dunkerque et de Seconde Guerre Mondiale, avant le film vous m’auriez surement parlé du débarquement américain, mais l’histoire se déroule en 1940 avant même l’entrée en guerre des Etats-Unis et il ne sera fait nulle mention de ce futur pseudo allié (merci mon sauveur, mais si vous auriez pu éviter de raser nos villes au passage ça aurait été mieux). Non, le film parle de la débâcle de deux armées, celles britanniques et françaises, laminées par le géant allemand qui dominait tant stratégiquement que technologiquement. Centré sur les anglais, le film raconte l’évacuation des quelques quatre cent mille soldats laissés sur place et incapables de ne serait-ce qu’empêcher l’ennemi d’avancer. Sur les 400 000, Churchill espérait en ramener potentiellement 30 à 40 000, soit au mieux 90% de pertes humaines. Un revers historique méconnu.

Le film commence en nous mettant directement dans le bain avec plusieurs soldats anglais tués par des tirs préventifs de leur propre camp : le summum de l’incompétence. On voit ensuite un soldat faire les poches d’un cadavre, un autre truander pour fuir au plus vite. Si bien sûr le film dressera le portrait de quelques héros à l’aura quasi légendaire, l’écrasante majorité des protagonistes du film seront des lâches ou des traîtres rentrant la queue entre les jambes. Dans ce film, la guerre est subie, à aucun moment maîtrisée et on prend d’autant plus conscience de l’impact et de l’horreur de la guerre. Parler de la fameuse Seconde Guerre Mondiale sans évoquer ni le nazisme ni les américains est aussi particulièrement revigorant, d’autant qu’aucun peuple n’est montré comme le juste face aux méchants, se contentant de relater les faits avec un parti prit vraiment minime voir inversé. Choisir de ne pas mettre de stars en tête d’affiche est aussi un pari très osé, laissant les rôles principaux à de quasi inconnus pendant que Tom Hardy, Kenneth Branagh, Cillian Murphy et Mark Rylance se contentent de rôles de soutien plus ou moins figuratifs (sauf le premier dont l’importance est assez énorme). D’excellentes bases, mais si le film marque des points c’est aussi d’un point de vu technique.

Parce que raconter une histoire tel quel c’est bien trop facile, le réalisateur nous propose un montage croisé avec trois timeline différentes : le jetée, le sauvetage et l’escouade aérienne, se déroulant respectivement sur une semaine, un jour et une heure. Les trois avancent parallèlement entre elles avec le même point d’arriver, faisant que certains événements sont aperçus dans une temporalité avant d’être réellement découverts dans une autre. Cela donne parfois au spectateur le sentiment de savoir déjà ce qu’il va se passer, mais quand les éléments se recoupent on se rend compte du talent de mise en scène de l’homme qui nous berne à chaque fois, jouant sur ce sentiment et certains angles de caméra trompeurs pour mieux nous surprendre. Un procédé brillant qui dynamise le récit et amplifie l’angoisse et le suspense, d’autant plus grâce aux thèmes musicaux oppressants de Hans Zimmer qui prennent aux tripes. Privilégiant l’utilisation de véritables engins de l’époque, incluant des destroyers massifs, faisant appel à des milliers de figurants et n’utilisant presque aucuns effets-spéciaux, l’immersion devient très vite monstrueuse quand on ajoute à cela un tournage en Imax 70mm (même si encore une fois toutes les scènes ne sont pas dans ce format et on retrouve le même problème de ratios changeants que dans Transformers 5) et un son et un montage son irréprochables. Un spectacle grandiose au plus près de l’action, saisissant de réalisme, empli de scènes marquantes et offrant une leçon d’histoire bluffante. On ne parlera pas de film de guerre ultime dans la mesure où le film n’en est pas vraiment un, n’allant jamais au front et ne montrant pratiquement aucune possibilité de riposte, mais c’est une belle leçon de cinéma.

Ce contenu a été publié dans Cinéma, Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *