Zero Dark Thirty

Zero Dark Thirty
2013
Kathryn Bigelow

Dans le genre gamelle au box-office, les films de guerre s’imposent. Tournage en studio impossibles, gros moyens techniques obligatoires et intérêt du public très faible, surtout en dehors des Etats-Unis. Rare sont ceux à avoir su tirer leur épingle du jeu comme ce film là, bien que son succès soit exclusivement dû à d’excellents résultats aux USA (sur les 133 M$ récoltés, plus de 95 M$ proviennent du sol nord américain). Il faut dire qu’un film sur la traque de l’ennemi numéro un de leur pays, ça avait de quoi attirer, surtout que les critiques étaient excellentes et que le film fut porté par sa pléthore de nominations, notamment aux Oscars (bien que seul le montage sonore y fut primé). Alors pourquoi ne le voir que maintenant ? La crainte de ne pas supporter la prise de partie – les US centre du monde et sauveur de l’humanité – durant 2h30.

Une théorie voudrait que le 11 septembre 2001 deux avions se soient crashés sur les tours jumelles du World Trad Center et que l’attentat fut commandité par un certain Ben Laden. Le film raconte la traque fantasmée et fictive de cet homme de l’ombre en faisant graviter la grande histoire autour d’un personnage créé pour le film : Maya (Jessica Chastain), agent des forces spéciales des Etats-Unis.

La démarche même du film est très étrange. Il ne se veut pas être un documentaire ou même une mise en scène de la réalité mais bien une fiction pure, librement inspirée. Une solution de facilité pour ne pas avoir à répondre d’accusations en diffamation et compagnie. Il faut dire, et c’est probablement là son point le plus positif, que le film n’épargne pas la gouvernement américain, parlant explicitement des opérations d’armement secret dans la base 51, de techniques de torture ou d’écoute illicites mises en application pour lutter contre le terrorisme, sans compter la finesse légendaire de l’armée. Shoot first, then think (tire d’abord, pense après) : on aura droit à des meurtres sans sommation, même sur des femmes désarmées. Pire, les soldats sont montrés comme des abrutis capables de crasher un hélicoptère dans des conditions optimales. Le portrait dressé des sauveurs n’est donc pas tout blanc et c’est une très bonne nouvelle, faisant même un tacle aux armes de destruction massive, mais c’est trop peu de pommade pour une plaie bien trop grande.

À la rigueur suivre durant 150 minutes une traque extrêmement redondante où on remonte le fil à grand coup d’informations obtenues sous la torture, pourquoi pas, mais encore faut-il que ça soit intéressant ou enrichissant. Or question méthodes, elles sont particulièrement douteuses : soit on attend laborieusement, soit la morale est bafouée dans des propensions dantesques. La torture, à la rigueur oui quand des vies sont directement en jeu et qu’on veut faire payer un responsable direct, mais sur un potentiel sous-fifre lambda ça n’a pas de sens. Même la dernière prise d’assaut peine à convaincre tant l’amateurisme n’a d’égal que la barbarie. Si en terme de réalisation et de montage il n’y a rien à reprocher au film, le rythme est en revanche atroce – certes, ça symbolise la difficulté de la traque, mais quand même – et l’écriture décevante. Point d’excentricité d’espionnage, c’est plat, et les personnages sont des clichés monstrueux, l’héroïne en tête avec son statut de femme forte qui s’exprime, balance des punch line et grandes leçons de vie à tout le monde alors qu’en fait c’est juste une malade de travail qui se positionne elle-même comme marginale. Pire, malgré le prestige complètement dingue du casting (on compte dans les rangs, excusez du peu, Jason Clarke, Joel Edgerton, Mark Strong, Edgar Ramirez, Frank Grillo, James Gandolfini, Chris Pratt et même le français Reda Kateb) les performances sont clairement décevantes, voir outrancières comme pour l’actrice principale dont le Golden Globes pour le rôle est une vaste plaisanterie. Ainsi, malgré des arguments qui paraissaient solides et des craintes finalement non avérées, le film rate le coche entre ses faussetés historiques, sa gestion poussive du temps et ses ambitions trop affichées qui en font une œuvre bâtarde et arrogante.

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