Le Labyrinthe : le remède mortel
2018
Wes Ball
Presque toutes les sagas partent d’une excellente idée, et c’est pourquoi elles sont devenues des sagas. Au final ce qui fait la différence entre un simple phénomène passager et une œuvre majeure c’est ce qu’on en fait. Entouré d’un mystère aussi grand que ses murs, Le Labyrinthe avait pleinement réussi sa mission de mise-en-bouche, mais plus encore La Terre Brûlée avait été un tour de force, parvenant à développer une mythologie propre malgré des bases d’apparence classique. Après un accident de tournage qui a reporté la sortie du film d’une année complète, c’était donc avec une grande impatience que le monde attendait la conclusion de cette aventure, certes disponible depuis trois ans dans les romans de James Dashner, mais aussi avec appréhension puisque les ratages dans la dernière ligne droite arrivent comme nous l’avait douloureusement apprit Hunger Games 4, un cas d’école en terme de désillusion.
Désormais membres de la résistance, Thomas (Dylan O’Brien), Newt (Thomas Brodie-Sangster) et les autres (incluant Nathalie Emmanuel, Giancarlo Esposito et Will Poulter) tentent de récupérer Minho, capturé par Wicked (Aidan Gillen et Kaya Scodelario) qui cherche toujours de son côté le remède contre la Braise, maladie dégénérative causée par la suractivité solaire et dont certains parmi la nouvelle génération ont développé une immunité naturelle. Alors que l’humanité au sens large vit dans une misère totale, les castes supérieures vivent dans une cité forteresse, dernier bastion d’une civilisation en pleine extinction. Érigée au cœur de cette dernière, le QG de Wicked retient Minho captif, comme tant d’autres d’immunes, et c’est là que devront se rendre Thomas et les autres.
Après un labyrinthe énigmatique et impressionnant, après le renouveau du post-apo désertique avec des vestiges plus vrais que nature, le décidément très talentueux Wes Ball nous plonge cette fois dans une cité futuriste encore une fois bluffante de réalisme, éclipsant toutes les super-productions actuelles à plusieurs centaines de millions avec seulement 62 M$ de budget. En terme de réalisation et de direction artistique le réalisateur fait encore un sans-faute, continuant un travail irréprochable en terme de mise en scène et de réalisme. Les acteurs, déjà très bons dès le premier volet, restent fidèles à eux-mêmes. Des qualité importantes, mais peu surprenantes puisque déjà ancrées dans la saga. L’inquiétude, d’autant plus grande de part son statut d’épisode final, c’était bien sûr le scénario. Si là encore le film fait le taff en répondant à toutes nos questions et en nous offrant une fin nette, on pouvait clairement en espérer plus : pas de révélation dantesque, de surprise éclatante ou de développement spécialement profond. Sans aller jusqu’à dire que tout est prévisible, on en est quand même pas loin. Le plus gros problème du film en terme d’écriture vient surtout des personnages et de leur devenir. C’était attendu, des morts étaient à prévoir, mais pour aucun d’entre eux on ne peut s’estimer satisfait. Manque d’envergure, timing inutile : il y avait mieux à faire. Couteau ou lance, la différence est maigre, et avec l’antidote dessus la coïncidence est magique, mais ça n’aboutira pas. On peut imaginer que ce choix est justement une tromperie pour le spectateur, renforçant l’ambiguïté qu’entretien la franchise depuis le début sur la cause que défend Wicked. De même, la guerre civile renforce cette réflexion sur l’existence même d’un bon côté, prouvant que malgré quelques réticences le film et la trilogie en générale offre une piste de réflexion passionnante sur notre société. En étant vraiment objectif, chacun des trois films a été conçu de la même manière par la même équipe et les résultats sont sensiblement équivalents, mais difficile de cacher une certaine déception quand la dernière pierre de l’édifice n’a pas d’éclat particulier. Oui, ce dernier opus conclu très bien une saga aussi divertissante qu’intelligente, mais les regrets sont nombreux face à un univers aussi riche et si peu exploité. Après tout c’est peut-être ça la clef du succès : créer un monde passionnant qu’on effleure à peine plutôt que de lasser à force de décortiquer ou dénaturer.