Un raccourci dans le temps

Un raccourci dans le temps
2018
Ava DuVernay

Après John Carter puis A la poursuite de demain, voici le troisième flop retentissant pour Disney, décidément à la peine quand il s’agit de faire de la SF sur grand écran. Seulement contrairement aux deux échecs colossaux susmentionnés, celui-ci n’a pas grand chose à voir. Dans les deux premiers cas, malgré de gros efforts et des critiques plutôt bonnes, avec même d’ardents défenseurs (moi perso pour John Carter que je trouve dantesque), le budget était tout simplement trop imposant pour le premier (près de 400 M$ avec les frais marketing) et déraisonnable pour ce type de production pour le second (pas loin de 300 M$ pour de l’anticipation ne reposant pas sur un classique de littérature). Ici la situation est totalement inversée : alors même que le casting est dantesque et la bande-annonce donnait sacrément envie, le rejet fut violent et massif, mais malgré tout le film aurait pu être un succès. En effet, le film a atteint la barre des 100 M$ aux Etats-Unis, donc dans le cadre d’une sortie classique ce score aurait au moins doublé, voir triplé, et le film a coûté à peu près la moitié de leurs précédents fours. Nickel ! Oui mais non, pour des raisons inconnues, suite à un démarrage poussif (rattrapé par un étonnant bon maintient), le film a été annulé dans l’entièreté des pays asiatiques, comprenant trois des dix pays faisant le plus d’entrées au monde (la Chine, la Corée du Sud et le Japon – l’Inde n’aimant pas beaucoup les productions étrangères). Quand on sait que sur certains blockbusters américains ces trois pays peuvent représenter 70% des recettes mondiales, on sent là une volonté de Disney de provoquer eux-même l’échec de certains films pour justifier une politique de production frileuse. Souvent cité parmi les pires films de l’année alors qu’il faisait parti de mes plus grosses attentes de l’année, je voulais tout de même vérifier le naufrage par moi-même.

Quadrilogie littéraire de Madeleine L’Engle (ah donc y’avait moyen de s’en taper quatre ! Vache… ), cette adaptation du premier tome raconte la détresse de Meg (Storm Reid), une jeune adolescente dont le père (Chris Pine) a disparu depuis quatre ans. Scientifique qui travaillait avec sa femme (Gugu Mbatha-Raw) sur les réalités et les dimensions, il se sera fait aspirer dans l’une d’elles. Attendant que Meg soit prête à ouvrir son esprit aux voyages intra-dimensionnel, trois divinités (incluant Oprah Winfrey et Reese Witherspoon) vivant hors de notre réalité vont venir la chercher pour un voyage à travers le temps et l’espace pour retrouver son père égaré.

Le potentiel était là : l’histoire est simple, les thématiques sont bonnes, la morale intéressante et pas totalement dichotomique, et visuellement en dehors de la réalité il n’y a aucune limite au champ des possibles, et c’était là une occasion en or de proposer des visuels dingues, d’envergure et au style original. Oui mais non, il faudra repasser pour ça. Tout est aseptisé dans les grandes largeurs, on sent clairement que le public visé est très très jeune, les prenant au passage pour des sacrés cons avec de pseudos explications scientifiques à faire hurler les morts. Et visuellement, là où le film avait son plus gros potentiel, on se retrouve avec des fonds d’écrans Windows XP avec un étalonnage immonde, dégoulinant de fond vert sur pratiquement chaque plan. Toutes les idées sont classiques, éculées, et même mal modélisées. Pourtant le film avait un beau budget, mais probablement qu’une grande partie est passée dans le cachet des acteurs, comprenant aussi Zach GalifianakisMichael Pena ou encore le jeune Levi Miller, désormais habitué des naufrages financiers avec Pan (zut j’avais presque réussi à oublier ce carnage… ). Sortons nos agendas car la prochaine catastrophe industrielle du studio est déjà annoncée : Artemis Fawl, qui sortira en août prochain. Mais peut-être que je suis mauvaise langue et que le studio essaye vraiment de faire de son mieux, mais à systématiquement interdire toute forme d’originalité dans la conception de ses productions (coucou Solo par exemple), il ne faut pas s’étonner de voir une homogénéité lassante, aboutissant parfois à des films passablement creux et ennuyeux.

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