Première année

Première année
2018
Thomas Lilti

Le système éducatif français ? Peut-être le pire. On demande aux enseignants et aux professeurs d’avoir un bac+5 pour enseigner des notions basiques qui ne demandent pas tant de savoir mais plutôt de la pédagogie, chose qui s’apprend ou non sur le tas, alors même que nos voisins allemands proposent pour se faire comme en France à la belle époque : une réorientation bien plus tôt dans le cycle d’apprentissage, avec derrière un cursus plus rapide et plus pertinent. Pour la médecine, on frôle la blague de mauvais goût : la somme de connaissances à emmagasiner est abusive, recalant ainsi de brillants élèves à cause d’un nombre de places extrêmement limitée, avec à l’arrivée 10 à 15 % de sélection. Et à côté de ça, le pays manque de médecins et va en chercher dans d’autres pays, montrant la connerie ahurissante de nos « élites » qui dictent nos lois. On a tous connu au moins un ami extrêmement brillant, ayant eu le bac avec mention Très Bien, et ratant malgré tout la première année de médecine, démontrant que la vie est dénuée de sens à cause de ceux qui influent dessus.

Réalisateur de films centrés sur la médecine, profession qu’il connaît puisqu’il a pratiqué, Thomas Lilti nous revient avec un tout autre problème. Après la rudesse du métier et la désertification en campagne, place à l’impitoyable sélection de première année en école de médecine. On y suivra Benjamin (William Lebghil), fraîchement devenu bachelier et entrant donc en première première année, s’étant inscrit pour poursuivre une tradition familiale plus que par vocation, et Antoine (Vincent Lacoste), un triplant, chose normalement interdite (on ne peut redoubler qu’une fois) mais qu’il a obtenu grâce à une dérogation. Pour lui la médecine est une vraie passion, un rêve qu’il touchait du bout des doigts à sa dernière tentative, et cette année sera sa dernière chance.

Quand un réalisateur est aussi passionné et maîtrise autant son sujet, ça se sent. Sans même avoir vécu ce genre d’expérience, ouvrir un livre pour réviser me provoquant de terribles allergies, quant au par cœur n’en parlons pas, il n’empêche qu’on se sent immédiatement dans l’ambiance et les personnages semblent criants de vérité. Les acteurs sont excellents, certains dialogues sont finement pensés, un peu trop parfois, la mise en scène s’offre occasionnellement quelques plans esthétisés (le travelling arrière sur la chambre au sol tapissé de livres est magnifique) et le tout sonne avec une rare justesse. On sent les nerfs à vif, le raz-le-bol général, la pression monstrueuse avec un burn out lattant. On en ressort avec l’envie de brûler des bibliothèques, de fuir loin en courant dans la nature, partant le plus loin possible de ce monde de fous où en oubli de vivre. La fin est donc à la fois forte et logique, mais ô combien frustrante car même quand la réussite est à la clé, on a tout de même perdu une année de sa vie, et dans le cas contraire il y a de quoi sombrer dans la folie. On peut universaliser les propos du film, voyant là la symbolique de l’acharnement à la poursuite de ses rêves, donc assurément le film parlera à tout le monde. Reste quelques facilités de scénario, dans l’ensemble très prévisible, et on regrettera l’absence de romance dans cette spirale de travail, d’autant que la voisine asiatique était une candidate toute désignée et aurait permis de mieux travailler l’évolution psychologique de Benjamin. Un très bon film donc, et il est quasi certain qu’il est meilleur que celui qui gagnera le César du meilleur film dans quelques semaines.

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