Sex Education
2019-2023
Laurie Nunn
Après seulement quatre saisons, la série phénomène de Netflix tire sa révérence avec ses personnages hauts en couleurs qui ont marqué le paysage sériel de ces dernières années. Et à l’image de séries Netflix comme Elite ou 13 Reasons Why qui ont elles aussi fait des débuts tonitruants, avant de s’effondrer salement, le géant du streaming va à nouveau prouver que s’ils ont un sacré talent pour créer l’événement avec des séries de grande qualité, les faire perdurer est un tout autre défi…
Libéré des créneaux de diffusion de la télé, Netflix n’a jamais eu besoin de fournir autant de contenu qu’une chaîne de télévision qui doit assurer du contenu au moins en partie original tout au long de la journée, 365 jours par an. Les autres plateformes de streaming ont également emboîté le pas par la suite, mais donc le géant N rouge a redéfini une nouvelle norme pour les séries : des saisons bien plus courtes, bien plus rythmées en condensées. Exit les saisons de 24 épisodes, désormais la norme est aux alentours de 8 épisodes, ce qui permet d’éviter la formule redondante des feelers, c’est-à-dire des schémas se répétant en boucle. On se souviendra tous des enquêtes isolées des X-Files où peu faisaient réellement avancer l’histoire de fond, bien que pas vraiment problématique dans la mesure où les enjeux concernaient alors les protagonistes de l’épisode en question, ou encore et surtout la première saison de Smallville où chaque épisode avait strictement le même schéma : une personne possédée par une pierre ou problème du genre, Clark qui doit apprendre à se servir de ses pouvoirs, et tout revient à la normale à la fin de l’épisode. En vérité, Netflix a surtout repris le format des chaînes privées, qui depuis longtemps ont opté pour des saisons moins longues, plus resserrées, à la fois pour se distinguer des chaînes de télé classique, et aussi parce qu’ils n’avaient pas les mêmes moyens, et que faire 8 épisodes est bien moins coûteux que 24.
Chacune des quatre saisons de Sex Education sera donc composé de huit épisodes, bien que la quatrième soit un peu plus longue sur la durée moyenne (environs 55 minutes). L’aventure débuta il y a tout juste cinq ans, une exception de nos jours tant les rendez-vous annuels pour chaque saison tend à disparaître, avec seulement une année sans saison du fait du covid.
On y suivra donc Otis Milburn (Asa Butterfield), jeune élève au lycée Moordale, qui par le hasard des choses va se retrouver à prodiguer des conseils sexuels (lui qui n’a même pas encore commencé sa puberté) avec la gothique du bahut, Maeve Wiley (Emma Mackey). Ses connaissances en la matière lui viennent surtout de sa mère, Jean (Gillian Anderson), elle-même thérapeute sexuelle, mais de métier. Dans un lycée des plus précoces, ce besoin de conseils se fait sentir tant à cet âge là les hormones sont au taquet. On suivra de nombreux personnages dès la première saison : Eric Effiong (Ncuti Gatwa), meilleur ami d’Otis, homosexuel affirmé et souhaitant afficher pleinement sa personnalité pétillante malgré de possibles rejets sociaux ou religieux ; Adam Groff (Connor Swindells), la grosse brute attardée souffrant du syndrome Perceval (son père (Alistair Petrie) – accessoirement principal du lycée – le traite de minable, donc il agit comme tel) ; son ex et meilleure amie de Maeve, Aimee (Aimee Lou Wood), la cruche de service qui va subir une agression traumatisante ; Jackson Marchetti (Kedar Williams-Stirling), la star du lycée, champion de natation et qui aura une romance à sens unique avec Maeve, qui le verra seulement comme un plan cul ; Lily (Tanya Reynolds), la fille bizarre fantasmant sur les aliens, tentacules et phallus ; Ola (Patricia Allison), la fille de Jakob (Mikael Persbrandt), le plombier sur lequel Jean, la mère d’Otis va craquer ; le trio d’intouchables, les stars les plus populaires du lycée, Ruby (Mimi Keene), Olivia (Simone Ashley) et Anwar (Chaneil Kular) ; ou encore les deux professeurs qu’on verra régulièrement tout du long de la série et qui apporteront souvent leur aide et conseils aux différents protagonistes, Mme Sands (Rakhee Thakrar) et Mr Hendricks (Jim Howick). Outre la mère d’Adam, Maureen (Samantha Spiro) qui prendra de l’importance au fur et à mesure, on notera aussi diverses arrivées importantes au cours de la seconde saison, puisque je vais aborder les deux premières saisons ensemble : Isaac (George Robinson), un handicapé emménageant dans le camp de caravanes de Maeve et qui tombera sous son charme ; Vivienne (Chinenye Ezeudu), qui aidera un Jackson en perdition après sa rupture avec Maeve, ne sachant ce qu’il veut faire, excepté ne plus faire de natation ; Rahim (Sami Outalbali), le bel étranger ; ou encore Remi (James Purefoy), le père de Otis, qui passera notamment faire coucou et un peu de camping en seconde saison.
Sans être une révolution dans le genre teen movie, version sérielle, on a là une belle palette de personnages presque tous dans l’ensemble attachants et sympathiques. Si bien sûr le décalage avec le ressenti personnel où la vie sexuelle était à l’époque du lycée une loterie reposant sur le hasard et la chance, et en aucun cas une norme, à moins que les choses aient radicalement changé en quelques années, mais dans tous les cas il est indéniable que les hormones occupent une place prédominante durant cette période de la vie. La série sonne très juste dans ses personnages, leurs relations et l’approche en général, car si l’on parle de presque tout avec ses amis, se confier sur des choses intimes aux adultes ou à ses parents, c’est une chose impensable pour beaucoup, donc l’idée d’apporter des conseils avisés grâce à quelqu’un ayant l’âge de ses camarades rend les choses plus abordables, d’autant que ce dernier a grandi dans une maison qui est un cabinet spécialisé, avec une mère experte dans le domaine.
Mélangeant acteurs expérimentés, notamment sur les seconds rôles et Otis, qui a déjà tourné avec les plus grands réalisateurs au cinéma, le casting dans son ensemble est vraiment excellent, et nombreux sont ceux qui ont vu leur carrière décoller grâce à la série. Dans les rôles les plus marquants, on pensera bien sûr à Maeve, hypnotisante, Eric, dont la qualification de pétillant est très vraie dans les deux premières saisons, mais celui qu’on retiendra le plus sera Adam, dont le traitement et l’évolution de personnage est de très loin la plus touchante et développée de toute la série, et ce dès les premières saisons. Hormis l’attraction refoulée entre Otis et Maeve qui peut ennuyer par moments, les deux premières saisons ne commettent pas de vraie fausse note, on prend un plaisir certain à suivre tout ce petit monde devenir « adulte » et faire face aux affres de l’amour. L’âge sera probablement le plus grand défaut de la série à ses débuts : prendre des acteurs ayant presque tous plus de 20 ans dès la première saison, cela donne comme trop souvent ce côté « ados attardés » trop vieux pour leurs rôles, mais c’est malheureusement la norme.
Saison 1 et 2 :
Début de la fin pour de la série avec la saison 3, la saison de la discorde. Alors que la seconde saison s’achevait de façon à la fois très satisfaisante avec Adam revenant en force, prêt à s’assumer, Otis a fait n’importe quoi et a encore saboté ses chances avec Maeve, d’où la lassitude par rapport à leur histoire. Tout va se retrouver chamboulé avec cette avant-dernière saison : suite au spectacle de fin d’année, le pauvre Mr Groff, déjà en instance de divorce, va se retrouver viré de son poste de principal, remplacé par une certaine Hope (Jemima Kirke), censée apporter un vent de jeunesse, mais surtout une main plus ferme pour éviter que la jeunesse ne se dévergonde. Les fameux rendez-vous clandestins de l’ado sexologue vont également prendre fin.
Beaucoup de bons points, mais d’autres très mauvais pour cette saison. Si Hope est une bonne antagoniste, gueule d’ange, coups dans le dos, son projet rétrograde est un non sens de nos jours, et il était évident que tout ceci ne pouvait marcher. Mais quelle erreur que d’avoir inventé le personnage de Cal pour en faire son némésis ! Si un personnage se revendiquant non binaire dès le lycée est déjà invraisemblable, ce que son personnage apporte est juste néfaste et contre productif. Son amour avec Jackson aurait pu fonctionner, mais un monde LGBTQW+ et compagnie, il faut inventer tous les jours de nouvelles appellations pour désigner comment une personne se sent. On parle de discrimination, de barrière, mais n’est-ce pas se revendiquer différent qui créé ces barrières ? En plus, sa relation avec Jackson est totalement toxique, faisant l’apologie de la drogue, saccageant un personnage perdant tout son essence. De sportif souhaitant être plus que des muscles, il deviendra juste un ado perturbé tombant dans la drogue, mais sans en subir de revers. Quel message catastrophique pour la jeunesse ! De même, dans cette saison Eric va lui aussi voir son personnage saccagé, dont l’amour avec Adam sera rapidement mis en danger, puis dégagé au profit d’une liberté là encore d’une toxicité folle, se positionnant dans le rejet de la fidélité. Mon dieu l’image pour les jeunes encore une fois !
Dans les teintes un peu plus grises, le voyage en France, au final assez décevant et n’apportant pas grand chose, aura au moins le mérite de faire changer de cadre et de faire enfin avancer la romance entre Maeve et Otis, mais c’est là encore un constat amer. Car oui, le plus gros point fort de cette saison, c’est l’autre romance d’Otis, celle avec Ruby. Bien plus travaillée, cette dernière va se voir doter d’un vrai background, d’un drame du quotidien, montrant quelque chose que j’ai toujours adoré : derrière les princesses se racontant une vie se cachent souvent des fêlures profondes et une vie bien moins radieuse que celle affichée. C’était beau, mais trop court. Dans les points bien meilleurs, Adam crève l’écran comme jamais, cherchant un sens à la vie, alors que son père fait lui aussi le même travail, ne souhaitant pas tourner la page d’un mariage dont il n’a pas su pleinement profiter. Le parallèle avec son frère incarné par le génial Jason Isaacs est là un très beau message, puisque qu’importe la richesse matérielle, celle du cœur l’emporte. Une saison très inégale, avec des bons moments, voir très bons, mais quelques fausses notes et des personnages dont la tournure passe mal, ce qui en faitt une saison moins réussie.
Saison 3 :
Horreur et damnation ! Il aura suffit d’une dizaine de minutes pour foutre en l’air l’intégralité de la série, au point que comme pour la sixième saison d’Elite, la question de continuer à regarder se posait. Heureusement, la suite rattrape légèrement le constat initial, mais d’emblée tout espoir de voir une fin satisfaisante s’envolait. J’avais tout d’abord espéré qu’enfin l’action se déplace en université, mais non, retour encore au lycée pour un casting ayant entre 25 et 30 ans, et c’est déjà un énorme problème. Les acteurs étaient trop vieux dès le début de la première saison, donc que moins de trois ans sur la série ne s’écoulent alors que dans la vraie vie les acteurs ont tous prit cinq ans dans la tronche, ça pique. Le pire est clairement Otis, dont l’interprète semble avoir des problèmes d’alcool tant il a enflé et morflé… Mais tout ça n’est absolument rien face au problème colossal qu’est l’introduction de cette saison. La dernière s’achevait sur la fermeture du lycée Moordale, donc que faire ? Une partie de la bande va se retrouver au lycée Cavendish, une abomination qui pue le cahier des charges nauséabond. Et il va maintenant falloir parler d’un vilain mot souvent utilisé pour un rien, mais qui prend tout son sens ici : le wokisme.
Alors tout d’abord petit disclaimer : je ne suis pas homophobe ou quoi que ce soit s’y rapprochant. J’ai adoré la romance Adam / Eric, et j’étais d’ailleurs déçu du développement Cal / Jackson que j’aurais aimé voir aboutir. Mais trop c’est trop. Le nouveau lycée est rose fluo, dégoulinant de couleurs de partout, tout le monde est bisounours et les stars du bahut sont un couple trans qui ont tous les deux fait des opérations pour un changement de sexe, et l’autre est une mama black pansexuelle et sourde. Et si ça ne suffisait pas, les communautés LGBTQWIXYZ+-* machin bidule sont MAJORITAIRES ! On se retrouve dans un lycée où des jeunes, qui normalement ne se découvrent ce genre d’orientation que bien plus tard, affichent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans un défilé permanent de la gay pride. Un tel niveau « d’ouverture » est juste absurde et nuis même à la cause tant c’est risible et dangereux. La série était bien plus réaliste et utile quand elle rappelait que non, le monde dans sa globalité n’est pas forcément prêt ou en adéquation avec l’exubérance, comme le rappelait la sortie draqueen d’Eric qui se solda par un groupe d’hommes le molestant.
Passons donc sur les nouveaux personnages, d’autant qu’ils ne sont pratiquement pas développés et cantonnés à cocher une case dans la liste des représentations à mettre en avant. Le seul vrai enjeu autour des nouveaux personnages vient de O (comme le O de Otis, incroyable travail d’écriture…), elle aussi sexologue alors que Otis se croyait le premier ado au monde à avoir eu l’idée, et il va alors tout faire pour la dégager. Une histoire d’égo des plus mal placée, et on sent comment ça va se finir. L’occasion pour les auteurs de jouer avec les fans qui avaient trouvé la romance Otis / Ruby bien meilleure que celle avec Maeve, qui ira dans le mur tout du long de cette éprouvante dernière saison, puisque ces derniers vont à nouveau se rapprocher dans le cadre d’une élection pour déterminer l’unique sexologue du lycée. Et quand une série traîne son personnage principal comme un boulet, c’est que ça va très très mal. Même son entourage en pâti énormément tant tout ce qui l’entoure est aussi insipide et raté. Commençons avec sa mère, qui nous laissait sur un sacré plod twist en fin de saison 3 : Jakob n’était pas le père ! Mon dieu, alors que lui et sa fille vive sous son toit et que leur amour fonctionnait enfin, comment va-t-il réagir ? Va t-elle le cacher ? Non, ce pan entier et primordial sera tout simplement passé sous silence. Elle lui aurait dit, il serait parti, fin de l’histoire. Lamentable. Quoi de neuf la concernant ? Que du minable encore une fois : une sœur sortie de nulle part où ça va se chamailler, et une histoire d’émission de radio (où iel directeur.rice n’est pas identifié binairement…) où elle partagera l’antenne avec O, l’ennemie de son fils.
Autre personnage au développement exécrable, Eric. D’amour en or saccagée, il deviendra l’apôtre du jésus noir, tiraillé entre l’envie de s’afficher comme grosse tantouse, et l’envie de faire plaisir à sa famille en se faisant baptisé. Le souci c’est qu’encore une fois, il se fait l’égérie de l’infidélité, et pire, la série fait à nouveau l’apologie de la drogue, l’une des plus léthales et traitre : le LSD. Lunaire quant on sait que quelques épisodes plus tard, l’on assistera à l’enterrement de la mère de Maeve, décédée d’une overdose. Comment peut-on écrire aussi mal ? Et là aussi, cette mort est ratée puisque la mère n’a pas été présente physiquement durant les premiers épisodes. La voir essayer de garder le contact avec sa petite dernière tout en sombrant, voilà qui aurait donner de l’empathie, de l’impact à sa mort. Au delà de ça, c’est une mort de l’ombre, sans aucune émotion.
Niveau ratage, comment ne pas parler de Jackson ? Déjà en chute libre en termes d’intérêt dans les précédentes saisons, il touche ici le fond. Sa recherche du père biologique n’ira nulle part, pas la moindre confrontation ou révélation, et son stresse sur une possible tumeur ne servira pas plus à quelque chose. Que de temps perdu. Petite pensée à tous ceux qui n’auront pas eu la possibilité de revenir comme Rahim, Lily, Ola, Olivia, Anwar et le couple de professeurs, qui pour leur part feront un léger caméo tout de même.
Place tout de même aux quelques rares points qui fonctionnent. La romance Aimee / Isaac n’est pas totalement ratée, mais leurs personnages n’auront pas d’histoires très passionnantes. On se concentrera donc sur les seuls qui n’ont jamais fait défaut : les Groff. Entre la rédemption du père, la reconquête touchante pour sauver le mariage, et le fils qui se cherche une place dans la société, la famille aura jouit d’une écriture très largement au dessus de la mêlée, et pour eux cette dernière saison sera très satisfaisante. Le passage à la radio est particulièrement beau, Michael est incroyablement touchant, et la reconversion d’Adam lui va si bien, lui permettant d’enfin trouver stabilité, réconfort, soutient et admiration. Au moins un pan de la série n’aura pas totalement été gâché par cette saison de trop, mais il fallait bien conclure.
Saison 4 :
Rarement une série n’aura connu une chute aussi lourde et brutale. Clap de fin, et tant mieux. Acteurs trop vieux, scénaristes qui n’ont pas osé faire le seul choix possible intellectuellement : les faire avancer, devenir adulte, faire des études. En résulte une redondance et des limites palpables dès la troisième saison, puis avec en plus un cahier des charges donnant tout son sens au mot « woke », le bilan en devient presque mauvais. Personnellement, cela gâche le plaisir des débuts, et à l’image de séries ravagées par une fin expédiée ou écrite à la truelle comme Dexter, y revenir sera impossible. Malgré toutes les qualités premières, le mal est fait, l’on ne mit reprendra plus.