One Piece


One Piece
2023
Steven Maeda, Matt Owens

Dire que le manga est très apprécié serait un doux euphémisme. Très très largement numéro un mondial des ventes, tant annuel que cumulé, le manga prospère depuis 1997 pour le manga, et 1999 pour l’anime, et probablement qu’on en aura encore pour quelques années, donc le manga aura connu près de 30 ans de grande intensité. Si les versions kai (remontage raccourci) de l’anime est une bonne façon de continuer à découvrir le manga, génération après génération, pour qui ne souhaite pas forcément se plonger dans un anime qui compte plus de mille épisodes ou un manga papier s’étalant déjà sur plus d’une centaine de tomes, Netflix ambitionne de boucler les 106 premiers en seulement 12 saisons, donc vraisemblablement 15 au total si on arrive jusque là (et avec Netflix, ne soyons jamais sûr de rien). Un beau projet, mais auquel personne ne croyait à la base tant les live action de manga ont une réputation cataclysmique, amplement justifiée vu l’ampleur des merdes qui ont ravagé le paysage culturel. Plus encore, lors de la campagne promo, on entendait parler de partout des projections tests abyssales, et l’annonce du casting fut conspuée comme rarement. Et finalement, dès la sortie la série fut un immense carton, quasi unanimement acclamée. Un miracle ?

L’histoire de la première saison reprend les débuts du désormais légendaire chapeau de paille, Monkey D. Luffy (Iñaki Godoy), un jeune et fougueux garçon rêvant depuis toujours de devenir pirate, et qui va donc se lancer dans l’aventure. Il fera la rencontre de Roronoa Zoro (Mackenyu), un chasseur de prime solitaire aspirant à devenir le meilleur sabreur qui soit, Nami (Emily Rudd), un voleuse se battant pour la liberté, Usopp (Jacob Romero), un menteur infatigable qui aura enfin l’occasion de vivre de réelles aventures, ou encore Sanji (Taz Skylar), un grand cuisinier souhaitant perfectionner son art en découvrant all blue, lieu mystique abritant tous les aliments possibles sur Terre.

Adapter le manga n’est pas évident dans la mesure où ce dernier met du temps à décoller. S’il y a bien quelques bons passages vers le début, comme Crocodile, la cité des airs, l’assaut avec le réveil de Chopper, ou surtout l’affrontement avec Kuma, il faudra attendre l’archipel Sabaody pour que le manga devienne vraiment exceptionnel, ce qui devra logiquement attendre la saison 5 ou 6 du live action Netflix. Alors oui, en saison 1 il y a tout de même le recrutement des principaux membres, Baggy le clown et surtout Arlong, mais à l’échelle du manga, ce sont les passages les moins intéressants qui soient. C’est bien simple, il aura fallut attendre l’arc des hommes poissons pour trouver le premier arc moins bon que le précédent, c’est dire la montée en puissance !

Premier bon point pour la série : la narration. Pour rendre ce début un peu plus croustillant et dynamique, la narration est moins linéaire, reprenant plus encore que le manga le système de flash-back, même si on regrettera que la mise en scène ne prenne pas en compte le changement d’ambiance du manga qui passait en noir lors des scènes passées. Plus d’aller-retour pour un rythme moins statique. Second point qui a aussi été largement salué au final malgré les réticences premières, le casting. La plupart sont des masterclass : Iñaki Godoy est parfait en Luffy, ses membres d’équipage sont réussis, malgré les polémiques sur l’être humain non genré campant le personnage masculin de Koby, son personnage est l’un des plus fidèlement retranscrit avec son acolyte Hermep, Baggy et Zeff sont très bons, mais c’est surtout au niveau de Mihawk, Garp et Shanks que la masterclass est totale, se hissant à des niveaux de charisme prodigieux. Après je reste moyennement convaincu par Sanji, dont l’acteur a une bien trop grosse mâchoire. Mais plus globalement, tout l’équipage du chapeau de paille est largement trop vieux d’emblée. L’actrice de Nami a déjà 13 ans de trop (30 au lieu de 17), mais même en prenant en compte l’ellipse de deux ans qui surviendra sûrement vers les saisons 6 ou 7, lors de la saison 12 l’actrice sera censée avoir 20 ans ! En admettons que par miracle à partir de la saison 3 un saison sorte chaque année (c’est pratiquement déjà mort pour 2024 pour la saison 2 avec la grève), ce qui est peu probable de nos jours tant les délais de productions n’ont de cesse que de se rallonger, ça fera que dans le meilleur des cas, l’actrice aura 42 ans pour camper une fille de 20 ans, et probablement plus proche de 50. Et tout le reste de l’équipage aura très largement plus de 40, ce qui va très vite être très problématique. Si au moins ils avaient prit des acteurs ayant dans les 14-18 ans comme dans le manga, camper des jeunes de 19-20 ans à la trentaine serait bien moins un souci pour la suite. Mais comme toujours avec Netflix, ils n’y pensent jamais, partant même du principe que qu’importe les sommes investies, si ça ne marche pas assez ils n’auront aucun scrupule à tout arrêter en cours de route, que ce soit dès la première saison ou en saison 5 ou même 10.

Restons d’ailleurs sur la production : il avait été annoncé un investissement massif à hauteur d’un demi milliard, mais la réalité est à nuancer. Non, la première saison n’a pas coûté 500 millions, mais 160M$, le reste étant surtout l’achat de la licence. Rapporté aux épisodes, ça fait 20M$ par épisode, dont la durée avoisine les 55 minutes. Par rapport à des blockbuster de 2h coûtant 200M$, on est sur du très petit budget, du budget certes très correct pour une série, mais loin de pouvoir rivaliser avec les moyens d’un Pirates des Caraïbes pour rester dans le domaine de la piraterie. Et ça se sent : beaucoup de fonds verts, des décors en carton pâte, très peu de FX et le maximum en effets pratiques. Visuellement la série n’est donc pas à la hauteur, et ça se ressent surtout au niveau des hommes-poissons, loin de la carrure qu’ils sont censés avoir dans le manga. Arlong est certes massif pour un humain, mais il est loin d’inspirer autant la peur quand on a un acteur d’à peine plus de 1m80 et 80kg quand le bestiau devrait faire 2m50 et 250kg. Alors oui, quand on veut se reposer sur du maquillage, trouver un acteur de cette envergure n’est pas possible, mais le résultat déçoit forcément.

Autre souci : la réalisation. Si déjà le peu de moyens pour les FX ou les décors n’aide pas, la réalisation est d’une platitude absolue, copiant parfois les pages du manga pour de meilleures compositions, mais c’est globalement sans aucune envergure ou sentiment d’épique. Un même souci qu’on retrouve avec les combats, à échelle humaine. Certes, ce n’est que le début, il faudra attendre une décennie avant de peut-être voir le Gear 4 et du Khi royal avec Doflamingo, mais quand bien même, les combats sont trop mis en scène de façon classique et réaliste, alors même que cet univers va n’avoir de cesse que de repousser les limites de pouvoirs hors du commun faisant fi de toutes lois de gravité ou physique. Rien d’impressionnant pour ces débuts, et c’est même inquiétant pour la suite. Une série live action pourra t-elle faire face à des combats si épiques de titans aux fruits du démon ? Rien n’est moins sûr. Si pour l’instant cette première saison est très sympathique, introduisant avec succès nos personnages adorés avec un sens du dynamisme poussé, réorchestrant certaines des musiques cultes de l’anime pour le plus grand plaisir des fans, que ce soit l’âge des acteurs qui risque de poser problème à moyen terme, mais surtout le manque d’ambition visuelle et des moyens trop modestes, on aura du mal à se projeter sereinement vers l’avenir.

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