Le Dernier Vermeer


Le Dernier Vermeer
2021
Dan Friedkin

La période de la Seconde Guerre Mondiale, que ce soit son déroulé ou ses conséquences, est un sujet très très difficile à aborder, que ce soit à cause d’une radicalité toujours plus débile ou d’un parti prit encore plus abusif. L’histoire est écrite par les vainqueurs, et le manichéisme qui en découle est souvent insupportable, avec comme apogée des étrons filmiques comme le toxique Hannah Arendt qui posait la question de savoir si les nazis étaient des êtres humains… Pathétique. Mais pour une fois, on s’attaque à quelque chose de plus proche de la vérité, plus gris, cette réalité où chacun accepte sa part d’ombre sur l’autel de la survie.

Le film se déroule aux alentours de 1946, au lendemain de la guerre alors qu’une véritable chasse aux sorcières a lieu pour traquer tous ceux qui auraient collaboré, de gré ou de force, avec l’ennemi, donnant lieu à des exécutions sommaires dans les rues, fusillant à tour de bras. Membre de résistance danoise, Joseph Piller (Claes Bang) va être propulsé inspecteur au sein d’une brigade des alliés et sera chargé de retrouver les propriétaires de tableaux inestimables arrachés aux nazis. Il tombera sur un certain Han Van Meeger (Guy Pearce), un vil receleur qui se serait enrichi grâce aux nazis sur le dos de juifs dépossédés de leurs biens. Mais la vérité est tout autre.

Ce n’est un secret pour personne, sauf les américains ignares qui ont pondu cette daube abrutissante de Monuments Men, mais les nazis – enfin surtout les généraux – étaient de grands passionnés d’art, oubliant parfois un peu trop la guerre pour leurs intérêts personnel et des collections il est vrai pas très légitimes. L’histoire vraie du film est celle d’un artiste moqué, conspué, qui trouvera sa revanche en devenant le plus grand faussaire de l’histoire, un non suspens tant tout est limpide dès le début. Un axe excellent pour montrer qu’on peut se servir d’un ennemi naïf pour s’enrichir, mais surtout que les pourris sont partout et que les « sauveurs » n’étaient pas meilleurs que les monstres dépeints en face. La chasse aux sorcières, aux collabos avec les pelotons d’exécutions improvisé au milieu de la foule, ça n’est ni plus ni moins que le portait dressé de la traque des juifs, où comment l’histoire se répète dans une hypocrisie ahurissante. Le film a aussi l’intelligence de montrer tous les sacrifices fait au nom de la survie, et que même les actions les plus viles peuvent être commise pour de bonnes intentions. Non, les gens ne sont pas toujours blancs ou noirs, mais peuvent avoir une morale plus grise. Enfin un peu de bon sens, et c’est uniquement comme ça qu’on peut tirer des leçons du passé.

Pour ce qui est du film en lui-même, hormis ce traitement de la morale et de l’Histoire avec un grand H des plus pertinents, c’est là encore assez gris. Le casting est très bon, la réalisation classique mais esthétique, les décors et costumes semblent authentiques : une production d’envergure donc, et il est dommage que le film fut sacrifié en VOD ou en sortie chaotique en plein covid selon les pays, récoltant moins d’un million dans le monde. La narration est prévisible jusque dans les moindre rebondissements, ce qui est un peu dommage, mais on suit l’histoire sans déplaisir, bien que cela aurait pu apporter plus d’impact aux moments forts comme le procès. Le manque de rythme ternira un peu le tableau également, mais on tient une œuvre ambitieuse, divertissante, inspirante, et qui a le sacré mérite d’avoir du recul et de l’honnêteté intellectuel, chose peu courante.

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