Death Note
2003-2006 (manga) | 2006-2007 (anime)
Tsugumi Ōba & Takeshi Obata (manga) | Tetsurō Araki & Toshiki Inoue (anime)
Déjà écoulé à plus de vingt millions d’exemplaires dans le monde avant la sortie de cet anime, le manga Death Note (dont les treize tomes sont sortis entre 2003 et 2006, avec par la suite deux tomes supplémentaires, un préquel et une séquelle) compte parmi les plus populaires et appréciés de l’histoire, et c’est donc tout naturellement que l’audiovisuel a voulu s’emparer du succès. Le cinéma a damné le pion à cet anime à quelques mois près, la première partie étant sortie durant l’été, tandis que la seconde partie est elle arrivée un mois après l’inauguration de la série d’animation. Le succès fut au rendez-vous avec 75 M$ récoltés sur les deux films, avec à la clef des critiques très bonnes. Probablement moins lucrative, cette incursion animée est néanmoins la plus saluée, et c’est d’elle dont il sera question ici.
Très portée sur la religion, l’histoire plongera l’humanité au cœur du monde des Shinigamis (Dieux de la mort). L’un d’entre eux, Ryûk, fatigué de passer l’éternité avec les siens à tuer de temps à autre un humain pour garantir son immortalité (s’ajoutant la moitié de la différence entre l’âge de sa victime et son espérance de vie), va faire exprès de laisser tomber sur Terre l’un de ses deux cahier de la mort, le Death Note. Simple cahier d’apparence, il s’agit pourtant de son arme de mort, permettant à son possesseur de tuer n’importe qui à condition d’en écrire le nom dans le journal tout en visualisant son visage. Ce jour là, ce fut un jeune lycéen, Light Yagami, qui trouva le livre. D’abord dubitatif quant à son pouvoir, expliqué sur la notice « How to use it » (écrite en anglais pour une compréhension plus universel, c’est dire jusqu’où est poussé la réflexion), il dû se résoudre à l’évidence après avoir essayé son influence sur un criminel montré à la télé et constaté son arrêt cardiaque, mort par défaut. Épaulé par Ryûk, le Shinigami attaché au Death Note, il va devenir Kira, justicier de l’ombre qui châtie les criminels de sa plume. Un pouvoir colossal qu’il compte bien mettre à profit pour bâtir un nouveau monde exempt de toute criminalité, obligeant les autres à se tapir dans la peur de son courroux, faisant de lui le nouveau Dieu. Enquêteur le plus brillant de la planète, le mystérieux L va tout faire pour arrêter les agissements de Kira, convaincu que la justice et la morale de ce dernier ne feraient que condamner le monde aux ténèbres.
À peine après que Light ait commencé à se servir du livre, l’énigmatique L débutera sa traque, bluffant d’emblée de par sa perspicacité et son intelligence. Un pouvoir surnaturel, des morts naturelles : on pensait qu’aucune enquête ne serait possible, et pourtant, les points communs entre les morts, les circonstances et le moment des décès vont immédiatement orienter l’investigation de L vers un japonais de la région de Kanto, probablement lycéen même. Un choc qui retenti dès le second épisode, et la suite n’en démordra pas. Un affrontement entre deux êtres à l’intelligence hors du commun, nous épatant tour à tour de par la force de leurs interprétations et leurs capacités à comprendre l’autre. Un jeu du chat et de la souris palpitant, ne laissant guère de répit et enchaînant les tournants majeurs à chaque épisode. Chacun des 37 épisodes apportera une révélation d’envergure, susceptible de tout faire basculer en un instant. Une tension ahurissante où rien n’est laissé au hasard, mais tout n’est pas parfait pour autant.
Personnage principal de l’histoire, Light s’avère à de nombreuses reprises décevant, surtout dans sa façon de traiter autrui. Son principe de base aurait pu être bon, mais son arrogance et son dédain vont peu à peu le rendre détestable. Pour lui tout le monde est sacrifiable, et quand on voit comment finissent ses proches, surtout de gente féminine, on se dit quand même qu’on a là un connard d’un niveau sans précédant. Cela contribue aussi à le rendre intéressant, mais il va bien souvent trop loin, manipulant sans le moindre tact et sans émotion, et c’est en parti à cause de ça que la fin déçoit quelque peu. Après l’apothéose de la première moitié avec Higuchi et la terrible séquence de l’hélicoptère, permettant de pardonner la fatigante triple incarcération qui se complique beaucoup trop la vie en terme de manipulation, même si cela implique le double gâchis Rem / L, on poursuit ensuite la traque avec Near et Mello. Une suite qui avait un potentiel énorme tant les personnages sont bons et que l’ellipse temporelle intéressante, sans compter que les réflexions sont poussées encore bien plus loin question manigances, mais la gestion est un peu bancale. Near est beaucoup trop fort, Light multiplie outrancièrement les erreurs et fait des calculs vertigineux pour un résultat minable, et Mello semble jeté avec l’eau du bain en ayant révélé qu’une infime partie de son potentiel. Et il n’est pas le seul à souffrir d’une sous-exploitation : la fofolle Misa Amane, second Kira, est tellement malmenée et maltraitée que c’en devient pénible. Mais d’un autre côté, il est évident que ces choix sont utiles du point de vue de la morale finale, et après être arrivé aussi loin on ne pouvait s’attendre à une fin différente.
Pas le temps de s’arrêter pour admirer le paysage ou faire le point, les choses s’enchaînent à une vitesse phénoménale, ce qui implique quelques laissés pour compte et autres choix difficiles. C’est un parti prit percutant et terriblement efficace, mais qui n’est donc pas exempt de défauts et potentiellement frustrant. L’univers des Shinigamis, le pouvoir de leurs Death Note, l’arc des possibilités entre des mains humaines, voilà le genre de questions qui possèdent autant d’interprétations qu’il existe de personnes sur cette Terre. Que ferai-je avec pareil instrument entre mes mains ? La réponse nous appartient, et l’anime ne propose qu’une seule sorte de réponse possible, allant au bout de sa réflexion sans compromis. Alors bien sûr, même si tout ce qui entoure les règles d’utilisation du livre est dévoilé avec un soucis du détail incroyable, nombre de questions restent en suspend et on pourrait décliner le concept à l’infini. Mais voilà, on se concentre sur un arc bien précis, et le résultat est hallucinant. Un univers totalement inédit, un fond qui remet en cause la philosophie de vie et les principes de la société, des personnages emblématiques et une enquête d’un rare niveau de complexité, sans compter l’ambiance particulièrement soignée grâce à la qualité de l’animation et aux musiques terrifiantes. Un travail remarquable donc, rendant malgré tout justice à son concept si fort.
Super bonne critique, bien écrit et tout tout 😮
Je n’aurais su mieux faire 😮
Y’a une fin alternative ^^
Certes, il existe une fin alternative, mais elle ne tient pas la route, et c’est pour ça que je ne l’ai pas mentionné. Tout ce qui suit la mort de L accule Light qui malgré ses stratagèmes semble avoir plusieurs coups de retard, et son échec était prévisible. D’ailleurs, on sent bien que la fin alternative n’a pas été l’objet du même soin que l’original, car on peut clairement voir une réutilisation de certains plans des précédents épisodes, et le tout sonne particulièrement faux.
Il n’y a qu’une seule vraie fin : celle du manga.
Celle qui montre que Kira a donné naissance à un culte ; ce que je trouve très lourd de sens, et somme toute assez logique.
Par contre, tu sors ça d’où tes « deux tomes supplémentaires, un préquel et une séquelle » ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Death_Note la rubrique One Shot
Enfin je crois, ça remonte à presque un an, et j’avais fait masse de recherches à l’époque
Ah, oui, tiens… J’en avais jamais entendu parler !
Étrange.