Alita : Battle Angel

Alita : Battle Angel
2019
Robert Rodriguez

Arlésienne que James Cameron a traîné pendant près de trente ans, le film a attendu que la technologie permette de donner vie à une créature numérique comme si c’était un humain à part entière. Il est vrai que jusqu’à présent, il s’agissait soit de vrais robots (aux interactions donc limitées), soit d’images de synthèse, et avec le photo-réalisme les prouesses en la matière n’ont cessé de croître. En réalité le film aurait pu largement se faire il y a dix ans vu les gestions des doublures numériques dans les films de super-héros qui font bien illusion, mais il fallait bien trouver une excuse. Le créateur d’Avatar, trop occupé avec des suites qui se font attendre depuis une décennie, a cette fois laissé le fauteuil de maître à son ami Robert Rodriguez, habitué de films cons, soit dans le sens pour enfants, soit dans le sens improbable et trash, seul Sin City avait su se démarquer, comme un accident de parcours. Pas forcément très rassurant, d’autant que je ne connais pas du tout le manga dont est tiré le film : Gunnm.

L’histoire se déroule dans un futur post-apocalyptique où, suite à guerre contre une race extraterrestre, l’immense empire terrien s’est effondré. Jadis peuplé d’immenses cités volantes, il n’en reste désormais plus qu’une sur Terre, regroupant toute l’élite du monde, laissant le reste de la population moisir dans les ruines de l’ancien monde, au pied de la cité volante. Réparateur en robotique spécialisé dans la greffe de transhumanisme, le docteur Dyson (Christoph Waltz) va un jour tombé sur un spécimen très particulier en fouillant la décharge à ciel ouvert d’où tombe les détritus de ceux d’en haut : le tronc cérébral encore fonctionnel d’un model de droïde datant de l’apogée de l’humanité, il y a trois cent ans avant la guerre. Il lui donnera alors le corps robotique et le nom de sa fille décédée, Alita (Rosa Salazar).

Le transhumanisme et la séparation des classes sont deux grands classiques de la science-fiction, la question était donc de savoir comment le film allait le traiter. Pour traiter de la nature de la vie elle-même, on devra se contenter d’une amourette d’ados avec un bad boy lambda (Keean Johnson) et d’un docteur qui joue au papa, loin d’Un homme bicentenaire ou d’Eva. Quid de la lutte des classes ? Difficile à dire, il s’agit d’un premier volet qui ne fait qu’effleurer la surface, ne montrant ni la ville de dessus ni ses habitants, en dehors de Nova (Edward Norton). On devra se contenter de sous-fifres (Jennifer Connelly, Mahershala Ali, Ed Skrein, Jackie Earle Haley) exécutant les ordres, mettant juste l’accent sur la soumission des pauvres et la futilité des rêves d’ascension. Et si la réalisation est excellente, la photo très belle et les effets spéciaux excellents (sauf le gros robot et quelque autres larbins qui manquent d’inspiration), la simplicité du scénario passe mal. Le film mise trop sur le grand spectacle avec notamment le sport à la Rollerball, et pas assez sur la richesse de son univers, car clairement il l’est. Dès qu’on sort de la ville, entre les ruines et les épaves d’une technologie oubliée, et puis surtout cette grande guerre et le fameux ennemi d’une autre planète, on sent qu’il y aurait tellement à creuser. Et c’est là que le bat blesse : on passe à côté d’une telle richesse pour une histoire si anecdotique. Le film est un excellent divertissement et le personnage d’Alita est effectivement troublant et attachant, mais à l’image de leur version d’Iron City pleine de couleurs et de vie, tout est beaucoup trop lissé. Avec seulement 404 M$ au box-office (à peine 300 en prenant en compte que le studio ne perçoit qu’un quart des revenus chinois se hissant à 133 M$) et un coût de base de 170 M$ (soit à minima 250 M$ avec les frais marketing), il est pratiquement certain que Disney, désormais propriétaire de la Fox et donc du film et de ses droits, ne permettra pas aux deux suites de voir le jour, à moins que la suite d’Avatar ne fracasse tout en décembre 2021 (sauf si énième report) et que James Cameron en profite pour faire pression, permettant possiblement une mise en chantier en 2022 pour une sortie en 2024. Beaucoup d’incertitudes, et probablement qu’il vaudrait mieux se tourner vers le manga, en espérant tout de même un miracle tant le potentiel est énorme.

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