Kingsglaive : Final Fantasy XV
2016
Takeshi Nozue
Projet pharaonique étalé sur plus de dix ans et étant probablement le plus gros budget de toute l’histoire des jeux-vidéo, Final Fantasy XV s’était vu proposer en guise d’amuse-bouche un long-métrage servant d’introduction à l’univers et au jeu. Précurseur en terme d’animation et surtout de modélisation, Square Enix a toujours été à la pointe de la technologie, une référence en la matière même. Si Advent Children versait dans le fan-service peu reluisant, Les Créatures de l’esprit était déjà largement plus ambitieux. Voir un long-métrage débarquer avant même le jeu était donc particulièrement gageure, l’intérêt n’étant plus de créer un film pour faire plaisir aux fans du jeu, mais bien de créer une œuvre indépendante servant d’introduction au jeu. Etant prêt à me lancer dans l’aventure, c’était donc aussi l’occasion de voir si l’univers aurait le potentiel pour me scotcher des dizaines d’heures durant.
Comme à son habitude, le studio nous plonge dans une dystopie rétro-moderne cyberpunk post-apocalyptique, soit une sorte de monde féodal qui grâce à la magie aurait vite eu accès à des technologies de pointes actuelles. Le film nous place donc au centre d’une guerre opposant le roi Régis du royaume de Lucis à l’empire de Niflheim. Ces derniers ont conquis toutes les terres d’Eos les unes après les autres, seule reste la capitale Insomnia dans laquelle se terrent les résistants et le peuple libre de Lucis, ville protégée par la puissance magique du cristal. Alors que la situation semblait désespérée, le roi de Niflheim va proposer un traité de paix en échange d’une reddition totale de la part de Lucis, de même qu’un mariage arrangé entre Lunafreya Nox Fleuret, princesse de Tenebrae (seul véritable claque créative en terme de décors, espérant pouvoir pleinement visiter la ville dans le jeu) retenue captive par Niflheim depuis douze ans, et Noctis Caelum, fils du roi Régis.
La première demi-heure du film est assez difficile à digérer tant l’univers est vaste, les personnages nombreux et les informations omniprésentes, d’autant que la plupart des personnages sont propres au film, sans doute des légendes d’antan dont on nous contera les aventures au cours du jeu. D’un autre côté, cela permet au film d’être plus qu’une simple amorce, c’est tout simplement une autre histoire se déroulant dans le même univers et posant les enjeux majeurs du futur jeu. L’histoire centrée autour du personnage de Nyx Ulric, Kingsglaive de Lucis (protecteur du royaume), est très intéressante, assez proche d’un Mission Impossible ou autre film d’espionnage orienté action-bourrin. Certes plagiat de la technique de Minato dans Naruto, l’attaque téléportée est très classe et permet un dynamisme total. Le personnage a un charisme ahurissant, nous faisant déjà regretter que le jeu suivant ne soit pas centré sur lui, et ce qui aide à lui procurer un tel charisme est le travail sans commune mesure de la modélisation. C’est bien simple, le film est à des décennies d’avance sur n’importe quel autre film fait jusqu’alors : aucun personnage numérique n’aura eu l’air aussi vivant. Tous n’ont pas eu droit à un tel soin, la texture des cheveux est parfois étrange et tout n’est pas parfait, notamment à cause des créatures qui cassent un peu le réalisme, mais entre un grain de peau effrayant de réalisme, des décors parfait et un regard troublant, on se surprendra à de nombreuses reprises à se dire que la frontière entre réel et virtuel est complètement indétectable. Si le même niveau de finition a été apporté au jeu, il y a de quoi en rester béat, d’autant que même le doublage français est excellent, se hissant au niveau des meilleurs.
Seule ombre au bilan, la bataille finale, tombant dans le stéréotype moderne des blockbusters proposant de la grosse baston pour tout conclure, et c’est de loin la partie la moins intéressante, d’autant qu’on ne comprend pas d’où l’éternelle armure vivante géante tire son pouvoir. Restait alors une dernière question : le film se suffit-il à lui-même ? Pas vraiment, car si on a effectivement eu droit à une histoire assez complète, elle ouvre plus de portes qu’elle n’en referme, laissant la plupart des enjeux principaux « en pause », faisant du jeu une suite indispensable. Pourtant, le film met en avant une pléthore de personnages captivants, tout en limitant le futur héros à une apparition en fauteuil roulant à huit ans, puis dans la scène post-générique avec son boys band (créant donc pas mal d’attente sur ce qui lui est arrivé et ce qu’il faisait pendant tout le film). On tient donc là une démo technique ahurissante, contant une histoire de jeu de pouvoir plein de rebondissements dignes de Game of Thrones, mais mieux vaut tout de même envisager sérieusement de poursuivre l’aventure manette en main, sans quoi on restera sur sa faim.