L’Odyssée de Pi

L'Odyssée de Pi
2012
Ang Lee

Tiré du livre de Yann Martel, le film a fait fort lors de sa promo. Une bande-annonce épique sur fond de Coldplay, qui promettait une aventure poétique entre un jeune indien et un tigre, perdus au milieu de l’océan sur une petite barque. Et entre une image exceptionnelle et la quasi promesse de rafler bon nombre d’oscar, le film affichait clairement ses ambitions, laissant entrevoir un chef-d’œuvre inoubliable. Et quelle erreur ! Idéaliser un film avant de le voir, c’est se condamner à la déception, et celle-ci sera grande…

Comme pour Big Fish – avec lequel ce film partage nombre de défauts – et bien d’autres films, l’histoire nous est comptée par Pi, bien des années après les évènements. Enfant heureux, il a grandit dans l’ancienne partie française de l’Inde, à Pondichéry, bercé par la douceur de son foyer, la découverte des religions, et la beauté des animaux de leur zoo. Mais lorsque la ville leur retira les subventions du zoo, ils se résolurent à vendre les bêtes à l’étranger et refaire leur vie au canada. La famille embarqua alors dans un cargo avec les animaux. Mais le soir venu, une tempête fit rage, et les vagues submergèrent le bateau, y déversant des quantités importantes d’eau, et entraînant sa mise en abysse. Ce soir là, Pi (Suraj Sharma), alors âgé de 17 ans, sera le seul survivant humain à bord du canaux de sauvetage, mais pas le seul être vivant : Richard Parker, leur tigre, est lui aussi à bord de la barque, avec un zèbre, un singe et une hyène. Victorieux de l’entre dévorage, Pi devra cohabiter et survivre avec Richard.

La narration du film est classique et encombrante, mais pas rédhibitoire. On a même tendance à l’oublier avec l’excellente intro racontant les origines de Pi, à la fois naïf et surréaliste, avec une enfance magnifique, malgré l’aparté religieux encombrant. On regrettera par contre la sous-exploitation du zoo, et l’amourette à peine évoquée, d’autant plus dommageable que le potentiel romantique y était. Arrive ensuite inévitablement l’embarquement, l’occasion de voir Gérard Depardieu dans un rôle pourri, un cuisinier désagréable qui meurt dans la tempête. La grande partie du film sera donc cette aventure de survie, pas aussi jouissive que promis. La poésie y est, la force de la nature, la tension homme / animal, mais il y manque cette proximité, l’ingéniosité. Il n’y aura jamais vraiment de rapprochement entre Pi et le tigre, par soucis de réalisme, et le début du voyage est un peu trop facile (rations et cannettes), et la pêche aurait dû être plus importante. La religion y perd toute raison d’être, et les coupures du futur gênent beaucoup.

Reste quelques scènes marquantes, et une île impressionnante, mais le réel intérêt du film est son image. L’image est très belle, la réalisation soignée, et les effets spéciaux particulièrement léchés. Difficile à croire, et pourtant, presque tout est issu d’effets spéciaux, même une grande partie des scènes avec le tigre, pourtant d’une modélisation et d’une animation irréprochables. Les jeux de lumières sont à se damner tellement c’est beau, et on a du mal à croire ce qu’on voit tant le degré artistique de la nature semble infini. La baleine, les poissons volants, le crépuscule, l’île onirique, et surtout ses poissons colorés qui illuminent l’eau, la rétine est flattée au plus haut point. Une récompense aux oscars serait même in-envisageable. En revanche, il faut bien avouer que l’histoire pêche côté histoire, et que le rythme n’est pas suffisant pour maintenir le rêve. Mais jusque là, sauf un gros problème de narration, le chef-d’œuvre n’est pas loin, du moins jusqu’à la catastrophe suprême : le dénouement. Tout comme pour Big Fish, la fin casse la magie, mettant carrément le doute sur la qualité de ce qu’on vient de voir, et toute forme d’espoir se voit être annihilée, laissant comme toute dernière impression une déception monstre, et un retour à la réalité chiant. Ceux qui espéraient une fin heureuse vont déprimer, et les autres pesteront quand même face à tant de mauvais goût et l’abandon de cette poésie qui faisait la force du film. Reste alors une magnifique aventure, emplie de poésie et renforcée par une image époustouflante, mais difficile d’échapper à la déception face à une fin aussi médiocre.

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