Petit Paysan
2017
Hubert Charuel
Premier long-métrage d’un réalisateur élevé dans une famille paysanne (le film a d’ailleurs été tourné dans la ferme de ses parents), faire un film sur l’univers dans lequel il a grandi lui tenait à cœur et grâce à une belle exposition à Cannes, il a pu jouir d’une sortie en salles assez importante. Le bouche-à-oreille a ensuite fait le reste, le film ayant réussi à atteindre le demi-million d’entrées et il est probable qu’il récolte quelques nominations aux Césars, et une consécration n’y serait pas surprenante dans le contexte actuel où la souffrance du milieu agricole est de plus en plus pesante.
Le film se centre autour du personnage de Pierre Chavanges (Swann Arlaud), paysan de 35 ans qui a reprit la ferme de ses parents. Tous les jours il travaille dur pour maintenir l’exploitation laitière à flot dans un contexte de plus en plus difficile, mais un beau jour tout va basculer. D’abord rassuré par sa sœur vétérinaire (Sara Giraudeau) qui n’avait pas constaté de saignements chez sa vache malade, le jour où des tâches vont apparaître Pierre va être convaincu que la maladie de la fièvre sanglante s’est abattue sur elle. Epidémie faisant des ravages en Belgique, Pierre suis les mésaventures d’un autre paysan (Bouli Lanners) via Youtube qui raconte comment les spécialistes ont abattu toutes ses bêtes sans faire la moindre vérification, attendant au bord du gouffre ses indemnités depuis de très longs mois. Conscient qu’avouer l’arrivée de l’épidémie dans sa ferme signifierait la mort de ses bêtes et la probable cessation définitive de ses activités, il va décider de dissimuler les preuves et faire comme si de rien n’était.
Face à ce genre de films, deux peurs nous assaillent par anticipation : la crainte d’un récit trop manichéen faisant la part belle aux paysans, et celle toute bête de se faire chier face à du cinéma d’auteur bien mou. Eh bien non, emmené par un casting excellent le film nous met constamment sous tension, nous faisant nous poser des questions sur la présence réelle ou non de l’épidémie parmi les vaches, de la légitimité de chercheurs décrétant l’abattage généralisé à tour de bras, et puis surtout de comment tout ça va se terminer. Un suspense efficace où le danger peut venir de n’importe où, nous tenant en haleine jusqu’au bout, même si la conclusion – certes intéressante – reste un peu décevante. Clairement il ne faut pas avoir une âme trop sensible pour faire ce genre de métier, ne jamais s’attacher aux bêtes et limite perdre son humanité. À ce niveau, une fin plus radicale aurait été plus impactante, que ce soit par la fuite ou le rejet. Un beau film très bien fait qui ne laissera de toute façon pas indifférent de par la justesse de son propos.