Spider-Man: No Way Home
2021
Jon Watts
Le temps a un peu décanté, et alors que demain sort la tant attendue suite de Doctor Strange qui se veut comme un événement dantesque au sein du MCU, retour sur le précédent film de cet univers qui continue de marquer l’histoire du cinéma. Assurément la séance de cinéma la plus mémorable de ma vie de part les réactions euphoriques du public, le film a été un tournant majeur dans le retour en salle post-covid puisque non seulement il fut le premier a atteindre le milliard de dollars dans le monde depuis un an et demi, mais il a signé le second meilleur démarrage de l’histoire aux Etats-Unis et tutoie les deux milliards en fin de course sans même être sorti en Chine, ce qui de facto le place dans le reste du monde comme le troisième plus gros succès de l’histoire hors inflation (mais de fait de cette censure majeure ses 1,9 milliards le placent sixième). Reste que pour Sony, et ce même en tenant compte de l’inflation, le film est très largement leur plus grand succès historique. Mais pourquoi un tel engouement ?
Considérant que le film est sorti depuis près de six mois et que les réseaux sociaux ont largement dissipés les surprises depuis, la suite de cette critique va comporter nombre de spoilers, donc soyez prévenus. Avant même de parler du film, parlons de son marketing, un tour de force sans commune mesure. Alors que le personnage est une figure de proue du MCU, les deux premiers opus ont quelque peu déçu, ne comptant pas parmi les meilleurs de la saga et faisant même pâle figure comparé à la trilogie des années 2000 et au diptyque reboot des années 2010. Pour faire l’événement, le film a mit en avant dans ses bande-annonce des méchants des cinq films Spider-Man non rattachés au MCU puisque antérieur à sa création, pouvant piocher dedans grâce à la pirouette du multivers introduit avec la série Loki. Seulement voilà, jusqu’au jour de la sortie du film, aucune trace des héros des deux autres dans la campagne marketing, assurant même être désolés de ne pas être dans le film. Mais les fans voulaient y croire, les voir réunis serait trop beau et le film d’animation New Generation a prouvé qu’un Spiderverse fonctionne. Les rumeurs enflaient de cette frustration de l’incertitude, voir de la promesse de la déception qu’ils ne seraient pas là. Et voilà comment le studio a créé une attente si démesurée que quelle que soit la qualité du film au final, si les fans avaient bien ce qu’ils cherchaient, ils applaudiraient à s’en faire saigner des mains. Et c’est justement ce qu’il s’est passé, mais que vaut réellement le film au final une fois passé l’excitation du moment ?
Suite à l’affrontement contre Mysterio, les choses ont quelque peu mal tourné pour Peter Parker (Tom Holland), dont l’identité a été révélée au grand jour et exposée par Jonah Jameson (J.K. Simmons). Coupable, non coupable ? Le problème est que la question se pose pour certains, et pour éviter d’être liés à un individu suspecté de meurtre ou à son entourage comme MJ (Zendaya), les différentes universités vont leur barrer la route, mettant un point d’arrêt à leur avenir professionnel. Et si tout le monde pouvait oublier cette histoire ? Dans l’espoir de sauver son avenir et surtout celui de ses proches, Peter va contacter Stephen Strange (Benedict Cumberbatch). Mais en voulant remodeler un sort d’amnésie en cours d’invocation, ce dernier va avoir des effets indésirables en ramenant sur Terre pas moins de cinq ennemis du tisseur de toiles d’univers parallèles : le bouffon vert / Norman Osborn (Willem Dafoe), docteur Octavius (Alfred Molina), l’homme sable / Flint Marko (Thomas Haden Church), le lézard / Curt Connors (Rhys Ifans) et électro / Max Dillon (Jamie Foxx).
La promesse était folle, la plupart des espoirs ont été comblés, mais ça aurait pu être tellement mieux. Alors oui, Matthew Murdock (Charlie Cox) est présent, mais moins de deux minutes. Donc pas de grand procès passionnant, ce point est vite évacué sous le tapis. Oui Andrew Garfield et Tobey Maguire sont de retour, ça fait un bien fou et ça n’est pas juste un caméo, ils sont là pendant un gros tiers du film (45 minutes environs), mais on en apprend si peu sur ce qu’ils sont devenus, l’histoire se concentrant sur la version de Tom Holland, qui il faut bien l’avouer, est tellement moins charismatique et intéressant. L’histoire entre tante May (Marisa Tomei) et Happy (Jon Favreau) est si peu impactante, vouloir sauver les méchants est raccord avec l’esprit du héros et promet de belles choses dans les deux autres univers, mais on les trimballe comme des jouets sans envergure ni enjeux. Il y avait tellement mieux à faire, et au final le scénario déçoit, faisant plus dans le fan service gratuit qu’autre chose, sans compter les incohérences de tailles entre les identités secrètes de chacun connues des univers alternatifs sans logique, ou pire encore, le caméo de Eddie Brock (Tom Hardy) qui laisse un bout de Venom, non sens absolu. Certains se réjouissent du retour quasi case départ de Peter, devenant enfin un héros solitaire et sans le sou en fin de film, comme dans le comics, mais pourquoi ? On a déjà eu deux univers sur ce même héros fauché et galérien, le voir en fils adoptif de Stark bras droit des Avengers était justement quelque chose de nouveau qui participait à donner une identité propre à cette troisième saga sur l’homme araignée. Comme bien trop souvent avec Marvel donc, on a un film sympathique, divertissant, mais aux enjeux propres moindres, ne faisant que teaser du toujours plus fou dans la suite. Passé l’exultation du fan service, la pauvreté de la mise en scène et du traitement scénaristique empêchent le film de briller autant que ce qu’il aurait pu avec un telle réunion événementielle.