Mirage
2022
Oriol Paulo
Le fruit ne tombe visiblement jamais loin de l’arbre, et il semblerait que Oriol Paulo soit décidément un talent à suivre tant il enchaîne les grands films. Il avait tout d’abord plié le game des thrillers avec The Body et L’accusé, qui chacun à sa manière a repoussé les limites de la narration, le premier en jouant sur notre compréhension des événements, le second en jouant sur ce que les protagonistes veulent bien nous dire, et donc nous cacher. Cette fois, il nous revient avec une histoire mêlée de fantastique.
Tout commence un soir d’orage, alors que Vera (Adrianna Ugarte) vient tout juste d’emménager dans sa nouvelle maison avec son mari (Alvaro Morte) et leur fille. Un soirée au cours de laquelle leur ami et voisin leur conta l’histoire de son ami d’enfance qui habitait cette même maison, mort renversé par une voiture 25 ans jour pour jour, après avoir été pourchassé par un voisin ayant tué sa femme et dont le meurtre avait été découvert par l’enfant. Cette nuit là, la vieille télé de l’époque laissée dans un placard va mystérieusement s’allumer, créant une communication via l’ancienne caméra encore branchée dessus, permettant à la Vera du présent de communiquer avec le Nico du passé, censé mourir sous peu. Une chance inespérée pour le sauver, sans se douter que la vie allait se retrouver complètement bouleversée.
Le film mélange habilement deux genres : celui des paradoxes temporels, donc la SF, et celui du thriller d’enquête, la spécialité du réalisateur. Et ce n’est pas de l’effet papillon gratuit et arbitraire qui bouleversera la vie de l’héroïne à son réveil, tout est pleinement pensé jusque dans le moindre détail, et tout est d’une logique implacable. Et avec un minimum de réflexion, elle aurait dû s’en douter : qui dit ami dont le meilleur ami d’enfance ne meurt pas dit forcément des choix de vie différents, voir des fréquentations différentes, sachant que c’est justement ce dernier qui lui avait présenté son futur mari dix ans plus tard. On pourra regretter le manque de lucidité du personnage principal donc, qui se bornera à mettre en avant une réalité qui était la sienne, mais que personne d’autre n’a connu ou n’en a conscience. En dehors de ce seul bémol, on suit avec fascination les changements de réalité, toutes les aspérités du point de divergence, en tâchant de chercher des indices sur des éléments cachés ou des réminiscences, d’autant que le scénario est un petit bijou de logique et d’ingéniosité sur comment déjouer les clichés du genre par une logique implacable. Plus les éléments se recoupent, plus l’histoire avance et plus notre esprit entre dans une ébullition jouissive, largement récompensée par une fin maîtrisée et gratifiante. Une mise en scène redoutable qui n’a d’égal que le talent de scénariste d’un artiste décidément prodigieux.