Star Wars – Le Réveil de la Force
2015
J.J. Abrams
Le 30 octobre 2012, Disney frappait encore un grand, puisqu’après avoir mit la main sur les Marvel, la firme s’est aussi emparée de Lucasfilm, la société détentrice des droits de Star Wars et Indiana Jones. La somme dégagée à l’époque, plus de quatre milliards, semblait disproportionnée puisque le total mondial des deux sagas cumulées n’atteignait que 7,5 milliards, d’autant plus faible compte tenu des budgets réels et publicitaires des films, mais il ne faut pas oublier qu’il existe plus d’une façon de dégager des profits, notamment au travers des produits dérivés. Face aux enjeux économiques colossaux, on se doutait que Disney n’allait pas traîner, et si la cinquième aventure de l’archéologue se fait attendre (on parle de 2019), l’univers de Star Wars repart de plus belle avec une toute nouvelle trilogie et trois spin-off pour un total provisoire d’un film par an jusqu’en 2020. Des motivations financières évidentes, mais à l’annonce de la présence du grand J.J. Abrams à la barre, l’homme qui a dépoussiéré et magnifié les Star Trek, l’espoir a gagné le cœur des fans, jusqu’à la diffusion d’une première bande-annonce qui a fait basculer le monde dans une hystérie ambiante, se traduisant par le plus gros démarrage de l’histoire au box-office (529 M$ en cinq jours, avec une grosse majorité des territoires ne l’ayant reçu qu’au troisième jour), et les jours sont comptés avant que le record absolu d’Avatar ne tombe et soit pulvérisé. Reste maintenant à déterminer les facteurs d’explosion du phénomène, qu’ils soient qualitatifs ou nostalgiques.
Ayant réussi à bâtir toute la campagne marketing sans rien révéler de l’intrigue, parler de l’histoire est donc un énorme spoiler, donc pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, notamment ceux qui comme moi voulaient tenter l’expérience en DBox et se sont aperçu qu’un délai de dix jours allait avec, passez votre chemin.
Se déroulant une trentaine d’années après la victoire des Rebelles sur l’Empire, l’histoire démarre pourtant dans un contexte très similaire puisque « Le Nouvel Ordre » tente à son tour d’imposer sa tyrannie aux galaxies. Dirigé dans l’ombre par un certain Snoke, cet ordre est mené par Kylo Ren (Adam Driver), seigneur Sith qui n’est autre que le fils d’Han Solo (Harrison Ford) et Leia (Carrie Fisher), autrefois apprenti Jedi de Luke Skywalker (Mark Hamill), qui à l’image de son grand-père Vador s’est laissé envahir par le côté obscur. Seule la Force pourrait venir en aide à la résistance, mais meurtri par son échec, le dernier Jedi, Luke, se terre dans les confins de l’espace depuis des décennies. Caché dans le droïde d’un pilote de la résistance, Poe (Oscar Isaac), un plan pourrait les conduire à lui, à moins que Le Nouvel Ordre ne s’en empare avant qu’ils ne puissent reconstituer les pièces manquantes. Finn (John Boyega), un stormtrooper déserteur, et Rey (Daisy Ridley), une pilleuse d’épaves, vont malgré eux se retrouver impliqués dans ce conflit.
Il y a trois écoles de Star Wars : ceux qui ont découvert la première trilogie à l’époque et qui ont subit de plein fouet la claque d’innovation que les films représentaient à l’époque, et qui du coup les déifient, et ceux qui les ont découvert plus tard, n’y voyant qu’un space opéra un peu bancal et complètement kitsch, largement plus convaincant dans la prélogie, qui fut en revanche décriée par les premiers, et il y a aussi ceux qui n’ont jamais tenté l’aventure. Pour ramener les trois dans les salles, un compromit a été trouvé entre le modernisme de la prélogie et l’ambiance des originaux, tout en mettant l’action sur un visuel spectaculaire. Le grandiose de J.J. Abrams porte ses fruits, mais il est dommage de constater que son style si impactant soit lissé par le poids de la franchise, l’obligeant à garder des transitions et codes cinématographiques désuets, qui feront à n’en point douter énormément plaisir aux fans hardcore, mais le résultat est là : le second Star Trek était visuellement plus réussi. On perd ici la surenchère d’effets de lumière, et le dynamisme de la caméra se perd au profit de nombreux panoramas, parfois spectaculaires, à l’image de l’épave dans le désert, mais souvent plus encombrants qu’esthétiques. Côté visuel, si globalement la réalisation est excellente et certains plans sont magnifiques, on regrettera le manque d’originalité des décors, les créatures numériques pas très inspirées et mal modélisées, et surtout les créatures en chair et en os, toutes plus ratées les unes que les autres, alors même que la récente trilogie regorgeait de trouvailles au niveau du bestiaire.
Parlons maintenant du casting et de l’histoire. Difficile d’être passé à côté tant tout le monde semble d’accord pour le dire : l’histoire ressemble énormément à celle de l’épisode IV, mais en quelque sorte inversée. À l’image de Han et Luke, Finn et Rey sont embarqués dans une aventure qui les dépasse, à la différence qu’ici ce n’est pas un choix, ils le subissent et font tout pour s’en éloigner. De même, l’histoire est peu ou prou la même : un empire, Le Nouvel Ordre, combattu par une résistance dont font parti les héros, impose son idéologie au monde, avec à sa tête un Sith anciennement Jedi qui a basculé du côté Obscur, mais qui n’est en réalité qu’un pion. Pareillement, l’objectif et le climax du film consistent en la destruction d’une étoile noire, encore plus grosse et plus dangereuse ici. Donc oui, et c’est là probablement le point le plus décevant du film, le scénario sent un peu le réchauffé et n’innove que très peu. Même la mascotte est encore un droïde, bien que plus sophistiqué et sympathique. En revanche, en dehors de la pâle copie de Dark Vador, peut-être expressément minimisé pour mieux le faire progresser par la suite, de même que son vassal nazi interprété par Domhnall Gleeson et les diverses créatures vivantes non-humaine, incluant le saoulant Chewbacca, les personnages jouissent d’une très belle écriture. On a grand bonheur de retrouver notre chasseur de prime d’enfance, mais plus encore, les trois nouveaux personnages clés, Rey, Finn et Poe, offrent la légitimité et la bouffée d’air frais dont avait tant besoin cette nouvelle saga. Si le pilote de la résistance attend encore son heure de gloire, la pilleuse au mystérieux passé est une révélation majeure, et son coéquipier ex-stormtrooper n’a pas grand chose à lui envier, car de base l’idée qu’un de ses soldats formaté se réveille et change de camp est formidable. Un casting jeune et osé qui impressionne.
Il y a 38 ans, le monde découvrait stupéfié cet univers désormais iconique, ô combien imparfait, notamment d’un point de vu artistique, et les nouvelles générations ont de plus en plus de mal à y trouver un quelconque intérêt, à juste titre. Même la remise au goût du jour avec la prélogie commence à dater pour La Menace fantôme, qui ne bénéficiait pas encore du passage au numérique, et elle fut loin de fédérer autant que son ancêtre. Difficile de dire pourquoi cet épisode VII était à ce point attendu, plus que n’importe quel autre film de l’histoire, mais malgré quelques imperfections, bagages du passé à l’image du bestiaire raté, on tient enfin là une épopée spatiale à la hauteur de l’événement. Le film aurait mérité un scénario plus original, une mise en scène moins classique, des prises de risques artistiques, mais voilà, les fans seront satisfaits et les autres y découvriront une très belle mise en bouche de l’univers.
Finalement, non, ce ne sont pas les fans qui ont été satisfaits, mais justement le grand public.
Les fans « hardcores » regrettent le choix d’Abrams de ne pas avoir pris en compte l’univers étendu. Les fans plus modérés, eux, apprécient le film sans s’extasier.
Personnellement, je ne suis pas fan du tout, donc je n’irai tout simplement pas le voir ! 😛
J’attendrai qu’il sorte en téléchargement ; ça me permettra de revoir les premiers en édition « despecialized » qui a l’air excellente.