#JeSuisLà
2020
Eric Lartigau
Pourquoi sommes-nous tous tombés amoureux d’Alain Chabat ? Si on y regarde de plus près, sa filmographie n’est pas si flamboyante, ayant à peu près autant de bons que de mauvais films à son actif. Et pourtant, c’est un fait : le simple fait de le voir nous fait du bien. Il inspire la confiance, la sympathie, et qu’importe le projet, on a envie de le suivre. Dans une époque où on perd ses repères, où le futur n’est guère engageant, notre bon copain d’enfance des Nuls est un peu notre étoile du Nord. Alors forcément, quand on nous vend en prime une romance sur un air de feel-good movie, notre cœur était conquis d’emblée.
Ah les réseaux sociaux et autres applis de rencontre… Rien n’est plus fictif que la vie virtuelle, et le pauvre Stéphane (Alain Chabat) va l’apprendre à ses dépends. Chef dans un restaurant qu’il possède, il s’est peu à peu vautré dans une routine sinistre, vivant seul dans sa maison isolée depuis déjà bien trop longtemps. Son unique rayon de soleil est Soo (Doona Bae), une sud-coréenne parlant admirablement français, partageant avec lui le goût des belles choses et avec qui il discute à l’occasion sur Instagram. Les mois vont passer, une complicité va s’installer, et au détour d’un élan de folie, Stéphane va se lancer et partir à sa rencontre en Corée. Seulement à son arrivée, contrairement à ce qu’elle avait promis, elle n’était pas là…
Qu’on se le dise direct, si vous espérez y voir une belle comédie romantique, passez votre chemin. Le film se veut réaliste et terre-à-terre, donc comme dans la vraie vie, tout n’est que déception. Comme dans la vraie vie, le romantisme est une notion exclusivement masculine, de même que les femmes sont fausses, lâches, manipulatrices et d’un égoïsme exacerbé. Pourquoi diable promettre de venir alors ? Toujours cette même lâcheté qui poussent les femmes à promettre monts et merveilles, tout cela pour avoir la paix, le temps de sortir le poignard et bien le planter dans le dos. Le film est-il alors complètement raté ? Non, il est simplement d’un réalisme froid et fataliste, et de fait le sujet du film n’est pas l’amour, mais la quête de soi, s’ouvrir au monde. Et quand on choisit Alain Chabat pour jouer les âmes en peine en quête d’humanité, c’est juste bouleversant. Il est d’une rare justesse. Une vérité puissante se dégage de l’ensemble, et malgré la morosité et quelques soucis de rythme, l’exercice reste intéressant.