Novembre


Novembre
2022
Cédric Jimenez

Si le Covid a eu tôt fait de s’accaparer l’attention, de même que la guerre en Ukraine, qui pourrait basculer d’un instant à l’autre en Guerre Mondiale, on en oublierait presque le terrorisme. Malgré des films comme My Name is Khan, montrant que non, l’islam n’est pas un problème et que les musulmans sont logiquement des personnes pacifiques, l’amalgame a tôt fait de ressortir, et pour beaucoup la peur est profondément ancrée. D’ailleurs non, la situation n’est pas moins tendue ou dangereuse : on a eu en 2022 le meurtre revendiqué islamiste d’Yvan Colonna, et en octobre 2020 un professeur avait été décapité en France pour citation d’une caricature de Charlie Hebdo – certes offensante pour les musulmans –  dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, visiblement passible de mort dans notre pays. Guerre civile ? Guerre religieuse ? Guerre mondiale à grand coup de bombes atomiques comme le supplient les Etats-Unis et ses vassaux ? Une chose est sûre, notre monde est mourant, et la fin est imminente.

Point pour beaucoup culminant de la guerre religieuse qui fait rage depuis des décennies, le film revient sur les terribles attentats du 13 novembre 2015, qui avec seulement une poignée d’individus, ont fait 137 morts, un demi millier de blessés, des milliers de vies brisées. Cette nuit là, le copain musulman pratiquant de ma collègue de travail de l’époque, ne buvant pas d’alcool comme de nombreuses autres personnes dans un bar, prit une balle par ses propres frères religieux, et mon ami Hugo, alors que la musique n’est pas clairement identifiée comme haram, fut abattu pour avoir assisté à un concert. Le monde brûle, et avant même de songer au deuil, le peuple réclame des réponses. Le film nous place ainsi au sein de l’antiterrorisme, qui traquera cinq jours durant les tireurs et leurs complices.

Après son brutal et saisissant Bac Nord, Cédric Jimenez revient à la charge avec un thème qui semble lui tenir à cœur : l’incompétence ahurissante du gouvernement, et une absence affolante de moyens pour réellement lutter contre la menace. Oui, on laissé faire Charlie Hebdo. Oui, la fusillade du Bataclan aurait pu et aurait dû être évitée. Tous les djihadistes impliqués étaient non seulement bien connus des forces de police, mais avaient au moins séjourné une fois en prison, avaient le fameux label « fiché S », avaient brisé leur conditionnelle, et on savait certains en possession d’une quantité importante d’armes à feu. MAIS BORDEL VOUS FOUTEZ QUOI !!!??? A quel moment peut-on non seulement relâcher de tels individus, les laisser en liberté sans surveillance, mais surtout comment peut-on ne pas saisir immédiatement leur stock d’armes et les refoutre fissa au trou ? Alors oui, c’est pour attraper du plus gros gibier, ouin ouin ouin. Mais ta gueule enculé ! Qu’on arrête de chercher le fameux gros gibier, tous interchangeables et remplaçables, qu’on stoppe net tout délinquant présentant un réel danger, qu’on donne un vrai budget pour gérer tout ça, et qu’on arrête de les relâcher avec une tape sur l’épaule ! Des imams ont félicité le meurtre de l’enseignant, des centaines de gens sur les réseaux sociaux ont apporté leur soutien à un tel geste ! Et que fait-on ? Rien. Pitoyable France…

Bon, tâchons d’en revenir un minimum au film. S’il était évidemment impensable de reconstituer les attentats, le film aurait pu s’allouer plus de temps, ne faisant que 1h40, pour permettre un peu plus de mise en contexte, avec notamment les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, quitte à accélérer sur l’enquête, qui traîne un peu par moments. De même, si le côté course contre la montre pour obtenir des réponses et calmer les esprit donne un très bon rythme au film, ne pas montrer le drame humain, l’angoisse ambiante, est presque une faute de goût tant la gravité de la situation était historique et méritait un hommage plus émotionnel. L’histoire nous tiraille aussi sans cesse entre la force de travail, le dévouement des personnes impliquées, et une incompétence criminelle montrant à quel point notre nation est fragile à un point ridicule. Une tension de chaque instant, un casting plutôt bon (Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Jérémie Renier, Cédric Kahn, Sami Outalbali et Sandrine Kiberlain), un sujet important, mais le traitement manque d’émotion, et en termes d’efficacité pure, Bac Nord était plus abouti. Un très bon travail, mais pas forcément à la hauteur de cette sombre période.

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