Le Règne animal


Le Règne animal
2023
Thomas Cailley

Le cinéma fantastique est des plus rares en France, et c’est logique tant les investisseurs ont de quoi être frileux : les quasi seuls films rentables en France sont des comédies, pour peu qu’on les trouve au milieu de toutes les productions américaines qui trustent le haut des charts (dans le top 30 de 2023, en dehors des comédies françaises, films d’animation ou blockbusters américains, seuls deux films d’aventures français, et tout en bas du classement Anatomie d’une chute, l’anomalie). Malgré des critiques dithyrambiques, des vacances de la Toussaint très favorables permettant un maintient quasi parfait un mois durant, Le Règne animal a su arracher un succès d’estime, mais ne déroge pas à la règle : 1,1 millions d’entrées pour 16 millions d’euros de budget, soit la moitié de ce qu’il aurait dû faire pour atteindre l’équilibre. Si la démarche d’un tel projet est louable, il faut dire que le résultat n’est clairement pas tout public.

Et si la nature animale de l’homme se réveillait ? C’est justement le fléau qui ravage l’humanité : une mutation d’origine inconnue plonge notre monde dans le chaos en transformant certaines personnes en bêtes, jusqu’à perdre toute notion de civilisation. Pour rester proche de sa femme qui a subit ce changement, François (Romain Duris) va partir dans le Sud de la France avec son fils (Paul Kircher) pour se rapprocher d’elle, un centre pour « monstres » y ayant ouvert.

J’avais clairement envie d’y croire et de donner raison à l’engouement général, et par principe il faut encourager ce genre d’ambition qui ne peut qu’enrichir le paysage cinématographique. Et par bien des aspects, le film est une franche réussite, revisitant le mythe d’un monde divisé à la X-Men à la sauce « retour à la nature ». L’amourette du fils touchante, les effets spéciaux dans l’ensemble plutôt convaincants, et il faut saluer le travail sur la musique, littéralement haletante. Pour autant, beaucoup de points m’ont dérangé : pas d’explications sur le pourquoi du comment, une Adèle Exarchopoulos d’habitude parfaite mais cette fois carrément effacée, l’évolution physique de la mutation est trop peu traitée (on a soit les premiers symptômes, soit une forme déjà totale), des soucis de rythme (peu de changements, puis une accélération très brutale en toute fin) ou encore une foire aux monstres assez glauque (on se croirait dans Splice par moments) dans sa direction artistique, créant quelques soucis de débat. Là où X-Men était plus un film politique faisant écho à la Guerre Froide où deux camps pas vraiment identifiés ont peur d’une force qui les dépasse ou qu’ils souhaiteraient contrôler, justifiant à la fois la peur de se dévoiler d’un côté et la peur de citoyens dangereux de l’autre, le bilan est ici inversé. Alors même que toute forme d’humanité semble disparaître au bout d’un moment chez la personne mutante, il semblerait que ce retour à la nature soit quasi euphorique. Mais de fait, cette déshumanisation les rend dangereux, et c’est prouvé à plusieurs reprises, justifiant les appréhension de beaucoup, or le film le traite comme du racisme. Donc soit le film ne comprend pas ce qu’il fait, soit il le fait mal, mais dans les deux cas c’est incohérent. Il est bon de vouloir proposer quelque chose de radicalement différent dans une industrie française trop précautionneuse, mais j’ai eu un peu de mal à rentrer dedans.

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