Capharnaüm


Capharnaüm
2018
Nadine Labaki

C’est bien connu, l’humain est un éternel insatisfait, et le même de La Famille Miller me vient tout de suite en tête quand je me plains de ne pas avoir le Smic ou les fameuses cinq semaines de congés payés. On pourrait de fait imaginer un chinois rétorquer « comment, mais tu as des congés payés ? », puis une personne du tiers-monde répondre « comment, mais vous-êtes payés ? », puis enfin un enfant libanais s’esclaffer « comment, mais vous avez le luxe de ne pas travailler 15h par jour dès vos 4 ans ? ». Ou sinon, pour rester dans l’actualité, un palestinien « mais vous avez le droit de vivre sans qu’un israélien ne tente continuellement de vous tuer ? ». Eh oui, aujourd’hui voici une petite plongée au cœur de l’une des plus grandes misère au monde, tant économique que morale.

On suivra l’histoire de Zain, un libanais d’environs 12 ans qui attaque en justice ses parents pour l’avoir mis au monde. Pourquoi ? Le film nous fera revivre ses mésaventures jusqu’à son arrestation pour avoir poignardé quelqu’un. Tout démarra quand sa petite sœur sera vendue comme épouse à un marchant d’une trentaine d’année, faisant exploser la colère de Zain qui décidera de partir de chez lui.

Ah c’est sûr, le film n’est pas pour tout le monde, et mieux vaut ne pas être trop sensible ou empathique tant les situations décrites, et faisant écho aux propres vies des acteurs choisis dont ce n’est pas le métier, sont aussi véridiques qu’éprouvantes. Ainsi, on découvre une famille aberrante, où des parents démissionnaires vivent dans un petit squat avec leurs huit enfants, procréant irresponsablement dans les grandes largeurs, obligeants leurs petits à travailler dès leur plus jeune âge, pratiquement dès qu’ils peuvent marcher pour ainsi dire. Tout le Liban semble être un gigantesque bidon-ville / décharge à ciel ouvert, la misère est affolante, l’hygiène inexistante, et au milieu de ça les pires atrocités ont lieu, que ce soit le trafic d’êtres humains, la prostitution infantile, et en l’occurrence le mariage forcé entre une petite fille tout juste pubère de 11 ans avec un vieux dégueulasse dans la trentaine. Le pire c’est que ce dernier se défendra en disant que son père s’était lui-même remarié avec une très jeune fille, comme pour se justifier en disant qu’au moins il n’a qu’une vingtaine d’années de plus, que ça pourrait être pire. « Oui madame la juge, j’ai tué beaucoup de gens, mais je n’ai pas le record du monde, donc ce n’est pas si grave ? » »Mais oui bien sûr, vous êtes acquitté ! ». Et au milieu de ça, la seule personne avec un semblant de bon sens, qui réagit, c’est un garçon chétif de 12 ans, digne héritier de George Abitbol (monde de merde). L’acteur est d’ailleurs absolument bluffant, comme l’ensemble du casting tant la frontière entre documentaire et fiction est mince. Une immersion totalement détestable, une histoire atroce pour un film pesant, mais il faut parfois se faire violence et accepter l’inconfort pour ouvrir les yeux sur une réalité très sombre.

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