One Piece


One Piece
2023
Steven Maeda, Matt Owens

Dire que le manga est très apprécié serait un doux euphémisme. Très très largement numéro un mondial des ventes, tant annuel que cumulé, le manga prospère depuis 1997 pour le manga, et 1999 pour l’anime, et probablement qu’on en aura encore pour quelques années, donc le manga aura connu près de 30 ans de grande intensité. Si les versions kai (remontage raccourci) de l’anime est une bonne façon de continuer à découvrir le manga, génération après génération, pour qui ne souhaite pas forcément se plonger dans un anime qui compte plus de mille épisodes ou un manga papier s’étalant déjà sur plus d’une centaine de tomes, Netflix ambitionne de boucler les 106 premiers en seulement 12 saisons, donc vraisemblablement 15 au total si on arrive jusque là (et avec Netflix, ne soyons jamais sûr de rien). Un beau projet, mais auquel personne ne croyait à la base tant les live action de manga ont une réputation cataclysmique, amplement justifiée vu l’ampleur des merdes qui ont ravagé le paysage culturel. Plus encore, lors de la campagne promo, on entendait parler de partout des projections tests abyssales, et l’annonce du casting fut conspuée comme rarement. Et finalement, dès la sortie la série fut un immense carton, quasi unanimement acclamée. Un miracle ?

L’histoire de la première saison reprend les débuts du désormais légendaire chapeau de paille, Monkey D. Luffy (Iñaki Godoy), un jeune et fougueux garçon rêvant depuis toujours de devenir pirate, et qui va donc se lancer dans l’aventure. Il fera la rencontre de Roronoa Zoro (Mackenyu), un chasseur de prime solitaire aspirant à devenir le meilleur sabreur qui soit, Nami (Emily Rudd), un voleuse se battant pour la liberté, Usopp (Jacob Romero), un menteur infatigable qui aura enfin l’occasion de vivre de réelles aventures, ou encore Sanji (Taz Skylar), un grand cuisinier souhaitant perfectionner son art en découvrant all blue, lieu mystique abritant tous les aliments possibles sur Terre.

Adapter le manga n’est pas évident dans la mesure où ce dernier met du temps à décoller. S’il y a bien quelques bons passages vers le début, comme Crocodile, la cité des airs, l’assaut avec le réveil de Chopper, ou surtout l’affrontement avec Kuma, il faudra attendre l’archipel Sabaody pour que le manga devienne vraiment exceptionnel, ce qui devra logiquement attendre la saison 5 ou 6 du live action Netflix. Alors oui, en saison 1 il y a tout de même le recrutement des principaux membres, Baggy le clown et surtout Arlong, mais à l’échelle du manga, ce sont les passages les moins intéressants qui soient. C’est bien simple, il aura fallut attendre l’arc des hommes poissons pour trouver le premier arc moins bon que le précédent, c’est dire la montée en puissance !

Premier bon point pour la série : la narration. Pour rendre ce début un peu plus croustillant et dynamique, la narration est moins linéaire, reprenant plus encore que le manga le système de flash-back, même si on regrettera que la mise en scène ne prenne pas en compte le changement d’ambiance du manga qui passait en noir lors des scènes passées. Plus d’aller-retour pour un rythme moins statique. Second point qui a aussi été largement salué au final malgré les réticences premières, le casting. La plupart sont des masterclass : Iñaki Godoy est parfait en Luffy, ses membres d’équipage sont réussis, malgré les polémiques sur l’être humain non genré campant le personnage masculin de Koby, son personnage est l’un des plus fidèlement retranscrit avec son acolyte Hermep, Baggy et Zeff sont très bons, mais c’est surtout au niveau de Mihawk, Garp et Shanks que la masterclass est totale, se hissant à des niveaux de charisme prodigieux. Après je reste moyennement convaincu par Sanji, dont l’acteur a une bien trop grosse mâchoire. Mais plus globalement, tout l’équipage du chapeau de paille est largement trop vieux d’emblée. L’actrice de Nami a déjà 13 ans de trop (30 au lieu de 17), mais même en prenant en compte l’ellipse de deux ans qui surviendra sûrement vers les saisons 6 ou 7, lors de la saison 12 l’actrice sera censée avoir 20 ans ! En admettons que par miracle à partir de la saison 3 un saison sorte chaque année (c’est pratiquement déjà mort pour 2024 pour la saison 2 avec la grève), ce qui est peu probable de nos jours tant les délais de productions n’ont de cesse que de se rallonger, ça fera que dans le meilleur des cas, l’actrice aura 42 ans pour camper une fille de 20 ans, et probablement plus proche de 50. Et tout le reste de l’équipage aura très largement plus de 40, ce qui va très vite être très problématique. Si au moins ils avaient prit des acteurs ayant dans les 14-18 ans comme dans le manga, camper des jeunes de 19-20 ans à la trentaine serait bien moins un souci pour la suite. Mais comme toujours avec Netflix, ils n’y pensent jamais, partant même du principe que qu’importe les sommes investies, si ça ne marche pas assez ils n’auront aucun scrupule à tout arrêter en cours de route, que ce soit dès la première saison ou en saison 5 ou même 10.

Restons d’ailleurs sur la production : il avait été annoncé un investissement massif à hauteur d’un demi milliard, mais la réalité est à nuancer. Non, la première saison n’a pas coûté 500 millions, mais 160M$, le reste étant surtout l’achat de la licence. Rapporté aux épisodes, ça fait 20M$ par épisode, dont la durée avoisine les 55 minutes. Par rapport à des blockbuster de 2h coûtant 200M$, on est sur du très petit budget, du budget certes très correct pour une série, mais loin de pouvoir rivaliser avec les moyens d’un Pirates des Caraïbes pour rester dans le domaine de la piraterie. Et ça se sent : beaucoup de fonds verts, des décors en carton pâte, très peu de FX et le maximum en effets pratiques. Visuellement la série n’est donc pas à la hauteur, et ça se ressent surtout au niveau des hommes-poissons, loin de la carrure qu’ils sont censés avoir dans le manga. Arlong est certes massif pour un humain, mais il est loin d’inspirer autant la peur quand on a un acteur d’à peine plus de 1m80 et 80kg quand le bestiau devrait faire 2m50 et 250kg. Alors oui, quand on veut se reposer sur du maquillage, trouver un acteur de cette envergure n’est pas possible, mais le résultat déçoit forcément.

Autre souci : la réalisation. Si déjà le peu de moyens pour les FX ou les décors n’aide pas, la réalisation est d’une platitude absolue, copiant parfois les pages du manga pour de meilleures compositions, mais c’est globalement sans aucune envergure ou sentiment d’épique. Un même souci qu’on retrouve avec les combats, à échelle humaine. Certes, ce n’est que le début, il faudra attendre une décennie avant de peut-être voir le Gear 4 et du Khi royal avec Doflamingo, mais quand bien même, les combats sont trop mis en scène de façon classique et réaliste, alors même que cet univers va n’avoir de cesse que de repousser les limites de pouvoirs hors du commun faisant fi de toutes lois de gravité ou physique. Rien d’impressionnant pour ces débuts, et c’est même inquiétant pour la suite. Une série live action pourra t-elle faire face à des combats si épiques de titans aux fruits du démon ? Rien n’est moins sûr. Si pour l’instant cette première saison est très sympathique, introduisant avec succès nos personnages adorés avec un sens du dynamisme poussé, réorchestrant certaines des musiques cultes de l’anime pour le plus grand plaisir des fans, que ce soit l’âge des acteurs qui risque de poser problème à moyen terme, mais surtout le manque d’ambition visuelle et des moyens trop modestes, on aura du mal à se projeter sereinement vers l’avenir.

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Le Talentueux M. Ripley


Le Talentueux M. Ripley
2000
Anthony Minghella

Adaptation de la saga littéraire de Patricia Highsmith, le film fut un joli succès, carrément énorme même sur le sol américain avec – il est rare – près des deux tiers de ses recettes mondiales, mais c’est surtout au niveau de la critique que le film connu son plus grand couronnement, avec une pléthore de nominations dans les plus prestigieuses catégories et cérémonies, empochant d’ailleurs un Bafta du meilleur second rôle pour le fils à papa. Et effectivement, sur le papier le casting fait rêver et le concept de mensonges et arnaque était gageur.

Qui est Tom Ripley (Matt Damon) ? Absolument personne, juste un pianiste peinant à survivre en jonglant entre des petits boulots, mais un jour qu’il devait jouer à une fête guindée, il va faire croire à un riche dirigeant de compagnie maritime qu’il était dans la même école que son fils, et qu’ils étaient justement bons amis. Heureuse coïncidence, car justement, le rejeton, Dickie (Jude Law), n’est qu’un parasite dilapidant la fortune de son père, et ce dernier souhaiterait que son ami aille le résonner pour qu’il revienne au bercail reprendre la compagnie familiale. Tom va donc être payé pour aller le résonner, mais en voyant son port d’attache dans le Sud de l’Italie, d’à quel point il y fait bon vivre, que Dickie est une personne fascinante et rayonnante, c’est plutôt lui qui va le convaincre de rester.

Dans les bons points, outre la tournure que va prendre l’histoire – mais seulement au bout d’une pleine heure de film – il y a bien sûr le casting incroyable (Gwyneth Paltrow, Cate Blanchett ou encore Philip Seymour Hoffman), les superbes décors italiens, et plus globalement cette opulence, légèreté du nanti vivant de ses rentes. Passé cela, il n’y a pratiquement rien, un vide ahurissant. Toute la première heure de film n’est que contemplation, instants de vie et paresse. Si comme moi vous ne supportez pas le genre de film à la Before Sunrise, cet aspect sera déjà rédhibitoire tant l’ennui est profond pour qui souhaite voir les choses avancer, au moins un semblant d’intrigue. Alors que le film fait tout de même 2h19, il faudra attendre la seconde moitié pour que le fameux Ripley fasse quoi que ce soit de non complètement futile ou anodin. De la simple bromance avec forte propension échangiste voir bifurcation homosexuelle. Puis enfin quelque chose se passe, mais c’est du pétard mouillé en puissance. A aucun moment le « talentueux » Ripley fera preuve d’un quelconque talent, hormis se foutre lui-même dans la merde à force de maladresse, amateurisme et bêtise. La morale du film est à ce niveau là complètement foireuse tant la chance est insolente et le mal récompensé. Puis vient la fin, si flinguée que c’est à peine croyable. Un petit mensonge de plus et c’est gagné, ou même une vérité assumée, mais non, et on assiste à un auto-sabordage sans commune mesure. Déjà que jusqu’alors le film était chiant, mais en plus il s’achève sur une note tellement crétine que c’en gâche le peu de satisfaction que pouvait procurer l’impunité. Navrant.

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Sex Education


Sex Education
2019-2023
Laurie Nunn

Après seulement quatre saisons, la série phénomène de Netflix tire sa révérence avec ses personnages hauts en couleurs qui ont marqué le paysage sériel de ces dernières années. Et à l’image de séries Netflix comme Elite ou 13 Reasons Why qui ont elles aussi fait des débuts tonitruants, avant de s’effondrer salement, le géant du streaming va à nouveau prouver que s’ils ont un sacré talent pour créer l’événement avec des séries de grande qualité, les faire perdurer est un tout autre défi…

Libéré des créneaux de diffusion de la télé, Netflix n’a jamais eu besoin de fournir autant de contenu qu’une chaîne de télévision qui doit assurer du contenu au moins en partie original tout au long de la journée, 365 jours par an. Les autres plateformes de streaming ont également emboîté le pas par la suite, mais donc le géant N rouge a redéfini une nouvelle norme pour les séries : des saisons bien plus courtes, bien plus rythmées en condensées. Exit les saisons de 24 épisodes, désormais la norme est aux alentours de 8 épisodes, ce qui permet d’éviter la formule redondante des feelers, c’est-à-dire des schémas se répétant en boucle. On se souviendra tous des enquêtes isolées des X-Files où peu faisaient réellement avancer l’histoire de fond, bien que pas vraiment problématique dans la mesure où les enjeux concernaient alors les protagonistes de l’épisode en question, ou encore et surtout la première saison de Smallville où chaque épisode avait strictement le même schéma : une personne possédée par une pierre ou problème du genre, Clark qui doit apprendre à se servir de ses pouvoirs, et tout revient à la normale à la fin de l’épisode. En vérité, Netflix a surtout repris le format des chaînes privées, qui depuis longtemps ont opté pour des saisons moins longues, plus resserrées, à la fois pour se distinguer des chaînes de télé classique, et aussi parce qu’ils n’avaient pas les mêmes moyens, et que faire 8 épisodes est bien moins coûteux que 24.

Chacune des quatre saisons de Sex Education sera donc composé de huit épisodes, bien que la quatrième soit un peu plus longue sur la durée moyenne (environs 55 minutes). L’aventure débuta il y a tout juste cinq ans, une exception de nos jours tant les rendez-vous annuels pour chaque saison tend à disparaître, avec seulement une année sans saison du fait du covid.

On y suivra donc Otis Milburn (Asa Butterfield), jeune élève au lycée Moordale, qui par le hasard des choses va se retrouver à prodiguer des conseils sexuels (lui qui n’a même pas encore commencé sa puberté) avec la gothique du bahut, Maeve Wiley (Emma Mackey). Ses connaissances en la matière lui viennent surtout de sa mère, Jean (Gillian Anderson), elle-même thérapeute sexuelle, mais de métier. Dans un lycée des plus précoces, ce besoin de conseils se fait sentir tant à cet âge là les hormones sont au taquet. On suivra de nombreux personnages dès la première saison : Eric Effiong (Ncuti Gatwa), meilleur ami d’Otis, homosexuel affirmé et souhaitant afficher pleinement sa personnalité pétillante malgré de possibles rejets sociaux ou religieux ; Adam Groff (Connor Swindells), la grosse brute attardée souffrant du syndrome Perceval (son père (Alistair Petrie) – accessoirement principal du lycée – le traite de minable, donc il agit comme tel) ; son ex et meilleure amie de Maeve, Aimee (Aimee Lou Wood), la cruche de service qui va subir une agression traumatisante ; Jackson Marchetti (Kedar Williams-Stirling), la star du lycée, champion de natation et qui aura une romance à sens unique avec Maeve, qui le verra seulement comme un plan cul ; Lily (Tanya Reynolds), la fille bizarre fantasmant sur les aliens, tentacules et phallus ; Ola (Patricia Allison), la fille de Jakob (Mikael Persbrandt), le plombier sur lequel Jean, la mère d’Otis va craquer ; le trio d’intouchables, les stars les plus populaires du lycée, Ruby (Mimi Keene), Olivia (Simone Ashley) et Anwar (Chaneil Kular) ; ou encore les deux professeurs qu’on verra régulièrement tout du long de la série et qui apporteront souvent leur aide et conseils aux différents protagonistes, Mme Sands (Rakhee Thakrar) et Mr Hendricks (Jim Howick). Outre la mère d’Adam, Maureen (Samantha Spiro) qui prendra de l’importance au fur et à mesure, on notera aussi diverses arrivées importantes au cours de la seconde saison, puisque je vais aborder les deux premières saisons ensemble : Isaac (George Robinson), un handicapé emménageant dans le camp de caravanes de Maeve et qui tombera sous son charme ; Vivienne (Chinenye Ezeudu), qui aidera un Jackson en perdition après sa rupture avec Maeve, ne sachant ce qu’il veut faire, excepté ne plus faire de natation ; Rahim (Sami Outalbali), le bel étranger ; ou encore Remi (James Purefoy), le père de Otis, qui passera notamment faire coucou et un peu de camping en seconde saison.

Sans être une révolution dans le genre teen movie, version sérielle, on a là une belle palette de personnages presque tous dans l’ensemble attachants et sympathiques. Si bien sûr le décalage avec le ressenti personnel où la vie sexuelle était à l’époque du lycée une loterie reposant sur le hasard et la chance, et en aucun cas une norme, à moins que les choses aient radicalement changé en quelques années, mais dans tous les cas il est indéniable que les hormones occupent une place prédominante durant cette période de la vie. La série sonne très juste dans ses personnages, leurs relations et l’approche en général, car si l’on parle de presque tout avec ses amis, se confier sur des choses intimes aux adultes ou à ses parents, c’est une chose impensable pour beaucoup, donc l’idée d’apporter des conseils avisés grâce à quelqu’un ayant l’âge de ses camarades rend les choses plus abordables, d’autant que ce dernier a grandi dans une maison qui est un cabinet spécialisé, avec une mère experte dans le domaine.

Mélangeant acteurs expérimentés, notamment sur les seconds rôles et Otis, qui a déjà tourné avec les plus grands réalisateurs au cinéma, le casting dans son ensemble est vraiment excellent, et nombreux sont ceux qui ont vu leur carrière décoller grâce à la série. Dans les rôles les plus marquants, on pensera bien sûr à Maeve, hypnotisante, Eric, dont la qualification de pétillant est très vraie dans les deux premières saisons, mais celui qu’on retiendra le plus sera Adam, dont le traitement et l’évolution de personnage est de très loin la plus touchante et développée de toute la série, et ce dès les premières saisons. Hormis l’attraction refoulée entre Otis et Maeve qui peut ennuyer par moments, les deux premières saisons ne commettent pas de vraie fausse note, on prend un plaisir certain à suivre tout ce petit monde devenir « adulte » et faire face aux affres de l’amour. L’âge sera probablement le plus grand défaut de la série à ses débuts : prendre des acteurs ayant presque tous plus de 20 ans dès la première saison, cela donne comme trop souvent ce côté « ados attardés » trop vieux pour leurs rôles, mais c’est malheureusement la norme.

Saison 1 et 2 :

Début de la fin pour de la série avec la saison 3, la saison de la discorde. Alors que la seconde saison s’achevait de façon à la fois très satisfaisante avec Adam revenant en force, prêt à s’assumer, Otis a fait n’importe quoi et a encore saboté ses chances avec Maeve, d’où la lassitude par rapport à leur histoire. Tout va se retrouver chamboulé avec cette avant-dernière saison : suite au spectacle de fin d’année, le pauvre Mr Groff, déjà en instance de divorce, va se retrouver viré de son poste de principal, remplacé par une certaine Hope (Jemima Kirke), censée apporter un vent de jeunesse, mais surtout une main plus ferme pour éviter que la jeunesse ne se dévergonde. Les fameux rendez-vous clandestins de l’ado sexologue vont également prendre fin.

Beaucoup de bons points, mais d’autres très mauvais pour cette saison. Si Hope est une bonne antagoniste, gueule d’ange, coups dans le dos, son projet rétrograde est un non sens de nos jours, et il était évident que tout ceci ne pouvait marcher. Mais quelle erreur que d’avoir inventé le personnage de Cal pour en faire son némésis ! Si un personnage se revendiquant non binaire dès le lycée est déjà invraisemblable, ce que son personnage apporte est juste néfaste et contre productif. Son amour avec Jackson aurait pu fonctionner, mais un monde LGBTQW+ et compagnie, il faut inventer tous les jours de nouvelles appellations pour désigner comment une personne se sent. On parle de discrimination, de barrière, mais n’est-ce pas se revendiquer différent qui créé ces barrières ? En plus, sa relation avec Jackson est totalement toxique, faisant l’apologie de la drogue, saccageant un personnage perdant tout son essence. De sportif souhaitant être plus que des muscles, il deviendra juste un ado perturbé tombant dans la drogue, mais sans en subir de revers. Quel message catastrophique pour la jeunesse ! De même, dans cette saison Eric va lui aussi voir son personnage saccagé, dont l’amour avec Adam sera rapidement mis en danger, puis dégagé au profit d’une liberté là encore d’une toxicité folle, se positionnant dans le rejet de la fidélité. Mon dieu l’image pour les jeunes encore une fois !

Dans les teintes un peu plus grises, le voyage en France, au final assez décevant et n’apportant pas grand chose, aura au moins le mérite de faire changer de cadre et de faire enfin avancer la romance entre Maeve et Otis, mais c’est là encore un constat amer. Car oui, le plus gros point fort de cette saison, c’est l’autre romance d’Otis, celle avec Ruby. Bien plus travaillée, cette dernière va se voir doter d’un vrai background, d’un drame du quotidien, montrant quelque chose que j’ai toujours adoré : derrière les princesses se racontant une vie se cachent souvent des fêlures profondes et une vie bien moins radieuse que celle affichée. C’était beau, mais trop court. Dans les points bien meilleurs, Adam crève l’écran comme jamais, cherchant un sens à la vie, alors que son père fait lui aussi le même travail, ne souhaitant pas tourner la page d’un mariage dont il n’a pas su pleinement profiter. Le parallèle avec son frère incarné par le génial Jason Isaacs est là un très beau message, puisque qu’importe la richesse matérielle, celle du cœur l’emporte. Une saison très inégale, avec des bons moments, voir très bons, mais quelques fausses notes et des personnages dont la tournure passe mal, ce qui en faitt une saison moins réussie.

Saison 3 :

Horreur et damnation ! Il aura suffit d’une dizaine de minutes pour foutre en l’air l’intégralité de la série, au point que comme pour la sixième saison d’Elite, la question de continuer à regarder se posait. Heureusement, la suite rattrape légèrement le constat initial, mais d’emblée tout espoir de voir une fin satisfaisante s’envolait. J’avais tout d’abord espéré qu’enfin l’action se déplace en université, mais non, retour encore au lycée pour un casting ayant entre 25 et 30 ans, et c’est déjà un énorme problème. Les acteurs étaient trop vieux dès le début de la première saison, donc que moins de trois ans sur la série ne s’écoulent alors que dans la vraie vie les acteurs ont tous prit cinq ans dans la tronche, ça pique. Le pire est clairement Otis, dont l’interprète semble avoir des problèmes d’alcool tant il a enflé et morflé… Mais tout ça n’est absolument rien face au problème colossal qu’est l’introduction de cette saison. La dernière s’achevait sur la fermeture du lycée Moordale, donc que faire ? Une partie de la bande va se retrouver au lycée Cavendish, une abomination qui pue le cahier des charges nauséabond. Et il va maintenant falloir parler d’un vilain mot souvent utilisé pour un rien, mais qui prend tout son sens ici : le wokisme.

Alors tout d’abord petit disclaimer : je ne suis pas homophobe ou quoi que ce soit s’y rapprochant. J’ai adoré la romance Adam / Eric, et j’étais d’ailleurs déçu du développement Cal / Jackson que j’aurais aimé voir aboutir. Mais trop c’est trop. Le nouveau lycée est rose fluo, dégoulinant de couleurs de partout, tout le monde est bisounours et les stars du bahut sont un couple trans qui ont tous les deux fait des opérations pour un changement de sexe, et l’autre est une mama black pansexuelle et sourde. Et si ça ne suffisait pas, les communautés LGBTQWIXYZ+-* machin bidule sont MAJORITAIRES ! On se retrouve dans un lycée où des jeunes, qui normalement ne se découvrent ce genre d’orientation que bien plus tard, affichent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans un défilé permanent de la gay pride. Un tel niveau « d’ouverture » est juste absurde et nuis même à la cause tant c’est risible et dangereux. La série était bien plus réaliste et utile quand elle rappelait que non, le monde dans sa globalité n’est pas forcément prêt ou en adéquation avec l’exubérance, comme le rappelait la sortie draqueen d’Eric qui se solda par un groupe d’hommes le molestant.

Passons donc sur les nouveaux personnages, d’autant qu’ils ne sont pratiquement pas développés et cantonnés à cocher une case dans la liste des représentations à mettre en avant. Le seul vrai enjeu autour des nouveaux personnages vient de O (comme le O de Otis, incroyable travail d’écriture…), elle aussi sexologue alors que Otis se croyait le premier ado au monde à avoir eu l’idée, et il va alors tout faire pour la dégager. Une histoire d’égo des plus mal placée, et on sent comment ça va se finir. L’occasion pour les auteurs de jouer avec les fans qui avaient trouvé la romance Otis / Ruby bien meilleure que celle avec Maeve, qui ira dans le mur tout du long de cette éprouvante dernière saison, puisque ces derniers vont à nouveau se rapprocher dans le cadre d’une élection pour déterminer l’unique sexologue du lycée. Et quand une série traîne son personnage principal comme un boulet, c’est que ça va très très mal. Même son entourage en pâti énormément tant tout ce qui l’entoure est aussi insipide et raté. Commençons avec sa mère, qui nous laissait sur un sacré plod twist en fin de saison 3 : Jakob n’était pas le père ! Mon dieu, alors que lui et sa fille vive sous son toit et que leur amour fonctionnait enfin, comment va-t-il réagir ? Va t-elle le cacher ? Non, ce pan entier et primordial sera tout simplement passé sous silence. Elle lui aurait dit, il serait parti, fin de l’histoire. Lamentable. Quoi de neuf la concernant ? Que du minable encore une fois : une sœur sortie de nulle part où ça va se chamailler, et une histoire d’émission de radio (où iel directeur.rice n’est pas identifié binairement…) où elle partagera l’antenne avec O, l’ennemie de son fils.

Autre personnage au développement exécrable, Eric. D’amour en or saccagée, il deviendra l’apôtre du jésus noir, tiraillé entre l’envie de s’afficher comme grosse tantouse, et l’envie de faire plaisir à sa famille en se faisant baptisé. Le souci c’est qu’encore une fois, il se fait l’égérie de l’infidélité, et pire, la série fait à nouveau l’apologie de la drogue, l’une des plus léthales et traitre : le LSD. Lunaire quant on sait que quelques épisodes plus tard, l’on assistera à l’enterrement de la mère de Maeve, décédée d’une overdose. Comment peut-on écrire aussi mal ? Et là aussi, cette mort est ratée puisque la mère n’a pas été présente physiquement durant les premiers épisodes. La voir essayer de garder le contact avec sa petite dernière tout en sombrant, voilà qui aurait donner de l’empathie, de l’impact à sa mort. Au delà de ça, c’est une mort de l’ombre, sans aucune émotion.

Niveau ratage, comment ne pas parler de Jackson ? Déjà en chute libre en termes d’intérêt dans les précédentes saisons, il touche ici le fond. Sa recherche du père biologique n’ira nulle part, pas la moindre confrontation ou révélation, et son stresse sur une possible tumeur ne servira pas plus à quelque chose. Que de temps perdu. Petite pensée à tous ceux qui n’auront pas eu la possibilité de revenir comme Rahim, Lily, Ola, Olivia, Anwar et le couple de professeurs, qui pour leur part feront un léger caméo tout de même.

Place tout de même aux quelques rares points qui fonctionnent. La romance Aimee / Isaac n’est pas totalement ratée, mais leurs personnages n’auront pas d’histoires très passionnantes. On se concentrera donc sur les seuls qui n’ont jamais fait défaut : les Groff. Entre la rédemption du père, la reconquête touchante pour sauver le mariage, et le fils qui se cherche une place dans la société, la famille aura jouit d’une écriture très largement au dessus de la mêlée, et pour eux cette dernière saison sera très satisfaisante. Le passage à la radio est particulièrement beau, Michael est incroyablement touchant, et la reconversion d’Adam lui va si bien, lui permettant d’enfin trouver stabilité, réconfort, soutient et admiration. Au moins un pan de la série n’aura pas totalement été gâché par cette saison de trop, mais il fallait bien conclure.

Saison 4 :

Rarement une série n’aura connu une chute aussi lourde et brutale. Clap de fin, et tant mieux. Acteurs trop vieux, scénaristes qui n’ont pas osé faire le seul choix possible intellectuellement : les faire avancer, devenir adulte, faire des études. En résulte une redondance et des limites palpables dès la troisième saison, puis avec en plus un cahier des charges donnant tout son sens au mot « woke », le bilan en devient presque mauvais. Personnellement, cela gâche le plaisir des débuts, et à l’image de séries ravagées par une fin expédiée ou écrite à la truelle comme Dexter, y revenir sera impossible. Malgré toutes les qualités premières, le mal est fait, l’on ne mit reprendra plus.

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Shooter tireur d’élite


Shooter tireur d’élite
2007
Antoine Fuqua

Une redécouverte, pour un degré de lecture que je n’avais pas forcément su apprécier à sa juste valeur. 13 ans avant la fraude massive ayant conduit le père légumineux et sénile d’un pédophile notoire accéder au poste suprême aussi prestigieux qu’illusoire, un film a osé comme rarement on a pu voir dans du cinéma mainstream, voir blockbuster dans la mesure où le film avait un budget confortable de 60 M$ et a presque atteint les 100 M$. Un score mitigé en salles, mais incroyable sur ses secondes et troisièmes vies, ayant d’abord rapporté sensiblement plus sur le marché des ventes de DVD / Blu-ray (presque moitié plus pour le continent américain, quand la moyenne de l’époque était de faire au mieux la moitié à l’exception des hits), puis désormais sur le marché du streaming, notamment sur Netflix où le film ne cesse de faire des incursions dans le top 10 depuis des années, donc probablement qu’il doit se situer très proche du podium all time. Retour donc sur un film dont l’aura n’a cessé de croître avec le temps.

2005, les Etats-Unis sont déployés illégalement dans un pays du Maghreb pour les dépouiller de leur pétrole sous couverture d’une fumiste menace « d’armes de destructions massive ». Bob Lee Swagger (Mark Wahlberg) est sur place pour faire le sale boulot et dégager la voie avec son sniper, mais la mission tourne mal, l’armée l’abandonne et laisse son collègue mourir sur place. Pourtant, trois ans plus tard, malgré une retraite imposée par ce dégoût de sa « patrie », en agitant l’aura patriote et le devoir citoyen, le colonel Isaac (Danny Glover) va le convaincre d’aider à déjouer un attentat imminent contre le président. Mais tout ça était une double mascarade, visant tout d’abord à faire croire à un attentat raté contre le président alors que la vraie cible était réellement celui abattu « par erreur », l’archevêque d’Éthiopie, puis visant à faire porter le chapeau à Bob, qui aurait dû être abattu immédiatement après par un « flic exemplaire passant là par hasard ». Seulement Bob ne se fera pas avoir et va réussir à s’échapper. Une chasse à l’homme va alors être déclarée par toutes les forces armées possibles pour éviter que quoi que ce soit ne s’ébruite.

Le film est, surtout avec le recul, brillant sur tellement de points. Tout d’abord en tant que divertissement pur, le film se pose là : bigrement efficace, enchaînant sans temps mort des scènes toutes plus impressionnantes et marquantes. L’introduction gère parfaitement le suspense du sniper en embuscade, puis on enchaîne avec des paysages incroyables, la scène de l’attentat, toute la cavale, puis sans trop en dire, le film se montrera très généreux tout du long, avec ce savoir faire sans effets spéciaux qui fait du bien dans une époque où les fonds verts donnent envie de vomir et que le public conspue de plus en plus les FX dégoulinants et abusifs. Ensuite le film a pas mal de seconds rôles intéressants, comme la veuve (Kate Mara) désabusée qui n’a pas pardonné, l’agent du FBI (Michael Pena) et sa collègue (Rhona Mitra) qui comprennent très vite qu’on ne leur demande surtout pas de réfléchir ou de faire leur travail, mais seulement de ressortir le discours prémâché par la direction qu’il ne faut en aucun cas contredire, qu’importe le degré d’absurdité et de mauvaise fois.

Et enfin et surtout, si le film est aussi jouissif c’est pour tout son discours de fond sur l’asservissement, la cupidité et les actes criminels de la classe politico-médiatique qui dicte sa vérité et dont le seul but est l’enrichissement et le pouvoir qui va avec. Il ose, seulement six ans après le fameux 11 septembre, parler d’invraisemblances sur des rapports du FBI sortant quelques minutes à peine après les faits, de suspect identifié instantanément, ou encore de témoins se faisant bizarrement tuer dans la foulée. On ressort même les casseroles sur le 22 novembre 1963 pour montrer qu’il n’y a pas plus con et crédule qu’un américain, mais qu’à force d’être constamment traité de con, ce dernier pourrait se rebeller. Attention à ne pas trop pousser les gens à bout, un jour le monde des décideurs s’écroulera à force de mépriser le peuple. Bien sûr, le film n’est pas parfait, certains points sur sa fin sont très naïfs, mais allier réflexion sociétale et gros film d’action authentique, dynamique et efficace, voilà qui est déjà énorme.

A titre de comparaison, ma critique d’il y a douze ans : shooter-tireur-delite

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Plus jamais


Plus jamais
2002
Michael Apted

Il est amusant de constater que la dernière critique était Invisible Man, qui de toute évidence est un quasi remake de ce film, les coïncidences me semblent trop folles. Toute la structure narrative, tous les personnages ou presque, tout le cheminement : les deux mêmes films. Bien sûr, certains disent que toutes les histoires ont déjà été racontées et que seule change la façon de raconter, mais tout de même.

Là encore, on suivra une femme (Jennifer Lopez) s’étant laissé piégée par un pervers narcissique richissime, qui usera de tous les moyens à sa disposition pour la harceler et la ramener à ses côtés, car elle aussi se sera enfuie dans la nuit.

Hormis les faits que la menace ne soit pas invisible et que cette fois la femme en détresse prenne la fuite avec sa fille, les deux films sont pratiquement identiques. 18 ans plus tôt, le film parlait déjà ici de masculinité toxique, de la perversion de l’argent et plus globalement de femmes abusées, violentées et subissant de la manipulation psychologique. Et encore une fois, les similitudes dans la construction sont à peine croyable : la présence d’une jeune fille à protéger, un autre homme bienveillant pour nuancer le propos (not all men), et toute la recherche final de solution. De fait d’avoir vu le remake non assumé d’abord, il avait bénéficié de ma sympathie d’avantage, d’autant que son style horrifique était plus efficace. Le bilan sera pratiquement le même, avec une tension efficace et une menace étrangement semblable, car on ne sait jamais ce qu’il peut faire. Pas de petit ventre mou dans le second tiers, mais un rythme dans l’ensemble plus monotone, et malgré une ambition par moments plus grande, il en ressort parfois une esthétique vieillotte proche du téléfilm.

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Invisible Man


Invisible Man
2020
Leigh Whannell

Masculinité toxique, le film. Après s’être magistralement planté dès la première pierre de leur édifice de leur Darkverse avec La Momie, Universal a décidé de laisser sa chance à l’homme derrière les scénarios des sagas Saw et Insidious pour réutiliser le concept d’homme invisible, visiblement breveté puisque n’ayant rien à voir avec ce que l’on a pu en voir précédemment, mais étant tout de même considéré comme une adaptation de l’œuvre de H. G. Wells.

Victime d’un pervers narcissique contrôlant sa vie dans des propensions infinies, Cécilia (Elisabeth Moss) va réussir un soir à se libérer de lui, prenant la fuite et se cachant chez un ami de sa sœur, terrorisée à l’idée que cet homme ne cherche à la récupérer. Une paranoïa visiblement non légitime : son ex sera retrouvé mort chez lui, suicidé. Pour autant, les jours passant elle n’aura de cesse que de se sentir épiée, ne croyant pas un instant en sa mort.

Malgré une sortie calendaire catastrophique, à dix jours de la fermeture des salles lors de la première vague Covid, le film fut un franc succès, très chaleureusement accueilli par la critique. Il faut dire que le sujet de l’homme pervers, manipulateur, face à une pauvre femme abusée qui va tenter de s’en sortir, c’est typiquement dans l’air du temps. Pour autant, ça n’est pas gratuit, et un léger suspense pèsera sur la folie de l’héroïne, bien qu’on ne sera pas dupe vu le titre du film. On aurait tôt fait de croire le film prévisible, mais il n’en est rien, le long-métrage pouvant compter sur nombre de passages choquants, tant au niveau révélations que violence à l’écran. Le concept est bien exploité, et la mise en scène est excellente. L’utilisation de cette invisibilité, suggérée et par effets spéciaux, marche très très bien dans les deux cas, redoublant d’inventivité et d’inspiration. Le genre ne sera pas révolutionné et on a déjà vu plus efficace ou original, mais pour ce que le film propose, c’est très réussi.

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Le Téléphone de M. Harrigan


Le Téléphone de M. Harrigan
2022
John Lee Hancock

Sérieusement ? Voici sans doutes l’un des plus grands mensonges cinématographique que j’ai vu de ma vie, et c’est un postulat qui de fait créé une attente à laquelle le film ne répondra pas. Donc disons-le directement : non, ce n’est ni un film d’horreur ni un film fantastique, mais un film sur le passage à l’âge adulte et l’acceptation de la mort, tout ce qu’il y a de plus banal et profondément ancré dans le quotidien. De quoi partir sur de mauvaises bases.

On suivra le jeune Craig (Jaeden Martell), qui se verra proposer par un certain Mr Harrigan (Donald Sutherland) un drôle de petit boulot : lui faire la lecture, trois fois par semaine. Tout d’abord exutoire pour oublier la mort de sa mère, Craig y prendra rapidement goût, fasciné par un vieux gripsou reclus mystérieux, et passionné par les différents ouvrages dont il se fera le narrateur.

Que ce film est malhonnête, c’est incroyable. Classé par Netflix en « horreur / drame », le film n’a absolument aucun registre en commun avec le genre horrifique, que ce soit dans ses thématiques ou sa mise en scène. Pire, sur l’affiche on parle directement de la mort dudit Mr Harrigan, qui n’est clairement pas un postulat de départ, loin loin s’en faut puisque l’événement arrive à un peu plus d’une heure de film, alors même que ce dernier fait 1h39 quand arrive le générique de fin. Le film se vend donc sur des mystères, qui soit n’en sont pas, soit ne sont pas traités. Le fameux « téléphone » ne sera jamais expliqué, n’aura aucune source surnaturelle, juste du piratage ou des bugs. Pire, l’armoire interdite, source de tant de théories, sera révélée vers la fin avec un niveau de déception sans commune mesure : ras, rien à signaler. Juste ahurissant, circulez rien à voir. Ce qui est censé être le sujet même du film ne démarre que très tardivement, reposant exclusivement sur des coïncidences au final sans intérêt. Tellement vide que la toute fin essaye de raccrocher les wagons avec le message sur l’évolution technologique, d’un niveau d’écriture abyssal. Alors non, le film n’est pas mal fait en dehors de son écriture, les acteurs sont bons, la mise en scène solennelle et décalée, très Sundance dans l’ambiance. Mais tout ce savoir faire n’est au service d’absolument rien. Le rythme est effroyable, et le film brasse de l’air. Rarement un film n’aura eu à ce point rien à dire.

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Ah ! si j’étais riche


Ah ! si j’étais riche
2002
Michel Munz, Gérard Bitton

Dans notre monde capitaliste, s’il y a bien une chose qui fait rêver, c’est l’argent. Entre l’obsolescence programmée et la course aux performances, que ce soit la voiture, l’électroménager ou autres appareils électroniques, outre l’évident coût de l’habitation, ce qui sont nos accessoires du quotidien ont aussi un coût très élevé, voir de plus en plus élevé. Phénomène marginal qui ne passionnait pas tellement les foules dans le temps, de nos jours, face à des prix toujours plus élevés, toujours plus d’objets de convoitise, et une évolution de déclassement progressif où chaque nouvelle génération vit dans un logement moins spacieux que ses parents, le loto semble être, au delà du fantasme de richesse, la solution à tous les problèmes modernes. Envie de rouler électrique mais les véhicules sont hors de prix ? Soyez riches. Pas de temps pour les enfants ou vos loisirs ? Envie de voyager ?  D’avoir des animaux, une maison ? La richesse vous permet de tout simplement prendre le temps de vivre.

Endetté, galérant dans son boulot, se privant de tout et en instance de divorce avec sa femme (Valéria Bruni Tedeschi) qui ne supporte plus cette vie de souffrance, Aldo (Jean-Pierre Darroussin) va être l’heureux élu des dieux, gagnant 10 millions d’euros au loto. Que faire de tout cet argent ? Outre le pouvoir de prendre le temps de vivre, il va surtout s’en servir pour sauver ses amis du chômage et se venger de l’homme qui les a mis à la porte et qui se tape sa femme : Gérard (Richard Berry).

Bien sûr, quand on s’imagine gagner au loto, on pense directement à la méga villa au bord de l’eau avec port privé, cours de tennis et compagnie. Mais si l’argent a bien un pouvoir, au delà de l’oisiveté et le bling-bling, c’est de donner l’opportunité de résoudre tout ses problèmes. En l’occurrence, il s’en servira, après l’errance de ne pas trop savoir que faire (dîners luxueux, montre et costume sur mesure et autres expressions ostentatoires de richesse), pour aider ses amis et monter un projet professionnel, et éventuellement reconquérir sa femme. Car oui, il est facile d’aimer quelqu’un de riche, biaisant toute potentielle relation, donc autant miser sur une personne qui a su nous aimer avant. En cela, l’écriture du film est assez bonne, et à moins de fracasser le budget du film pour sortir de la grosse maison et du voyage, ce qui donnerait Les Tuche, c’était un bon compromis pour montrer comment ce miracle permet tellement d’opportunités, notamment pour se reprendre en main et reprendre le contrôle de sa vie. La science est catégorique : oui, l’argent fait le bonheur, dans la mesure où tous les besoins de base sont remplis et qu’un foyer ne se sent pas bridé dans ses envies. Le chiffre magique se situerait aux alentours des 7000€, donc 14K pour une famille, soit 168K par an. Autrement dit, la somme de 10M couvre justement les dépenses parfaites pour une famille sur toute une vie. C’est dire à quel point 99% des foyers doivent faire attention et gérer un budget freinant leur bonheur. Un film prévisible et facile, mais pertinent et efficace.

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Le Book club mortel


Le Book club mortel
2023
Carlos García Miranda

Quelque peu biaisé par des succès colossaux espagnols comme La Casa de Papel, série globalement très mauvaise qui touche tout juste à la médiocrité dans ses fulgurances, ou Elite, excellente sur ses trois premières saisons, puis dégringolant avec une rare violence jusqu’à des abysses invraisemblables avec la saison 6, Netflix a tendance à produire pas mal de contenu espagnol de piètre qualité. Et encore une fois, direction les méandres de la créativité.

On suit un groupe d’étudiants en littérature, aspirant à devenir des écrivains reconnus, bien que l’une d’entre eux ait déjà connu le succès six ans auparavant. Tous partagent la passion de la lecture, formant ensemble le « book club ». Quand l' »héroïne » va se retrouver agressée par un professeur vicelard, la groupe va décider de la venger en lui faisant peur, déguisés le soir en clowns. Seulement tout va déraper quand ledit professeur va accidentellement chuter d’un balcon, s’empalant plus bas sur une statue. Suite à cela, tout le groupe va subir une énorme pression de la part d’un bloggeur inconnu, postant sur une histoire fictive d’étudiants ayant conduit à la mort de leur professeur, et que l’inconnu en question compte tuer un par un.

Slasher ultra bateau sur des gens rattrapés par un crime passé, le film ponce les pires écueils sur la menace fantôme invincible et inévitable, sacrifiant continuellement la cohérence au profit du spectacle. La seule originalité du film consistera uniquement en combiner la peur des clowns et le cadre de l’université en Espagne. Ou si, la fin. Car si on peut éventuellement s’amuser à chercher le ou les bourreaux, se traduisant par une amer déception ici, combinant prévisible et absurde, la fin se permet l’originalité d’être d’une bêtise ahurissante. On peine à croire au générique de fin. C’est court et on ne se rend pas compte de la futilité de l’ensemble pendant une grande partie du visionnage, c’est tout le positif qu’on pourra en retenir.

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40 ans, toujours puceau


40 ans, toujours puceau
2005
Judd Apatow

Considéré outre-Atlantique comme un classique de la comédie américaine, le film a eu comme effet positif de donner un gros coup de boost à la carrière de Steve Carell, sans quoi nous n’aurions peut-être pas eu l’excellent Crazy Stupid Love, l’une des toutes meilleures comédie-romantique jamais parue. En revanche, cela a aussi eu pour effet dramatique de lancer la carrière du réalisateur Judd Apatow, dont les nombreux succès commerciaux ne reflètent pas du tout la piètre qualité de ses films. Et je dois bien dire que c’est exactement le genre de film qui m’ont progressivement rendu allergique à la comédie américaine, les prémices d’un style qui allait droit dans le mur.

Amis de la finesse, adieux. C’est bien connu, la valeur d’un homme se mesure à la quantité de conquêtes amassée, l’on ne peut pas être épanoui si on ne vidange pas popol dans une foufoune régulièrement. C’est ainsi qu’au cours d’une soirée, Andy (Steve Carell) sera démasqué : c’est une abomination de puceau ! Ses collègues (incluant Paul Rudd et Seth Rogen) vont alors le pousser à faire des rencontres dans l’objectif de tirer son coup au plus vite.

J’avais un souvenir assez naïf du film, me concentrant sur la partie romantique avec Catherine Keener, et bien sûr le côté motivation pour se sortir de sa zone de confort pour évoluer socialement. Car oui, la réussite d’une personne se limite pour beaucoup à fonder une famille et réussir professionnellement, tout autre accomplissement n’a aucune valeur. Depuis ma vision a bien évoluée, et si dans l’absolu la vie c’est mieux à deux, ça n’est pas forcément le cas, et il y a bien d’autres sources d’épanouissement, car le long terme c’est bien, mais si c’est pour subir au quotidien sans source de satisfaction récurrente, alors le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Le message du film n’est donc pas très probant, donnant un postulat peu reluisant. Reste alors à savoir ce que le film en fait. Eh bien pas grand chose. La romance est presque nocive, le couple ne semblant rien avoir en commun, la femme se pressant de bazarder la passion de son Jules par cupidité, qui semble subir tous les sacrifices. Il y aurait eu du potentiel avec son rôle de beau-père, notamment avec Kat Dennings (les deux autres enfants font de simples caméo, presque subliminal pour la plus grande), mais là encore, une seule scène traitera brièvement cet aspect. A l’image de la fin expédiée et loufoque, tout n’est donc qu’une vaste blague, et peu inspirée. Les moqueries sur le fait d’être gay étaient alors d’une lourdeur ennuyeuse, et serait aujourd’hui source de haine. De même, le personnage de Elizabeth Banks semble être présenté comme une choquante nymphomane, qu’on qualifierait maintenant de banale à souhait. Du graveleux jamais subversif, et qui fait de la peine près de vingt ans plus tard tant l’humour déjà pas terrible a de surcroît très mal vieilli. A peine quelques jours après avoir revu le toujours génial Crazy Stupid Love, la comparaison est abyssale.

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