Spenser Confidential


Spenser Confidential
2020
Peter Berg

Après de très fructueuses collaborations avec son acteur fétiche, qu’il retrouve une fois de plus évidemment, Peter Berg revient à sa spécialité : le grand spectacle, lui qui avait accouché du beau bordel aussi jouissif que récréatif Battleship. Cette fois il met à profit son savoir-faire pour le compte de Netflix, qui pour une fois rehausse sensiblement le niveau.

Trop c’est trop. Entre une affaire sur laquelle il bossait dur étouffée et une femme maltraitée, un beau jour Spenser (Mark Wahlberg) va décider de refaire le portait à son connard de patron, quand bien même il est un réputé chef de police. Un craquage qui lui vaudra ni plus ni moins que cinq ans de prison, et ce temps n’a visiblement pas du tout permis à la police de Boston de se remettre en question. Plus pourri que jamais, son ancien patron sera retrouvé mort, la tête tranchée, avec un autre ancien collègue s’étant apparemment « suicidé » la même nuit. Pas le temps de jouir de sa liberté retrouvée, son instinct d’inspecteur va prendre le dessus.

Je dois avouer que le film m’a surpris à plus d’un point, en bien. J’ai d’abord cru à un film tiré d’une série, ou d’une adaptation d’une saga littéraire tant le film possède un vrai univers avec des personnages intéressants, bien écrits, et avec un vraie richesse de fond omniprésente. Ca fourmille de détails de partout, tout est intéressant, développé et utile. Rien de fou ou tellement original, mais dans une aire de consommation et blockbusters décérébrés, voir une réelle écriture réfléchie et aboutie, c’est rare. Un mélange d’actionner ultra généreux des années 80 avec de l’enquête un peu à la Die Hard, où le héros est plus dans la réaction que la réflexion, ayant toujours deux trains de retard sur tout le monde, sorte de looser magnifique mais qui aura à la fois de la chance et un talent certain pour s’entourer de gens non moins chanceux mais surtout bien plus débrouillards. On pense notamment au personnage incarné par le colosse Winston Duke, sidekick aussi attachant qu’amusant, avec un style d’humour moins frontal que Spenser, donnant une belle variété de ton. Le rythme pâtit parfois un peu de la surabondance d’informations et dans les faits, hormis son axe du bon samaritain quelque peu débile compensant son cerveau par ses muscles qui a quelques idées novatrices, l’ensemble reste très classique. Mais je noterais en plus la fin, assez brillante dans le genre, sorte de parfaite synthèse de finesse d’écriture et d’efficacité comique. Une bien belle surprise donc.

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L’Amour en touriste


L’Amour en touriste
2023
Steven K. Tsuchida

Le cinéma vietnamien n’étant pas très développé, se rapatriant surtout sur le cinéma chinois, coréen ou américain, il donc très rare de voir autre chose qu’un énième film sur la guerre qui les a opposé aux USA de 1955 à 1975. Ayant moi-même fait du tourisme là bas et étant de surcroit marié avec une vietnamienne, le sujet ne pouvait que m’intéresser, l’occasion de revoir certains lieux qui avaient jalonné mon voyage.

On suivra une certaine Amanda (Rachael Leigh Cook), une américaine tout juste séparée de son conjoint, partant au Vietnam pour étudier l’éventualité du rachat d’une société de tourisme de Hô Chi Minh, dirigée par Sinh (Scott Ly), un homme passionné qui va bouleverser sa vie.

Il faut tout d’abord saluer la démarche que de mettre en avant un pays qui se limite quasi exclusivement à ses heures les plus sombres dans le paysage cinématographique, d’autant qu’on voit bien que tout a été filmé là où l’action est censée se dérouler. On reconnaît bien les endroits visités, et avec un point de départ à la capitale où je n’en ai vu que l’aéroport, je ne pensais pas que le suite allait m’amener sur les exacts mêmes sites touristiques, que ce soit Mỹ Sơn, Huế ou Da Nang, avec en prime quelques paysages du Nord qu’il me tarde de découvrir un jour. Seulement déjà deux points noirs sont à déplorer : le mensonge – par omission ou malhonnêteté – de la distance et la fréquentation. Dans le film, le voyage Hô Chi Minh – Da Nang semble être l’affaire de quelques heures, alors qu’en l’absence d’autoroute, le trajet prend en réalité une vingtaine d’heures, et dans le même ordre d’idée, il est préféré d’aller à Mỹ Sơn plutôt qu’aux Mains d’or pour cause de 3h de queue, alors même que c’est pratiquement le temps de route pour y aller depuis Da Nang. Pour ce qui est de la fréquentation, même hors saison les rues du quartier historique de Hội An sont constamment blindées, alors que dans le film les rues sont bien tranquilles, ce qui rajoute à l’effet carte postale un côté un peu mensonger.

Pour en revenir au film en lui-même, c’est assez pauvre : une banale romance archi classique et prévisible, rien de très passionnant. Que ce soit pour le scénario ou le côté touristique, tout est attendu, basique. On va dans les lieux les plus communs, connus, la mise en scène est tout juste passable, incapable de réellement mettre en valeur les paysages ou monuments, eh puis surtout le film est à l’image des voyages organisés : un grotesque marathon où l’on visite à la fois tout et rien. On passe rapidement d’un point A à un point B, avec plus de trajets que de temps sur place, ne montrant donc que le strict minimum, comme si on limitait Paris à la Tour Eiffel et que l’on faisait ça pour une dizaine de villes survolées. La culture culinaire n’est pratiquement pas évoquée, aucune pagode, rien sur l’histoire du pays, la faute à une introduction poussive et une romance à la fois expédiée et prenant trop de place. Expédiée pour son développement, mais étirée pour l’éveil des sentiments. Une romance ennuyeuse, mais qui aurait pu avoir plus de potentiel si le Sinh faisait moins métissé et plus local et que l’écriture soit moins classique, et le côté carte postal était gageur et reste dans les faits agréable, mais s’avère tout de même trop superficiel.

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Sous la Seine


Sous la Seine
2024
Xavier Gens

Alors que j’attendais fébrilement la nouvelle adaptation de Silent Hill qui doit sortir dans quelques mois, j’étais surpris de voir son réalisateur avoir un autre projet d’envergure débarquant aussi cette année, mais non. Presque même nom, même métier, même nationalité, mais clairement pas même carrière, et mes attentes étaient donc sacrément faussées.

Imaginez la dinguerie si un requin super énervé se mettait à attaquer tout le monde, genre en pleine Seine à Paris avec en plus une épreuve des JO prévue dedans ? Dingue ! Pas plus.

On aura rarement vu un scénario assumer autant son statut de série B, parodie totalement nanardesque des Dents de la mer, qu’il faudra que je revois un jour à force. On a une militante écolo embourgeoisée (Bérénice Bejo) dont l’équipe se fera décimer par un requin très méchant, qui va prêter main forte trois ans plus tard à la police (Nassim Lyes) pour éviter que Valérie Précesse Anne Marivin (j’ai cru qu’ils allaient même nous faire le coup du « vous m’avez manqué ») ne voit ses JO transformés en bain de sang. Des protagonistes déjà bien cons, mais des génies absolus face à la vraie menace du film : les lesbiennes écolos au cerveau atrophié. C’est du caviar en barre tellement on dirait un vieux réac à qui Netflix a imposé sa grille habituelle de minorités à mettre en avant, et qu’il les a choisit pour en faire des abrutis ambulants au discours aussi stupide que leurs actions seront néfastes. Et c’est magique tant le film semble se saborder lui-même, à l’image des effets spéciaux, tantôt bluffant pour une production française, tantôt si cartoonesques et criards que c’en est comique. Et mon dieu, la fin ! Il fallait oser, et le foutage de gueule est presque aussi abject que ce qu’il est drôle d’imaginer des scientifiques se défenestrer face à une bêtise si purulente. Premier degré, le film est un étron écrit à la truelle, mais en le voyant comme du travail de sagouin expressément torpillé, c’est juste brillant. Donc oui, on peut donc faire exprès et réussir l’épreuve du nanar.

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Atlas


Atlas
2024
Brad Peyton

De gros méchas bien badass et une menace bien d’actualité : l’IA. De quoi espérer un grand spectacle avec un fond de réflexion bienvenu, mais avec Netflix il faut savoir raison garder tant leur propension à pondre du divertissement un peu vide est une plus qu’une habitude, c’est presque leur marque de fabrique. Et effectivement, ça ne ratera pas.

Dans un futur relativement proche, une IA nommée Harlan (Simu Liu) va devenir incontrôlable, décidant d’anéantir une partie de l’humanité puis d’en asservir l’autre pour la protéger d’elle-même. Faute de pouvoir mener son projet à bien d’emblée, il va fuir vers une planète inconnue. 28 ans plus tard, le général Boothe (Mark Strong) va réussir à localiser cette dite planète pour y lancer une offensive et mettre fin à la menace Harlan. Fille de la scientifique qui avait créé l’IA, Atlas (Jennifer Lopez) va également embarquer dans le projet, voulant plus que quiconque mettre fin à ses agissements.

A peine le film démarre qu’il y aurait tant à dire. Encore une histoire d’IA folle qui contourne les lois de la robotique sur « protéger l’humanité » en « protéger cette dernière d’elle-même ». Admettons, d’autant que l’idée de prendre Simu Liu comme méchant faisait sens tant il a fait énormément de mal au MCU avec son Shang-Chi de merde, mais malheureusement son charisme et son jeu d’acteur seront toujours dans le négatif. Ensuite, le « 28 ans plus tard » qui fait bien rire tant JLO se rajeuni de carrément 16 ans, alors qu’en plus le début n’arrête pas de dire qu’elle est vieille, ce qui du coup n’a pas de sens. Eh puis merde, autant être fière d’être encore si belle à plus de 50 ans ! Dans le même ordre de connerie, tout le principe de cet univers est que l’IA est devenue une menace, sans que l’on sache pourquoi elle a dérapé, mais on continue de se servir d’autres IA. Vraiment ?! Pour ce qui est des méchas, c’est peu original, et il faut aussi parler du souci des effets spéciaux. Déjà sans âme et semblant sortir tout droit d’une IA, décidément, ces derniers semblent rushés, comme s’il manquait une couche de modélisation : une texture pas crédible, pas de particules, pas de lumière photo réaliste et encore moins de réflexion cohérente de cette dernière. Sans dire que c’est moche, c’est impersonnel et pas fini.

Plus encore, c’est toute la réflexion autour du concept qui pose problème. Autant dans Westworld (analyse et critique à venir des quatre saisons d’ici peu) on peut comprendre d’une certaine mesure que les robots aient été pensés comme des individus et qu’ils ont appris à s’identifier comme tel, autant dans la globalité de la réflexion d’IA autonome au sens population, le consensus Geth de Mass Effect est un aboutissement obligatoire. Pourquoi conserver des individualités quand la logique voudrait un partage des connaissances pour une entité partagée ? Il est évident que le principe même d’unité perdrait très vite en sens : pas d’individu, nous sommes légion. Mais bien sûr, le film est très loin de se genre de réflexion, il n’en a certainement pas la prétention. D’ailleurs, il est très douloureux de comparer le film au traitement dans Andromeda, les deux ayant au cœur de leur récit la coopération homme / IA, le meilleur des deux mondes, mais ici rien de très novateur, juste une aide militaire surtout, là où le mal aimé spin-off avait des fulgurances extraordinaires, que ce soit pour le conseil, la diplomatie ou la communication, en permettant d’avoir un traducteur intégré directement dans son cerveau. On gardera néanmoins à l’esprit que la comparaison est évidemment injuste : même en faisant abstraction des missions secondaires, le scénario d’Andromeda se bouclant en difficilement moins de 40 heures, soit 20 fois plus que le film, ce qui permet de développer des histoires assurément plus abouties et profondes.

Quand le sujet a un tel potentiel, il est donc difficilement pardonnable de voir un traitement si superficiel, mais même en prenant une approche purement décérébrée de divertissement brut, le résultat reste très mitigé. Visuellement pas dingue, le film est aussi avare en action, se perdant inlassablement dans de l’exposition pas très fine, et quand enfin ça se fout sur la gueule, c’est assez mou et mal filmé. C’est bien simple, je n’ai pratiquement pas pensé une seconde au film en le regardant, me passant complétement au dessus tant chaque situation ou inspiration graphique (la trilogie Mass Effect, Andromeda ou encore Edge of Tomorrow) sont très très largement en sa défaveur. Pas honteux, juste fait à l’arrache et totalement écrasé par le poids de ses illustres modèles.

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Un Choix


Un Choix
2016
Ross Katz

Sur les dix dernières années, les comédies romantiques ont connu une sacrée traversée du désert, et il est loin le temps où les adaptations de Nicholas Sparks dépassaient les 100 M$ dans le monde, avec comme point de chute cet énorme plantage qui n’en rapporta pas le quart, et fut d’ailleurs annulé de par chez nous. Il aura fallut attendre plus de cinq ans, en septembre 2021, pour que Netflix rachète le film et le distribue en France, c’est dire. Et en même temps…

Bourgeoisie, vacances et infidélités. Travis (Benjamin Walker) est un beau parleur, draguant tout ce qui bouge dans son havre de paix, flânant sur son bateau avec ses amis et sa sœur (Maggie Grace), se prélassant sur son bain de soleil, profitant de la vie entre deux rendez-vous dans le cabinet de vétérinaire de son père (Tom Wilkinson) dont il prend la relève. Bien que son ex (Alexandra Daddario) fut de passage, ses yeux ne seront rivés que sur sa nouvelle voisine, Gabby (Teresa Palmer), une étudiante en médecine dont les parents lui ont offert une petite maison sur le côte pour réviser tranquillement. Seulement voilà, elle est censée être en couple avec le médecin du coin (Tom Welling), chose qu’elle sera bien prompt à oublier.

Difficile de se sentir impliqué dans une histoire où les protagonistes n’ont à ce point aucun problème : métier / futur métier de renom et au salaire colossal, famille riche, cadre de vie idyllique et visiblement tout le temps du monde pour en profiter. Pire, l’amour n’est pas non plus un problème tant ils étaient déjà convoités, voir en couple. Mais à l’image de la salope fille, on aura également tendance à l’oublier tant leur alchimie est palpable, seulement la différence est énorme entre mettre de côté une ex qu’on revoyait vite fait, et tromper son copain à la seconde où il part quelques semaines pour le travail. Pire, son comportement face au « choix » sera celui d’une princesse pourrie gâtée absolument dégueulasse. Autant on peut un minimum se montrer empathique face au pauvre con qui tombe amoureux de la bimbo incendiaire d’à côté au sourire ravageur, autant elle ne mérite jamais tant d’égards, devenant de plus en plus insupportable à mesure que le masque tombe. De fait, le dernier tiers nous lâche totalement tant on ne croit plus ni aux personnages ni à leur amour, et le retournement pour relancer « l’intérêt » n’est qu’une rallonge artificielle de drama mal amené et sans le moindre suspens. On aurait pu dire qu’au moins l’histoire était une parenthèse ensoleillée dépaysante et mignonne (si on fait abstraction de l’infidélité immonde), bien que dans le genre Amour et Amnésie soit des années lumières au dessus, mais tout le dernier acte est une rallonge encombrante qui amenuise un intérêt déjà faible.

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Je m’appelle Loh Kiwan


Je m’appelle Loh Kiwan
2024
Hee-Jin Kim

Après la misère au Liban avec Capharnaüm, place à celle de la Belgique. Oui oui, le pays de la frite. C’est bien dans le pays francophone que ce film coréen Netflix a choisi de placer son intrigue, où quand l’immigration n’est plus une solution, mais le problème.

Coulant des jours paisibles en Corée du Nord, Loh Kiwan (Joong-ki Song) va vouloir rejoindre sa mère en Chine, mais sera pour ce fait recherché des autorités, et sa connerie entraînera la mort de sa mère et son envie de fuir, en l’occurrence en Belgique grâce à un passeur. Néanmoins, face à un service d’immigration intransigeant et la barrière de langue, ne parlant rien d’autre que le chinois hormis son coréen natal, sa situation va devenir des plus précaires, l’obligeant à vivre dans la rue avec le rude froid de l’hiver.

Les bases du film sont au mieux bancales : il n’est absolument jamais expliqué – hormis retrouver sa mère – pourquoi le personnage principal a quitté son pays. De plus, l’homme est recherché à la fois par les autorités coréenne et celles chinoises, risquant dans les deux cas la peine de mort, et il semble que les responsables immigrationnistes n’en ont rien a carrer. Bigre que c’est le jour et la nuit avec la France, con de passeur ! Eh puis merde, autant cibler un pays avec plus de population susceptible de parler l’une de ses deux langues asiatiques, que le choix de la Belgique est stupide !

Passer cette approche laborieuse, on découvre un héros assez peu sympathique, la faute à une propension à la connerie phénoménale et une absence de jugeotte ahurissante. Quand on est con… Reste une seconde partie plus intéressante, avec une vie clandestine mais en travaillant vraiment, en cherchant à s’en sortir et à recréer des liens sociaux, une vie en somme. L’amourette aurait être mignonne également, si ça n’apportait pas un point encore plus noir au tableau : une lourdeur infame. Tout ce qui entoure sa copine, hormis la mort de la mère, tourne autour de malfrats, de la drogue et de jeux clandestins. Ca n’apporte absolument rien à l’intrigue, ça casse continuellement le rythme et ajoute du drama là où celui de la désillusion d’une vie meilleur post-immigration était un sujet en or. Et le film en devient bien trop long, avec des baisses de tension régulières. Dommage, l’approche est sabordée de toutes parts, et le résultat est au mieux laborieux, mais bien souvent détestable.

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Capharnaüm


Capharnaüm
2018
Nadine Labaki

C’est bien connu, l’humain est un éternel insatisfait, et le même de La Famille Miller me vient tout de suite en tête quand je me plains de ne pas avoir le Smic ou les fameuses cinq semaines de congés payés. On pourrait de fait imaginer un chinois rétorquer « comment, mais tu as des congés payés ? », puis une personne du tiers-monde répondre « comment, mais vous-êtes payés ? », puis enfin un enfant libanais s’esclaffer « comment, mais vous avez le luxe de ne pas travailler 15h par jour dès vos 4 ans ? ». Ou sinon, pour rester dans l’actualité, un palestinien « mais vous avez le droit de vivre sans qu’un israélien ne tente continuellement de vous tuer ? ». Eh oui, aujourd’hui voici une petite plongée au cœur de l’une des plus grandes misère au monde, tant économique que morale.

On suivra l’histoire de Zain, un libanais d’environs 12 ans qui attaque en justice ses parents pour l’avoir mis au monde. Pourquoi ? Le film nous fera revivre ses mésaventures jusqu’à son arrestation pour avoir poignardé quelqu’un. Tout démarra quand sa petite sœur sera vendue comme épouse à un marchant d’une trentaine d’année, faisant exploser la colère de Zain qui décidera de partir de chez lui.

Ah c’est sûr, le film n’est pas pour tout le monde, et mieux vaut ne pas être trop sensible ou empathique tant les situations décrites, et faisant écho aux propres vies des acteurs choisis dont ce n’est pas le métier, sont aussi véridiques qu’éprouvantes. Ainsi, on découvre une famille aberrante, où des parents démissionnaires vivent dans un petit squat avec leurs huit enfants, procréant irresponsablement dans les grandes largeurs, obligeants leurs petits à travailler dès leur plus jeune âge, pratiquement dès qu’ils peuvent marcher pour ainsi dire. Tout le Liban semble être un gigantesque bidon-ville / décharge à ciel ouvert, la misère est affolante, l’hygiène inexistante, et au milieu de ça les pires atrocités ont lieu, que ce soit le trafic d’êtres humains, la prostitution infantile, et en l’occurrence le mariage forcé entre une petite fille tout juste pubère de 11 ans avec un vieux dégueulasse dans la trentaine. Le pire c’est que ce dernier se défendra en disant que son père s’était lui-même remarié avec une très jeune fille, comme pour se justifier en disant qu’au moins il n’a qu’une vingtaine d’années de plus, que ça pourrait être pire. « Oui madame la juge, j’ai tué beaucoup de gens, mais je n’ai pas le record du monde, donc ce n’est pas si grave ? » »Mais oui bien sûr, vous êtes acquitté ! ». Et au milieu de ça, la seule personne avec un semblant de bon sens, qui réagit, c’est un garçon chétif de 12 ans, digne héritier de George Abitbol (monde de merde). L’acteur est d’ailleurs absolument bluffant, comme l’ensemble du casting tant la frontière entre documentaire et fiction est mince. Une immersion totalement détestable, une histoire atroce pour un film pesant, mais il faut parfois se faire violence et accepter l’inconfort pour ouvrir les yeux sur une réalité très sombre.

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Unlocked


Unlocked
2023
Kim Tae-Joon

Alors non, il ne s’agit pas d’un film adapté de la célèbre franchise de jeux de société « Unlock », ce qui serait potentiellement sacrément cool néanmoins. Pas vraiment exportée malgré le nouvel élan Squid Game, la culture coréenne a toute fois une certaine aura à travers le monde, surtout en France où beaucoup acclament son originalité. C’est donc un thriller sud-coréen qui va nous plonger dans les méandres de la folie d’un bon gros psychopathe.

Tout va commencer un soir de grande fatigue où la jeune Na Mi va oublier son téléphone dans le bus qui la raccompagnait chez elle. Un certain Jun Yeong va alors trouver son portable, et il va s’en servir à des fins très sombres. Dans une aire où tout le monde possède toute sa vie, sociale, professionnelle et sentimentale, dans un petit objet connecté qui peut tout raconter de la vie d’une personne, s’y immiscer devient si facile, si dangereux.

A mi chemin entre un Searching et un Chatroom, le film mélange habilement l’utilisation technologique poussée et le cyberharcèlement avec un énorme taré qui va pouvoir dupliquer le téléphone de sa cible pour épier chaque seconde de sa vie, en connaître chaque recoin. Dans quel but ? Tout est possible, et c’est justement l’un des points forts du film tant l’homme semble posséder tous les vices du monde, capable du pire. Un jeu de manipulation, pas forcément aussi vicieux que Chatroom, mais assez poussé, et plus le film avance plus on prend conscience de l’ampleur de la folie du stalker. Le seul véritable point noir est la police, d’un niveau d’incompétence si phénoménal qu’il faut le voir pour le croire. Une bonne surprise dans l’ensemble, trouvant un axe original et pertinent dans une époque où notamment la jeunesse est un peu trop prompt à exposer sa vie dans les grandes largeurs sur les réseaux sociaux.

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Le Dernier Vermeer


Le Dernier Vermeer
2021
Dan Friedkin

La période de la Seconde Guerre Mondiale, que ce soit son déroulé ou ses conséquences, est un sujet très très difficile à aborder, que ce soit à cause d’une radicalité toujours plus débile ou d’un parti prit encore plus abusif. L’histoire est écrite par les vainqueurs, et le manichéisme qui en découle est souvent insupportable, avec comme apogée des étrons filmiques comme le toxique Hannah Arendt qui posait la question de savoir si les nazis étaient des êtres humains… Pathétique. Mais pour une fois, on s’attaque à quelque chose de plus proche de la vérité, plus gris, cette réalité où chacun accepte sa part d’ombre sur l’autel de la survie.

Le film se déroule aux alentours de 1946, au lendemain de la guerre alors qu’une véritable chasse aux sorcières a lieu pour traquer tous ceux qui auraient collaboré, de gré ou de force, avec l’ennemi, donnant lieu à des exécutions sommaires dans les rues, fusillant à tour de bras. Membre de résistance danoise, Joseph Piller (Claes Bang) va être propulsé inspecteur au sein d’une brigade des alliés et sera chargé de retrouver les propriétaires de tableaux inestimables arrachés aux nazis. Il tombera sur un certain Han Van Meeger (Guy Pearce), un vil receleur qui se serait enrichi grâce aux nazis sur le dos de juifs dépossédés de leurs biens. Mais la vérité est tout autre.

Ce n’est un secret pour personne, sauf les américains ignares qui ont pondu cette daube abrutissante de Monuments Men, mais les nazis – enfin surtout les généraux – étaient de grands passionnés d’art, oubliant parfois un peu trop la guerre pour leurs intérêts personnel et des collections il est vrai pas très légitimes. L’histoire vraie du film est celle d’un artiste moqué, conspué, qui trouvera sa revanche en devenant le plus grand faussaire de l’histoire, un non suspens tant tout est limpide dès le début. Un axe excellent pour montrer qu’on peut se servir d’un ennemi naïf pour s’enrichir, mais surtout que les pourris sont partout et que les « sauveurs » n’étaient pas meilleurs que les monstres dépeints en face. La chasse aux sorcières, aux collabos avec les pelotons d’exécutions improvisé au milieu de la foule, ça n’est ni plus ni moins que le portait dressé de la traque des juifs, où comment l’histoire se répète dans une hypocrisie ahurissante. Le film a aussi l’intelligence de montrer tous les sacrifices fait au nom de la survie, et que même les actions les plus viles peuvent être commise pour de bonnes intentions. Non, les gens ne sont pas toujours blancs ou noirs, mais peuvent avoir une morale plus grise. Enfin un peu de bon sens, et c’est uniquement comme ça qu’on peut tirer des leçons du passé.

Pour ce qui est du film en lui-même, hormis ce traitement de la morale et de l’Histoire avec un grand H des plus pertinents, c’est là encore assez gris. Le casting est très bon, la réalisation classique mais esthétique, les décors et costumes semblent authentiques : une production d’envergure donc, et il est dommage que le film fut sacrifié en VOD ou en sortie chaotique en plein covid selon les pays, récoltant moins d’un million dans le monde. La narration est prévisible jusque dans les moindre rebondissements, ce qui est un peu dommage, mais on suit l’histoire sans déplaisir, bien que cela aurait pu apporter plus d’impact aux moments forts comme le procès. Le manque de rythme ternira un peu le tableau également, mais on tient une œuvre ambitieuse, divertissante, inspirante, et qui a le sacré mérite d’avoir du recul et de l’honnêteté intellectuel, chose peu courante.

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Mindscape


Mindscape
2014
Jorge Dorado

Le succès d’un film n’est pas forcément définitivement enterré. Après une sortie en catimini en 2014 sous le nom Anna, le film ne sera arrivé en France que huit ans plus tard en VOD, et plus récemment sur Netflix où un public plus massif a enfin pu le découvrir. Il faut dire pourtant que le concept est plus qu’intriguant, l’exécution très mystérieuse, et même le casting est des plus réjouissants tant Mark Strong est malheureusement systématiquement cantonné à des seconds rôles, lui qui prouve ici qu’il a largement les épaules pour porter un projet.

Qu’est-ce qu’un Mindsape ? C’est une sorte de télépathe capable de faire revivre à quelqu’un ses souvenirs, tout en pouvant de son côté les découvrir. Expert dans ce domaine, pour ne pas dire une sommité mondialement reconnue, John (Mark Strong) va se voir confier une petite enquête pour le remettre sur pieds après le suicide de sa femme : découvrir pourquoi une adolescente, Anna (Taissa Farmiga), se laisse dépérir en faisant une grève de la faim. Il devra donc sonder son esprit en quête de vérités cachées.

L’histoire nous embarque directement tant son concept est bon : une espèce de médium qui justifie cinématographiquement l’exploitation de flash-back, tout en nous disant de prendre garde, car qui dit souvenirs, dit possibles oublis ou arrangements de l’esprit pour se protéger notamment. On découvre, au même titre que le héros missionné, une famille très dysfonctionnelle avec un nombre de failles incalculables, nous faisant aller d’une théorie à une autre, surtout du fait du caractère très riche de cette dernière, avec cette demeure potentiellement sinistre, voir sinistrée, entourée de bois non moins énigmatiques et terrifiants. Un mélange d’enquête teintée de surnaturel comme Sixième sens, avec là encore un jeu de piste assez remarquable tant certains points anodins prennent une propension dantesque une fois le puzzle assemblé. Et malgré un budget réduit de seulement 4,4 M$, on ne sent à aucun moment les limitations tant le film est généreux et ambitieux en termes de décors, avec quelques têtes connues également comme Brian Cox ou Indira Varma de Game of Thrones. Pas aussi marquant que l’illustre model, le film reste efficace et original sur son approche et mérite clairement le détour.

 

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