Justice League
2017
Zack Snyder & Joss Whedon
Dire que ce film était attendu serait un doux euphémisme tant les héros DC sont légendaires, et un film réunissant les plus emblématiques d’entre eux est quoi qu’il en soit un événement majeur dans l’histoire du cinéma. En dehors de l’erreur Suicide Squad, l’univers DC initié avec Man of Steel était jusqu’alors un sans-faute : les aventures de l’homme d’acier étaient exceptionnelles ; l’affrontement au sommet de Batman V Superman était très bon, voir excellent dans sa version remontée de 3h qui corrige pratiquement tous les problèmes de la sortie ciné ; et enfin Wonder Woman, superbe surprise qui apportait un réel vent de fraîcheur dans le paysage, tout en conservant le même style sombre et pesant que dans les précédents longs-métrages. Seulement en sortant des films plus adultes et violents que Disney et ses Marvel, la Warner a constaté que les recettes peinaient à égaliser celles de la concurrence. Les décisions en interne d’alléger le ton faisaient trembler les fans, puis quand le réalisateur des Avengers a remplacé Zack Snyder au pied levé suite à un drame familial, le studio lui a autorisé des reshoots d’envergure, allant jusqu’à modifier certains aspects du scénario, sans compter la post-prod intégralement gérée par Joss Whedon. La crainte de le voir accoucher d’un projet aseptisé était immense, mais la menace venait de l’intérieur.
Malgré la scène étrange avec la terre qui semble bouger, à la fin de la bataille contre Doomsday, Superman (Henry Cavill) est bien mort, plongeant le monde entier dans la peur : même un dieu peut tomber. La recrudescence des délits ne fut pas le seul effet indésirable de cette perte, des êtres démoniaques sont eux aussi apparus, attirés par la peur des gens. Sbire de Darkseid, la terrible menace qu’a découvert Lex Luthor (Jesse Eisenberg) grâce à la technologie kryptonienne, Steppenwolf va profiter de la mort du plus grand protecteur de la Terre pour l’envahir et rassembler « L’Unité », une ancienne force scellée dans trois cubes d’énergie dispersés parmi nos peuples. Pour le stopper et ramener la paix, Bruce Wayne / Batman (Ben Affleck) va réunir une équipe de méta-humains : Diana Prince / Wonder Woman (Gal Gadot), Barry Allen / Flash (Ezra Miller), Arthur Curry / Aquaman (Jason Momoa) et Victor Stone / Cyborg (Ray Fisher).
Ce qui a fait d’Avengers un si grand succès, c’est qu’au bout de cinq films à apprendre à connaître individuellement chacun des héros, on les voyait enfin pour la première fois ensemble. Alors certes, c’était débile de savoir que chacun existait sur le même plan et qu’un seul bougeait quand le monde entier courait un immense danger, causant beaucoup d’incohérences, mais ça donnait plus d’impact au rassemblement. Ici, dès le second film de l’univers le rassemblement était déjà énorme, désamorçant l’effet « wahou » et ne nous créant pas initialement d’attache à certain personnages. Le résultat est immédiat : avec la première scène on se rend d’autant plus compte d’à quel point Superman est génial, de même que Batman façonnant la Justice League avec Wonder Woman ont tout deux un charisme de dingue, mais de leurs côtés Flash est vite fait marrant, Cyborg n’est qu’un ordinateur dispensable et Aquaman est carrément osef. On nous tease en arrière-plan la venue d’autres justiciers comme Green Lantern, nous faisant comprendre que quantité n’est pas gage de qualité en qu’en réalité le Justice League qu’on attendait tous a déjà eu lieu et s’appelait Batman V Superman, notamment dans sa seconde version. Le film n’est pas complètement en lui-même une déception puisque la création du groupe est très intéressante, les effets-spéciaux sont au niveau, le ton et le style graphique sont respectés (pas de sacrilège donc) et les protagonistes sont bien là avec Lois Lane (Amy Adams), Martha Kent (Diane Lane), Alfred (Jeremy Irons) et l’inspecteur Gordon (J.K. Simmons). Le vrai point négatif du film, c’est surtout son histoire, épisode transitif pour échauffer la League : point de Darkseid, seulement un sous-fifre stéréotypé qui veut classiquement détruire le monde. Entre la création du groupe – devant au passage introduire des personnages qui n’ont pas eu droit à leur propre film – qui prend au bas mot 1h15 et une histoire lambda oubliable, le film semble n’être qu’une simple mise en bouche sans envergure, alors même que le film aurait dû être un point culminant.