L’Attaque des Titans


L’Attaque des Titans
2013-2023
Hajime Isayama (manga)

Il y a quelques jours, un monument de l’animation japonaise a prit fin avec l’adaptation du désormais culte manga SNK (Shingeki no Kyojin), autrement connu en France comme L’Attaque des Titans. Après quatre saisons étalées sur dix ans (en réalité six saisons et deux films de conclusion), le phénomène prend fin, puisque contrairement à des mangas comme Naruto (avec Boruto) et One Piece qui s’éternisent depuis plusieurs décennies, le manga papier de SNK n’aura duré « que » treize ans, de 2009 à 2021 pour un total de 34 tomes. Outre le fait que le manga papier est un des plus laids qu’il m’ait été donné de lire, ayant de surcroît réellement un mal terrible à différentier certains personnages trop proches physiquement, sa fin avait fait grand bruit à l’époque.

Succès correct mais loin de truster le haut des charts, SNK avait timidement commencé sa carrière, avant d’exploser en 2013 avec l’anime, largement salué pour la direction artistique, la violence tant physique que psychologique, le soin apporté aux environnements, aux personnages, au dessins en général. Alors que le BIG 3 (One Piece, Naruto et Bleach) nous avaient habitué à des productions animées bâclées sortant inlassablement chaque semaine, ce qui est devenu depuis une norme (des saisons plus resserrées, d’une vingtaine d’épisodes, parfois espacées de plusieurs années) a fait un bien fou. Le rythme est infiniment meilleur, pas de HS, et une qualité d’animation qui fait plaisir. Le manga est alors rentré dans la cours des grands, bien que la version papier était d’une qualité graphique exécrable en comparaison, son mangaka étant clairement un bien meilleur scénariste que dessinateur. Et on sait bien à quel point une fin redéfini une œuvre dans son ensemble, donc étant donné à quel point celle du manga a divisé, la pression était terrible pour le fameux final sorti le 5 novembre 2023. Va t-elle réconcilier les fans déçus ? Détruire son image d’anime culte ? Reprenons d’abord depuis le début.


L’histoire prend place dans une époque indéfinie moyenâgeuse, dans le royaume Eldien. Les terres sont composées de différentes villes fortifiées imbriquées les unes dans les autres, se protégeant derrière d’immenses remparts d’une terrible menace : les titans. Créatures humanoïdes pouvant faire de 5 à 50 mètres, dénuées de toute conscience ou intellect, muées uniquement par le désir de destruction et de surtout dévorer les humains qui croiseraient leur route. Qui a t-il derrière les tous premiers remparts ? Qu’en est-il du reste du monde ? Y a t-il un reste du monde ? Pourquoi ce fléau divin s’abat inlassablement ? Si une escouade d’exploration existe, elle n’a jamais de mémoire d’homme dépassé les forêts avoisinantes, donc personne ne sait. Heureusement, les remparts sont solides et n’ont jamais été franchis par les titans. Curieux de nature, Eren Jäger a toujours rêvé d’intégrer un jour l’équipe d’exploration, qui se sert de ce qu’il appellent un « équipement tri-dimensionnel » pour se déplacer et affronter si besoin les titans hors des murs, mais les fous avides de connaître le monde d’en dehors finissent rapidement dévorés. Les enfers sont littéralement à leur porte, et un beau jour cette porte va voler en éclat quand un titan colossal de plus de cent mètres de haut va pulvériser le tout premier rempart et exposer ainsi la première tranche au déferlement de titans qui y attendaient.

Les deux premières saisons seront très similaires, nous faisant découvrir petit à petit un univers d’une richesse folle, entouré de tellement de mystères que la peur d’être déçu est aussi gigantesque que les titans qui déchaînent leur violence sur des habitants apeurés. C’est dantesque, les combats sont d’une violence inouïe et la menace semble impossible à défier, personne n’est à l’abris, même ce qui semble être dans un premier temps les personnages principaux. Ces deux premières saison ne font que 25 épisodes en cumulé, attisant la curiosité autour d’un mystère qui ne fait que croître, d’une efficacité folle et à l’animation spectaculaire, imposant une vraie pate originale, mêlant épique et horrifique. Voilà qui met pleinement l’eau à la bouche, tout en restant conscient du risque de déception potentiel quand un univers repose à ce point sur d’épais brouillards.

Saison 1 et 2 :

Que se cache derrière le brouillard ? Que contient le fameux sous-sol ouvrable avec la fameuse clé ? Vous n’êtes pas prêts !

L’attente semblait longue, mais la récompense est sans commune mesure. Quelle claque ! Quelle leçon de maître ! Rien que pour les révélations du comment du pourquoi, le manga et surtout cet anime (bien plus travaillé et réussi visuellement) est et restera à jamais l’une des meilleures œuvres de toute l’histoire de l’humanité. Fait rare, le mangaka avait pensé l’intégralité de son manga avant même la sortie du premier tome, montrant avec le recul dès le premier chapitre à quel point il savait exactement où il allait. Et que dire si ce n’est merci ? Bravo.

Impossible de révéler quoi que ce soit sans briser la magie d’une découverte impensable, qui peut-être pour la première et seule fois de ma vie m’a fait me dire que n’aurait jamais pensé à une telle profondeur. Et immédiatement, on se remémore tout le chemin parcouru, tous les événements passés, et à quel point leur vision en devient totalement bouleversée, ignorants simples mortels que nous sommes. Prodigieux, avec encore à la clé des idées de mise en scène, de design, de thématiques toujours plus folle, faisant écho aux heures les plus sombres de notre histoire, et même à l’actualité moderne avec une pertinence qui force le respect. C’est beau, d’une rare intelligence, nous ouvrant les yeux sur ce que l’on croit savoir, ce que l’on croit voir, ce que l’on croit comprendre. On tutoie des sommets que n’ont atteint que peut-être furtivement Evangelion, Xam’d ou Death Note.

Saison 3 :


Bien plus longue, la « quatrième saison » (représentant le tiers de l’anime) a été dispersées en quatre parties sur quatre ans, et n’est de fait pas égale à elle-même. La première partie est la pure continuation des révélations qui ont redéfini l’histoire, enchaînant un quasi sans faute, si ce n’est que pour la première fois, on semble en savoir plus que ce qu’il ne reste d’ombres, et on commence un peu à voir où l’anime / manga va aller. La narration devient plus « sage » et limpide, ce qui n’est pas forcément un mal, d’autant que le virage négocié est très bien développé et intéressant, tout en gardant la sève de ce qui a rendu SNK immédiatement fascinent : sa violence. On reste donc dans des stratosphère immenses, mais il est vrai que quelques points vont poser problème à partir de la seconde partie et le passage dans « l’axe ».

Encore une fois, l’anime est une œuvre d’une richesse inouïe : politique, psychologique, et offrant un divertissement spectaculaire absolument dantesque. Mais les changements de points de vue sur toute la dernière ligne droite sont trop brusques, manquant de conviction et de la profondeur à laquelle on s’était habitué. La psychologie de certains personnages sonne faux, la convergence des buts est maladroite, et à vrai dire toute la fin n’aura de cesse que de les faire douter, à juste titre ou non. Mais soyons reconnaissant du travail fait, car l’anime est à des années lumières au dessus de ce que propose le manga, dont la fin a été jugée même par son auteur comme abrupte, et c’était là l’occasion d’enfin expliquer certains choix étranges, ou tout du moins développer bien plus son idée. On ne peut que l’en féliciter tant on revient de loin, et avec le recul bon nombre de choix très discutables sur le papier deviennent une conclusion logique, voir inévitable. L’épilogue supplémentaire ajouté montre les conséquences des choix de chacun, amer, mais logique et en vrai assez satisfaisant. Un constat qu’on peut étendre sur beaucoup de points, que ce soit le grand … qui est cette fois bien plus palpable dans ses conséquences, ou encore l’affrontement ultime, un peu moins frustrant sur certains points.

Alors oui, face à une montée en puissance si marquante, n’avoir une fin que « satisfaisante », est potentiellement décevant, mais SNK arrive dans son ensemble à porter fort son message, et si la fin du manga gâchait quelque peu le bilan, c’est nettement moins le cas dans son adaptation en animé. Rarement un manga aussi populaire aura autant mérité son succès, très largement au dessus des classiques du genre qu’on encense un peu trop facilement. Un récit épique, quasi biblique, transformant une menace divine en une brillante analyse de l’espèce humaine.

Saison 4 :

 

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