Black Phone


Black Phone
2022
Scott Derrickson

Fuyant le navire sombrant du MCU où la suite de son Doctor Strange lui fut enlevée pour un résultat au mieux décevant, le réalisateur retourne à ses premiers amours : le cinéma d’horreur. Carton plein et critiques positives, chose assez rare dans un genre si difficile à renouveler et où les sous-productions bancales sont légion, de quoi attiser la curiosité, d’autant que l’intrigue va venir titiller notre fibre nostalgique à la manière d’un Stranger Things.

L’histoire prend place dans une petite ville américaine classique, durant les années 80 semble-t-il. Entre les mystérieuses disparitions d’enfants angoissantes et une adolescence difficile, jusque dans son cercle familial avec une mère décédée et un père (Jeremy Davies) alcoolique violent, la vie de Finney (Mason Thames) était déjà peu reluisante, mais le sort va s’acharner puisqu’il va être la nouvelle victime d’un psychopathe (Ethan Hawke) à l’origine de toutes les disparitions précédentes. Isolé dans une cave lugubre, il ne pourra compter que sur un téléphone noir capable de recevoir des appels de l’au-delà.

Plus que d’agiter la carte de la nostalgie, le film y met les formes : image terne, pellicule pleine de grains, tout dans l’image fait écho à cette époque lointaine. Et c’est aussi pourquoi la série Stranger Things marche à ce point, que la première partie de It était bien meilleure et que globalement l’idée de faire un film d’horreur à cette époque est pertinent. A force d’en faire un doudou réconfortant, berceau de presque toute la pop-culture où la vie semblait – et était objectivement – tellement plus simple et bienveillante, vouloir nous y plonger, nous amadouer, pour mieux renverser la situation avec de l’angoisse, c’est certes facile, mais carrément brillant. Mais au delà de ce simple postulat, le film est particulièrement bien fait et prenant, nous embarquant dans une histoire sordide pleine de rebondissements. Et là où le film marque aussi des points, c’est qu’il n’est pas débilement gore ou gratuit dans sa démarche, c’est de l’horreur non visuelle, plus sensorielle. Le seul reproche, outre la relative banalité de l’histoire de fond, c’est l’absence d’impact de certaines sous-intrigues, notamment la sœur. Plus d’imbrication ou de retournements auraient été appréciés, mais ne boudons pas notre plaisir, les films d’horreur de cette qualité se font rares.

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Gone Baby Gone


Gone Baby Gone
2007
Ben Affleck

Tout premier film en tant que réalisateur pour Ben Affleck, qui signera ensuite coup sur coup des films acclamés, certains l’ayant même amené jusqu’aux Oscars, avec pour ses débuts une adaptation d’un type qui a l’air sacrément joyeux, l’écrivain Dennis Lehane à qui l’on doit Mystic River. La thématique restera là aussi la même : de sombres histoires de famille, de l’enquête, le tout s’axant autour de la pauvreté et surtout une fille disparue.

Mère vraiment pas fréquentable dont le mari s’est barré, Helene (Amy Ryan) avait l’habitude de laisser sa fille de quatre ans vagabonder un peu toute seule, car quand elle ne l’amenait pas dans des braquages ou autres joyeusetés, ses grandes passions dans la vie sont boire et se droguer, avec souvent les jambes écartées pour payer tout ça. Un beau jour, sa fille va disparaître et pas la moindre piste à l’horizon. Pour aider la police (incluant Morgan Freeman et Ed Harris), la sœur de la mère et tante de la disparue va demander de l’aide à Patrick (Casey Affleck) et Angie (Michelle Monaghan), un duo de détectives privés ayant l’avantage d’être du quartier, et donc plus à mêmes de délier les langues.

Revenant visiblement de loin, les frères Affleck avaient à cœur de montrer l’enfer de leur enfance, dans un quartier ravagé par tout ce qui est possible et imaginable : pauvreté, alcoolisme, drogues, banditisme, kidnapping, pédophilie et meurtre. Le loto gagnant de la vie de merde. Pour nous plonger dans la bonne humeur de ce milieu réjouissant, la disparition d’une petite fille est une porte d’entrée des plus sympathiques. Pour ma part, ce n’est pas le genre d’ambiance qui m’intéresse, mais ça n’est pas gage de qualité. Au contraire, l’enquête est assez différente de par son mélange professionnel / amateur de la rue, et l’écriture du film laisse d’abord circonspect, avant d’un peu plus convaincre au global. En effet, l’enquête sur la fille se résout au beau milieu du long-métrage, nous prenant de cours et nous laissant un peu estomaqué : que raconter après ? Il y aura effectivement plus à découvrir, et le récit sera moins prévisible et linéaire que Mystic River par exemple, mais n’en aura pas non plus l’impact ou la qualité d’interprétation. Car outre une morale inconstante voir incohérente, le casting n’est pas toujours très convaincant. Déjà insupportable sur le papier, le personnage de Patrick est de surcroît interprété par un Casey Affleck amorphe antipathique au possible, décuplant le côté insipide et stupide. Une histoire bien ficelée, riche en rebondissements et avec un axe original, solide dans son exécution et qui de facto est un très bon film, mais qui personnellement m’a laissé en dehors à cause de son cadre peu reluisant, sa morale incohérente, et surtout son personnage principal insipide semblant continuellement défoncé.

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L’Appel de la forêt


L’Appel de la forêt
2020
Chris Sanders

Roman culte de Jack London, l’œuvre a déjà été adaptée une dizaine de fois au cinéma, avec presque à chaque fois l’une des plus grandes stars de l’époque en tête d’affiche. C’est dire l’aura mythique de l’ouvrage, et cette fois ne fait pas exception, si ce n’est que les temps ont changé. Avec les évolutions technologiques, faire courir des risques énormes aux animaux (avec des morts sur nombre tournages du genre) n’est plus envisageable, faisant de fait grimper le budget ici à 125 M$, ce qui aurait été largement amorti vu le démarrage très correct, mais qui se solda par un désastre financier du fait de sa sortie historiquement catastrophique : à quelques jours des fermetures des salles pendant de longs mois pour cause de Covid. En cette période de fête propice aux films familiaux du genre, le long métrage semblait tout indiqué, mais avec un défi de taille : justifier son existence quand son histoire a déjà été adapté plus que de raison, et faire passer la pilule des animaux en effets spéciaux.

L’histoire prend place à la fin du XIXème alors que le pauvre Buck va se voir arracher à sa famille bourgeoise pour se voir attelé de force au traîneau d’un certain Perrault (Omar Sy), un postier au boulot des plus rudes puisqu’il doit traverser les terres les plus froides du Canada pour livrer le courrier sur des distances folles. Un changement de vie brutal, mais il faut contre mauvaise fortune faire bon cœur.

Contrairement à ce que l’affiche laisserait penser, non, Harrison Ford n’est pas le premier rôle, pas plus qu’Omar Sy. En vérité le film est découpé en deux parties, et chacun est le personnage secondaire principal de sa moitié, puisque le personnage principal est Buck, et les deux autres ont un temps d’écran équivalent. Il s’agit avant tout d’un chien domestique classique, qui se retrouve du jour au lendemain kidnappé puis revendu, passant de la chaleur et de la tranquillité au froid glacial, des conditions climatiques aussi rudes que primitives. Des thématiques dans le fond assez classiques sur le retour à la nature, à la vie sauvage. Peut-on retrouver son état primitif après une vie de domestication ? Est-ce un style de vie plus pur, plus en adéquation ? A l’image des hommes, tantôt bons, tantôt vils (Dan Stevens), la réponse ne sera pas manichéenne bien sûr, ce sera plutôt une question d’apprendre à aimer ce que l’on a. Un esprit très Noël en sommes, et que ce soit dans la mise en scène ou son récit, le film est très prenant. Alors bien sûr, on est encore loin d’animaux totalement bluffant, les FX restent criants notamment sur les mouvements trop brutaux ou trop fluides, l’aspect informatisé saute aux yeux, et plus globalement l’attachement émotionnel aurait été plus fort avec de vrais animaux avec un dressage forçant le respect. Mais en l’état on reste sur du bon divertissement véhiculant de belles valeurs, une ode à l’aventure comme on en voit que trop rarement.

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Le Monde après nous


Le Monde après nous
2023
Sam Esmail

Après une bande-annonce des plus mystérieuses, teintée d’angoisse et d’airs de fin du monde dantesque, le tout desservi par un casting prestigieux, la hype était énorme. Potentiel petit cadeau de Noël en avance pour les uns, d’anniversaire pour ma part, j’avais très hâte de sonder les mystères de ce qui semblait être un des événements de la fin d’année, venant me réconcilier avec Netflix après le foutage de gueule The Killer, un ratage peu commun, qui viendra pourtant se faire challenger dans les abysses du néant.

L’histoire est celle d’un couple (Ethan Hawke & Julia Roberts), des bobos de la ville, ayant loué une maison au vert pour se ressourcer avec leurs enfants le temps d’un weekend. Mais dès le premier soir, leur tranquillité va être dérangée par un certain G. H. Scott (Mahershala Ali) et sa supposée fille, se prétendants être les propriétaires, et suite à une série d’incidents, vont vouloir passer la nuit dans ce qui est normalement leur maison secondaire qu’ils louent. Le début de phénomènes bien plus inquiétants, allant d’un pétrolier en dérive à une coupure des communications. Que se passe t-il ?

Rien. Enfin si, plein de choses, mais le film aura visiblement soit la flemme soit l’absence d’envie de se prononcer quant aux événements. Il n’y aura aucune explication à quoi que ce soit, que des suppositions émises par les protagonistes sans que rien de concret ne vienne aiguiller solidement quoi que ce soit. D’une durée massive de 2h20, le film est une boîte mystère, mais vide. C’est un principe qui consiste à susciter la curiosité du spectateur en ouvrant plein de pistes intrigantes, mais aucune piste n’amènera où que ce soit, rien ne sera développé ou expliqué. Le troisième chapitre consiste en du potentiel échangisme amoral sortant de nulle part, rallongeant artificiellement une durée déjà lourde, mais là encore, ça n’aboutira pas et ne servira à rien, ni conflit ni répercutions ni continuité. Du brassage de vent intégral, d’un niveau de foutage de gueule si puissant que le dernier plan du film consiste en une récompense de type contenu audiovisuel qui passionne l’un des protagonistes, et qui hasard des choses, est disponible sur Netflix. Incroyable coïncidence ! Donc non seulement le film joue la carte du mystère pour finalement ne rien en faire, mais le seul accomplissement d’un des personnages consiste à regarder quelque chose disponible sur Netflix. Ce n’est même plus honteux ou une arnaque, c’est d’un niveau de criminalité intellectuelle si abjecte qu’on a tout simplement jamais vu ça. Les critiques élogieuses sont aussi criminelles, validant de l’auto-fellation aberrante. L’existence même du film est préjudiciable à l’humanité entière, à fuir.

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Collateral


Collateral
2004
Michael Mann

Considéré comme l’un des plus grands films de l’un des plus grands réalisateurs, le film fut très largement salué à sa sortie, il est vrai marquant une révolution technique pour l’époque, étant l’un des premiers totalement tourné en numérique, et ce pour une raison pratique : le tournage de nuit. Si les capteurs des caméras pellicules ont fait des progrès, c’est avec l’avènement du numérique que les tournages nocturnes sont devenu bien plus lisibles et faciles. Un argument solide en son temps, mais qui n’a factuellement aucun intérêt pour le spectateur avec les années, et ça n’est plus gage de qualité. Presque deux décennies se sont écoulées, ne laissant qu’un vague souvenir  à réécrire.

On suit un simple chauffeur de taxi de LA, Max (Jamie Foxx), qui se croyait en veine ce jour-là, venant de faire une course en agréable compagnie (Jada Pinkett Smith) avec un petit numéro gratté à la clé, mais c’est avec son prochain client que les choses vont se gâter. Un certain Vincent (Tom Cruise) va lui demander de l’escorter toute la nuit, dans une tournée de visites « amicales », mais quand la première va se conclure sur un cadavre dans le coffre et un flingue sur la tempe, il va vite regretter sa course.

Encore un film de tueur à gages, mais cette fois le point de vue est inversé : le tueur ne sera pas « adulé » et mis en avant, mais sera l’élément perturbateur. Le point de vue sera celui d’un potentiel dommage collatéral (d’où le titre), subissant cette violence qu’il va chercher à fuir. Un rôle à contre-emploi pour Tom Cruise, qui de fait se retrouve être le méchant, et où son assurance habituelle sera renvoyée à la monstruosité de son « métier ». Un choix d’axe réussi, un casting solide (à noter les présences de Mark Ruffalo, Javier Bardem ou encore Jason Statham) et un rythme plutôt bon, surtout dans son dernier tiers où tout s’accélère, avec un climax sympathique. La réalisation est très belle, et globalement le film est bon, mais pas exempt de défauts. Tout d’abord le tueur froid, dont l’arrogance semble peu justifiée vu la quantité aberrante de risques pris et surtout les innombrables erreurs, laissant tellement de témoins et de traces sur sa route qu’on s’étonne que sa carrière ne se soit pas arrêtée d’emblée. La scène de la boîte de nuit, magnifique visuellement, est débile à souhait, trop frontale, et surtout ne créant que trop peu de réactions. Comment peut-on danser calmement quand quelqu’un se fait tuer juste à côté ? Tout l’aspect enquête policière est ratée d’ailleurs, ne servant à rien, n’apportant aucune conclusion, avec même une incertitude sur le sort de certains. Et en parlant de conclure, la fin est trop abrupte, laissant trop d’histoires sans contexte ou inachevées. Prouesse technique, maîtrise dans la réalisation, divertissant avec un casting solide, mais une histoire un peu bancale, pas très originale de base et à l’écriture lacunaire.

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The Killer


The Killer
2023
David Fincher

Assurément l’un des plus grands événements cinématographique du moment, le film est réalisé par un auteur oscarisé considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire, avec en tête d’affiche un immense acteur se faisant assez rare dernièrement, le tout pour une adaptation d’une BD française à l’ambition ahurissante puisque le budget est colossal, pas moins de 175 M$, ce qui est dingue pour une production Netflix. Comme quoi, on peut avoir du potentiel, s’en donner les moyens, de la main des plus grands, mais se vautrer comme rarement.

L’histoire est ô combien classique : celle d’un tueur à gages (Michael Fassbender). Il va un jour rater une mission, tuant la mauvaise personne, et au lieu de retenter un second tire ou de chercher à honorer son contrat à une autre occasion, il va prendre la fuite. Grosse erreur dans ce milieu, et un contrat sera mis sur sa tête, mais c’est sa femme qui sera trouvée seule chez lui, finissant à l’hôpital. Constatant à son retour que son inaction a eu des répercussions, il cherchera à se venger.

Le postulat du film est déjà catastrophique. Il rate sa mission, ne l’assume pas, la faute retombe sur sa femme, mais qui survit, et lui qui jacasse pendant toute la longue introduction pour dire à quel point c’est un tueur froid, qu’on s’en fout de la cible, il va prendre à cœur d’avoir été la cible. Et alors même que visiblement tout le monde a tourné la page, que l’agression sur sa femme aura été un avertissement suffisant, il va quand même partir en croisade pour liquider tous ceux impliqués. C’est totalement illogique et débile. Mais si au moins le film était efficace…

Certes, que l’histoire soit bancale, avec un protagoniste détestable et incohérent, c’est assurément le plus gros souci, mais des films mal écrits restant divertissants, il y en a. Ce ne sera pas le cas ici, le style du film étant un problème d’une ampleur presque aussi grande. Pratiquement pas une seule scène d’action, là seule réelle étant une bagarre chaotique où le style froid et distant rejette toute forme de dynamisme. Il attend, enquête, se déplace, s’infiltre, prend l’avion. Que c’est mou ! Eh puis surtout, il faut parler de cette immense blague : 175 M$. Alors oui, il y a pas mal de décors, on voyage beaucoup, mais il n’y a que très peu de casse, jamais de grande ampleur, et à aucun moment on ne sent l’argent à l’écran plus que dans un film comme Sound of Freedom qui nous faisait voyager beaucoup également, et qui a coûté moins que le dixième (14.5 M$) ! Le réalisateur s’est prit un chèque ridicule de 100 M$ et a filé bien grassement 50 M$ à l’acteur principal ??? Mais c’est du vol, du détournement immonde ! Que le film soit chiant à en crever est une chose, d’autant qu’on a là un mélange jamais original de Mr Wolff et John Wick en absolument moins bien sur chaque point, mais avoir claqué une somme pharaonique pour un film lambda où plus du dixième du budget est difficilement justifiable à l’écran, c’est tout simplement une arnaque. Un film ennuyeux comme pas possible, doublé d’un scandale financier grotesque.

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Sound of Freedom


Sound of Freedom
2023
Alejandro Monteverde

Nous y voilà enfin ! Après quatre mois d’attentes, le phénomène qui a embrasé le public américain traverse enfin l’Atlantique, emmenant avec lui un pédigré peu commun. Succès massif en salle avec plus de 184 M$ aux Etats-Unis, il a surfé sur un buzz gigantesque, car outre la violence de son sujet, le côté religieux du héros, le passif de l’acteur et de la production (Jim Caviezel avait incarner ni plus ni moins que Jésus dans la fameuse Passion du Christ de Mel Gibson, producteur du film ici d’ailleurs), c’est son étiquette politique qui a fait le plus parler. Car oui, quand son pays est dirigé par un légume protégeant un fils qui aurait dû écoper cent fois de la peine de mort pour actes pédophiles, violences et récidives, un film voulant faire la lumière sur ce sujet en particulier, dans un contexte de quasi guerre civil entre une écrasante majorité pro Trump, bouillonnant face à une justice vérolée, et des bourgeois démocrates si infâmes qu’ils arrivent à fermer les yeux sur leur élite qui consomme justement cet immonde marché à tour de bras, voilà de quoi attiser un peu plus la colère d’un peuple déjà enragé.

Histoire vraie s’étant déroulée au cours des années 2000-2010, le film retrace le combat d’un homme, Tim Ballard (Jim Caviezel), policier travaillant dans la protection des enfants victimes du trafic sexuel. Mais un jour, lassé des limites de son travail, des frontières l’empêchant de sauver des vies, il va lancer son propre réseau pour infiltrer le milieu et le renverser de l’intérieur.

D’après le film, il y aurait à travers le monde des millions d’esclaves sexuels, dont plus de la moitié seraient mineurs, pour un trafic ayant généré environs 150 milliards en 2022. A titre de comparaison, le cinéma a généré 26 milliard en 2022, et même avant le covid, le record était de 42 milliards en 2019. C’est donc un sujet important, et quand bien même le film exagérerait les chiffres, tout le monde a entendu parler des réseaux de l’Est, et surtout des très jeunes enfants de Thaïlande dont raffolent nos politiciens français. On sait que ça existe, que ça concerne principalement des vieux salopards occupant les plus hautes sphères, mais savoir que quelqu’un, quelque part, se bouge réellement et a fait quelques percées dans leurs réseaux, c’est aussi réconfortant que ce que le sujet est dévastateur. Qui ose encore dire que l’humanité mérite d’être sauver ?

En dehors de son sujet, il faut en revanche reconnaître que le film n’a rien d’un chef d’œuvre, mais on a vu plus d’une fois des films bien plus mauvais récolter des prix stupides, et clairement le film est largement meilleur que les quatre derniers lauréats de l’Oscar du meilleur film. Le rythme est bon, les acteurs convaincants, quelques belles envolées musicales, la réalisation très correcte, l’histoire poignante, et puis pour un film ayant coûté seulement 14,5 M$, c’est impressionnant. On a là une immense variété de décors : prison, bâtiments militaires, villes américaines, villes mexicaines, colombiennes, plage, île, immeuble luxueux, jungle. Bref, on voyage ! Pas de fonds verts, que du vrai, du concret, et quand les images d’archives sont dévoilées à la fin, on voit que l’équipe a tout fait pour le devoir de mémoire. Un film ambitieux, certes moins brutal physiquement qu’un Taken, moins violent psychologiquement que Les Chatouilles, et on pourra arguer que le héros se pose trop en figure biblique, que ça manque de finesse, mais en vérité l’œuvre propose exactement ce qu’elle a promis, de quoi se montrer amplement satisfait.

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Barbie


Barbie
2023
Greta Gerwig

Pratiquement sûr de finir plus gros succès au box-office 2023 avec 1,44 milliards dans le monde, le film a été une déferlante partout où il est passé, aussi en parti grâce au buzz improbable du « Barbenheimer » où le monde s’était affolé de voir deux grosses productions (Barbie et Oppenheimer) sortant le même jour, aussi débile soit-il de comparer une comédie populaire et un biopic de trois heures sur un sujet aussi sérieux que l’arme atomique. Près de 2,4 milliards pour les deux films combinés, près de onze millions d’entrées en France : assurément cet surréaliste association marketing fut un carton plein.

On connaît tous cette poupée mythique qu’est la Barbie, jouet pour enfant inventé en 1959, encore aujourd’hui poupée la plus vendue du monde. Eh bien saviez-vous qu’elle existe pour de vrai ? En effet, Barbie (Margot Robbie) vie avec toutes les autres Barbies (Emma Mackey, Kate McKinnon) et les Ken (Ryan Gosling, Simu Liu, Michael Cera, John Cena, Ncuti Gatwa) dans le royaume de Barbieland, un endroit magique où les femmes gèrent tout, occupent tous les postes importants. Un endroit idyllique, jusqu’au jour où le vrai monde va commencer à empiéter sur le leur.

Sans avoir trop d’attentes, j’étais tout de même curieux face à ce phénomène de société. Certes, tout le monde ou presque a grandi avec des Barbies, filles ou garçons, et le casting (comprenant aussi Will Ferrell, Connor Swindells et America Ferrera dans le monde réel) est absolument dingue. L’effet marketing Barbenheimer a été indéniablement un succès tonitruant, laissant sur le carreau la plupart des autres blockbusters estivaux qui ont presque tous sous-performé, le fait que la chanson de Dua Lipa composée pour le film fut matraquée à la radio a aussi aidé, de même que certaines histoires sur une rupture de peinture rose au niveau planétaire tellement le film en aurait abusé. Mais qu’en est-il du film en lui-même ?

Eh bien passé la sympathie de voir le monde de Barbieland en action, c’est non seulement d’un vide impressionnant, mais le scénario est sclérosé à un point dantesque. Dire que l’histoire est toute pétée serait un doux euphémisme : Barbie existe dans un autre monde, mais qui est relié au vrai monde, sorte de Toy Story (alors oui, j’ai vu les quatre, mais je n’ai jamais écrit les critiques) mais où la conscience est dans un autre monde, sauf qu’il est possible de passer d’un monde à l’autre sans problème, et ce dans le but d’aller raisonner celle qui joue avec la elle poupée. Car oui, le monde parfait c’est celui de Barbieland qu’il ne faut surtout pas toucher, car vive le pouvoir aux femmes, et que le monde réel est atroce avec son patriarcat déguisé et ouin ouin ouin. Sauf que non, sauf que si, mais pas tout à fait, mais faut se battre, et juste au secours ! Le film brasse beaucoup beaucoup trop d’air, pour une hypocrisie phénoménale d’une limitation intellectuelle scandaleuse. A la fois pub géante pour les produits Mattel, puis qui dénonce en fait la dictature de la beauté imposée par Barbie, sauf que depuis Barbie n’est ni forcément blanche, ni forcément fine, mais qui dit qu’en fait c’est juste un jouet trop cool et que c’est ce qu’on en fait qui compte, parce que faut pas déconner, les stocks pour Noël sont au taquet. Par contre à côté de ça, la dictature de beauté pour les hommes, eux forcément grands, beaux et virils, à minima sveltes si ce n’est des gros pousseurs de salle bodybuildés, ça c’est complètement normal. Mais allez vous faire foutre ! Entre les impératifs de produits dérivés, la pub géante assumée qui tue dans l’œuf tout discours faussement anticapitaliste, l’hypocrisie ahurissante de chaque instant, le bilan est juste minable, car en plus de ça, en tant que film il ne tient pas la route. Illogique, aux enjeux faibles, débiles voir contradictoires, l’histoire est mal écrite, la fin est poussive, et le film est même long, le dernier tiers étant ennuyeux et laborieux. Barbie en live, ça va bien deux minutes, mais face à un mercantile nocif plombant une narration fébrile, Barbieland se casse bien vite la gueule.

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Les Petites victoires


Les Petites victoires
2023
Mélanie Auffret

Profitant de quelques jours de semi-tranquillité, il était grand temps d’effectuer d’intenses rattrapages des films de l’année dans l’optique de ne pas passer le mois de janvier à courir après le retard pour sortir un top des meilleurs films de l’année un semblant légitime. Impossible de me rappeler pourquoi j’avais placé aussi haut ce film au niveau importance, mais clairement le projet m’attirait sur le papier, que ce soit pour sa simplicité ou cette envie d’évasion campagnarde nostalgique.

Prenant place dans un petit village de Bretagne, le film met en avant l’institutrice et mairesse de son hameau, Alice (Julia Piaton), qui tente de porter à bout de bras son fief comme l’avait fait avant elle feu son père, précédent maire et bienfaiteur du conté. Entre une désertification médicale, la fermeture des commerces, elle se bat désormais pour protéger la dernière classe restante, menacée de fermeture faute d’enfants y étudiant, le minimum étant fixé à treize.

Outre l’élément perturbateur que va représenter le personnage d’Emile (Michel Blanc), illettré qui va vouloir reprendre le chemin de l’école plus de cinquante ans après en avoir quitté les bancs, le film est surtout une question de fierté locale, d’envie de défendre un idéal, un besoin d’identité locale au delà de celle nationale. Le monde va trop vite, se développe, mais au détriment de nos chères campagnes. Un petit feel-good moovie franchouillard fleurant bon les valeurs morales et cette simplicité qui tend à disparaître. Il faut parfois savoir freiner des quatre fers devant l’évolution, et la sincérité et l’authenticité du film fait un bien fou. Alors oui, je n’aurais jamais réussi à me débarrasser de l’impression que Julia Piaton est une version Wish de C. Cottin, bien trop ressemblante physiquement et avec pratiquement la même voix, et en dehors du duo d’affiche on notera péniblement Lionel Abelanski tant les autres rôles sont effacés. La marche du monde semble inéluctable et on aurait aimé un constat moins mondialiste, mais le film ne saurait mentir. J’avoue m’être senti comme un fossile refusant de voir le monde « évoluer » – notez bien l’amertume d’une évolution guère reluisante – mais à défaut d’en pouvoir changer le sens, apprendre à vivre avec est la première étape du deuil.

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Je verrai toujours vos visages


Je verrai toujours vos visages
2023
Jeanne Herry

Encensé par les critiques et ayant convaincu près de 1,2 millions de spectateurs avec un maintient exceptionnel au fil des mois, le film met en lumière un sujet peu voir pas connu du public : la justice restaurative, dont le but est de confronter victimes et agresseurs pour aider les premiers à exprimer leur peur, leur colère, et à faire comprendre aux seconds que leurs actes, au delà de la sentence pénal, a aussi des répercutions humaines.

Si le concept peut laisser dubitatif, au même titre que les séances de psy (parler est-il toujours la solution ?), le principe reste le même : il faut essayer avant de juger, et surtout pour savoir si ça peut ou non marcher. Et il faut dire que pour attirer le casting du film est absolument complètement dingue :  Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Leïla Bekhti, Jean-Pierre Darroussin, Miou-Miou, Denis Podalydès, Fred Testot, Raphaël Quenard ou encore Elodie Bouchez. Ahurissant. Et autant dire qu’il ne fait catégoriquement aucun doute que les trois premiers auront à minima une nomination aux Césars, sachant que l’injustice du monde fait qu’ils n’ont pour l’heure jamais reçu de César en dehors du meilleur espoir pour les deux dames. Et c’est bien là la force du film, qui au delà de mettre en lumière la brutalité et la monstruosité des hommes, est surtout un film basé sur l’impact de dialogues forts, percutants, et dont l’intensité dramatique des acteurs transcende un récit déjà puissant. On pourrait comparer le film aux Chatouilles avec qui il partage cette violence physique, psychologique, et cette importance de la justice, tant au niveau de la loi que de la morale. Un film fort et bouleversant, et disons-le, important, car le cinéma ça n’est pas que se divertir, c’est aussi ressentir.

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