Les Eternels
2021
Chloé Zhao
Le monde est-il complètement débile à ce point ? Si les séries Marvel sur Disney+ sont très qualitatives mais largement dénuées d’enjeux hormis Loki, la phase IV du MCU commençait très mal au cinéma entre Black Widow et Shang-Chi, flirtant dangereusement avec l’échec financier et le désert artistique. Projet majeur dans le catalogue de la firme, le projets des Eternels avait été vendu en amont comme le messie, pour ainsi dire le plus important depuis l’origine de la saga, c’est dire. Doté d’un casting impressionnant, d’un budget de 200 M$ et avec à la barre une réalisatrice Oscarisée, les attentes étaient donc maximales pour tous, mais le projet se vautra massivement avec 401 M$ dans le monde et des critiques plus que mitigées. M’étant royalement emmerdé devant Nomadland, qui avait donc valu son Oscar à Chloé Zhao, j’étais donc persuadé d’assister à un ratage en règles, comme pour les deux autres films de la phase IV. Et finalement non, la claque annoncée est bien là.
Quelle est l’origine du monde ? De la singularité émergea le céleste primordial, Arishem, qui de par son pouvoir créa le premier soleil de l’univers, puis les planètes et la vie. Pour permettre de développer la vie à travers l’univers, dans le noyau de nouvelle planètes sont implantés de futurs célestes, se nourrissant de vies intelligentes pour à leur tour façonner de nouvelles galaxies où se développeront de nouvelles vies. Pour réguler l’évolution et permettre l’émergence de célestes, une première forme de vie fut créée : les déviants. Ces derniers ont cependant échappé à tout contrôle, ne cherchant plus à développer d’autres vies mais à supplanter les vies locales en devenant la nouvelle race dominante. Pour les combattre ont alors été créés les éternels, régis par un seul ordre : ne pas interférer avec la vie locale, mais veiller à ce que les déviants n’empêche pas l’émergence. Après des millénaires d’affrontement sur Terre, l’équipe d’éternels présents sur place (comprenant Gemma Chan, Richard Madden, Angelina Jolie, Salma Hayek) croyait enfin cette menace écartée, mais ils étaient loin de se douter de l’ampleur de la menace pesant sur eux.
Eh bien voilà ! Alors que les blockbusters ont peu à peu perdu leurs âmes à grand renforts de fonds verts et effets-spéciaux en pagaille, que le MCU peinait à avoir de véritable enjeux, voici enfin le film répondant à toutes nos prières. C’était un impératif pour la réalisatrice, et malgré les surcoûts terribles que cela engendre, la production du film fut quasi exclusivement en décors naturels, avec des lumières naturelles, et mon Dieu que ça fait du bien ! C’est beau, c’est réel, on y croit. Et mine de rien, quand il s’agit de scènes d’actions ou de pure SF, ça fait toute la différence dans la mesure où on est beaucoup plus investi car le résultat est visuellement crédible. Indéniablement, un réalisme brutal avec des affrontements dantesques, cela donne un caractère plus épique que pour ainsi dire l’entièreté du MCU. Et c’est d’ailleurs ce traitement froid et réaliste qui fait d’autant plus ressortir les effets-spéciaux, d’une rare finesse, et les passages avec Arishem sont justes dingues.
Mais outre le visuel, c’est avant tout le scénario qui captive. Que ce soit les célestes, les éternels, les déviants ou l’émergence, l’univers dépeint est dépeint est juste dantesque avec des enjeux tout simplement inédits en termes d’ampleur. On ne parle pas juste d’une menace de destruction de la Terre, mais bien de ce qui est à l’origine de toute vie dans l’univers. Le vertige de l’infini, d’entités insondables et inatteignables. Et pour en prendre conscience, on suit donc des éternels si insignifiants à cette échelle, et qui sont pourtant des dieux pour l’humanité, même si certains se sont clairement fait enflés à l’attribution des pouvoir (genre une sourde, sans déconner ?). Si le personnage de Sersi est clairement celui le plus mis en avant, tous ont droit à un minimum de background, permettant de développer un tant soit peu d’affecte pour chacun, d’autant que les acteurs sont vraiment bons. Certains ont reproché au film un ventre mou, mais en réalité c’est au milieu que la plupart des enjeux et scènes épiques ont lieu, donc pour ma part le rythme est là aussi un des points forts du film tant il est maîtrisé. Alors oui, il y a un peu trop d’éternels, les déviants sont mal exploités et on aurait aimé développer plus le différentiel physique / mental de Sprite, ou encore voir Druig essayer certaines manipulations de masse, de même qu’on sera un peu saoulé du teasing au forceps avec Eros (Harry Styles) et Dane Whitman (Kit Harington) tant le film aurait été encore plus fort en se suffisant à lui-même sans vouloir impérativement teaser la suite. Mais que ce soit son impact visuel comptant parmi les œuvres les plus épiques jamais vues, ou encore son scénario pleinement captivant, on tient là l’un des tout meilleurs films du MCU.