Squid Game
2021
Hwang Dong-hyuk
/!\ Obligation de spoiler à blinde, donc article réservé à ceux qui ont vu la série /!\
Plus une œuvre est acclamée, plus il y a de chances, dans un contexte de quasi sacralisation générale, d’aboutir à une immense déception. Assurément le model de consommation de séries le plus populaire au monde, le géant Netflix a régulièrement fait l’objet de buzz dantesques sur des séries qui ont comme rarement fait consensus, et souvent à juste titre comme les claques Stranger Thing, Daredevil, Punisher ou The Witcher. Mais parfois, le mot surcoté s’impose : La Casa de Papel. Mais l’heure n’est pas à un règlement de compte avec l’équipe de braqueurs la moins appréciable, la moins intéressante et intelligente qui soit. Aujourd’hui, il est temps de parler d’un phénomène coréen, qui après Blackpink, Parasite ou Le Dernier train pour Busan, prouve que l’amertume finale est chez eux supplantée par les bonnes idées, mais que je ne saurais passer outre.
Pour ceux qui ne sont pas au courant, la série est un mélange de Hostel et Battle Royale (et pas grand chose à voir avec Hunger Games, hormis ce que la saga pompait déjà sur le précédent cité). Malgré le fait que le coût de la vie soit 5% inférieur à chez nous et que le salaire moyen soit 40% supérieur, de par des inégalités sociales ahurissantes une organisation secrète met régulièrement en place des battles royales où des gens dans le besoin vont s’affronter dans des jeux mortels pour gagner un pactole mirobolant de 45 milliards de yuans (soit environs 33 millions d’euros). Le principe ? Des jeux pour enfants comme 1 2 3 soleil où ceux qui perdent sont tués, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.
Avant de parler des choses qui fâchent, expliquons d’abord pourquoi se fâcher. En effet, si tous les concepts de la série sont pompés sur les trois exemples cités plus haut, et que sur la plupart des points la série est inférieure à ses modèles, elle avait néanmoins un potentiel assez massif. En termes de fond pur d’intrigue, ce sont surtout les personnages qui sont développés, donc « l’univers » restera assez vide, mais l’emballage est juste extraordinaire. Le travail sur les décors est excellent, les costumes des membres de l’organisation sont une parfaite combinaison de froideur, impersonnel et simples, permettant de comprendre vite le système hiérarchique. L’ambiance sonore est juste folle, terrifiante et angoissante avec le fameux thème des voix comme à l’agonie ou en état de choc. Les jeux sont ce qu’ils sont, des jeux d’enfants, donc dans l’ensemble ennuyeux, mais la gestion du stresse est brillante, notamment grâce à l’attachement aux personnages, enfin une poignée d’entre eux. C’est en effet le gros point fort de la série, car même si la plupart des intervenants sont des figurants là pour mourir en laissant « comme par hasard » les « héros » survivre le plus longtemps, tous nous font ressentir quelque chose. L’anti-héros Seong est une sombre merde qui fait constamment le mal autour de lui en étant le plus irresponsable et égoïste, nous faisant donc espérer sa mort. Son ancien ami Cho, le petit géni du village, froid et calculateur, nous fout hors de nous par ses manipulations ordurières, et pendant une grande partie de la série ses actions restent supportables. On a Ali, le pakistanais trop bon trop con. Jang, le mafieux, connard absolu qui rajoute du stress en plus des épreuves. Le vieux, que certains trouvent attachant. Le policier, aussi couillu que génie absolu. Mais la vraie force de la série c’est sans débat possible Kang (Jung Ho-Yeon), l’écorchée vive irrésistible à la beauté de glace. Suite à la série, la mannequin dont c’est le premier rôle a vu son nombre de followers sur Instagram exploser, passant de quelques dizaines de milliers à plus de 20 millions actuellement.
Donc l’ambiance est très réussie, le concept est bon puisqu’il a déjà montré ses fruits, et hormis quelques exceptions comme « la sorcière » au surjeu chaotique, le casting est vraiment excellent. Qu’est-ce qui ne va pas alors ? Eh bien place aux spoilers de l’enfer, soyez prévenus. Jusqu’à l’épisode 8 sur les 9 que comporte la série, les sept premiers étaient vraiment bons, et je pardonnais même la traitrise nous ayant coûté la vie à Ali, car même si on la sentait venir, on osait croire à tant de machiavélisme et d’ingéniosité. Je pardonnais même à Seong, personnage principal, d’être encore en vie malgré que ce soit le pire déchet qui soit et que je me disais même que ce serait plus appréciable de voir le mafieux gagner. Mais vient donc l’épisode 8, el famoso… Que ce soit au niveau mérite, pureté d’âme, logique scénaristique et enjeux de part le sacrifice touchant au jeu des billes et pour retrouver son petit frère qui l’aime, alors que de leurs côtés Seong allait sans l’ombre doute retrouver sa mère morte vu son état et l’urgence de l’opérer, et on ne doutait pas qu’il resterait la même merde humaine, et pour Cho il n’aurait pas échappé à la prison et au déshonneur, donc lui non plus sa victoire n’aurait aucune saveur. Donc quoi qu’il arrive, la seule fin possible était de faire gagner la fille, il le fallait. A la rigueur on aurait pu avoir un twist à la Hunger Games avec plusieurs gagnants, voir aucun d’ailleurs avec la fameuse troisième règle. Petit mot au passage sur l’arrêt de l’épisode 2. Ok ça fout sur le cul de voir que le choix est respecté et appliqué dans le plus grand des calmes, et ça fonctionne, mais au niveau narration, mise à part introduire la policier dont la conclusion n’est pas claire, ça brise surtout le rythme d’une mauvaise manière.
Revenons donc à la conclusion de tout ça, qui est foncièrement un échec. Finalement non seulement la fille ne gagne pas, elle est même tuée lamentablement et lâchement. Et de fait, c’est l’étron insipide qui l’emporte, pour rien. Il reste le même déchet, n’aide personne, et ô surprise à force d’être restée isolée et se tuant à la tâche avec une infection terrible, à son retour il trouve effectivement sa mère morte. Il finira par se bouger un an plus tard, se prenant au passage pour un chanteur kpop à peine pubère alors qu’il frôle la cinquantaine avec ses ridicules cheveux rouges. J’en serais presque à espérer la même introduction que Hostel II si une seconde saison verrait le jour, mais à vrai dire je ne sais pas si je la regarderais, d’autant que la série a moisi pendant dix ans dans des cartons avant d’en sortir, que son créateur a un autre projet en cours et que de fait il est certain qu’une potentielle saison 2 mettrait plusieurs années à voir le jour, donc tout le monde sera passé à autre chose. On en retiendra la musique, les fameux masques Sony, quelques personnages et notamment la frêle mais badass et terriblement sensuelle numéro 67 / Kang / Jung. Elle était l’âme de la série, et sans elle à quoi bon ? Une œuvre est un tout, et on ne peut faire abstraction d’un tel échec final quand c’est justement la conclusion qui se doit d’être le point le plus abouti, car qu’importe le voyage, seule compte la destination. Que serait le premier Saw sans la dernière pièce du puzzle ? Que serait The Mist sans la violence du désespoir ? Sans l’ombre d’un doute, la série a de quoi marquer et possède de solides arguments, mais un tel ratage sur la dernière ligne droite nous laisse amer et entache lourdement le bilan.