99 Homes


99 Homes
2016
Ramin Bahrani

Après la crise du subprime vécu dans une agence de trading la nuit où tout a explosé (Margin Call), au travers d’un trader français qui a vu la crise arriver (L’Outsider), le comment du pourquoi expliqué au travers des shorteurs américains (The Big Short), voici venu le temps des conséquences.

Pour ceux qui ont vécu dans une grotte ou qui sont trop jeunes, la crise du subprime fut la plus grande dérive du marché économique américain de l’histoire moderne. Dans un monde où les sociétés sont côtés en bourse, où tout a une côte soumise au marché de l’offre et de la demande, la folie capitaliste a fait en sorte qu’au delà du marché immobilier, un marché de la dette immobilière fut créé, c’est-à-dire littéralement un marché basé sur du vent, sur créer un marché sur des prêts de sociétés et particuliers ayant un prêt immobilier. Or en 2006 avant que tout n’explose l’année suivante, le marché de la dette avait atteint 20 fois la valeur de l’immobilier, c’est-à-dire que si chaque personne possédant un bien immobilier le vendait, cela ne couvrirait que le vingtième du marché de la dette. Une situation impensable rendue possible grâce au fait que les banques vendant ce genre de produit possédait aussi les agences de notation censées garantir la fiabilité des produits. En clair ? Du jour au lendemain les gens se sont rendu compte que soit leurs placements financiers étaient du vent, soit le financement de leur maison reposait sur du vent, donc il fallait réguler le marché, soit baisser de 95% la valeur des biens/prêts. Comme une partie fut prise en charge par la faillite de compagnie comme la plus grande banque du monde et autres aides de l’état, le pays entier ne s’est pas retrouvé en faillite, mais en moyenne la valeur des biens immobiliers ont été divisés par 3-4, et comme aux Etats-Unis tant que le dernier centime n’a pas été remboursé la banque reste propriétaire du bien immobilier, une très grande majorité des gens se sont retrouvés avec un prêt nettement supérieur à la valeur de la maison et ont ainsi préféré rendre les clés à la banque. Voilà pour ce qui est de la mise en contexte.

Le film nous place donc peu après la crise, alors que Dennis Nash (Andrew Garfield) et sa mère (Laura Dern) se retrouvent à la rue, incapable de rembourser le prêt de leur maison (puisque pour éviter la faillite, certaines banques ont aussi monter les tarifs de remboursement pour couvrir l’écart entre le marché immobilier et le marché des prêts). Vivant dans une zone sinistrée où nombre de gens ont rendu leurs clés, Dennis va finir par se tourner vers le seul employeur restant de la région, le peu scrupuleux Rick Carver (Michael Shannon) qui a fait fortune sur des contrats d’expropriation pour impayés et rachats aux banques de logements à prix cassés. L’homme qui a viré sa famille va se retrouver à leur rendre le pain volé, une situation difficile à vivre.

Jusqu’où iriez-vous pour éviter la misère ? A combien se vend votre honneur ? Dans un contexte de grande pauvreté et de drames humains, le film nous met devant un dilemme qui n’en est pas vraiment un : tuer ou être tué, c’est-à-dire se laisser sombrer dans la misère ou s’en sortir en exploitant celle des autres. Et c’est aussi là que le film se montre d’un cynisme absolu et donc particulièrement impactant et pertinent : modèle du capitalisme outrancier et destructeur, au lendemain du plus grand drame économique depuis près d’un siècle, les Etats-Unis replongent instantanément dans leurs pires travers en exploitant directement cette même misère que leur système vient de créer. Appréciant beaucoup l’humour noir et la moralité trouble, j’ai trouvé donc le milieu du film très réussi, mais le reste peine un peu plus à convaincre. Le début nous rappelle l’inconscience collective avec cette famille irresponsable refusant d’admettre qu’elle fait n’importe quoi et vit au dessus de ses moyens, faisant qu’on créera plus d’empathie pour un cynique profiteur que pour cette famille expulsée de chez elle. Or je doute que c’était l’effet voulu, mais on récolte ce que l’on sème. La fin est elle aussi décevante, rétropédalant pour apporter une certaine morale, mais c’est un plein échec : là encore, je n’ai aucune empathie pour les débiles surendettés qui s’accrochent à quelque chose d’aussi futile qu’un bien matériel quand partir est la seule chose censée à faire, et attendre le dernier moment jusqu’à l’expulsion est juste écœurant d’irresponsabilité. Dans la vie on assume ses choix, ses conneries, et on ne parle pas de SDF luttant pour sa vie mais de gens qui doivent simplement accepter de baisser en standing car ils n’ont plus les moyens d’une telle maison, et cette logique capitaliste du toujours plus est juste insupportable. Cinématographiquement le film est très bon pendant une grosse moitié, tout le milieu, mais certains aspects de l’introduction et de la conclusion sont justes nuisibles au message, et dans l’ensemble selon mes convictions personnelles, ce film m’est insupportable.

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