The Witcher


The Witcher
2019-2023
Lauren Schmidt Hissrich

Grande saga littéraire polonaise de Andrzej Sapkowski, l’histoire du Sorceleur a surtout explosé auprès du grand public à travers les jeux-vidéo, et tout particulièrement le troisième opus, The Witcher 3 : Wild Hunt, puisque sur les 75 millions de jeux vendus, 50 proviennent uniquement du troisième volet (ce qui le place huitième du top 10 des jeux les plus vendus de l’histoire). Un jeu que je n’ai malheureusement jamais fini, ayant voulu avancer trop vite dans l’histoire en négligeant potions et équipement, au point de me retrouver bloqué devant un boss infaisable, même en mode facile (oui, mes compétences en la matière sont globalement risibles). Mais un jour qui sait.

C’est donc tout naturellement qu’un projet d’adaptation fut étudié, et c’est Netflix qui a acheté les droits pour une série, qui a assurément frappé fort, la première saison était tout simplement le programme le plus vu de la plateforme juste derrière Stranger Things en 2019. Et malgré un budget modeste de tout juste 92 M$, le résultat est incroyable : des décors réels, le moins d’effets spéciaux possible, et beaucoup d’animatroniques avec des design aussi inspirés qu’un Labyrinthe de Pan, c’est dire !

On y suit en parallèle trois histoires, de la plus ancienne à la plus récente chronologiquement : celle de Yennefer (Anya Chalotra), une handicapée traitée par ses parents comme du bétail et qui sera vendue à Tissaia (MyAnna Buring), une formatrice en magie voyant en elle le potentiel des plus puissantes sorcières ; on suivra également le fameux Witcher / Sorceleur, Geralt de Riv (Henry Cavill), sorte de guerrier ultime formé à la fois aux arts magiques et au maniement des armes, ayant juré neutralité dans les différents conflits politique, dont la fonction et de venir en aide à qui en a les moyens pour différents problèmes, souvent des monstres à terrasser ; et enfin Ciri (Freya Allan), princesse d’un royaume qui subira l’attaque d’un autre royaume, et qui devra lutter pour sa survie.

La première saison est une masterclasse du genre, posant les bases d’un univers d’héroïque fantaisie d’une richesse folle, avec une identité tranchée et que j’ai trouvé personnellement juste incroyable. Dès l’introduction on voit une réalisation sous transe avec des combats à l’épée à la chorégraphie épique et d’une violence inouï, et un point frappera d’emblée et restera indiscutable tout du long : Henry Cavill est absolument parfait. Il ne colle pas vraiment au personnage du jeu, mais ce qu’il propose est plus viscéral et intéressant, montrant réellement une autre forme de monstruosité, s’éveillant à cette chose contre nature qu’on appelle « sentiments ». C’est prodigieux. Chaque pendant des intrigues est passionnant, que ce soit les missions du Witcher, l’entraînement de Yennefer ou l’effondrement de la vie de Ciri, avec une triple narration d’une rare intelligence qu’on ne comprendra qu’aux deux tiers du récit. Brillant. On notera aussi l’impayable Jaskier (Joey Batey), aussi amusant qu’attachant, et marquant les esprits avec le fameux « Toss a coin to your Witcher ». Style personnifié et réussi, musique incroyable, acteurs parfaits, narration exigeante et brillante, combats épiques et montée en puissance grisante avec un final en apothéose : une première saison à faire saliver d’un niveau de perfection ahurissant.

Saison 1 :


Immense carton que la première saison, donnant confiance à Netflix pour la suite, et donc pratiquement doubler le budget alloué, le passant à 176 M$ pour la seconde salve. En résulte une suite plus grande, plus riche, plus épique, plus généreuse. On continue cette fois encore les conflits politiques et autres jeux de pouvoir en toile de fond, avec comme objectifs principaux pour les personnages clés de retrouver son chaos pour Yennefer, très affaiblie suite à la bataille finale de la première saison, et de former Ciri à devenir une Witcher pour Geralt. Une seconde saison qui décuple le grandiose, donnant plus de place aux créatures et à la magie, augmentant les différents enjeux en teasant déjà l’ultime menace de cet univers : la horde sauvage (the wild hunt). Dès le premier épisode on rentre à fond dedans, avec un quasi huis clos dans un immense manoir abandonné, montrant ce qui est le cœur même de cet univers : une simple balade à priori anodine, quelqu’un qui nous raconte son histoire, et ça finie en légende locale avec une malédiction et une créature à l’imaginaire fou, ou quand le quotidien peut basculer dans une forme de monstruosité ultra violente. C’est encore une fois d’une grande maîtrise, grisant à suivre, mais malheureusement les gens sont cons : beaucoup se sont plaints de la première saison avec sa triple narration à trois timeline différentes évoluant à trois vitesses sensiblement différentes. Bou réfléchir c’est pas agréable… Résultat, la narration est ici plate et rectiligne, enlevant cette originalité folle qui rendant jubilatoire la pleine compréhension des événements. Donc même si pour tout le reste la seconde saison fait à peu près tout mieux, la claque est moins marquante, mais on reste sur un niveau remarquable.

Saison 2 :

Avant de parler à proprement parler de la saison 3, parlons de ce désastre de communication m’ayant fait attendre presque un an avant d’enfin me décider à continuer cette série pourtant portée aux nus. Véritable centre névralgique de la série, Henry Cavill est pour beaucoup dans le succès de cette dernière, car outre le fait d’incarner le personnage principal, il a surtout offert une prestation singulière qui a mis tout le monde d’accord, même ceux qui n’ont pas aimé la série dans son ensemble. Or en octobre 2022, soit dix mois avant la diffusion de la première partie de la troisième saison (on y reviendra d’ailleurs) et seulement quelques jours après la fin du tournage, Henry Cavill a annoncé abandonner son rôle iconique, expliquant ne plus supporter les divergences entre la série et les livres / jeux (que beaucoup ont décrié d’ailleurs). Comme presque en même temps il annonçait aussi reprendre son rôle de Superman (mais ça ne se fera à priori jamais), on pensait à une incompatibilité d’emploi du temps, mais comme son remplacement semble aujourd’hui définitif (le tournage de la saison 4 n’a toujours pas débuté, mais les espoirs sont inexistants), il semble que la divergence créative soit réelle. Toujours est-il que quand l’argument principal et atout majeur d’une série se barre, l’attrait d’une série écrite dès les prémices pour durer six saisons n’est plus le même. Alors à quoi bon continuer ? Beaucoup se sont dit pareil d’ailleurs, on parle d’une chute de plus de 30% des audiences quand la saison 2 avait boosté drastiquement celles déjà colossales de la première saison, et égalant sur le long terme, tandis que le lancement en demi-teinte de la troisième s’est effondré avec moins de la moitié des audiences au final.

Il faut dire aussi que la troisième saison s’embourbe dans un conflit politique pas vraiment passionnant et qui n’avance pas, comme tout le reste. Découpée en deux, la première partie comprend cinq épisodes, continuant l’entrainement de Ciri, plus axé sur la magie cette fois, avec d’un côté le Nord subissant les manigances de la Confrérie, scindée entre ceux cherchant le pouvoir, ceux qui valent s’unir, et ceux qui voient la menace de Nilfgaard comme inéluctable, préférant basculer directement chez l’ennemi. Rien n’avance, surtout pas l’histoire des elfes, et le cinquième épisode est un calvaire. On y suit une fête assez banale sans grands enjeux, mais la série en fait des caisses et se croit maligne en revenant constamment sur chaque bout de chaque conversation, d’abord montrée tronquée, avant de peu à peu tout révéler. C’est laborieux, souvent insipide, et il est épuisant de se taper quatre / cinq fois les mêmes dialogues pour enfin avoir un début de piste sur les conflits à venir, sauf que tout est archi prévisible voir déjà révélé dans les précédents épisodes, et même amorcé dans la précédente saison.

Savoir que le changement d’acteur me fera probablement arrêter en fin de saison impacte quelque peu l’appréciation d’une histoire qui restera inachevée, mais même en prenant ça en compte, le démarrage est archi poussif, et les deux derniers épisodes sont pires encore. Marquer une pause en fin d’épisode 6 aurait eu plus de sens, l’histoire prenant un plus grand tournant à ce moment là, bien qu’on puisse déplorer des morts expéditives pour de nombreux personnages clés qui auraient mérité une fin plus épique. La césure ressemble d’ailleurs à une tentative commerciale surfant sur le succès de la quatrième saison de Stranger Things, sans comprendre que ce n’est pas la césure qui a marché (au contraire, j’ai pour ma part attendu la seconde partie avant de commencer la première), mais le fait que la série est géniale et que sa saison 4 était un renouveau salvateur. Au final aucun arc narratif ne trouve de conclusion, tout est en suspend, avec comme seul pseudo enjeu de retrouver Ciri, alors même que tout le monde est constamment séparé et que des retrouvailles ont littéralement lieu tous les deux épisodes. On a toujours le Nord, pas unifié, la menace Nilfgaard, qui n’a pas bougé, et le teasing encore plus léger sur la horde sauvage qui a presque tendance à s’éloigner. Tout ce qui reste, hormis les personnages, est la qualité de la musique, et surtout les combats, toujours aussi sanglants avec un sens de la mise en scène spectaculaire où les superbes chorégraphies sont parfaitement accompagnées par une caméra qui danse sur le rythme des coups. Le savoir faire est là, sauf dans le cinquième épisode, mais l’histoire patine, tout semble s’embourber, se perdre. La chute est rude, et l’espoir n’est pas de mise vu la tronche du remplaçant, bien plus jeune d’ailleurs, alors l’inverse aurait pu se justifier en cas d’ellipse temporelle, mais le reste du casting ne changeant pas, la transition ne peut qu’être catastrophique. Je jetterais probablement un coup d’œil fin 2025 ou 2026 sur la prochaine saison, déjà résigné à ranger la série aux côtés de Elite dans le genre des bijoux d’efficacité qui s’est totalement perdu en cours de route…

Saison 3 :

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M3GAN


M3GAN
2022
Gerard Johnstone

Enième gigantesque succes story du cinéma horrifique rapportant presque vingt fois son budget avec quasiment 200 M$ dans le monde, le film fut assez décrié à sa sortie, de quoi laisser présager une campagne marketing plus efficace que le film en lui-même, et donc me refroidir personnellement. Mais le voici fraîchement débarqué sur Netflix, immédiatement propulsé top 1, de quoi se laisser tenter, et tant mieux.

Sujet de réflexion majeur depuis que Asimov a inventé la notion même de robot, avec l’IA qui va avec, le film propose une approche assez nouvelle sur ce thème : le prisme du jouet. Travaillant dans une société de jouets robotiques pour divertir les petits, Gemma (Allison Williams) va vouloir aller plus loin, proposant carrément une amie robotique pleinement autonome, une vraie IA évolutive. Ne sachant comment s’occuper de sa nièce orpheline dont elle a obtenu la garde, elle va tester M3GAN – son prototype – sur elle.

Difficile de tomber de sa chaise quand on mélange genre horrifique et IA évolutive. N’importe qui ayant un minimum de bases en science-fiction sait qu’inéluctablement, la machine trouvera un moyen de dépasser ses prérogatives, ou encore que pour protéger l’humain, il faut avant tout le protéger de lui-même en lui enlevant son libre-arbitre. Un vrai banger sur le papier, et indéniablement oui, le film a eu le nez creux : ça marche fort. On sait que ça va déraper, reste à savoir quand, comment, et dans quelles propensions. Que ce soit dans la mise en scène, l’évolution ou l’écriture des personnages, le film est une vraie réussite, la poupée robotique est à la fois mignonne, réaliste, mais aussi parfois flippante, et toujours dans cette vallée de l’étrange qui nous rappelle sans cesse que quand le fond est troublant, la forme n’est clairement pas humaine. Une narration assez prévisible, quelques effets faciles comme les jump scare, mais l’histoire est prenante, le rythme soutenu et l’efficacité optimale. Une belle surprise, et j’aurais presque hâte de découvrir la suite en 2025.

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Tout sauf toi


Tout sauf toi
2024
Will Gluck

Depuis le Covid, et même plus généralement depuis pratiquement une quinzaine d’années, le genre de la comédie romantique n’attire plus vraiment les foules. Pour preuve, seuls deux représentants du genre ont dépassé la barre des 100 M$ dans le monde depuis cinq ans : Ticket to Paradise, et ce film dont il est question. Timide sortie à Noël dernier aux Etats-Unis, le film y a connu un maintient exceptionnel, multipliant son score de premier weekend par 15 (quand la moyenne tourne entre 2.5 et 3, et même plus de 4-5 en période de fête reste énorme) ! Dans le reste du monde ? Rebelote, notamment en France où il a multiplié son score de première semaine par plus de 6, avec là une moyenne tournant à 2-2,5, pour un total mondial de près de 220 M$. Le renouveau du genre ? Du tout…

Quiproquo, coïncidences et gros forçage. Rencontrés par hasard, Ben (Glen Powell) et Bea (Sydney Sweeney) vont se manger une vilaine combinaison de connerie et mauvais timing. Après une nuit ensemble, Bea va partir sans réfléchir, trop excitée à l’idée de raconter à sa sœur sa nouvelle rencontre prometteuse, et alors qu’elle revenait chez lui, comme par hasard la porte sera ouverte, Ben recevant la visite d’un ami, et elle surprendra une conversation où il parlera en mal de sa nouvelle conquête, désabusé de son réveil solitaire. Seulement voilà il se trouve que la sœur de Bea va se marier avec la meilleure amie (Alexandra Shipp) de Ben, obligeant les deux à se revoir alors qu’ils sont persuadés que l’autre le déteste.

C’est affligeant un scénario pareil. Tout repose sur un quiproquo débile, et derrière ils vont faire semblant de s’apprécier pour le bien du mariage. Et bien évidemment, à force de simuler des sentiments, ils finissent par émerger pour de vrai. Tout est archi prévisible à un point stupide, et les situations « comiques » sont une avalanche de mauvais goût, jouant énormément sur la gêne et l’humiliation publique, deux sentiments que je déteste. Et c’est là aussi très personnel, mais je trouve Glen Powell affolant de nullité : un faux charisme bidon, caricature d’homme parfait mais qui en ressort totalement vide. Le blague sur le cardio aurait pu marcher, mais l’acteur est trop mauvais pour qu’on y croit, et l’écriture de son personnage est littéralement anecdotique : l’histoire de sa mère ne sera jamais développée. Une absence totale de background des personnages qui pèse lourd, rendant l’attachement moindre. Si la star d’Euphoria rayonne, même Dermot Mulroney ne sauvera pas les meubles, l’écriture est juste abyssale. La réalisation est assez propre, les décors jolis, mais Ticket to Paradise faisait bien mieux en la matière, donc même en termes de production les arguments sont maigres. Mieux vaut se tourner vers Netflix décidemment, leurs programmes en la matière sont d’un niveau clairement supérieur, même les moins réussis.

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La Demoiselle et le Dragon


La Demoiselle et le Dragon
2024
Juan Carlos Fresnadillo

Le mois de mars est décidément très chargé pour le géant du streaming Netflix, puisque deux semaines avant la gigantesque claque du Problème à 3 corps, qui se pose déjà là comme l’une des œuvres artistiques les plus abouties de la décennie, sortait un blockbuster particulièrement attendu, mettant en scène la fameuse Eleven de Stranger Things, désormais adulte. Que vaut cette version presque horrifique des contes de fée ?

Princesse d’un royaume à l’agonie où le froid a entraîné une spirale de déforestation dévastatrice, Elodie (Millie Bobby Brown) va recevoir une proposition de mariage tombant à pic, venant justement d’une contrée immensément riche (dirigée par Robin Wright), mais abritant un terrible secret. En effet, depuis des siècles, chaque génération doit sacrifier trois princesses en tribu à un dragon, et Elodie sera justement la prochaine.

Après 40 minutes à faire mumuse avec des décors tantôt convaincants, tantôt FX bien criants, on rentre enfin dans le sujet : le sacrifice, et donc Millie Bobby Brown en mode survie, pourchassée par une dragonne vicieuse qui aime jouer avec ses victimes. Un mix entre la poursuite du Basilic dans La Chambre des secrets et du pur horreur / survie à la The Descent. Avis aux claustrophobes cauchemardant de la spéléo, quelques passages seront rudes. Le rythme n’est pas toujours maîtrisé, l’héroïne galérant longuement, alternant entre sursauts de génie et erreurs stupides, et il faudra attendre la quasi toute fin pour qu’elle passe brutalement en mode guerrière, un peu trop sur-sexualisée d’ailleurs, finissant avec très peu de vêtements. Tout ça crée au passage une histoire un peu superficielle, basée sur l’absence de dialogue. Le côté fantastique n’est que peu exploité, mais le peu l’est très bien, que ce soit les chenilles ou surtout le dragon, assez bluffant visuellement. Comme quoi, les artistes VFX de chez Netflix font un travail bien meilleur que les derniers films de super-héros avec le quart du budget. En vrai le concept est plutôt bien tenu, difficile d’en espérer plus, donc autant savourer simplement un divertissement honnête, il serait éreintant d’être confronté à une révolution artistique chaque jour.

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Le Problème à 3 corps


Le Problème à 3 corps
2024
David Benioff, D.B. Weiss, Alexander Woo

 

Critique garantie sans spoilers

Si pendant les 6-7 premières saisons de Game of Thrones le duo Weiss / Benioff était porté aux nus, l’amertume d’une ultime saison décevante, trop brusque, incohérente ou incomplète, a rendu le duo détestable pour beaucoup. Mais depuis de l’eau a coulé sous les ponts, et difficile de produire la même qualité sans la puissance de l’œuvre littéraire derrière, qu’ils avaient dépassé depuis deux saisons avant la fin. Cette fois le projet avait de quoi rassurer puisque le duo s’attaque à une trilogie de romans du légendaire Liu Cixin, reconnu comme le plus grand auteur chinois de science-fiction, donc une œuvre déjà finie. Une saga très populaire, avec un plan pour adapter l’ensemble sur trois ou quatre saisons, de quoi être à peu près sûr d’aller au bout, d’implanter plus encore Netflix en Chine, mais surtout proposer une série à l’ambition ahurissante.

Adapté principalement du premier tome, Le Problème à 3 corps, avec quelques éléments de La Forêt sombre et de La Mort immortelle (les tomes 2 et 3), la série va plonger le monde face à une menace au delà de sa compréhension. Partout dans le monde, des scientifiques se suicident par dizaines, les laboratoires et les machines semblent tomber en panne en boucle, plus rien de ce qui sort d’un calculateur n’a de sens. On y suivra d’un côté Da Shi (Benedict Wong) et Wade (Liam Cunningham), menant l’enquête pour savoir pourquoi le monde part en vrille, et de l’autre un groupe de scientifiques (Jin (Jess Hong), Auggie (Eiza Gonzalez), Saul (Jovan Adepo), Jack (John Bradley) et Will (Alex Sharp)) témoins de phénomènes des plus étranges.

Deux choses à dire avant tout : ne vous renseignez à aucun moment sur l’histoire, et foncez. Si la série dévoile ses cartes assez vite, l’essentiel est révélé dès les quatre premiers épisodes sur les huit qui composent cette première saison, les trois premiers épisodes sont une masterclass de mystère et mise en place. Que ce soit Westworld ou la première saison de The Witcher, j’adore être perdu dans la narration, ne sachant ni quand quoi se déroule, ni si l’histoire est linéaire. Il faut donc accepter de plonger dans l’inconnu, faire confiance et se gaver de cette aura mystérieuse. Et on peut dire qu’on a rarement vu une telle maîtrise dans le genre, à l’unique exception des deux modèles du genre évoqué plus haut. Entre phénomènes surnaturels, inexplicables aux premiers abords, du mind fuck absolu défiant les lois de la physique, la remise en question de la réalité elle-même : c’est juste prodigieux. C’est bien simple, que ce soit au niveau de l’ambiance, la mise en scène, absolument tout est d’un niveau de perfection choquant, une claque titanesque sur les trois premiers épisodes, passant d’une théorie à une autre avec coup sur coup une fin qui vous tétanise, que ce soit par l’ampleur du mystère, des révélations ou des possibilités.

Largement mis en avant dans la campagne promotionnelle et faisant parti des points de départ de l’histoire, un des artifices de la série en symbolise toute la réussite : le fameux casque d’immersion. Je n’en dirais absolument rien, d’autant que tous les mystères l’entourant n’ont pas encore été dévoilés à l’issue de la première saison, mais on y voit toute la démesure de l’ambition visuelle, à couper le souffle, et que ce soit les enjeux narratifs ou les mystères qui gravitent autour ou dedans, c’est ahurissant. Un niveau de frisson digne de la première saison de Westworld, c’est dire. Une mise en scène millimétrée, des acteurs vraiment excellents (on retrouvera aussi Jonathan Pryce), mention spéciale à celle qui incarne Jin, stupéfiante, des effets spéciaux dantesques avec une personnalité forte, et puis surtout cette musique de Ramin Djawadi, déjà à l’œuvre sur celles de Westworld et qui signe encore des partitions prodigieuses, sombres, oppressantes et mystérieuses. En résulte une ambiance étouffante, angoissante, complètement viscérale et qui restera nous hantera bien au delà du visionnage de la série. Une emprunte marquante, durable, et qui encore une fois, tutoie les sommets du genre avec un niveau proche de ce qui reste encore aujourd’hui la meilleure saison de toute séries confondues, la toute première de Westworld.

Le seul point sur lequel cette série est moins abouti, c’est que cette perfection n’est pas aussi constante, et il nous manque cette claque finale qui enfonçait le clou de la maîtrise absolue. Trop de mystères pour la première moitié, pas assez de développement de personnages, puis un focus trop prononcé sur l’humain et les sentiments dans la seconde moitié, avec beaucoup de révélations. L’attente sera interminable pour les prochaine saisons tant cette première a déjà eu presque deux ans de post-production, ce qui exclu toute possibilité de saison 2 avant au moins fin 2026, donc peut-être une fin à l’orée 2030 voir 2034 selon la vitesse de production et si l’ensemble sera étalé sur trois ou quatre saisons. Autant dire que les livres vont connaître un sacré regain d’intérêt pour les plus impatients, et espérons que la suite sera à la hauteur de cette première saison. N’oublions jamais que la SF n’est pas un genre en soi, c’est avant tout un outil de narration pour nous faire réfléchir à notre humanité ou à notre société, et une telle intelligence d’exécution force le respect.

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Nos cœurs meurtris


Nos cœurs meurtris
2022
Elizabeth Allen Rosenbaum

Apparemment gros succès de l’été 2022 sur Netflix, je me rappelle après coup avoir effectivement beaucoup entendu la chanson principale du film à la radio, « Come back Home ». Un sursaut dans le parcours de la chanteuse / actrice, qui n’aura connu que peu de hauts dans une carrière assez discrète (moins d’une dizaine de chanson au delà des dix millions de vues sur YouTube, dont une seule à plus de 50, et pas un seul de ses films n’est sorti au cinéma), et dont c’est visiblement là son plus grand fait d’arme.

L’histoire est celle de Cassie (Sofia Carson), une jeune femme qui s’est récemment fait diagnostiquer un diabète de niveau 1, l’obligeant à prendre de grosses doses d’insuline, mais dont seulement une partie est remboursée, l’obligeant à vivre dans une grande précarité pour simplement survivre. Un soir, alors qu’elle se faisait draguer par des marines, l’un d’eux évoquera la couverture maladie complète dont bénéficie les femmes de militaires. Ayant contracté une grosse dette à cause d’anciens problèmes de drogue et étant lui aussi marines, Luke (Nicholas Galitzine) va avoir passer un marché avec elle pour arranger un mariage de principe, se partageant ainsi la prime familiale.

Oh la la, deux jeunes gens séduisants qui se marient pour de faux, on se demande bien ce qu’il va se passer… Oh la la, problèmes de drogue et mariage bidon puni potentiellement par la cours martiale, on se demande bien comment les choses pourraient mal tourner… Oubliez donc toute notion de surprise, le film est une comédie-dramatique-romantique ultra classique, glissant sur des rails qu’on connaît par cœur. Ca joue bien, c’est assez bien mis en scène, mais le vrai argument c’est évidemment la bande-son, du fait que l’actrice principale soit aussi une chanteuse, et qu’elle a écrit là objectivement ses meilleures chansons, qui sont vraiment excellentes d’ailleurs. Eh puis bon, c’est un peu le pacte tacite entre le spectateur et le genre même de la romcom : ça ne peut qu’être prévisible à souhait, et pas d’émotion sans élément perturbateur, car l’happy end ça se mérite. Le reprocher serait donc malhonnête tant la marge de manœuvre est inexistante. Si vous n’êtes donc pas trop blasés par ce genre de films et que vous savez dans quoi vous vous embarquez, c’est une plutôt belle surprise, mignon et efficace.

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American Fiction


American Fiction
2024
Cord Jefferson

Grand prétendant aux Oscars, nommé dans quasiment toutes les catégories dont les plus prestigieuses, le film y a reçu tout de même un prix de taille : celui du meilleur scénario adapté (étant tiré d’un roman). Pourtant, il fut balancé sans la moindre communication ni mise en avant sur Amazon Prime juste quelques jours avant la cérémonie. Une sortie française qui dénote avec le buzz l’entourant, d’autant que son sujet semblait à première vue très prometteur.

Ecrivain de seconde main gagnant péniblement sa vie, Monk (Jeffrey Wright) va un jour avoir une révélation à force de voir les médias blancs mettre en avant systématiquement des histoires de noirs en galère, de problèmes de « la street », avec d’autres auteurs noirs se complaisant dans ce registre alors qu’ils sont issu de la bourgeoisie et n’ont jamais approché de près ou de loin les galères qu’il décrivent. Et si c’était là le piège ? Et s’il faisait pareil ? Après la mort de sa sœur, il va mettre son plan à exécution et écrire une caricature du genre, une pure farce complaisante, mais qui sera prit premier degré par les éditeurs, y voyant là le prochain bestseller que les blancs vont s’arracher.

Le concept de base était génial : mettre le nez dans la merde de la fausse bienséance, le racisme inversé ou dissimulé. Des lecteurs blancs qui se jettent sur les récits tragiques de noirs des cités pour se donner bonne conscience et dire « oui oui je soutient le mouvement progressiste », alors même qu’il a été insufflé par des bourgeois sans le moindre problème. Une manière de dénoncer le phénomène de wokisme, où la diversité est le fruit d’une démarche mercantile, fourbe, et non d’une réelle envie d’inclusion, qui quand bien même n’aurait rien d’honnête. Seulement voilà, il faudra attendre près d’une heure pour que cela se mette en place, et ce sujet en or restera toujours en arrière-plan. Le vrai sujet est avant tout un homme cherchant sa place, que ce soit dans sa famille ou dans la société, à gérer ses traumatismes et ses échecs. Du bon vieux drame éculé, et plus que d’être relégué au second plan, cet entubage du système ne sera même pas pleinement développé, sans une once de répercutions. Juste « oh le bon sujet de film ! », histoire de toujours chercher le profit sans jamais rien remettre en question. Triste… C’est d’autant plus dommage que quand le film ose l’insolence, c’est juste jubilatoire, mais terriblement frustrant tant on effleure tout juste la surface. Le film est donc un peu ce qu’il dénonce : nous détourner du sujet avec du pathos, pour au final n’avoir aucun réel impact sur quoi que ce soit.

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Irish Wish


Irish Wish
2024
Janeen Damian

Après la très belle surprise La Probabilité statistique de l’amour au premier regard, Netflix enrichie à nouveau son catalogue d’une comédie romantique maison, que beaucoup ont eu tôt fait de conspuer (est-ce à cause du fait que Lindsay Lohan soit la tête d’affiche et produise ?), alors même que sous ses airs de romcom télévisuelle de Noël se cache un projet un chouia plus ambitieux, et surtout finalement assez réussi.

Ah qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour… Maddie (Lindsay Lohan) a très vite eu le béguin pour Paul, un écrivain raté, mais qui grâce à ses réécriture, a pu sortir un livre de bien meilleure qualité et devenir un auteur à succès. Seulement voilà, lors d’une soirée où elle espérait enfin se rapprocher de lui, il tombera à la place sous le charme d’une de ses meilleures amies. Quelques mois plus tard alors qu’elle était invitée à leur mariage, jalouse à en crever, elle va faire le vœu d’être à la place de son amie et que ce soit elle qui soit destinée à porter la robe blanche. Et justement, une bonne fée va lui accorder ce vœu.

Effectivement, le début du film fait assez peur : on empile un sacré paquet de clichés du genre tel un film diffusé sur M6 un après-midi en période de Noël. Des gags téléphonés, des situations ô combien prévisibles, mais avec quelques arguments. Si on passe outre la tronche encore un peu ravagée de Lindsay Lohan qui semble avoir dix ans de trop pour son rôle, on y découvre un film au moins ambitieux visuellement avec un somptueux domaine à faire frémir Downton Abbey, et un certain nombre de décors irlandais magnifiques. Le coup de la réalité alternative avec la fée ancre un peu plus le long-métrage dans la tradition des téléfilms de Noël, mais ça a le mérite de dynamiser un peu le récit, et surtout quel plaisir de retrouver Ed Speleers ! Le bougre a fait un sacré chemin depuis Eragon, et il mériterait une carrière dépassant un peu plus le milieu télévisuel. De la romance qui ne révolutionne rien, tout est cousu de fils blancs, mais c’est honnêtement divertissant, souvent drôle voir touchant, donc pourquoi bouder son plaisir ?

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10 jours sans maman


10 jours sans maman
2020
Ludovic Bernard

Coupé en plein élan dans sa route vers les 1,5-2 millions d’entrées par le Covid, le film aura tout de même été un surprenant succès avec presque 1,2 millions de spectateurs, un exploit quand on sait à quel point son acteur vedette, Franck Dubosc, est l’incarnation absolue du « has been », où la quasi intégralité de sa filmographie des dix dernières années est composée de naufrages critiques et commerciaux, avec plus de la moitié en dessous des trois cent mille entrées, y compris son second film en tant que réalisateur qui n’aura pas atteint le dixième de Tout le monde debout, son unique film de la décennie qui soit et populaire et couronné de succès, hormis celui dont il est question aujourd’hui, mais qui n’aura clairement pas autant convaincu le public.

Quel est le plus gros cliché familial ? La mère qui s’occupe seule des enfants (surtout valable dans le temps où la plupart des femmes étaient femmes au foyer, mais un cliché de plus en plus éculé depuis un bon demi-siècle). On va donc suivre une famille où la mère (Aure Atika) s’occupe – presque, avec une femme de ménage tout de même – seule de tout ce qui est ménage, entretient, administratif de la maison, et surtout les enfants, au nombre de quatre (trois garçons et une fille). Le mari (Franck Dubosc) est DRH dans une grande enseigne de bricolage et se voit être le centre de toute l’attention et la reconnaissance, au point de ras-le-bol consommé où la mère va décider de tout simplement se barrer dix jours pour un peu souffler et faire prendre conscience à son ingrat de mari que non, « elle ne se repose pas quasi toute la journée pendant que lui trime si dur au boulot ».

On aura rarement vu un scénario aussi poussif et poussiéreux, se basant sur les plus gros poncifs des clichés de famille bourgeoise. La mère soi-disant débordée qui a en fait une femme de ménage qui vient plusieurs fois par semaine et dont les enfants sont tous placés en journée, et le mari qui semble clairement se la couler douce au boulot, a une bonne voiture et une immense maison en quartier chic, mais qui espère carrément devenir directeur à force de ne plus se sentir pisser. Quand on rêve d’avoir un bon gros smic de bourgeois et de se la couler douce comme une faignasse aux 35 heures, on se sent bien loin de leurs problèmes de petits privilégiés… Mais est-ce au moins efficace dans ce qu’il propose ? Mouef. Disons que l’idée de remettre le mari à sa place est réussie, et que le connard arrogant déconnecté de la réalité, c’est du Dubosc dans le texte, donc il campe toujours l’éternel même rôle. Quatre enfants, c’était à la fois une bonne et une mauvaise idée. Bonne car elle représente un challenge organisationnel et d’autorité, mais mauvaise car ils n’existent pratiquement pas individuellement dans une comédie d’à peine 90 minutes. De même, la scène d’ouverture tease un carnage de dérapage à la Babysitting, pour au final s’avérer être un banal accident expédié en deux minutes. Le film n’est pas mauvais, il est juste incroyablement convenu et attendu. Dire qu’une suite a vu le jour en 2023 !

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Saltburn


Saltburn
2023
Emerald Fennell

Alors que la saison des cérémonies touche à sa fin, le grand challenger britannique s’est heurté à un sacré mur : absolument aucun prix nulle part, et carrément aucune nomination aux Oscars. Le fameux thriller sulfureux a fait pschitt après son vague buzz, finissant même directement sur Prime Video pour ce qui est de la France, et même en tant que membre, je ne me suis clairement pas précipité pour le voir.

Dans ce remake non assumé de M. Ripley, on suivra là encore l’admiration / romance / amitié plus qu’ambiguë entre deux hommes, le prolétaire Oliver Quick (Barry Keoghan) et le noble Félix Catton (Jacob Elordi), dont la famille possède une fortune colossale, ainsi qu’un immense domaine : Saltburn. Durant leurs études à Oxford, les deux jeunes hommes vont se lier d’amitié, et Félix va inviter Oliver à passer l’été dans sa prestigieuse demeure.

Sans vouloir trop spoiler, le film est vraiment plus qu’inspiré par Le Talentueux M. Ripley, c’en est carrément une revisite avec les grandes lignes strictement identiques. On troque l’exubérance américaine et le luxe des hôtels européens par la sophistication britannique et le prestige des demeures et modes de vie d’antan à la Downton Abbey. Les points communs avec M. Ripley sont si ahurissants qu’il y a de quoi se demander pourquoi personne n’a crié au plagiat, mais heureusement le film est moins raté que son aîné. Le casting est là aussi très prestigieux, avec également Rosamund Pike, Richard E. Grant, Carey Mulligan, et même la tanche de Gran Turismo, Archie Madekwe, ne fait pas trop tâche. Le rythme est un peu mieux maîtrisé, et contrairement au « modèle », la fin n’est pas un naufrage ici, bien que la dense illustre parfaitement le principal problème de conception du film : son ton vulgaire. Certaines scènes auront beaucoup fait parler, notamment la baignoire et le « vampire » (qui n’a jamais passé outre ?), mais ce voyeurisme n’apporte pas grand chose, voir est complètement débile comme le coup de la terre encore fraîche. Sérieusement ?! Le côté thriller arrive très tard, et tout ce qui précède est du sous Call me by your name. De même, le style « arty » du 1:33 avec un grain d’époque est stupide, l’histoire étant censée se dérouler en 2006, par en 1920, et le format d’image ne rend pas justice aux décors. Un projet mal branlé en somme, dont l’intérêt de l’histoire est d’une part long à venir, et est sacrément prévisible d’autre part.

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