Les Particules élémentaires

Les Particules élémentaires
2006
Oskar Roehler

Nom pompeux pour l’adaptation d’un livre qui doit l’être tout autant, puisqu’écrit par Michel Houellebecq. Et quand on voit ce film, on se dit qu’il vaut mieux s’abstenir de lire ses écrits tant son esprit semble tourmenté. En effet, le film est centré sur un psychopathe en puissance appelé Bruno (Moritz Bleibtreu) dont le passé l’a rattrapé. Un beau jour, ce professeur de littérature sans histoire, marié et fraîchement papa, a tout simplement craqué après avoir été éconduit par une de ses élèves. Il se retrouve alors à l’hôpital où il confesse sa vie, de son abandon par sa mère, de la mort de sa grand-mère, de la découverte de son frère, et toutes ses expériences désagréables qui lui pèsent aujourd’hui encore. Une succession d’échecs cuisants à laquelle il répond par le sexe et l’abus d’alcool.

Des dérives, l’humain en possède une infinité, mais là on cumule à un point inédit. Pensez à l’une d’entre elles, et vous pouvez être presque sûr que le sujet sera traité dans le film. On a rarement vu un pervers pareil, débarrassé de toute once de pudeur ou respect. Une arme doublement efficace puisque permettant de jouer le registre comique / pathétique comme celui du drame, une fois qu’on tombe au plus bas et que la dernière étincelle d’honneur s’est éteinte. Par le biais de flash-back passionnants, on découvre une enfance perturbée, dont l’aboutissement n’a, avec le recul, rien d’étonnant. Le film va très loin, osant tout, mais avec une réelle pertinence dans son traitement. Il faut dire que les acteurs aident pas mal à l’immersion tant ils sont habités et naturels. Se pose alors la question de l’intérêt intrinsèque de toute cette débauche, à déconseiller aux plus jeunes et aux plus sensibles. La mise en abîme est effectivement très bonne, mais le côté psychologique ne marche pas si bien, la faute à une barre placée très haut dès le début, empêchant une réelle évolution de l’intensité. De plus, on regrettera que l’amorce soit si rapide, de même que le principe excellent de confession, trop vite passé à la trappe. L’humour marchait bien mieux aussi, et il est dommage de ne pas y avoir plus mit l’accent, le côté cynique étant parfait. Une ébauche serait-on tenté de dire, mais le résultat possède malgré tout un certain intérêt.

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Lou ! Journal infime

Lou ! Journal infime
2014
Julien Neel

Sacré meilleur film de l’année, rien que ça. D’après l’éminent Durendal, il s’agirait tout simplement de l’œuvre cinématographique la plus aboutie de 2014, celle qui lui a le plus parlé, qui l’a le plus fasciné. Très étonnant vu le caractère enfantin du film, d’autant que les adaptations de BD sont souvent peu inspirées et très décevantes. Néanmoins, chose inédite, celui en charge de l’adaptation n’est nul autre que l’auteur lui-même, potentiellement gage de qualité, du moins pour les amateurs de la bande-dessinée. De plus, même si les critiques n’ont pas été mirobolantes, le maintient du film a été plutôt très bon, bien qu’à quatre-cent mille entrées le mot succès ne convient pas tellement.

Tel un journal intime, le film nous place au cœur de la vie de Lou (Lola Lasseron), jeune fille de 12 ans qui s’éveille à la vie, un peu cloîtrée dans sa bulle avec sa mère (Ludivine Sagnier). Elle traîne avec sa copine Mina, fantasme sur le voisin d’en face, et se prend à rêver d’une romance entre sa mère, seule depuis trop longtemps, et le nouveau voisin de pallier, Richard (Kyan Khojandi). Le problème, c’est que faire sortir sa mère de son cocon va l’obliger à faire de même, et cette idée est terrifiante.

À priori il s’agissait d’une petite comédie sur une adolescente comme on a pu en voir des tas, mais le film est original à plus d’un titre. Déjà en terme d’identité visuel, le film fait assez fort, s’inscrivant comme un des plus originales de ces dernières années. Une exaltation de couleurs, chaleureuses et flashy, mélange savoureux des années 70-80 avec une espèce de vision futuriste, aboutissant à quelque chose de vraiment unique. Les phases d’animation sont en revanche un peu moins inspirées, certes encore une fois magnifiques au niveau des couleurs, mais perfectibles en terme de design et technique, bien que loin d’être ridicules. Une ambiance soignée qu’on retrouve dans la façon d’être des personnages, surréaliste, presque déconnectée. Mais avec un casting si efficace, mention spéciale à la jeune Lou (sans compter des stars méconnaissables comme Nathalie Baye), la sauce prend très bien, et on tolère ainsi les facilités d’écriture du scénario, somme toute assez basique. Une histoire simple mais pas simpliste, équilibrant habilement entre les clichés du genre et la folie onirique instaurée. Pas bouleversant ni transcendant, le film est une belle petite fable agréable, déjantée comme il faut, et dont l’héroïne sait nous attendrir et nous emporter dans son monde, ce qui représente déjà un petit exploit.

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Une heure de tranquillité

Une heure de tranquillité
2014
Patrice Leconte

Tremblons car Patrice Leconte a à nouveau fait son million d’entrées, confortant Christian Clavier dans son statut de phénomène, enchaînant les cartons monumentaux, arrivant même à faire un bon score dans une petite production pour enfants. Or le problème, c’est que plus le réalisateur fait d’entrées, plus ses films sont mauvais : Les Bronzés 3 a fait 2,5 fois plus d’entrées que les deux premiers réunis, et son dernier (Une Promesse), plus ambitieux, se planta dans les grandes largeurs. Et encore une fois, son succès sera inversement proportionnel à la qualité de son travail.

Avoir la paix, ça n’a pas de prix. Petit miracle de sa journée, Michel (Christian Clavier) va dégoter dans une brocante le rarissime vinyle original du tout premier disque de Neil Youart, grand jazzman que son père (Jean-Pierre Mariel) tenait en si haute estime. Tout ce qu’il voulait, c’était rentrer simplement chez lui, se caler confortablement dans son canapé, et jouir d’une heure de tranquillité pour écouter son disque. Mais seulement voilà, sa femme (Carole Bouquet) veut lui parler, sa maîtresse (Valérie Bonneton) aussi, son fils va débarquer, le chantier dans sa maison va subir quelques désagréments, et une fête des voisins s’organise, avec à sa tête Pavel (Stéphane de Groodt), lui aussi bien décidé à s’interposer entre lui et son moment de détente.

Certes, après coup on réalise qu’on ne nous promettait pas tellement plus que ce qu’on a au final, mais diantre que c’est convenu ! C’est à peine croyable tant le degré de créativité atteint un niveau abyssal. On a le droit à la totale : le cliché des ouvriers portugais qui font de la merde, de la femme de ménage espagnole, du fils de bobo qui se la joue gauchiste réac à la con et qui nous les brise sévère, les secrets de famille si prévisibles, des histoires de coucherie, le voisin tête-à-claque, et bien sûr la famille de sans-papiers asiatique. Rien ne nous est épargné. Un scénario lamentable qui n’a pas grand chose à quoi se raccrocher. Les situations sont tellement classiques que la surprise ne sera que feinte, brisant la plupart des effets comiques, peu glorieux à la base. Plus grave encore, les acteurs cabotinent à outrance, achevant notre patience. Heureusement que l’enchaînement est bon et que le film est très court, sans quoi la sanction aurait été autrement plus lourde.

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Samba

Samba
2014
Eric Toledano, Olivier Nakache

Troisième plus gros succès de tous les temps en France, Intouchables a surpris son monde en faisant 19,4 millions d’entrées, et a donc fait de son duo de réalisateur un pilier de notre paysage cinématographique, dont la suite de leur carrière est attendue au tournant. Forcément, en reprenant leur acteur fétiche césarisé, le succès a été au rendez-vous avec un peu plus de trois millions d’entrées, mais pas de quoi pavoiser non plus tant la chute est lourde. Pas étonnant non plus quand on donne à ce point dans le sociétal.

L’une des principales sources d’inquiétude des français, l’immigration peut aussi être un enfer pour les assistés de la vie en quête d’allocations, notamment pour ceux qui essayent de jouer le jeu et tenter de travailler. Car oui, déjà qu’il n’y a pas de boulot pour ceux déjà installés en France, alors de là à en trouver pour les autres… Mais voilà, installé dans notre pays depuis dix ans déjà, Samba (Omar Sy) s’était intégré et allait devenir cuisinier, même s’il participait à l’appauvrissement du pays en envoyant une partie de son salaire hors de nos frontières, seulement l’irrégularité de sa situation va le rattraper et un avis d’expulsion sera émit, l’obligeant à vivre dans la clandestinité.

Un scénario d’une telle faiblesse, c’est rare ! L’histoire clichée du pauvre somalien cliché, victime d’injustice et qui galère pour s’en sortir. Seulement voilà, Omar Sy est mauvais dans ce film, et son personnage est imbuvable, pas empathique pour un sou. Sa romance téléphonée avec Charlotte Gainsbourg rame horriblement, et heureusement que le charme de l’actrice pèse lourd dans l’équation. Côté personnages secondaires, Tahar Rahim est lui aussi antipathique, sombrant également dans le cliché ambulant pour un résultat très bancal. Rien ne fonctionne dans ce film dénué d’inspiration, excepté l’humour, il est vrai plutôt efficace, faisant par moment oublier le vide abyssal du film. Bien rythmé, bien filmé et drôle, mais très faible sur ses personnages et son histoire. Une production pompeuse et fainéante qui assure le minimum côté divertissement.

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Bis

Bis
2015
Dominique Farrugia

Voilà donc la bonne grosse comédie de ces vacances de février, au scénario simple et frais, aux gags racoleurs et au casting composé de stars de la comédies qui ont leurs lots de succès à leur actif. Le moment détente, le film du dimanche soir sur TF1. Bref, la bonne comédie potache à la française qui va se taper ses deux millions d’entrées. Mais le film en est-il oubliable pour autant ? Sans pleinement exploiter son potentiel, il se laisse bien regarder.

Que changerait-on à sa vie si on pouvait tout recommencer à un moment où tout était encore possible ? C’est l’occasion exceptionnelle qui sera en effet proposée à Eric (Franck Dubosc), restaurateur qui a perdu l’amour de sa vie et dont les problèmes financiers le poussent à quitter le pays, et Patrice (Kad Merad), médecin lassé de sa vie éreintante, de sa fille qu’il ne voit jamais, de sa femme (Alexandra Lamy) pour qui il ne ressent plus rien. Suite à une soirée des plus arrosées, les deux vieux amis vont se réveiller en 1986, lors de leur dernière année au lycée, leur donnant l’occasion de tout changer, de refaire le monde, de mettre de l’ordre dans leurs vies.

Alors que le naufrage Camille Redouble est encore présent dans tous les esprits, ou devrait l’être du moins tant un plagiat aussi lamentable ne mérite que le mépris, voilà qu’un autre film français joue dans la cours du retour providentiel lors de cette même année de terminale. Néanmoins, la comparaison s’arrête là, le traitement étant singulièrement différent. L’accent est beaucoup plus mit ici sur l’humour, bien qu’on retrouve également l’éternelle quête d’amour et de reconnaissance familiale (avec notamment dans les rôles des parents des deux compères Julien Boisselier, Gérard Darmon et Anne Girouard) pour ainsi se servir copieusement dans le registre émotif facile. Pour l’humour aussi le film fait dans le facile, mais ce n’est pas pour autant qu’il le fait mal, bien au contraire. Les personnages sont attachant, intéressants et travaillés, ayant chacun un point sur lequel ils nous émeuvent (la femme pour l’un, le père pour l’autre). Le film est touchant, sincère, et cette plongée au cœur des années 80 fait un bien fou tant la nostalgie est forte. Pour autant les regrets sont nombreux : le concept de vouloir se servir de ses connaissances futures pour s’enrichir tenant tout juste de l’anecdote. Une belle comédie très efficace malgré tout, loin d’être aussi simple et futile qu’on aurait pu le penser.

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Le Flemmard du 7° art : Autant en emporte le vent

Avec la critique tombée avant-hier, nombre d’entre vous ont du s’en douter, et c’est désormais officiel : le nouveau Flemmard du 7°art porte sur Autant en emporte le vent. Pour les curieux, ça se passe ici :
https://www.youtube.com/watch?v=6f3nRt8fTlE

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Captives

Captives
2015
Atom Egoyan

Une chute de cheval, un voyage à Paris, un vilain voisin, une leucémie ou un accident de voiture : les occasions ne manquent pas pour perdre l’être aimé. Matthew (Ryan Reynolds) ramenait simplement ce jour là sa fille de la patinoire, faisant néanmoins un petit arrêt pour acheter une tarte. Il l’avait laissé cinq minutes à l’arrière de la voiture, et il doit désormais vivre avec le poids de son incompétence sur la conscience, ayant disparu pendant ce laps de temps. Un choc d’autant plus terrible que sa femme lui reproche à juste titre l’enlèvement de sa fille, et de surcroît la police (Rosario Dawson et Scott Speedman) le suspecte d’y être lié à cause de ses problèmes d’argent et d’un délit recensé dans sa jeunesse, perdant de vu l’objectif principal et faisant ainsi preuve d’une incapacité lamentable. Sept ans plus tard, les recherches reprennent : elle pourrait être devenue l’appât d’un réseau de pédophilie sur internet.

Quand on est québécois et qu’on ne s’appelle pas Dolan, difficile de se faire entendre. Malgré quelques visages bien connus (incluant Bruce Greenwood et Kevin Durand, plus sympathique que jamais), le film n’a pour ainsi dire pas connu de sortie cinéma. Pourtant, le film est loin d’avoir des airs de téléfilm et se trouve même être un plutôt bon thriller. L’histoire est extrêmement classique, mais sa forme change pas mal. En effet, on donne aux spectateurs pratiquement toutes les clefs d’emblée : on sait qui est le ravisseur, ce qu’il est advenu de la fille, et les plus importantes graines concernant le dénouement sont déjà semées. De plus, le fait que la police soit une bande d’incapables change la donne en renforçant le désespoir des parents, soumit à une torture psychologique vraiment intéressante. L’empathie marche formidablement bien, pas spécialement grâce au talent des acteurs, mais plus grâce à la construction et à la mise en scènes maîtrisées. Rien de surprenant ni d’innovant, mais le sujet est traité avec justesse, et c’est donc assez efficace.

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Autant en emporte le vent

Autant en emporte le vent
1939 (1950 en France)
Victor Fleming

On peut le dire, 1939 fut une année plutôt bonne pour Victor Fleming. Alors certes, il s’est écroulé et a dû être hospitalisé suite au tournage éprouvant de ce film, mais lors de cette année il a signé deux œuvres majeures du cinéma. La première, sortie en août de cette année là, Le Magicien d’Oz, est censé être le film le plus vu de l’histoire (en comptant les visionnages maison) et est particulièrement ancré dans la culture américaine, et celui-ci, carrément le plus grand succès de tous les temps en terme d’entrées : près de 400 millions d’entrées (correspondant aux 400 M$ de recettes, ramenées à 3,3 milliards avec l’inflation), soit significativement plus qu’Avatar (2,7 milliards). Un succès aussi magistral lui fut accordé aux Oscars cette année là, récoltants dix statuettes, dont meilleur film, meilleur réalisateur, actrices principales et secondaires pour Vivien Leigh et Hattie Mc Daniel (première noire nominée de l’histoire, et qui fut aussi la première récompensée), meilleur scénario, et bien d’autres prix pour ses qualités artistiques (surtout en terme d’image). Le grand perdant de l’histoire étant Clark Gable, même s’il a pu se réconforter en repensant à sa victoire de 1935 pour New York-Miami. Un film de légende donc, qui a fait date à plus d’un titre, et il est grand temps de se poser la question de son intemporalité.

Adaptation du roman de Margaret Mitchell, le film nous conte durant 3h58 la vie de la jeune Scarlett O’Hara (Vivien Leigh), immigrée écossaise dont la famille a fait fortune dans l’exploitation de coton dans le Sud des Etats-Unis. Bien entourée par son aimante famille, une armée de prétendants et une armada de domestiques, elle ne connaissait rien des dures réalités de la vie, voguant à de futiles occupations. Mais un beau jour, son monde va s’écrouler quand elle va apprendre les fiançailles de Ashley Wilkes (Leslie Howard), qu’elle pensait destiné pour elle, avec cette cruche coincée de Melanie Hamilton (Olivia de Havilland). Pire encore, une guerre contre les Yankee, détraqués à la botte de ce connard de Lincoln (forcément, le film étant pro-sudiste, et donc favorable à l’esclavagisme), va éclater, mobilisant ainsi tous les hommes, y compris Ashley et Charles, le mari de Scarlett qu’elle a choisit pour rendre Ashley jaloux. Et comme tout le monde le sait, le Sud a perdu la guerre de Sécession, et le bilan fut lourd, très lourd. Et la pauvre Scarlett ne sera pas épargnée, loin s’en faut.

Voilà donc un film des plus massifs, se déroulant sur près de vingt ans entre 1860 et 1880, racontant l’avant, pendant et l’après guerre qui opposa le Nord et le Sud des Etats-Unis. Une plongée progressive dans l’horreur de la guerre, avec ensuite un retour à la réalité au goût de cendre tant le passé a été balayé et que seule la misère persiste (d’où le titre : le vent emportant tout sur son passage). On pourrait croire ensuite à un retour, arraché à la sueur des mains, mais rien n’est facile dans ce film résolument sombre et dramatique. Les gens meurent, les couples se déchirent, les enfants sont arrachés à leur famille, rien ne va et les quelques rescapés ont perdu toute once d’humanité. N’espérez pas y trouver l’amour non plus, le malheur guette chacun à tout instant. Point de violence inouïe, simplement la face la plus sombre de l’homme et la mise en lumière de toutes ses faiblesses, même les plus infimes. Une puissance dramatique certaine, d’autant que le casting est effectivement surprenant une fois passé le choc générationnel, et même si le travail de maquillage est perfectible pour montrer l’avancement de l’âge des protagonistes, leurs codes vestimentaires, leur fatigue et leur comportement suffisent pour faire illusion, et l’évolution est indéniable.

Bien moins important de nos jours et pourtant, c’est aussi d’un point de vu technique que le film impressionne tant. Si déjà l’utilisation de la Technicolor est remarquable, avec des jeux de lumière saisissants lors des séquences à Tara (la terre de la famille de Scarlett, personnage à part entière dans le film), le film dans son ensemble montre toute l’étendue de l’ambition de l’équipe. Des plans séquences avec près de 1600 figurants, tout simplement dantesque, des éclairages à la bougie stupéfiants avec l’ombre des personnages sur les murs, une ville en feu presque crédible en terme d’effets spéciaux, des paysages dignes de Westerns, et une fascination communicante pour le regard surnaturel de Vivien Leigh, peste insupportable, mais dont on ne peut pourtant pas détourner le regard. Entre la force de son histoire, l’extraordinaire casting et le talent artistique qui en émane, le succès du film est clairement justifié, mais il n’en reste pas moins surprenant. L’Amérique a découvert le film en pleine second guerre mondiale, et le reste du monde peu après, alors convalescent. C’est stupéfiant d’avoir réussi à fédérer le monde entier autour d’un drame aussi triste et sans espoir, et d’une durée aussi phénoménale (même si certains films de « l’époque » dépassaient aussi les trois heures trente – genre Ben-Hur et Les Dix Commandements), alors que lui même devait faire face à une crise aussi terrible. Le pouvoir de la compassion ? Probable, et le film continuera à n’en pas douter de traverser les âges avec le même enthousiasme.

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22 minutes

22 minutes
2015
Vasily Serikov

Les américains l’ont fait alors nous aussi, merde ! Après Capitaine Phillips qui racontait l’histoire vraie d’un cargo américain prit d’assaut par des pirates somaliens, puis secouru par l’armée américaine, voici la même chose mais en mode soviétique. Sacré coup de bol que d’avoir eux aussi une histoire vraie similaire sous la main ! Par contre il faut faire avec un budget divisé par dix et tout une équipe de bras cassés découvrant le métier sur le tas. Et c’est grave ? Bah quand on aime le cinéma oui pas mal. Et c’est parti pour un assaut de 22 minutes en mousse avec une amorce de pélican.

Alors oui, il y a eu cet ovni cinématographique complètement déluré et jouissif de film de super-héros russe : L’Éclair noir. Mais sinon non, je n’ai pas d’autre exemple positif de cette région du monde. Et quand on sort un torchon pareil sans vergogne, le glaire remonte de lui même dans la gorge avec une envie irrépressible d’aller s’étaler sur le visage de son interlocuteur. Non mais sans déconner, ne serait-ce que se relire avant le tournage aurait été potentiellement salvateur, permettant de mettre en évidence une incohérence de chaque instant. Le héros est le plus grand trisomique de l’histoire, les méchants sont des vilains pas beaux estampillés Al-Qaïda, avec forcément le seul gentil qui crève en mode frère d’arme avec scène pseudo émouvante, et les soldats russes sont des dégénérés alcooliques qui se tabassent entre eux parce que c’est marrant. Mais qu’est-ce qu’on se marre ! Reste après les problèmes de forme : des acteurs d’un amateurisme flagrant, un doublage français fait à l’arrache, et des cadreurs qui se cassent la gueule au beau milieu d’une scène. Pourtant, il ne s’agit probablement pas d’une sous-production de série Z en mode film qui se passe sous le manteau : le film se paye de vrais bateaux de belle taille. J’aurai tendance à dire « à oublier de toute urgence » si ça n’était pas déjà fait.

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Final Fantasy XIII-2

Final Fantasy XIII-2
2014 (2012 sur consoles)
PC

Vous avez pas honte de perdre votre temps à bosser sur la suite d’un jeu aussi mal aimé que FFXIII alors que tous les regards sont braqués sur Versus XIII (devenu FFXV) ? Donc forcément, étant la suite d’un des plus mauvais épisode numéroté et ayant des allures de bouche-trou, les à priori étaient très nombreux autour de ce jeu, malgré les promesses de Square-Enix qui aurait « entendu les critiques des fans », et les attentes étaient donc pour ainsi dire inexistantes. Juste pas faire encore pire si c’est possible. Et paf, coup de théâtre, l’éditeur nous donne exactement ce qu’on voulait depuis le début, et le résultat est loin d’être dégueulasse.

Graphismes : 15/20

Alors oui, forcément, avec un temps de développement inférieur de moitié par rapport à l’original, on ne pouvait pas espérer une nouvelle prouesse de ce côté là, mais tout de même, avec le recyclage du moteur graphique, on était en droit d’escompter des graphismes similaires. Mais non, les décors et les personnages sont beaucoup moins travaillés, il y a de ci de là quelques bugs, des ralentissements violents même à Academia (map trop grande), moins de cinématiques et un sens de la mise en scène amoindri, avec carrément une intro bien crade qui dépeint salement. Enfin bon, le moteur reste excellent et l’inspiration artistique est toujours aussi bonne, bien qu’un peu moins grandiloquente. Les lieux sont nombreux et variés malgré les relectures, et si l’éblouissement est hors de propos, le voyage est agréable pour la rétine.

Jouabilité : 14/20

Mauvaise nouvelle : le système de jeu d’assistés passifs est de retour. Néanmoins, de sacrés progrès ont été apportés. On retrouve les mêmes six jobs permutables (attaquant, ravageur, défenseur, saboteur, tacticien et soigneur), les mêmes attaques et tout le système in-game identique, mais les combats sont un peu plus dynamiques et la préparation en aval a radicalement changé. Déjà il n’y a plus de stade évolutif, chaque job est juste limité à 99 niveaux, mais on peut choisir de monter directement sans restriction celui de son choix, permettant d’arriver à la moitié du jeu avec trois jobs au max sur les deux héros, octroyant une bien meilleure liberté et une stratégie mieux établie dans un premier temps (car dans l’absolu avoir tous les jobs au max ne prend pas plus de 50 heures). Mais là où le jeu « innove » beaucoup plus, c’est dans le choix du troisième accompagnateur : un monstre. En effet, chaque monstre abattu est susceptible de rejoindre vos rang (avec une limite d’un exemplaire par espèce et trois monstres par combat entre lesquels on jongle, ne pouvant en utiliser qu’un à la fois). Ils ne possèdent qu’un seul job, donc le choix est doublement stratégique, et leur évolution se fait par catalyseurs, ramassés après les combats (potentiellement achetés, mais la vendeuse ne propose les trois derniers stades de catalyseurs que juste avant le boss de fin, voir après pour le tout dernier stade). Il faut donc bien choisir ses compagnons, d’autant que certains mettent plus de temps à révéler leur potentiel, et les catalyseurs étant rare, se tromper de monstre peut avoir de graves conséquences. De plus, on peut les fusionner entre eux pour renforcer le premier avec les aptitudes transférables du second. Dommage en revanche que l’opération ne puisse aboutir à un hybride. Donc pour ce qui est des combats, l’évolution est intéressante.
En dehors, le gain est aussi notable. Si de base l’idée de voyager dans le temps en parcourant une dizaine de lieux dans diverses temporalités est génial, son application marche pas mal avec un système de portail et un Cœur du Temps bien géré, séparant les voyages principaux des annexes par un système d’artefacts, primitif s’il n’est pas indispensable à l’histoire, ce qui n’empêche pas ces lieux de réserver quelques surprises de qualité. Plus encore, un mog nous accompagne durant l’aventure, créature aux pouvoirs magiques fourbes qui mettent en lumière les innombrables trésors et secrets cachés, certains même totalement indécelable et faisant appel à la chance et à la paranoïa qui nous gagne quand on balance le mog au hasard et qu’il nous rapporte l’un des 160 fragments du jeu. Autre avantage non négligeable de cette suite : sa grande liberté offerte dans l’exploration. En revanche pas la peine de s’attarder sur le système de choix de discutions et des combats cinématiques, veines tentatives de pompages de principes populaires.

Durée de vie : 16/20

Avec des fragments disséminés de partout, des dizaines de monstres et des missions annexes de partout, on aurait tendance à croire que le jeu est interminable, mais loin s’en faut. On est en deçà du niveau de contenu de son prédécesseur, même en comptant l’ajout des DLC de cette version PC qui compte le Colisée, le passage au casino et le combat de Lightning. Les aficionados du 100% obtiendront satisfaction en une soixantaine d’heures. Les autres, essayant tout de même d’explorer tous les lieux sans chercher forcément à avoir les meilleurs familiers ou obtenir les 160 fragments auront leur compte en à peu près 40-45 heures, bon compromit pour éviter de tomber dans le piège de la surenchère de puissance et de difficulté ahurissante du Colisée par exemple. Surtout que franchement, la scène secrète débloquée après avoir passé des heures à jongler avec la soluce pour trouver les derniers fragments n’en vaut vraiment pas la peine, n’apportant strictement rien à l’histoire, contrairement au DLC sur Lightning (très chiant au passage par son principe de résurrection améliorée qui oblige à passer une heure à crever en boucle pour enfin devenir assez fort).

Bande son : 16/20

On a toujours affaire aux meilleurs du genre, qui livrent une fois de plus un travail remarquable, d’autant qu’on ose de plus en plus les vraies chansons avec des paroles, mais rien d’inoubliable, d’éternel et de transcendant comme dans les anciens jeux. Bravo pour le style, mais ça ne va pas plus loin, d’autant que le doublage est invariablement caricatural avec les mêmes dialogues cul-cul. Au moins pas de trahison avec des changements de doubleur : l’équipe revient au complet, un soulagement pas si évident.

Scénario : 14/20

L’univers du jeu n’est pas bon, donc on ne pouvait pas espérer de miracle. L’introduction nous affole d’emblée en nous disant que non seulement Lightning n’est plus l’héroïne, mais qu’on doit en plus se coltiner un type sorti de nulle part avec un nom à la con, Noel, faisant équipe avec la pauvre chose toute fragile qu’est Serah, la sœur de Lightning. Et paf, gros méchant ultra stéréotypé, une quête qui ne repose sur rien (« oh Serah, vient voir ta sœur stp » « ok, elle est où ? » « par delà l’espace et le temps » – nom de Dieu…) et c’est parti en mode bases moisies, ramenant au passage l’escouade Nora, bande de trublions insupportables. Et pourtant…
On ne se doute de rien, mais tout s’installe au fur et à mesure. On ne sait pas grand chose de ces futurs qu’on découvre, certains passages tiennent plus de l’anecdote, mais le fil conducteur se met en place, se laisse deviner, rendant de plus en plus intéressant les personnages qui avaient finalement plus d’une raison pour partir à l’aventure. L’exemple le plus flagrant de la puissance latente de l’histoire est Yeul, qui en viendrait presque à nous tirer les larmes lors du grand moment de Noel, finalement bouleversant et possédant une vraie stature de héros de légende. La fin est grandiose et promet énormément pour la suite, qui devrait sortir en mai sur PC, qui je l’espère ne décevra pas tant l’attente est remontée net (mais entre une exploration d’une liberté inédite, des action contextuelles avec les décors, une orientation action-RPG et des phases d’infiltration, la conclusion s’annonce exceptionnelle).

Note Globale : 15/20

Final Fantasy XIII n’était pas un mauvais jeu, et c’est même l’un des plus ambitieux qu’il m’ait été donné de voir. Mais seulement voilà, entre sa trop grande linéarité dans ses premières heures de jeu, le côté assisté et passif de son système de combat et la faiblesse de son histoire pas aussi grandiose que la mise en scène ne le laissait escompter, la déception fut immense, quasi insurmontable. Alors oui, plus personne n’attendait rien de cet univers. Et voilà que Square-Enix réussi le tour de force de ne pas renier son passé en améliorant ce qui était déjà présent dans le premier, tout en apportant son lot d’amélioration indispensables et offrant une histoire magnifique, émouvante (Yeul on t’aime !), et jouissive à découvrir par le biais de voyages temporels, pas super innovants mais sympathiques. Comme piqué dans son orgueil par le désamour de leur jeu, le studio s’est retroussé les manches pour nous prouver leur savoir-faire et que l’avis des joueurs est primordial. Pas non plus un chef d’œuvre du genre, le jeu marque une évolution intéressante et on en demandait pas plus. Je ne pensais clairement pas dire ça, mais vivement que le dernier volet de la trilogie débarque sur PC !

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