The Cloverfield Paradox

The Cloverfield Paradox
2018
Julius Onah

Le 4 février dernier, la saga Cloverfield a encore frappé fort. Après le projet mystère devenu 10 Cloverfield Lane à moins de deux mois de sa sortie, le nouvel acquéreur de ce troisième film de l’univers étendu a brisé toutes les règles du jeu. Devant sortir en salle en avril, Netflix a racheté le film dans la plus grande discrétion, et alors qu’aucune image n’avait filtré, un spot à 10 millions de dollars à la mi-temps de la finale du Superbowl (événement sportif qui rassemble le plus de personnes au monde) montrait non seulement les premiers visuels jamais publiés du film, mais que ce dernier était disponible immédiatement sur leur plateforme de vidéo-à-la-demande. Un marketing sans précédent créant forcément des attentes démesurées, et clairement le film n’en avait pas les épaules.

Se déroulant quelques années dans le futur, l’histoire nous convie au cœur d’une expérience scientifique visant à sauver la Terre. Avec une population grandissante et des énergies fossiles en raréfaction, l’énergie est devenu un problème massif et le Shepard pourrait être la réponse à tous leurs problèmes. À la tête de la station spatiale Cloverfield, Hamilton (Gugu Mbatha-Raw) et son équipe (incluant Daniel Brühl et Zhang Ziyi) tentent de mettre au point une énergie du vide, créant une brèche dans l’espace-temps pour en retirer de l’énergie. Après des mois d’essais, le tout premier test concluant va aussi avoir un effet secondaire indésirable : que ce soit aux hublots ou sur les radars, plus aucune trace de la Terre.

Certaines expériences sur l’énergie tendent à prouver qu’on peut tirer de l’énergie à partir du vide. Le principe laisse perplexe et pour l’instant personne n’arrive à comprendre pourquoi, même si la thèse des univers parallèles ou du moins celle d’autres dimensions est évoquée. Le film fait mine de s’engouffrer dans la brèche pour expliquer que l’ouverture dimensionnelle est à l’origine de l’apparition des monstres de Cloverfield, faisant ainsi écho au scénario de Pacific Rim, mais sans le côté combats titanesques et direction artistique bluffante. Une idée intéressante, mais c’est malheureusement la seule qu’aura le film, se limitant aux répercutions déjà connues et donc hautement prévisibles. Pour le reste, on aura droit à un énième huis clos spatial pseudo horrifique, mais ce qui fait le plus peur c’est le vide ahurissant du film. Rien n’est expliqué, rien ne tient debout. On essaye de nous faire monter la sauce à base de mystère spatio-temporel, mais ça ne colle pas : la station spatiale ne peut marcher de la sorte avec de pareils dégâts structurels, et on ne peut mélanger deux espaces-temps sans être cohérent sur les fusions et l’emplacement des choses. Le film n’essaye même pas de proposer une base scientifique et n’arrive pas à être cohérent avec lui-même. En fait, on est un peu dans le cas de figure de 10 Cloverfield Lane : un huis clos conceptuel qui semble rattaché artificiellement au premier Cloverfield pour créer une sorte de franchise reposant sur le simple principe que des monstres géants ressemblant aux Anges de Evangelion attaquent la Terre. Seulement ici c’est presque la seule chose qui légitime l’existence du film tant il n’a absolument rien d’autre à offrir que des clin d’œil à des œuvres autrement plus abouties. Un troisième spin-off à cette non-saga est déjà annoncé pour octobre (donc septembre sur Netflix ?) avec au programme américains et nazis réunis contre les monstres en pleine Seconde Guerre Mondiale, promettant rien que sur le principe une incohérence de taille, mais on peut déjà tabler sur des justifications fumeuses à base de « oui mais de toutes façons l’espace-temps est modifié ». NON ! Chronologiquement The Cloverfield Paradox se déroule avant Cloverfield tandis que 10 Cloverfield Lane se déroule en parallèle (démarre avant et fini après). À moins de nous faire croire à une mission secrète ayant éliminé toute trace des envahisseurs de l’époque, et que pour des raisons inconnues ils ont mit un siècle à revenir, faire un film en 1940 n’a aucun sens. Enfin bref, faire des films autour de celui de 2008 pouvait sembler être une bonne idée, mais entre un lien artificiel et pour le coup un intérêt autre quasi nulle, on commence à en douter.

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Coexister

Coexister
2017
Fabrice Eboué

Inspiré par l’histoire du carton des prêtres pédophiles chanteurs, l’acteur réalisateur de l’excellent Case Départ, puis plus grand chose, nous revient avec une idée assez similaire, mais étendue aux autres « principales » religions. Acculé par la directrice (Mathilde Seigner) du groupe Demanche peu satisfaite de ses performances, un responsable de label musical (Fabrice Eboué) va voir l’idée de rassembler sur scène un rabbin (Jonathan Cohen), un Imam (Ramzy Bedia) et un prêtre (Guillaume de Tonquédec). Un projet improbable qu’il va monter avec son assistante (Audrey Lamy) et qu’il va baptiser « Coexister ». Un beau message de paix, mais pas forcément évident à appliquer.

Avec ce genre de sujets, on pouvait soit faire un film consensuel et insipide, soit tenter d’aborder vraiment cet épineux sujet de société en hésitant pas à enfoncer quelques portes. Après un démarrage poussif, une fois le groupe monté le film prend alors des airs de vraie bouffée d’air frais, faisant des blagues sur la Shoah, offrant un écho aux thèses conspirationnistes et parlant sans tabou des plus grandes polémiques comme la légitimité arbitraire de la revendication des terres palestiniennes par le peuple juif. Incisif et jubilatoire. Oui mais voilà, le film parle aussi de musique et de coexister, or pour l’un comme pour l’autre le film est incroyablement lisse, ne remettant jamais en cause le mode de fonctionnement des industries musicales et ne traitant au final jamais la religion sérieusement. Tout n’est sujet qu’à la plaisanterie, pas forcément de très bon goût ni spécialement efficace. Côté musicalité c’est là un ratage complet, les voix ne correspondant pas une seconde aux acteurs, les textes sont vides et la musique oubliable, aboutissement à des titres aussi paresseux que pénibles. Le potentiel était là et on rit même volontiers à plusieurs reprises, mais dans l’ensemble le film s’en tient au strict minimum.

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Mon Garçon

Mon Garçon
2017
Christian Carion

Si des tournages pharaoniques le cinéma s’en est payé un paquet, il est vrai que le temps de tournage moyen a explosé ses dernières années, et pour cause. Avec l’arrivée du numérique, le coût en bobine n’est plus, remplacé par des disques durs bien moins onéreux et sur lesquels tiennent bien plus de temps d’enregistrement. De ce fait, refaire moult fois les scènes est beaucoup moins problématique et pratiquement plus aucun film ne se tourne en moins d’un mois ou deux. Voir des gens aller à contre-courant est donc intéressant, cherchant à capturer l’instant premier avec plus d’authenticité, et ce film là est justement un exercice de style intéressant puisque non seulement le tournage n’a duré que six jours, mais en plus l’acteur principal découvrait le scénario en même temps qu’il tournait.

Travaillant à l’étranger et n’étant plus avec la mère de son enfant (Mélanie Laurent) depuis longtemps, Julien Perrain (Guillaume Canet) va revenir en urgence suite à l’annonce tragique de l’enlèvement probable de son fils, porté disparu depuis deux jours. Sentant la police trop passive et n’osant pas utiliser des méthodes plus brutales mais efficaces, il va choisir d’enquêter seul de son côté pour tenter de sauver son fils.

Le concept du père cherchant son enfants par tous les moyens sonne effectivement familier, et pour cause : Taken est passé par là. Plus psychologique et moins bourrin, le film une alternative intéressante, mais pas forcément très aboutie. Faute d’enquête très poussée, on ne cherchera pas tellement à savoir qui sont les gens qu’on croise ni pourquoi ils sont là, ne faisant qu’un travail de surface, et au final le scénario n’est qu’un enchaînement bien trop pratique. Le suspense n’a pas le temps de monter qu’on a directement la confirmation que la piste est la bonne, et à aucun moment on ne verra l’enquête piétiner ou sentira le héros patiner. Les méthodes sont bonnes et il n’hésite pas à faire ce qui doit être fait, mais le film n’ose pas aller trop loin non plus et l’histoire ne semble même pas essayer de nous surprendre. La démarche et les intentions sont bonnes, mais l’histoire est trop lisse pour pleinement convaincre.

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Le Sport favori de l’homme

Le Sport favori de l’homme
1964
Howard Hawks

Si on m’avait demandé mon avis, je serais très certainement né aux Etats-Unis en 1930. Trop jeune pour être enrôlé durant la Seconde Guerre Mondiale, je serais arrivé sur le marché du travail en plein âge d’or d’Hollywood, faisant des pieds et des mains pour être l’assistant d’un de ses grands producteurs à la Ave, César ! en espérant décrocher au fil du temps un travail de scénariste. J’aurais ainsi fais le gros de ma carrière entre les années 50 et 90, meilleure période de l’histoire. À l’époque tout semblait magique, tout semblait possible.

Comme quoi, pas besoin de connaître quelque chose pour l’enseigner. Pourtant auteur d’un livre sur la pêche et vendeurs d’accessoires pour ce sport de détente, Roger Willoughby (Rock Hudson) n’a jamais pêché le moindre poisson de sa vie. C’était jusqu’à présent un simple détail, mais le jour où une publiciste (Paula Prentiss) va l’inscrire à un concours, son mensonge va le rattraper, tout le monde étant persuadé qu’il est un excellent praticien. Pas le choix, il va devoir suivre un entraînement éclair d’ici aux six petits jours le séparant dudit concours.

Il y a deux types de chieuses : celles qui le font exprès, et celles qui le sont naturellement. Dans le cas présent, notre pauvre Roger va être la victime d’une chieuse malgré elle, ne s’imaginant pas un instant dans quelle galère elle vient de le mettre. Là où L’Emmerdeur ratait lamentablement le coche en imposant un con apathique et antipathique, le film marche ici bien mieux dans la mesure où toutes les mésaventures qu’elle fera subir au héros sont des maladresse qu’elle tentera immédiatement de se faire pardonner. Alors certes, elle a aussi un côté un peu pimbêche et envahissante, mais c’est là encore une maladresse de communication, s’en servant comme carapace pour se protéger. Les personnages sont donc bien écrits et on retrouve l’humour efficace des soaps de l’époque à la Ma Sorcière bien aimée avec les fameux clients à convaincre et le patron un peu balourd. Une plongée dans le temps qui fait du bien, même s’il est dommage que le montage initial de 2h37 se soit perdu, le film semblant un peu haché par moment, notamment à la fin.

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L’Accusé

L’Accusé
2017
Oriol Paulo

Après Eva, La Piel que habito ou encore Le Cœur du guerrier, le cinéma espagnol nous offrait l’été dernier en VOD un film encore une fois atypique et formidable qu’il vous faut de toute urgence rattraper. Pourtant privé de sortie en salle et snobé des festivals où il aurait largement mérité quelques prix, notamment en terme de scénario et de mise en scène, le film ne vous laissera pas indifférent.

Se construisant sous forme de puzzle reconstitué de manière biaisée, le film tente de faire la lumière sur un meurtre dont est accusé un certain Adrian. Dans son appartement avec l’avocate Goodman, il tente de prouver son innocence dans le meurtre de sa maîtresse, jurant avoir été assommé par une tierce personne, mais il n’y a aucune preuve de son passage. Qui pourrait avoir élaboré un tel coup et pourquoi ? Dans l’impasse et étant sur le point d’être convoqué devant le juge suite à un nouveau témoin énigmatique, il n’a que trois heures pour prouver son innocence. Il n’a alors plus le choix et va commencer à raconter un accident qui serait potentiellement lié à cette histoire.

Voilà le genre de film qui prouve qu’il y a l’art et la manière de raconter une histoire. Ici, on a un présumé coupable, un témoin mystérieux, l’histoire du meurtre et ce qui y a conduit. Ne voulant dans un premier temps ébruiter l’accident premier, Adrian va donc volontairement cacher certaines informations, l’amenant progressivement à lever le voile sur des détails d’une histoire précédemment raconté (et illustré au passage, le film n’est pas un simple huis clos, il nous montre à chaque fois une scène selon un certain point de vue). Ainsi, nous seulement on découvre l’histoire au fur et à mesure en découvrant parfois certain interstices cachés, mais on revient en plus régulièrement sur une scène passée en fonction de certaines révélations qui changent le point de vue. On a donc d’un côté Adrian qui tente de se protéger au mieux, et de l’autre une enquête sur l’identité du témoin et de la troisième personne de la chambre d’hôtel où a eu lieu le meurtre pour tenter de l’innocenter. Une forme déjà complexe à laquelle se rajoutent des twists surprenants voir bluffants qui démontrent un degré de lecture supplémentaire qui assoie le scénario comme l’un des meilleurs du genre de l’histoire. Une perle d’écriture dont on prend conscience que progressivement, et il faudra attendre la toute fin pour en comprendre toute la saveur. Du génie, du pur génie.

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The Book of Henry

The Book of Henry
2017
Colin Trevorrow

Visiblement, ça n’est pas parce qu’on a été le réalisateur du momentané troisième plus gros succès de tous les temps et qu’on réuni un casting assez solide qu’on arrive à distribuer correctement son film. Tout juste sorti modestement aux Etats-Unis, ce troisième long-métrage de Colin Trevorrow n’aura pas eu le droit à d’autres sorties, tout juste une minimaliste en Grande-Bretagne. Y avait-il de vraies raisons de douter du projet ou est-ce que cela a à voir avec l’évincement du réalisateur du prochain Star Wars ? Persona non grata.

Après le Punisher (homme le plus charismatique au monde et faite qu’on le revoie avant la saison 2 en 2019), place à Henry (Jaeden Lieberher). Quand la justice montre ses limites, il faut parfois agir soi-même. Constatant jour après jour l’évidente maltraitance dont souffre sa voisine (Maddie Ziegler, la fille des clips de Sia), battue par son beau-père (Dean Norris), il a tenté tous les moyens légales jusqu’alors, mais quand le bourreau n’est nulle autre que le chef de la police de la ville et que son frère s’occupe des services sociaux, on se heurte à un mur. Henry va alors écrire un livre dans lequel il va détailler son plan pour le mettre hors d’état de nuire.

Question enfant surdoué, difficile de passer après le coup de cœur Mary, d’autant que ce qui est bluffant à 8 ans l’est beaucoup moins à 14 (et oui, il est censé en avoir 11 mais le vrai âge du comédien transparaît bien trop). Le principe même du film est donc un peu bancal, surtout que le projet n’est même pas destiné à lui mais à sa mère (Naomi Watts) et que si déjà il est difficile de faire confiance aux enfants (hein Jacob Tremblay ?! Espèce de petit frère trop curieux ! Heureusement qu’il a la mémoire courte…) c’est encore pire quand il s’agit d’adultes. Le plan est donc solide, sans plus, mais il repose sur des facteurs décevants. Si les acteurs sont excellents, le personnage de la mère est vraiment très mal écrit, sorte d’ado attardée incapable de prendre une décision et dont les défauts sont représentés par des addictions en tout genre, comme les sucreries, l’alcool et les jeux-vidéos, tous mit sur le même plan. Venant d’un film, c’est à hurler de rire ou pleurer face à tant de bêtise puisque la seule différence qu’il y a aujourd’hui entre le cinéma et le jeu-vidéo, hormis des possibilités plus grandes en terme de mise en scène et d’approche artistique, c’est que le jeu-vidéo n’est pas un loisir passif mais actif où le consommateur n’est plus spectateur mais acteur de l’histoire qui lui est proposée. Si le film partait d’une idée sympa à défaut d’être révolutionnaire, le film rate le coche de beaucoup de ses messages et devient aseptisé sur certains points à force de faire marche arrière ou de censurer. Frustrant, rageant même avec l’humour douteux du petit frère qui – lors du spectacle – nous fait imaginer un twist de dingue qui ferait revoir le film sous un jour complètement différent où le degré d’ingéniosité était en réalité insoupçonnable, mais non. De là à dire que le film est mauvais, il semble n’y avoir qu’un pas, mais on passe tout de même un bon moment entre des thèmes importants qui font réfléchir et riche casting qui rattrape quelques faiblesses d’écriture. Le potentiel était énorme, le résultat est sympa.

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Le Labyrinthe : le remède mortel

Le Labyrinthe : le remède mortel
2018
Wes Ball

Presque toutes les sagas partent d’une excellente idée, et c’est pourquoi elles sont devenues des sagas. Au final ce qui fait la différence entre un simple phénomène passager et une œuvre majeure c’est ce qu’on en fait. Entouré d’un mystère aussi grand que ses murs, Le Labyrinthe avait pleinement réussi sa mission de mise-en-bouche, mais plus encore La Terre Brûlée avait été un tour de force, parvenant à développer une mythologie propre malgré des bases d’apparence classique. Après un accident de tournage qui a reporté la sortie du film d’une année complète, c’était donc avec une grande impatience que le monde attendait la conclusion de cette aventure, certes disponible depuis trois ans dans les romans de James Dashner, mais aussi avec appréhension puisque les ratages dans la dernière ligne droite arrivent comme nous l’avait douloureusement apprit Hunger Games 4, un cas d’école en terme de désillusion.

Désormais membres de la résistance, Thomas (Dylan O’Brien), Newt (Thomas Brodie-Sangster) et les autres (incluant Nathalie EmmanuelGiancarlo Esposito et Will Poulter) tentent de récupérer Minho, capturé par Wicked (Aidan Gillen et Kaya Scodelario) qui cherche toujours de son côté le remède contre la Braise, maladie dégénérative causée par la suractivité solaire et dont certains parmi la nouvelle génération ont développé une immunité naturelle. Alors que l’humanité au sens large vit dans une misère totale, les castes supérieures vivent dans une cité forteresse, dernier bastion d’une civilisation en pleine extinction. Érigée au cœur de cette dernière, le QG de Wicked retient Minho captif, comme tant d’autres d’immunes, et c’est là que devront se rendre Thomas et les autres.

Après un labyrinthe énigmatique et impressionnant, après le renouveau du post-apo désertique avec des vestiges plus vrais que nature, le décidément très talentueux Wes Ball nous plonge cette fois dans une cité futuriste encore une fois bluffante de réalisme, éclipsant toutes les super-productions actuelles à plusieurs centaines de millions avec seulement 62 M$ de budget. En terme de réalisation et de direction artistique le réalisateur fait encore un sans-faute, continuant un travail irréprochable en terme de mise en scène et de réalisme. Les acteurs, déjà très bons dès le premier volet, restent fidèles à eux-mêmes. Des qualité importantes, mais peu surprenantes puisque déjà ancrées dans la saga. L’inquiétude, d’autant plus grande de part son statut d’épisode final, c’était bien sûr le scénario. Si là encore le film fait le taff en répondant à toutes nos questions et en nous offrant une fin nette, on pouvait clairement en espérer plus : pas de révélation dantesque, de surprise éclatante ou de développement spécialement profond. Sans aller jusqu’à dire que tout est prévisible, on en est quand même pas loin. Le plus gros problème du film en terme d’écriture vient surtout des personnages et de leur devenir. C’était attendu, des morts étaient à prévoir, mais pour aucun d’entre eux on ne peut s’estimer satisfait. Manque d’envergure, timing inutile : il y avait mieux à faire. Couteau ou lance, la différence est maigre, et avec l’antidote dessus la coïncidence est magique, mais ça n’aboutira pas. On peut imaginer que ce choix est justement une tromperie pour le spectateur, renforçant l’ambiguïté qu’entretien la franchise depuis le début sur la cause que défend Wicked. De même, la guerre civile renforce cette réflexion sur l’existence même d’un bon côté, prouvant que malgré quelques réticences le film et la trilogie en générale offre une piste de réflexion passionnante sur notre société. En étant vraiment objectif, chacun des trois films a été conçu de la même manière par la même équipe et les résultats sont sensiblement équivalents, mais difficile de cacher une certaine déception quand la dernière pierre de l’édifice n’a pas d’éclat particulier. Oui, ce dernier opus conclu très bien une saga aussi divertissante qu’intelligente, mais les regrets sont nombreux face à un univers aussi riche et si peu exploité. Après tout c’est peut-être ça la clef du succès : créer un monde passionnant qu’on effleure à peine plutôt que de lasser à force de décortiquer ou dénaturer.

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Le Petit Spirou

Le Petit Spirou
2017
Nicolas Bary

Rah mais non ! Excellente BD retraçant la jeunesse d’un personnage aussi insipide que Spirou, pseudo aventurier qui n’en a ni l’âme ni le charisme, Le Petit Spirou arrivait à rendre magique un héros qui n’en était pas un, tout le monde préférant son écureuil. (Bon je généralise un ressenti personnel, mais je vois mal comment on peux l’apprécier en tant que personne) Mélange d’humour noir et potache, la BD était d’une rare efficacité, comblant petits et grands en faisant à la fois des gags visuels et du bien salace irrévérencieux. Mais comme d’habitude avec les adaptations françaises, le massacre sera total.

Normalement axé autour des bêtises du futur groom et de son envie de jouer au docteur avec Suzette, le film nous fait croire qu’il prépare justement une fugue avec cette dernière pour échapper à son morne avenir piégé dans un ascenseur (d’ailleurs le film est totalement illogique avec lui-même puisqu’il parle du métier de groom d’antan tout en plaçant l’histoire dans une époque contemporaine). En réalité il n’en sera rien puisque sur 1h20 de film, il faudra attendre le dernier quart d’heure pour que les choses bougent un chouia, mais de façon anémique. En guise de scénario en mousse, il faudra donc se contenter de l’élaboration du plan, ponctué par les pitreries du grand-père (Pierre Richard), les sauts d’humeur du dépressif et repoussant prof Mégot (François Damiens) et les pathétiques séances de divination d’une quasi prostituée (Armelle).

Le film avait un potentiel indéniable : le matériau de base est solide, l’idée d’une fugue romantique avec Suzette était sympa et le casting correspond bien physiquement. Seulement voilà, l’humour ne tient pas une seconde la comparaison, oubliant totalement tout ce qui plaisait au public adulte pour en faire que des blagues du niveau pipi-caca. Pour ce qui est de la fugue, calamiteuse à se mettre en place, elle n’apportera plus rien tant elle arrive trop tard, les enjeux étant déjà tous résolus. Et puis tu parles d’une fugue… On est presque au niveau de « mon dieu il a fugué dans le jardin ! ». Quant au casting, on est en roue libre totale : les adultes cabotinent et les enfants bafouillent dans leur coin, peinant à sortir des sons audibles. En terme de réalisation et d’ambiance, on reste là aussi sur un encéphalogramme plat, créant même de grands moments de malaise avec notamment le pitoyable « combat » entre le papy et Mégot. Je regrette presque de ne pas l’avoir vu au moment de sa sortie tant il aurait mérité une place de choix dans mon top des pires films de l’année.

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American Honey


American Honey
2017
Andrea Arnold

Prix du jury lors du festival de Cannes, le film avait pourtant l’air sympa, parlant de la jeunesse désabusée et de l’Amérique profonde, mais un prix à Cannes est souvent synonyme de film chiant ou raté. Avec une durée de 2h40, on pouvait espérer que le manque de budget et une longueur dissuasive étaient les seules tares du film, mais c’est en réalité le concept en lui-même qui était mauvais.

Jeune fille paumée de parents drogués et miséreux, Star (Sasha Lane) va un jour faire la rencontre de Jake (Shia LaBeouf), homme charismatique qui va lui proposer de tailler la route avec leur groupe, vendeurs de magasines itinérants. Entre une absence totale d’avenir professionnel, un foyer en ruine et un père un peu trop tactile, et en face la promesse d’une vie meilleure, où elle ne souffrira plus jamais ni de la solitude ni de la faim, le calcul sera vite fait, tout comme ses bagages.

Petite romance fluette, plein de rencontres et un road trip permettant de voir les paysages si diversifiés des Etats-Unis : le programme semblait alléchant, mais le spectateur lambda va vite déchanter. À moins d’être un baba-cool sous acide ou de n’avoir aucune mœurs, la bande de jeunes ne risque pas de gagner votre sympathie tant ils ne respectent rien ni personne. Ils passent leur temps à cracher sur tout et tout le monde, ressortant l’éternel couplet prolétaire des riches connards qui n’ont jamais rien fait pour mériter leur argent et qui forcément s’en servent de la pire des manières, alors même que de leur côté, si l’argent coule à flot et sert à l’amusement, ils ne rêvent que d’avoir leur petite maison de banlieue. Une hypocrisie lamentable doublée d’un comportement détestable, n’hésitant pas à mentir, voler et arnaquer. La vie elle-même est bafouée, le groupe allant jusqu’à kidnapper un chien et ne le rendra jamais. Très vite la seule réaction qui nous vient c’est « s’ils avaient un accident de voiture et qu’ils mourraient tous, la Terre s’en porterait tellement mieux ». Peste parmi les pestes, l’héroïne ne semble être qu’un faiseur de troubles, semant la discorde et faisant absolument n’importe quoi. Mais mon dieu que peuvent-ils bien lui trouver ? Bon après le dégoût pour les tatouages est une notion personnelle, mais quel caractère abjecte ! Un scénario indigeste et absurde qui est heureusement un peu contrebalancé par une réalisation très intimiste et réaliste, d’autant que l’image a été très travaillée. Pour se recentrer sur les personnages, le cadre 1,33 a été adopté, et pour renforcer le réalisme seules des lumières naturelles furent utilisées. En dehors de ça, seul le charismatique Jake trouvera grâce à nos yeux, mais lui aussi souffre d’une écriture illogique et maladroite. Vouloir parler de la misère c’est bien, mais encore faut-il avoir quelque chose à en dire.

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Le Retour du Héros

Le Retour du Héros
2018
Laurent Tirard

Genre qui se perd en France, les comédies d’époque en costumes ne font plus tellement recette, mais c’est un bilan des plus biaisés quand on voit la qualité des films qui en sont responsables, Philibert en tête. Trouver un financement devient apparemment de plus en plus compliqué malgré un casting oscarisé puisque le film a dû se contenter de seulement 8,5 millions d’euros, mais là encore le constat est biaisé par l’échec d’Un Homme à la hauteur, film du même réalisateur qui collaborait déjà avec l’acteur le plus prestigieux de France, et le résultat était assez laborieux.

Le film prend place en 1812, alors que les troupes russes ne cessent d’avancer. Capitaine dans l’armée de l’empereur, Neuville (Jean Dujardin) va être mobilisé et envoyé au front en Autriche alors même qu’il venait de demander en mariage sa dulcinée Pauline (Noémie Merlant), promettant de lui écrire chaque jour. Seulement les jours, les semaines, les mois passèrent et aucune nouvelle à l’horizon, plongeant Pauline dans un état dépressif suicidaire, se laissant mourir à petit feu. Pour sa sœur Elisabeth (Mélanie Laurent) il ne faisait aucun doute que le charmeur était lâchement parti voir ailleurs, mais consciente qu’il fallait agir elle va prendre la décision d’écrire à la place du capitaine Neuville, ranimant la flamme le temps du rétablissement, puis le faisant mourir héroïquement pour laisser la place à d’autres prétendants. Seulement quelques années plus tard, alors que Pauline avait refait sa vie et eu des enfants, Elisabeth va tomber sur Neuville au marché, affublé tel un clochard. Traître ayant fuit le champ de bataille, il va voir en le mensonge d’Elisabeth une occasion en or, se faisant passer pour le fameux héros de retour d’entre les morts.

L’idée du film est excellente : un escroc qui se fait passer pour un héros, porté aux nues par celle qui le méprisait le plus. Un décalage génial et personne n’aurait pu mieux nous amuser avec que Jean Dujardin, trouvant là un rôle sur-mesure où il y excelle. Sa classe est phénoménale, s’imposant comme un bonimenteur de génie, réinventant son histoire avec panache. Les dialogues sont savoureux, d’autant qu’il se trouve une partenaire brillante pour s’opposer à lui et c’est d’autant plus drôle qu’elle soit à l’origine de la situation. Les costumes et décors sont très réussis et l’ambiance nous emporte sans mal. Une belle comédie efficace pour se début d’année, mais il est dommage que tout soit cousu de fils blancs et que aucun rebondissement n’arrivera à nous surprendre, même s’il est vrai que l’écho était magnifique et que l’on est heureux d’y assister, qu’importe la prévisibilité. N’espérez pas y trouver un film novateur ni même original puisque le concept ne date pas d’hier, mais c’est suffisamment rare de trouver une comédie française simple et efficace qu’il serait dommage de passer à côté.

Critique aussi disponible en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=mHSuFMBM6as

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