bref.2


bref.2
2025
Kyan Khojandi, Bruno Muschio

Pastiche culte sortie en 2011 sur Canal+, bref était un format court, d’une poignée de minutes, racontant de façon ultra dynamique des situations du quotidien, avec une telle touche de folie et un humour si efficace que la série fut l’une des rares à non seulement être instantanément culte, mais qui a aussi su traverser les âges comme rarement. C’est simple, je me suis refait l’intégral au moins quatre fois, dont une fois pas plus tard que l’année dernière. C’était donc peu dire que l’excitation était féroce face à l’idée d’une seconde saison arrivant 14 ans plus tard, d’autant que la campagne marketing fut l’une des plus brillantes jamais vue. Pas une once de rumeur sur ce retour miracle avant l’annonce en fanfare à peine quelques semaines avant la sortie, avec dans les bande-annonce à l’efficacité folle la promesse de retrouver la même saveur que d’antan, sans se douter que l’objectif réel était tout autre. En effet, exit les formats courts, on passe cette fois à six épisodes de 30-40 minutes, où l’humour sera au service de l’émotion.

Je (Kyan Khojandi) a 40 ans, toutes ses dents, toujours pas tous ses cheveux, et sa situation est peu ou prou la même : incapable d’avoir une vie stable, que ce soit financièrement / professionnellement faute de s’intéresser aux emplois qu’il a ou a eu, ou au niveau sentimental. Après une énième rupture douloureuse, il va tenter de se relever, sans comprendre qu’en réalité, c’est lui le problème.

Juste brillant, une claque monumentale. Si la première saison était surtout drôle, et rarement autre chose, cette suite arrive à être tellement plus. Si beaucoup de choses restent un peu trop parisiano-centré, on pensera notamment aux loyers débiles ou la profusion de travail loin de la réalité globale du pays où pas grand monde n’a le luxe de se poser la question d’aimer ou non son travail, la pertinence des thématiques et des situations aura une résonnance d’une justesse surprenante. Et c’est là toute la force de cette nouvelle saison. Au delà de la pléthore de guests (Laura Felpin, Baptiste Lecaplain, Bérengère Krief, Alice David, Doria Tillier, Jean-Paul Rouve, Alexandre Astier et bien d’autres de la sphère d’internet), tous plus bons les uns que les autres, la vraie force de cette suite est du côté émotion, dans les leçons de vie apportées. Personnellement, le cercle de l’immobilisme où l’on ne se remet jamais en question est probablement l’une des plus grandes vérités de la société moderne enfin identifiée avec des mots. Chaque thématique abordée l’est avec une honnêteté touchante, avec ce supplément d’âme la rendant universelle. Nous sommes Je, victime et roue à part entière du rouage du système profondément malacomgnax 3000 qu’est notre société. Infiniment drôle, à la fois hommage et révolution de la série culte d’origine, on retrouve un virage sublimé de ce qu’a été le cinquième Volume de Kaamelott, où l’on a ce virage dramatique incroyable, mais en conservant une force comique qui devient des moments de grâce plus intenses que jamais. Juste merci et bravo.

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L’Esquisse de nos vies


L’Esquisse de nos vies
2024
Takahiro Miki

Et voilà, alors que mon top 2024 est déjà sorti, certaines des plus belles pépites de l’année étaient encore à découvrir. A l’occasion de la saint Valentin, parcourant Netflix à la recherche d’une production inédite dont les retours laisseraient espérer mieux qu’un téléfilm opportuniste aussitôt oublié, j’ai ainsi laissé sa chance à cette relecture japonaise de Nos étoiles contraires.

La vie rapproche, mais la mort aussi. Venant tout juste d’apprendre qu’une tumeur au cœur le condamnait à une espérance d’un an, Akihito va alors repenser à cette jeune fille croisée à l’hôpital, n’ayant elle plus que quelques mois à vivre, mais étant étonnement sereine face à cette échéance. Lui qui voudrait crier sa rage face à tant d’injustice à tout juste 17 ans, il va chercher à passer le plus de temps possible avec elle pour comprendre et s’inspirer de sa quiétude.

Outre la question de faire face à la mort, tout le film est là pour rabattre les cartes de l’amour et nous faire poser la question de la raison, de l’utilité. Quelle est l’intérêt d’aimer quelqu’un qui va bientôt mourir ? Pourquoi s’exposer face aux aléas de l’amour quand il ne nous reste plus beaucoup de temps ? Entre immortalité de l’art, espoir de se retrouver dans l’ailleurs, pure folie amoureuse et simplement l’envie de profiter de l’instant présent au delà de tous les problèmes possibles, même dans un cas aussi extrême, le film explore toutes les forces, toute la beauté de la vie jusque dans ses derniers instants, et même au delà pour ceux qui restent, car il y a ceux qui meurent, et ceux qui doivent continuer à vivre sans eux. Si l’écart d’acting est légèrement problématique entre une Haruna extraordinaire et un Akihito bien plus novice, ce seul bémol est bien peu de choses face à l’intensité émotionnelle et poétique qui se dégage de cette histoire, et la symbolique des fleurs est d’une grande puissance. Préparez vos mouchoirs, mais il faut parfois accepter de s’exposer pour contempler une œuvre aussi belle et bouleversante.

 

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Croc-Blanc


Croc-Blanc
1991
Randal Kleiser

Malgré son décès à tout juste 40 ans, Jack London a clairement été un grand écrivain dont les œuvres continuent de rayonner plus de cent ans plus tard, dont notamment L’Appel de la forêt qui a connu une dizaine d’adaptations, ou encore une fameuse histoire de loup et de conquête de l’Ouest, dont voici pour beaucoup l’itération la plus célèbre, qui pour ma part a bercé mon enfance. Est-ce toujours plus de trois décennies plus tard un grand film d’aventure ?

Le film nous fera voyager jusqu’en Alaska, à la fin du XIXème siècle alors que les colons américains explorent de nouvelles terres non répertoriées. Entre l’appel de l’aventure et la promesse d’un père décédé en pleine quête du filon d’or ultime, le jeune Jack COnroy (Ethan Hawke) va quitter la tranquillité de son Boston natal pour ce grand froid sauvage et inhospitalier. Sa route croisera celle d’un certain Croc-Blanc, un loup domestiqué.

Voilà un récit qui cumule moult obsessions de l’homme : le frisson de l’aventure, la soif de richesse, et vouloir faire plier la nature à sa volonté dans une envie de tout contrôler, même un animal aussi violent et dangereux que le loup. Bref, du complexe de Dieu dans toute sa splendeur, saupoudré de rêve américain et de grand paysages. Si le film a un peu vieilli et ne saura pas pleinement rendre justice aux paysages dantesques, son récit lui traversera les âges avec son héros candide auquel on s’identifie sans mal, entre détermination, amitié et communion avec la nature et l’animal.

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The Witch – Part 2 : The Other One


The Witch – Part 2 : The Other One
2022
Hoon-Jung Park

Que ce soit les producteurs avec les quelques deux millions d’entrées ou le public de par le divertissement proposé, visiblement une vraie fan base s’est créée autour du projet, et quatre ans plus tard, ce qui était déjà annoncé à la fin de Subversion, la première partie, est enfin arrivée. Ja-yoon va t-elle ravager le monde ? Pas vraiment, car cette suite raconte en fait une tout autre histoire.

Si Ja-yoon était déjà une franche réussite scientifique malgré sa rébellion, ça n’est rien comparé à sa sœur jumelle, dont les expériences dessus ont conduit à des pouvoirs plus grands encore. Seulement voilà, suite à une attaque sur la base, le spécimen s’est échappé. Sera t-elle une menace ?

La proposition est assez risquée et frustrante : alors même qu’on annonçait une nouvelle aventure avec l’héroïne du premier film, cette dernière sera purement et simplement absente de la suite, réduite à un simple caméo en toute fin. D’un autre côté, cela donne une certaine aura au premier film, rendant sa protagoniste mystique, sur toutes les lèvres, redoutée à chaque instant, mais toujours dans l’ombre. Et il faut dire que sa sœur est touchante, dans le genre enfant élevée en laboratoire et qui découvre le monde. Là encore, ce sont des concepts peu innovants, mais néanmoins efficace dans l’exécution. On garde malheureusement un peu les mêmes tares d’écriture, avec des personnages présentés comme importants ou menaçants, avec des intrigues développées autour d’eux, pour au final leur réserver un sort funeste balayant tout ce qui a été introduit, souvent à contre-sens de ce qui était dit. Mais il faut aussi savoir apprécier ce qui est proposé, et il faut bien reconnaître que cette suite va largement plus loin en termes de violence et d’action, avec une qualité d’effets spéciaux assez bluffante. On  notera une bien plus grande générosité dans l’envergure et la quantité de scènes d’action, rendant le spectacle nettement supérieur. Reste maintenant à espérer que la partie 3 se fera bien, qui s’annonce particulièrement épique et ambitieuse, car cela fait tout de même trois ans, et que l’univers s’est un peu perdu en chemin avec The Tyrant, une série Disney+ apparemment très tertiaire dans l’intrigue, et à la qualité bien moindre.

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The Witch – Part 1 : The Subversion


The Witch – Part 1 : The Subversion
2018
Hoon-Jung Park

Sorti en 2020 de par chez nous sous le nom « Manyeo », The Witch est une saga sud-coréenne qui a semble t-il eu un certain succès, puisqu’une seconde partie a vu le jour en 2022 et qu’une troisième partie est prévue pour sortir en 2025. D’après les chiffres trouvés, il semblerait que le premier ait fait 24 M$ contre 22 M$ pour sa suite, ce qui reste des chiffres très modestes.

On y suivra Ja-yoon, une jeune étudiante de 19 ans menant une vie tranquille, tentant tant bien que mal d’aider ses parents à la ferme, être une élève exemplaire, et s’amuser avec sa meilleure amie. Le jour où elle va participer à un concours de chant va bouleverser sa vie, mais pas en bien : certain vont croire voir en elle une menace du passé, et vont alors se lancer à sa poursuite.

Le film démarre, après une scène de carnage, de façon assez sympathique, dans un style teen movie agréable, où l’insouciance est peu à peu mise à mal par des événements inquiétants. Sans rien révolutionner au genre, le début est un genre de X-Men du pauvre, mais avec cette touche coréenne rafraichissante. Simple, mais efficace, avec une scène de prise de conscience particulièrement classe. La suite sera moins réjouissante, allant un peu trop loin dans le côté Stranger Things, sans en avoir la saveur, d’autant qu’on attend un côté surnaturel fantastique de par le titre « The Witch », qui ne sera pas là. Pire, moult personnages sont teasés comme étant importants ou menaçants, pour s’avérer au final soit inutiles soit grotesques. Le plaisir régressif de certaines scènes aide à faire passer la pilule, mais l’originalité peine à s’imposer, voir exister, au point de faire poindre un peu d’ennui. Espérons que les suites sauront aller plus loin, mais vu les faibles scores, pas sûr que le budget puisse évoluer en ce sens.

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Forgotten


Forgotten
2018
Hang-Jun Jang

Plein de surprises, le cinéma sud-coréen s’est imposé comme un nouvel eldorado prometteur, notamment pour Netflix qui en tire régulièrement des succès populaires mondiaux. Cette fois, on retourne dans du thriller torturé à la The Call, bien que malheureusement la comparaison s’arrêtera là.

Que s’est-il passé cet été 1997 ? Alors qu’ils venaient tout juste d’emménager avec sa famille, Yoo-seok va assister impuissant à l’enlèvement de son frère. Après 19 jours d’une attente terrible, ce dernier va réapparaître l’air de rien, amnésique de cette même période. Yoo va alors commencer à mener l’enquête, loin de se douter des terribles secrets enfouis.

Le concept est excellent, son application un peu chaotique, pour un résultat qui laisse perplexe. Le mystère monte doucement, installant un climat de paranoïa très réussi, et le twist derrière était gageur, voir carrément brillant malgré le trop plein d’informations un peu indigeste qui rend l’énorme retournement assez confus. S’en suit une trame bien trop prévisible, comme si elle avait grillé toutes ses cartouches trop vite. Puis cette fin… Tout ça pour rien, pour que la vérité soit balayée et que personne n’en apprenne quoi que ce soit. On en ressort déçu, le plaisir initial étant effacé derrière une trop grande vacuité.

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Godless


Godless
2017
Scott Frank

Alors que HBO avait son Western d’anthologie avec un an plus tôt la claque ahurissante de la première saison de Westworld, Netflix a voulu emboîter le pas et offrir à ses abonnés non pas une série, mais une mini-série, un one-shot de sept épisodes pour se replonger dans ce bon vieil univers impitoyable du far west. Et ce fut visiblement mission accomplie tant les retours furent dithyrambiques, d’autant que le casting laissait rêveur.

La Belle, une ville lieu de tous les malheurs. Alors que deux ans plus tôt la seule chose de valeur de la ville, leur mine, s’est écroulée, entraînant avec elle la mort de 83 hommes, soit la quasi totalité des hommes des environs, un nouveau cataclysme les menace : Frank Griffin (Jeff Daniels). Impitoyable hors la loi avec à sa botte une trentaine d’hommes, il sème le chaos sur son chemin, qui pourrait l’y mener puisque son rejeton de fils adoptif qui l’a trahi, Roy Goode (Jack O’Connel) a justement trouvé refuge dans le ranch de Alice Fletcher (Michelle Dockery), non loin de La Belle. Une ville d’autant plus fébrile car son shérif (Scoot McNairy) perd la vue et est parti sur les traces de Griffin, laissant la ville aux frêles mains de son adjoint (Thomas Brodie-Sangster) à peine pubère.

Alors oui, mais non. Décors magnifiques, casting incroyable, quelques bonnes idées, mais globalement un immense gâchis. On nous installe un contexte et des enjeux archi classiques, mais de façon plutôt classe avec un shérif en quête d’un sens à sa vie, ou à défaut une mort utile, un adjoint plein d’étoiles dans les yeux, espérant un monde plus ouvert, ou encore le criminel repenti qui tourne le dos aux siens, quitte à devoir les affronter pour sortir définitivement de leur joug. Même la veuve avec un pied dans le monde des indiens est excellente, donc les prémices sont vraiment prometteuses, avec aussi ce village dévasté qui n’est plus habité que par des veuves, des vieux ou des enfants. Le Frank Griffin est d’une classe magistrale, avec en prime son côté quasi divin, connaissant, d’après ses dires, le moment exact de sa mort.

Place maintenant à tout ce qui ne va pas : tout le développement, et particulièrement la fin. Déjà le rythme est affolant, plusieurs épisodes passant sans que rien n’ait bougé dans l’intrigue, et ça sera globalement le ressenti général : l’histoire aurait dû être un film de deux heures, pas une mini série de presque huit. Beaucoup trop de remplissage, de quêtes annexes qui ne servent à rien, ou encore de séquences de flashback trop démonstrative quand l’évocation des souvenirs ou des incidents était déjà suffisant en soi. Et quand vient la fin, le bilan est désastreux quand on se rend compte que la plupart des personnages n’ont servi à rien, que tout ce qu’on a développé autour d’eux n’aboutira à rien, et que moult personnages vont simplement mourir en réduisant à l’état de poussière leur parcours. Que d’amertume face à « je sais que je ne mourrais pas comme ça », pour qu’au final en fait tout ne soit que superstition infondée. Du set up non pay off, et pratiquement chaque histoire pourra être résumé ainsi. C’est ce qu’on appelle brasser du vent, et malgré un savoir-faire certain et de splendides paysages, j’ai vraiment eu l’impression de perdre mon temps, d’autant que quel que soit le domaine, la comparaison avec Westworld est juste catastrophique.

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Furiosa: une saga Mad Max


Furiosa: une saga Mad Max
2024
George Miller

Les gens sont cons, et en voici la preuve. Alors que Mad Max Fury Road fut un immense succès critique, et correct commercialement avec 380 M$ dans le monde, et alors que cette suite – qui est en fait un préquel – se faisait méchamment attendre depuis dix ans, et que de surcroît le film fut là encore très majoritairement acclamé à sa sortie, il fut un des plus sanglants échec de l’histoire et a probablement tué la franchise. Des ambitions toujours plus grandes, une volonté d’enrichir l’univers avec 168 M$ de budget, soit une légère augmentation par rapport aux 150 M$ du précédent opus, mais les recettes furent anémiques : 67 M$ aux Etats-Unis, et 174 M$ au total dans le monde. Moins de la moitié du précédent, et c’est à n’y rien comprendre.

Personnage moteur de Mad Max Fury Road, qui est Furiosa (Anya Taylor-Joy) ? Née dans une terre d’abondance, source de toutes les convoitises dans un monde de désolation, elle sera enlevée dans son jeune âge par un certain Dementus (Chris Hemsworth), à la tête d’une bande de motards fous, aspirant à de grandes ambitions. Son doux rêve ? Prendre la Citadelle à un certain Immortan Joe.

Par où commencer ? Mensonges, tromperies, contre proposition mais dans le sens du poil. Déjà les bande-annonce sont un carnage, mettant uniquement en avant Anya Taylor-Joy, certes principale mais n’arrivant que dans la seconde moitié, plus d’une heure étant consacrée à sa jeune enfance, et lesdites BA ne comportant quasiment que des scènes de la dernière demi-heure, c’est dire le niveau de connerie. Ensuite, exit la course folle de Fury Road, ce film en est un peu l’équivalent narratif du Dôme du tonnerre, c’est à dire qu’on vient expliquer comment ce monde fonctionne, et un peu de background et de cohérence, ça fait un bien fou. Mais heureusement, c’est bien moins foutraque et dans une continuité rythmique vraiment excellente, car si ce n’est pas littéralement une course, l’action ne se pose pratiquement jamais. De même, sans parler de fan service car après tout on retrouvait le personnage de Furiosa à la Citadelle, y ramener le spectateur permet de mieux comprendre d’où elle vient, le rôle central du lieu, et surtout on reste en territoire connu pour mieux aller explorer au delà. Le personnage de Dementus est aussi un excellent antagoniste, à la fois produit, bourreau et victime de son environnement, avec une naïveté aussi ridicule que touchante. Donc en plus de rester un excellent divertissement, le film peut se targuer de réussir mieux que n’importe autre épisode de la saga à créer un univers cohérent pour ce post-apo en monde désertique. Encore plus méritoire que Fury Road, c’est dire le niveau.

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Flow


Flow
2024
Gints Zilbalodis

Co production franco / belge / lettone, le film a su se bâtir une sacrée réputation au fil des semaines, au point d’attirer l’œil des critiques du monde entier, glaner des nominations de partout, et notamment repartir avec carrément le Golden Globes du meilleur film d’animation, et il fera probablement le grand chelem jusqu’aux Oscars. Le plus fou dans tout ça c’est que le film a été fait sous le logiciel gratuit blender, et qu’on parle d’une œuvre expérimentale muette.

Dans un monde postapocalyptique où l’humanité a disparu, la nature a repris ses droits et les animaux tentent tant bien que mal de retrouver leur place, y compris ceux qu’on qualifiait autrefois de domestiques. On y suivra un chat tentant de faire face à une terrible montée des eaux, engloutissant les derniers restes des vestiges humains.

Qu’il est difficile de décrire pareille expérience. Tous les sentiments se mélangent d’emblée, entre stupeur, ravissement et inquiétudes. Ce qui frappe de prime à bord, c’est cette patine visuelle, mi réalisme mi désuète, comme si une couche de peinture recouvrait un vieux film tourné en pellicule, rendant les environnements absolument superbes, une esthétique qui rappellera pour beaucoup les prouesses poétiques d’un Last Guardian. Les effets de profondeur sont saisissants, les textures comme enrobées dans une vive lumière crépusculaire. Malheureusement, cette claque visuelle est à relativiser de part la laideur folle de certains animaux, aux animations primaires, l’absence de projections d’eau (une sacrée tare vu qu’on suit une épopée maritime), et au rendu souvent immonde de simplicité, comme le chien notamment. Et pourtant, en face le héron déborde de détails ahurissants, créant un écart de traitement injustifiable. De la grandeur, parfois au delà de tout ce qui n’a jamais été fait, mais pas de chaque instant.

Côté histoire, c’est là la preuve que les mots sont parfois de trop, car en faisant le choix du muet, le film nous parle droit au cœur. Le travail de comportementalisme animal est juste sidérant, rendant cet univers d’une justesse inouïe avec cette famille recomposée d’une tendresse folle. Bref, c’est beau, c’est touchant, d’une poésie magnifique, au style unique et percutant. L’expérience vaut clairement le détour.

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La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume


La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume
2024
Wes Ball

Alors qu’on pensait la saga à nouveau endormie après la très bonne trilogie sortie entre 2011 et 2017, le rachat de la Fox par Disney en a décidé autrement, souhaitant capitaliser sur une autre franchise à l’aura culte. Pour ma part, j’étais tiraillé entre excitation à l’idée de voir Wes Ball à la tête d’un si gros budget tant il avait su insuffler une grandeur bien au delà des modestes productions que furent la trilogie du Labyrinthe, mais avec une crainte de lassitude puisque la chronologie allait une troisième fois nous embarquer dans un futur dominé par les singes, comme dans le roman de Pierre Boule. Une histoire déjà vue dans une version réinventée et désormais culte de 1958, mais également dans une version très fidèle au roman de base en 2001 avec encore ce savoir-faire en matière de maquillages et costumes. L’air du tout digital peut-il réinventer la formule avec une troisième réalité alternative de la même histoire ? Pas tellement.

L’histoire reprend quelques centaines d’années après les évènements de Suprématie, tandis que les singes ont légèrement évolué, au contraire des hommes dont le virus a progressivement ôté la parole. Fils du chef du village des fauconniers, Noa va un jour faire la rencontre d’une écho (humaine, incarnée par Freya Allan), et avec elle va arriver une terrible menace : Proximus, un chef belliqueux souhaitant asservir tout le monde.

L’originalité du film se situe dans son choix d’ellipse temporelle : au lieu de faire un grand saut pour des changements drastiques, on ne va que quelques centaines d’années dans le futur. Résultat ? Les singes sont plus primaires que des humains basiques, ils ne savent ni lire, ni écrire, à peine parler, et les traces de la civilisation sont encore fraiches. Cela donne lieu à une vision d’une Terre ayant entamé son retour à la nature sauvage, mais aux vestiges encore fumant. Par contre, niveau narration c’est le désert quasi absolu : les singes n’ont fait pratiquement aucun progrès, et la menace des hommes semble encore frêle, même moins notable que dans Le Secret de la Planète des Singes puisque leur faible nombre était contrebalancé par leurs prouesses mentales. Les singes ne valent pas mieux que les hommes ? Le souci est la civilisation, pas les citoyens ? Des thématiques usées jusqu’à la moelle et que ce film peine à faire exister.

Reste alors l’aspect visuel, étrangement décevant. Les décors sont assez beaux, mais sonnent parfois faux, mais jamais autant que les singes. Qu’il est loin le temps des maquillages sidérants de réalisme, ou des effets spéciaux bluffant de L’affrontement. Leur posture bipède primitive n’est guère crédible, et que ce soit leurs textures, leurs poils, leur place dans l’environnement, on a souvent cette non suspension d’incrédulité. Sans parler de ratage, on reste globalement dans de l’indigestion de FX qui nous font regretter le temps où les artistes travaillaient loin des ordinateurs. Côté spectacle, rien de très spectaculaire, quelques scènes d’action convenues qui assurent tout juste du divertissement correct. Le fait que cet épisode soit le premier d’une nouvelle trilogie n’a rien de très enthousiasmant, on repart sur de bien fragiles bases.

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