La French

La French
2014
Cédric Jimenez

Alors qu’on entend régulièrement des histoires de règlement de compte à Marseille, il fut un temps où ces histoires étaient quotidiennes, et souvent bien plus violentes. Dans les années 60-70, le marché de l’héroïne explosait, se répandant aux quatre coins du monde, et son origine était bien française. La source avait été localisée à Marseille, mais impossible de ne serait-ce qu’en freiner le commerce tant la loi du silence était de mise, et tous les enquêteurs du monde entier, ne pouvant que constater les ravages sur ses consommateurs, s’y sont cassé les dents.

Le film s’intéresse à l’homme qui a réussi là où tous avaient échoué : le juge Pierre Michel (Jean Dujardin). Propulsé à la tête de l’affaire en 1975 suite à ses excellents résultats dans le service de prévention des mineurs où il était confronté directement aux effets du marché de la drogue, il va sans relâche traquer les malfaiteurs, quitte à bousculer un peu les protocoles et transgresser la loi. En face de lui, Gaëtan Zampa (Gilles Lellouche), un homme craint dans le monde entier et qui a fait sienne la ville. Un bras de fer au sommet qui dura plusieurs années.

La French Connection représente l’âge d’or de la mafia française, même si le Zampa en question est d’origine napolitaine, et en découle alors plusieurs visions possibles. Soit vous étiez présents et suffisamment âgé pour vous en souvenir, auquel cas il s’agit de confronter votre vision de l’affaire, soit vous n’en avez que vaguement entendu parler, voir pas du tout, et il s’agira alors de découvrir l’une des plus grosses histoires du genre. Dans les deux cas l’intérêt est palpable, et le film explique avec une grande clarté les tenants en aboutissants de l’histoire, étalant toute la chronologie de cette longue et pénible traque sur un film sans rien omettre, ou disant du moins suffisamment pour en donner l’impression. La durée s’en retrouve un peu alourdie, mais la tension et le rythme maintiennent l’intensité. La réalisation est classique, simple et efficace, et l’importance historique du récit est évidente. Mais ce qui permet au film de vraiment convaincre, c’est son duo d’affiche. Il y a bien sûr aussi Mélanie Doutey, Benoît Magimel et Céline Sallette, mais Les Infidèles sont la réelle force du film, non seulement de par le respect qu’imposent leurs carrières respectives, mais aussi pour leurs performances dans le cas présent, pas transcendantes, mais qui consolident la légende de leurs protagonistes. Un très bon film très professionnel donc, qui rend une copie des plus soignées d’une histoire qui mérite qu’on s’en souvienne.

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Avril 2015

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Pyramide

Pyramide
2015
Grégory Levasseur

La demande en films d’horreur est forte, surtout auprès du jeune public, et leur coût est souvent minimaliste, pour des profits monstrueux. Estimé à moins d’un million de dollars, le budget est ici la seule source de dépense du film, ayant fait le pari des réseaux sociaux pour assurer sa promotion. En a résulté une faible distribution, mais avec pour l’instant près de 15 M$ dans le monde, ce genre de modèle économique pourrait devenir la norme pour les petits studios.

L’une des théories les plus plausibles sur la construction des pyramides, en dehors de celle des Ingénieurs venus de l’espace, est celle sur l’enfouissement, expliquant que les pierres n’ont pas été hissées mais descendues dans un immense trou creusé par l’homme, et c’est d’ailleurs pour ça qu’elles étaient enfouies sous le sable au moment de leurs découvertes. Depuis 2011, une technique a été mise au point pour localiser de possibles sites perdus grâce aux satellites, principe détourné pour le film. Ainsi, une équipe d’archéologues va faire la découverte d’une pyramide d’une taille phénoménale encore inconnue. Suite à un problème technique, le robot parti en reconnaissance va être déconnecté, poussant une équipe à fouler le sol de l’édifice malgré le danger et l’interdiction d’y pénétrer. Et bien sûr, ils vont se perdre…

Quelques mois tout juste après le très intéressant Catacombes, on retrouve un film dans la même veine, exploitant un cadre hautement symbolique pour en tirer une expédition effrayante qui va mal tourner. Il y avait peut-être même un plus grand potentiel ici, les pyramides étant des édifices remarquables aux mystères insondables. Tout ces pièges nous attendant au tournant, ces énigmes, ces secrets vertigineux. Mais non, le niveau est un cran en dessous en l’occurrence. Malgré un retournement inattendu et franchement réussi, l’histoire met trop de temps à démarrer, les personnages n’ont rien de très intéressant (et qui sont d’une connerie ahurissante), et les enjeux sont d’une platitude infinie. De plus, l’aspect « pyramide truffée de pièges » n’est exploité que tardivement et sans grande imagination. D’un autre côté, l’ambiance égyptienne est réussie, le frisson garanti, et le virage vaut franchement le détour. Beaucoup soupireront en voyant cet énième film horrifique en caméra embarquée, mais il est plus original qu’il n’y paraît, et les inconditionnels du genre y trouveront leur bonheur.

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Autómata

Autómata
2014
Gabe Ibáñez

Pas besoin de gros budget pour faire de la science-fiction de qualité. Les allemands nous l’ont prouvé avec brio dans Cargo, l’un des meilleurs du genre de la décennie, et les espagnols ont aussi bluffé leur public avec le perturbant Eva, l’une des approches les plus pertinentes de la vie mécanique vue à ce jour. Plus internationalisée mais toujours espagnole de base, cette autre tentative SF à petit budget s’attaque elle aussi à la robotique, basée sur les lois bien établies d’Isaac Asimov.

Le film prend place en 2044 dans un contexte post-apocalyptique. Les émissions du soleil ont connu des pics terribles, réduisant en poussière nos satellites en orbite, et la couche d’ozone a subit une attaque catastrophique, l’endommageant au point de rendre notre planète hautement radioactive. L’atmosphère s’est asséché, l’extérieur des habitations fortifiées est devenu mortellement dangereux, et le temps de trouver une solution au problème, 99,7% de la population avait disparu, réduisant l’humanité à quelques vingt mille représentants. Le travail extérieur étant pénible et la main d’œuvre manquante dans presque tous les domaines, une implantation massive d’unités robotisées fut donc nécessaire. Jacq Vaucan (Antonio Banderas) est employé dans le service d’assurance de ROC robotics corporation, la société qui produit et assure les robots, et est chargé d’enquêter sur un phénomène qui semble prendre de l’ampleur : des unités affranchies de la seconde loi de leur protocole, celle sur l’interdiction d’altérer ou modifier une unité.

Si la seconde loi est similaire à celle de Asimov disait qu’une unité doit préserver son intégrité physique, la nuance bouleverse la donne. Ici implicite, la troisième loi dicte normalement qu’un robot doit accomplir les ordres d’un humain, sauf si ceux-ci entrent en contradiction avec les deux premières lois. Or si un robot est capable de se modifier, il peut aussi se délivrer de son protocole restrictif, et c’est là tout le sujet du film. La machine devient autonome, une véritable intelligence artificielle évolutive, et voir son cheminement et son raisonnement est très intéressant, surtout mit en parallèle avec le matérialisme humain si primitif. Un excellent sujet donc, particulièrement mit en valeur par le robot du plaisir, point central de la question existentielle sur l’âme cybernétique. Néanmoins, la réflexion reste assez superficielle, bien loin de films comme Chappie. Pour faire un peu la différence, le film propose une ambiance soignée avec des plans magnifiques et très travaillés, ayant d’ailleurs valut au film quelques nominations aux Goyas. De belles idées, une direction artistique quasi parfaite, un sujet fort, mais le traitement déçoit un peu dans la mesure où on a déjà vu plus abouti pour ce même thème.

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La Famille Bélier

La Famille Bélier
2014
Eric Lartigau

En 2014, les quatre plus gros succès de l’année en France furent des productions françaises, chose qui n’était pas arrivée depuis des décennies. À la seconde marche du podium, avec un peu plus de sept millions d’entrées, on retrouve ce High School Musical à la française, même s’il ne s’agit pas, malgré la thématique de la musique, d’une comédie musicale. Encensé par les critiques, acclamé par les spectateurs, le film a sacré la jeune chanteuse qui avait perdu The Voice en 2013, lui ayant permis de décrocher le prix du meilleur espoir aux César et le prix Lumière de la révélation de l’année. Le film est donc une exception à l’adage français comme quoi notre pays récompenserait ses drames mais vivrait de ses comédies.

Parfois il arrive que la norme ne soit pas la normalité. Dans la famille Bélier, Paula (Louane Emera) est le vilain petit canard, la seule à ne pas être sourde. Cela peut s’avérer être un avantage, notamment pour servir d’interprète entre ses parents (Karin Viard et François Damiens) et le reste du monde, mais ça la fait surtout se sentir nulle part à sa place. La situation va même devenir ingérable quand, ayant suivi un garçon à la chorale de son lycée (dirigée par Eric Elmosnino), elle va se découvrir un talent de chanteuse. Comment expliquer à sa famille qu’elle aimerait faire carrière dans le chant, notion inconcevable pour des sourds ?

Une sortie stratégique juste avant les fêtes pour brasser large, une histoire qui pue les bons sentiments avec une famille d’handicapés, et une grosse campagne marketing assurant un succès bien gras. Bref, que des bonnes raisons pour me provoquer une allergie anticipée, et j’ai d’ailleurs joyeusement esquivé le film. Mais voilà, depuis il y a eu quelques prix, et surtout la sortie de l’album de la fameuse Louane Emera, prouvant son assez grand talent de chanteuse, notamment au travers de sa chanson « Jour 1 », matraquée à juste titre à la radio, et puis le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas désagréable à regarder. Donc bon, soit. Pas de choc cinématographique incroyable, le succès du film est disproportionné, d’autant plus surprenant de par la concurrence ahurissante aux belles performances (ce Noël fut une orgie d’entrées). Néanmoins, si l’histoire est d’une banalité consommée, prévisible de bout en bout, pas très efficace ni dans le comique ni dans l’émotion, la petite fable reste malgré tout mignonne, portée par de formidables acteurs, notamment la petite chanteuse qui fait des débuts intéressants. Ses performances de chant n’ont, dans le film, rien d’épatantes, mais il est vrai que son timbre de voix est doux et gracieux, et qu’il y a du coffre. On aurait aimé une petite composition à l’occasion, ou alors une reprise plus populaire, mais choisir des vieux tubes passés de mode a aussi son charme. Il y a quelques trouvailles autour du thème de la surdité aussi, relativisant un peu la faiblesse de l’écriture. Un petit film mignon donc, plein de bonnes intentions mais pas non plus mièvre, qui assure un divertissement plus fin qu’il n’y parait.

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La Maison bonnadieu

La Maison bonnadieu
1951
Carlo Rim

Parce que le cinéma, ça n’est pas que des grosses productions dopées aux effets-spéciaux, et parce que son invention ne remonte pas à hier, voici un joli petit film de la belle époque. Celle où le chômage ne concernait que les fainéants, celle où tout le monde se faisait confiance, celle où un homme motivé pouvait partir de rien et atteindre des sommets. Bref, une époque magnifique où tout semblait possible, où la joie de vivre était omniprésente, où l’on pouvait taquiner les deux litres de vin par jour sans être traité de poivrot. Un rêve éveillé où les femmes étaient belles et attendaient bien sagement à la maison le retour du providentiel mari ? Non, ça non.

Ah les salopes ! Toutes plus dévergondées et immondes les unes que les autres ! Pour Félix Bonnadieu (Bernard Blier), tout commença par sa femme se plaignant de troubles du sommeil, lui demandant alors de dormir jusqu’à nouvel ordre dans la chambre d’ami pour qu’elle se « rétablisse ». Mais en réalité, il s’agissait d’un subterfuge pour permettre à son amant de la rejoindre la nuit. Ainsi dont il était cocu, et même l’intimidation ne suffisait pas à décourager son briseur de ménage, prit en flagrant délit et menacé d’être jeté en pâture à la police pour cambriolage, mais ne l’empêchant pas de récidiver. Son amour pour sa femme étant toujours entier, il va néanmoins tenter de la récupérer, car si la ville entière s’est faite cocufiée sans broncher, ça ne sera pas son cas.

« Si tous les cocus se suicidaient, il n’y aurait plus personne pour les enterrer. » D’aucun pouvaient supputer que la récente émancipation de la femme avait bouleversé la donne question infidélité, que jusqu’à présent cela ne concernait que les classes bourgeoises où le mari se tapait ses secrétaires et autres hôtesses d’accueil lors des déplacements professionnels, mais pas du tout. Si l’homme est un porc, la femme est une truie bien plus sale. Avec un vieux film en noir et blanc sur une période qui amène à tant de nostalgie, le choc est encore plus violent quand on constate avec quelle désinvolture les femmes s’adonnent à des plaisirs immoraux. On tombe des nues, et avec la bonne bouille de gentil candide du héros, le contraste est saisissant. Malheureusement, notre bon vieux tonton flingueur est à peu près le seul bon acteur du film, mais comme il est présent dans presque chaque scène, ça passe. Le film nous régalera aussi de tirades magnifiques comme « je n’aime pas assez ma femme pour la tromper » et surtout la précédente sur les cocus. Pourtant, le bilan n’est pas si idyllique. La situation met du temps à s’installer, elle stagne à de nombreuses reprises, n’a pas de réelle conclusion, et le film est beaucoup trop long. Un bon moment en perspective tout de même, et l’idée de base est amusante.

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Avengers : L’ère d’Ultron

Avengers : L’ère d’Ultron
2015
Joss Whedon

Alors que Fast & Furious 7 pulvérise des records dans le monde, se voyant peut-être même ravir la troisième marche du podium des plus gros succès de tous les temps à Avengers, la suite de ce dernier débarque dans nos salles avec neuf jours d’avance sur nos confrères américains. Après une première phase de présentation des héros les plus iconiques de l’univers Marvel, la seconde a marqué une évolution spectaculaire au box office, certaines sous-franchise comme Captain America et Iron Man ayant carrément doublé leurs recettes, déjà pas dégueulasses de base. Certains analystes s’en inquiètent pourtant, pensant que cette suprématie prend trop de place dans le paysage audiovisuel et qu’un jour arrivera où le public se lassera, surtout avec la branche DC qui veut aussi exploiter à outrance son catalogue de super-héros. Le nombre de films de ce genre a en effet explosé, et le phénomène va même s’accélérer jusqu’en 2020, point culminant. Mais bon, tant que la qualité est au rendez-vous, le public continuera de répondre massivement présent, surtout pour ce genre de réunion au sommet, et vu le résultat il aurait tort de s’en priver.

Comme révélé dans Captain America 2, l’agence secrète de l’Hydre est de retour, et les Avengers, Tony Stark / Iron Man (Robert Downey Jr.), Bruce Banner / Hulk (Mark Ruffalo), Steve Rogers / Captain America (Chris Evans), Thor (Chris Hemsworth), Natasha / la Veuve Noire (Scarlett Johansson) et Clint / Hawkeye (Jeremy Renner), prennent la menace très au sérieux, l’éliminant d’emblée. Mais pour Tony Stark, ce genre de menace est risible face à l’inconnu de l’immense espace et des possibles espèces extraterrestres hostiles. Une bonne réponse serait la présence d’une force autonome, une intelligence artificielle capable de réagir instantanément à chaque attaque, et la solution pourrait venir de l’artefact récupéré à l’Hydre. La dernière pièce pour son projet Ultron, mais la créature va échapper à son créateur.

Les choses semblent s’accélérer puissamment du côté Marvel, déjà prête à lâcher ses meilleures poules aux œufs d’or en se rapprochant dangereusement du dernier chapitre de certains de ses héros phares, et ce second cross-over ultime en est la clef de voûte. Néanmoins, le virage est négocié en douceur, nous offrant un dernier film « simple », uniquement centré sur la Terre et des problèmes qui ne concernent qu’elle. Ultron est un ennemi immédiatement cerné, la menace est tangible, concrète et quantifiable. Une force brute qui amène plus de réalisme, apportant un impact supérieur, la plupart des scènes d’action étant donc des affrontements purement physiques, certes particulièrement aidés par la technologie, mais cela permet une harmonisation des univers bien meilleure. Ainsi, ce qui pourrait avoir à trait à la magie devient plus une force psychique tenant à l’évolution (mais pas de gène X pour des questions de droit). Au centre de cette anomalie maîtrisée, on retrouve les deux petits nouveaux, les jumeaux Maximoff, Pietro (Aaron Taylor-Johnson) et Wanda (Elizabeth Olsen), assez bien intégrés. On retrouvera aussi quelques autres personnages secondaires majeurs de l’univers Marvel déjà vus dans des précédents films comme Le Faucon (Anthony Mackie), Nick Fury (Samuel L. Jackson), Iron Patriot / Jim Rhodes (Don Cheadle) et Peggy Carter (Hayley Atwell), avec en prime l’arrivée de l’énigmatique Vision (Paul Bettany).

Le film commence sur les chapeaux de roue avec l’attaque contre l’Hydre, nous montrant à quoi s’attendre : du film d’action qui claque. Néanmoins, entre deux altercations avec Ultron et le très attendu duel entre Hulk et Iron Man en mode Hulk Buster, le film n’en oubli pas pour autant de s’attarder sur ces personnages, bien mieux approfondis que dans le premier Avengers, s’intéressant aussi pas mal aux personnages moins centraux / puissants, bien que l’intrigue amoureuse entre Natasha et Bruce semble venir de nulle part, flirtant avec le boy-scout décongelé dans sa dernière aventure. À peu près tout le monde a le droit à son petit moment de gloire, et c’est là un équilibre inédit qui fait plaisir. Mais bien sûr, l’intérêt premier reste la purge d’action, prenant des proportions encore une fois phénoménales – ce qui devient la norme à force de surenchère – sans pour autant nous perdre. Et au milieu de ça, en plus du charisme des personnages qui ont déjà fait leurs preuves, on retrouve un humour efficace, très second degré et encore meilleur que précédemment. L’engouement autour du premier film fut considérable, mais celui-ci a le potentiel pour le dépasser, et pourquoi pas ravir la seconde marche du podium à Titanic. La saga Marvel a encore de beaux jours devant elle, mais il est vrai que l’afflux de super-héros pourrait l’étouffer, et à chaque nouveau lancement la peur de l’échec se fait sentir. Ant-Man sera t-il le premier échec commercial et artistique de la firme ? Spider-Man trouvera t-il sa place au milieu de tout ça ? Certaines inquiétudes persistent, mais l’espoir reste permis.

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Deux jours à tuer

Deux jours à tuer
2008
Jean Becker

Présent dans notre paysage cinématographique depuis 1961, Jean Becker est une figure du milieu, car à l’exception de ses deux derniers films, il a toujours fait son million d’entrées, et souvent bien plus. Et c’est d’autant plus admirable quand il s’agit comme ici d’un drame pesant, peu propice au succès populaire, mais qui fut porté par un formidable bouche à oreille, bien que ça n’ait pas débouché sur une quelconque récompense, la presse ayant émit plus de réserves.

Adaptation du roman éponyme de François D’Epenoux, le film raconte comment un beau jour Antoine Méliot (Albert Dupontel) a craqué. Fatigué de ses clients stupides aux produits invendables, il va leur expliquer leurs quatre vérités. Lassé de sa femme, de sa petite vie bourgeoise insipide, il va tout envoyer valser, disant les choses comme il le pense depuis la première fois de sa vie. Famille, amis, connaissances : personne ne sera épargné. Une libération pour lui, un désastre pour les autres.

L’œil ne pétille plus, l’envie a disparu. Il ne semble plus rien n’avoir à perdre, et sa prise de conscience prend une tournure odieuse pour l’assemblée, devant faire face à une aigreur d’un niveau effrayant. Son but semble de salir son image, celle des autres, semer le chaos, mais n’est nullement réjoui par la désolation. Ne reste alors pas trente-six solutions, et la véritable raison de tout ça sautera aux yeux de tous dès la première scène. Et si cela ne suffisait pas, les moins éveillés découvriront forcément l’anguille sous la roche lors des échanges de regards entre le personnage principal et sa femme, Marie-Josée Croze, dévastée plus que n’importe quel autre. La première demie-heure du film est explosive, une petite perle comique qui nous fout une véritable claque tant personne n’avait osé aller aussi loin, et chaque tirade nous fait jubiler. Alors forcément, quand on bascule ensuite dans le drame humain, le souffle retombe, d’autant plus qu’on sait déjà où le film veut en venir. Quelques nouveaux enjeux vont faire leur entrée, de nouvelle perles d’écriture ponctueront aussi le voyage, mais l’intérêt est moindre. Heureusement, le dernier virage est assez bien négocié, donnant plus de crédit à cette seconde moitié, et Albert Dupontel est d’une justesse infinie dans les deux registres. Un principe auquel on ne peut qu’adhérer, malgré quelques irrégularités, qui nous offrira des fulgurances délectables.

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Night Call

Night Call
2014
Dan Gilroy

Faire un film sombre et violent sur un héros pas très respectable, ça peut marcher, alors le producteur du sympathique et atypique Drive a voulu pousser le concept encore plus loin avec un film cynique exploitant la misère humaine, la violence et la mort comme source comique. Bilan : des critiques exceptionnelles, une pluie de nominations, quelques récompenses et un certain succès commercial. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est amplement mérité.

Que peut-il y avoir de pire qu’un journaliste ? Un Nightcrawler (titre VO), cameraman amateur spécialisé dans les incidents nocturnes, souvent violents et sanglant. Ne sachant pas vraiment que faire de sa vie, Lou Bloom (Jake Gyllenhaal) va tomber par hasard sur l’un d’entre eux, et il va être immédiatement fasciné par l’idée de traquer et reporter le crime et les accidents spectaculaires. Un poste retransmettant les ondes radios de la police, prêt à démarrer au quart de tour derrière son volant, Lou va chercher soir après soir le reportage le plus choquant imaginable, n’hésitant pas à transgresser la loi pour filmer au plus près les cadavres encore chauds ou les mourants.

Pas grand monde n’ose l’avouer, et pourtant, c’est une réalité : tout le monde s’en fout de tout. Un accident de voiture, même si une mère et son bébé perdent la vie, c’est bien peu de chose. Un énorme carambolage avec explosion, des flammes de partout et des corps agonisant dans une marre de sang, ça attise à peine notre curiosité. Véritable génie qui a tout compris à la vie, au fonctionnement et aux travers de notre société pourrie jusqu’à la moelle, le personnage principal du film sait exactement ce qu’il faut faire pour obtenir ce qu’il veut, et c’est avec déterminisme et un sang-froid ahurissants qu’il y excelle. Il ne souffre aucun tabou, va droit au but, ose dire tout et assume totalement chacun de ses actes, et son aplomb atteint des sommets divins. Voilà qui résume le film : « ce mec est un génie ». Il sait ce qu’il veut, comment l’avoir, et il ne souffre aucune limite. La surenchère du reportage le plus cru, le plus ignoble semble à son paroxysme d’emblée, et pourtant, il repoussera chaque limite avec un professionnalisme et un calme surnaturels. D’aucun le qualifieraient d’inhumain, de monstre psychopathe, mais son talent est sans commune mesure. En résulte des scènes chocs filmées avec jubilation, donnant lieu à un humour dérangeant mais irrésistible. Un film foncièrement original, superbement interprété et hilarant.

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Big Eyes

Big Eyes
2015
Tim Burton

Après avoir atteint la cime du box office avec Alice au Pays des Merveilles, le choc fut brutal pour Tim Burton, qui malgré de bonnes critiques, connu bien des difficultés financières avec Dark Shadows, l’amenant à opérer quelques changements radicaux. Ainsi, après un film d’animation, il nous revient avec un biopic à micro budget complètement lâché par les distributeurs, sombrant dans l’indifférence la plus total avec moins de 30 M$ dans le monde au final. Du coup, le réalisateur a à nouveau vendu son âme à Disney, signant pour une adaptation live de Dumbo, et succombé à l’appel des fans pour un second Beetlejuice. Pourtant, si sa patte est discrète, le résultat est là.

Tiré d’une histoire vraie, le film retrace le parcours de Margaret (Amy Adams), mère célibataire tentant de vivre de son art, qui croisa le chemin de Walter (Christoph Waltz) en 1958. Lui aussi artiste, ayant beaucoup peint Paris du temps où il y étudiait l’art, il est en revanche bien plus à l’aise que Margaret, qui deviendra sa nouvelle compagne, quant à la vente et la promotion de ses œuvres. Ainsi, pour donner plus de chance à ses enfants aux grands yeux, thème de ses toiles, il va faire croire à qui veut bien l’entendre que le fruit de son dur labeur est de son dû. Une mascarade arriviste qu’elle va bien vite regretter.

C’est une évidence, dans le milieu de l’art la force de l’œuvre ne pèse strictement rien face à la façon de la vendre. Et il est probable que l’artiste en question n’aurait jamais été connue sans son mari qui l’a défendu vigoureusement. Seulement voilà, se faire déposséder de ses créations et voir le mérite attribué à quelqu’un d’autre, surtout dans des propensions aussi énorme, ça fait mal, et peu à peu la rancœur s’installe, puis la haine de l’autre. Une fois le succès avéré la supercherie aurait pu prendre fin, mais l’usurpateur y avait trop prit goût pour lâcher l’affaire, et le mensonge les a rongé des années, jusqu’au point de rupture, sans quoi jamais cette histoire n’aurait été révélée. C’est un peu comme pour Arrête-moi si tu peux : il n’y aurait eu pas de film si la preuve n’avait pas été faite. Le film réussi parfaitement à traduire le désarrois et la folie des personnages, surtout Walter, et l’histoire est bien plus palpitante qu’on aurait pu le croire, notamment avec la révélation Sényque. Le procès final est lui aussi très intéressant, et la touche d’humour apportée au récit donne un ton frais et décalé. Le développement est bon, l’ambiance immersive, et on en ressort conquis.

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