Le Procès du siècle

Le Procès du siècle
2017
Mick Jackson

Nominé aux Bafta dans la catégorie meilleur film de l’année et parlant de procès, que demander de plus ? Même pas besoin de savoir de quoi ça parlait, qui était impliqué dans le projet, j’avais déjà signé. Seulement dès la première scène, j’étais à la fois happé et angoissé : ce film parle de l’existence de l’Holocauste (massacre des juifs durant la Seconde Guerre Mondiale pour ceux qui se demandent). On part d’une question simple, à savoir « peut-on prouver que l’Holocauste a réellement eu lieu ? ». Oh mon dieu oui, le sujet le plus tabou de tous les temps va t-il enfin avoir le droit à un réel débat sur la véracité des supposées preuves ?! Ah bah non, faut pas abuser…

L’histoire se déroula fin des années 90 début 2000 alors que l’historien britannique David Ivring (Timothy Spall) intentait un procès en diffamation contre un professeur d’université américaine, Deborah Lipstadt (Rachel Weisz), qui l’accusait entre autre de négationnisme et racisme dans un ouvrage se moquant de ceux ne croyant pas en l’Holocauste. Si aux Etats-Unis la présomption d’innocence prime, faisant que dans un tel procès cela aurait été à Ivring d’apporter la preuve de la non existence de l’Holocauste, en Grande Bretagne c’est l’exact inverse : ce fut à Lipstadt de « prouver son existence ».

Le film semble très intéressant au début dans la mesure où il avoue que le camp d’Auschwitz n’était pas dans un premier un camp d’extermination, et que les preuves de cette transformation sont pour ainsi dire nulles. Les nazis ayant dynamité les lieux au moment de partir, les preuves sur place ne sont que pures spéculations ou le fruit de tests irrecevables, quant aux preuves aériennes elles restent largement discutables, entrant souvent en contradiction avec les témoignages de l’époque et les plans architecturaux. Entre un nombre de victimes variant de plusieurs millions au fil des décennies en fonction d’accords assez obscures, voir ouvrir un débat sur l’existence de l’Holocauste paraissait être la plus grande révolution de l’histoire en terme de liberté d’expression, nourrissant de réelles interrogations sur les réalités historiques. On était alors très curieux de voir les preuves de chacun, mais le film – apparemment extrêmement fidèle à la réalité en citant mot pour mot les retranscriptions du procès – se montre particulièrement décevant d’un côté comme de l’autre. Du côté de Ivring, son arrogance l’a conduit à sa perte, le faisant se confronter seul face à la fusion de plusieurs cabinets d’avocats (incluant Tom Wilkinson) très puissants et disposants de finances considérables. Déstabilisé pour un rien, son attaque passera rapidement d’impressionnante à ridicule, débordé par une quantité de frasques choquantes faisant passer papy Le Pen pour un bon samaritain. Quant au monstre juridique faisant travailler la moitié des avocats de Londres, il n’apportera à aucun moment la preuve de l’existence de l’Holocauste, basant l’intégralité de leur défense sur la nature douteuse des travaux de Ivring. On espérait un procès au sommet, preuves contre preuves, mais ça n’est en réalité que débâcle contre déballage de frasques. Les acteurs sont assez bons et le film se dote d’une patte visuelle volontairement désuète pour nous plonger dans l’ambiance de l’époque, montrant un vrai travail artistique derrière entre la réalisation quasi télévisuelle et l’étalonnage plus fade et granuleux, mais ça ne saurait rattraper l’inconsistance monstrueuse du scénario. Veine tentative de faire croire à une quelconque importance historique.

PS : à force de refuser d’examiner les potentielles les contres-preuves et de fermer la porte à tout débat sans jamais fournir la moindre preuve de l’Holocauste, on en viendrait presque à douter de la version officielle. Comme dirait le juge, on ne peut qu’être choqué par l’absence totale de preuves.

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Ça

Ça
2017
Andy Muschietti

Voilà un film qui ne m’attirait pas spécialement, contrairement à l’écrasante majorité des gens. Alors que j’avais esquivé le pavé de plus de mille page de Stephen King, subit le téléfilm des années 90 qui était pour moi un nanar indigne comprenant la mort la plus risible de l’historie du cinéma, les gens attendaient quant à eux avec un intérêt colossal cette réadaptation du roman, la bande-annonce ayant pulvérisé le record du plus grand nombre de vues en 24h. Et depuis sa sortie, le film ne cesse de faire tomber les records : meilleur démarrage de tous les temps pour un film d’horreur et meilleur démarrage pour un mois de septembre avec dans les deux cas plus du double du précédent record, et en seulement 14 jours d’exploitation le statut de plus gros succès de tous les temps détenu depuis plus de 40 ans par L’Exorciste vient de tomber. Plus de 400 M$ en deux semaines, c’est tout simplement du jamais vu pour le genre, et même en terme de surnaturel le record de 673 M$ du Sixième Sens doit compter ses jours avant la chute. Un engouement gigantesque que personne n’avait vu venir aussi haut, non sans rappeler les élans nostalgiques ahurissants de Star Wars VII, Jurassic World ou encore La Belle et la Bête.

Prenant place dans la ville de Berry dans les années 80 (contre 50 dans le téléfilm et le livre), le film retrace les mésaventures de sept jeunes de 13 ans : Bill (Jaeden Lieberher), Richie (Finn Wolfhard), Eddie (Jack Dylan Grazer), Ben (Jeremy Ray Taylor), Stanley (Wyatt Oleff), Mike (Chosen Jacobs) et Beverly (Sophia Lillis). Chacun rejeté de la société à leur manière, ils vont se retrouver en proie à la même menace : un clown (Bill Skarsgard) terrifiant s’amuse à faire peur aux enfants de la ville, et certains disparaissent même. En plus de pouvoir matérialiser les peurs de ses victimes, il se nourri de leur chair !

Alors que tout le monde attend fébrilement la seconde saison de l’exceptionnelle série Stranger Things, croisement miraculeux entre Les Goonies et Silent Hill, la formule visant à mélanger nostalgie, enfants et horreur refait surface avec une réadaptation d’un classique de la littérature qui a imposé dans l’imaginaire collectif l’image du clown terrifiant, bien que limiter le monstre de Ça à cette simple image serait erroné. Oui, c’est son apparence « basique », mais il est capable de revêtir n’importe quelle apparence imaginable. Une potentialité déjà bien mieux exploitée que dans le téléfilm, mais on a du mal à comprendre le choix de le faire apparaître systématiquement à un moment donné sous sa forme clown. Ou en fait si : c’est bien plus facile pour créer la connexion entre les enfants, tous pouvant dire « moi aussi j’ai vu le clown ». Une facilité scénaristique dommageable, de même que le raccourci ultra violent avec « le père ne voit pas le sang donc tous les adultes sont incapables de voir les manifestations, donc même pas la peine d’essayer de leur en parler ». Ah c’est sûr, ça évite de devoir trouver une bonne explication à « pourquoi les enfants se lancent-ils seuls contre un monstre pareil ? », mais du coup on reste continuellement là à se dire qu’ils sont des abrutis finis de ne même pas avoir essayé de prévenir quelqu’un qui serait mieux armé pour lutter contre une menace pareille. Enfin bon, la menace reste bien gentille dans la mesure où ses premières visites auraient pu faire mouche directement, prévenant de la menace avant de faire quoi que ce soit. Oui bonjour, c’est pour un meurtre, je ne dérange pas j’espère ? On reste globalement très dubitatif face à l’histoire, pas très originale ni crédible, abusant de stéréotypes, de clichés, d’hasards bien pratiques et de raccourcis honteux. On peut le dire, c’est assez mal écrit.

Heureusement, le reste des aspects du films sont pour la plupart bien plus convaincants. Commençons déjà par le point le plus réjouissant : le casting. Aucun mauvais acteur à signaler, les enfants sont tous très bons – étrangement le héros de Stranger Things est le moins bon du lot, c’est dire – notamment la jeune interprète de Beverly, absolument impeccable du début à la fin et la suite de sa carrière sera à suivre de très très près. Je prend les paris, elle recevra un Oscars dans les dix à venir. De fait on s’attache d’emblée aux personnages, surtout Beverly et Bill qui sont les plus importants, nous permettant de rentrer directement dans l’histoire, aussi peu crédible soit-elle. Si la mise en scène est convenue voir carrément contre-productive tant elle tue toute forme en suspense, la réalisation est très réussie, offrant une belle lisibilité à l’action et nous offrant quelques plans mémorables comme la désarticulation, la danse ou encore les corps flottants. Les panoramas sont magnifiques et certains mouvements de caméra sont superbes, comme toute l’introduction avec le bateau. Visuellement ça a de la gueule, le casting est au top et l’ambiance prend très bien, assurant un certain divertissement, mais difficile de s’enthousiasmer outre mesure face une écriture si faible et un frisson à ce point absent. Certes, le film avait de belles idées disséminées et il ose une forme rare de violence, tant physique que morale avec les parallèles sur les vrais monstres humains, mais c’est bien trop peu pour prétendre révolutionner le genre ou ne serait-ce que se poser comme une référence. Attendons le second chapitre pour être tout à fait définitif, mais c’est pour l’instant un peu trop creux.

Disponible aussi en vidéo complémentaire :
https://www.youtube.com/watch?v=QhaaTSpIF8M

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Mother!

Mother!
2017
Darren Aronofsky

Si je n’étais pas tombé par hasard sur la bande-annonce du film en août dernier, je n’aurais même pas su que ce nouveau film de Darren Aronofsky allait sortir. Si tous ses films ne sont pas forcément très abordables ou même intéressants (je n’ai pas du tout aimé The Wrestler par exemple), ils n’en restent pas moins originaux et dotés d’une atmosphère sombre et captivante. Cette fois le sujet intriguait, entouré d’un grand mystère, et se payait en plus un casting assez dingue. De quoi espérer beaucoup, mais les premiers résultats en salle sonnent comme une hécatombe et les critiques sont tout simplement assassines.

Parce que j’étais persuadé que le film parlait d’agoraphobie et que l’absence de culture catholique m’a empêché de comprendre le film du premier coup (merci à Durendal d’avoir éclairé mes zones d’ombre, en espérant que le fossoyeur de les films fasse encore mieux), d’autant que le film est tout sauf clair, je vais vous expliquer le film comme il est réellement, donc attention aux spoilers.

Dans le jardin d’Eden bâti avec amour, Mère Nature (Jennifer Lawrence) pensait pouvoir garder Dieu (Javier Bardem) auprès d’elle pour toujours dans leur petit nid douillet, mais cette atmosphère trop calme bridait sa créativité. Il décida alors d’y inviter Adam (Ed Harris) puis Eve (Michelle Pfeiffer), apportant un peu d’animation dans son quotidien, au gram damne de Mère Nature, inquiète face à cette invasion qui ne faisait que commencer. Après l’arrivée de Caïn (Domhnall Gleeson) elle supplia Dieu d’arrêter cette folie et de renvoyer ces étrangers, mais galvanisé par l’adoration des autres il ne su s’en passer.

Après être sorti de la salle, j’étais particulièrement dubitatif. Pendant 1h55 j’étais persuadé que le film parlait d’agoraphobie et que tout n’était que folie imaginative, mais en réalité tout ce qu’on voit à l’écran est bien réel, même la dernière demie-heure complètement dingue et qui semble partir en vrille totale. J’avais senti venir le coup de la métaphore, mais j’avais parié sur le mauvais cheval, n’ayant même pas conscience de celui qui était en course, à savoir la religion. Une fois qu’on a les cartes en main, c’est déjà plus cohérent en terme de symbolique, mais c’est encore plus décevant que ce qu’on pouvait imaginer. Certes, les rapports sont très intéressants et l’image faite des hommes est édifiante, mais on espérait quelque chose de plus imaginatif derrière ce halo mystérieux. La logique se tient avec le principe de boucle, l’âme brisée le cœur se meurt puis s’embrase pour libérer une nouvelle âme, mais le film tue son propre suspense dès la scène d’introduction, bien que le tout dernier plan nous rappelle la fameuse phrase de Jurassic Park : la nature trouve toujours son chemin. Le scénario n’est donc pas extraordinaire, mais ça reste un concept original que de personnifier des divinités et de traiter d’un sujet biblique dans un huis clos. Autre point positif, les acteurs sont très bons, notamment Jennifer Lawrence qui semble mériter un Oscar dans chacun de ses films tant sa présence en impose et que ses performances bluffent. Reste un problème de taille : on se fait chier. En dehors de la branlette intellectuelle visant à nous faire trouver la symbolique d’une culture religieuse qu’on a pas forcément, il ne se passe quasiment rien de tout le film, on sent un suspense qui monte dans le vide et quand enfin il se passe quelque chose c’est tellement gros et mal fait – effets spéciaux à la ramasse – qu’on y croit pas une seconde. Ah c’est bien de vouloir nous faire réfléchir, mais encore faut-il y mettre les formes.

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Barry Seal : American Traffic

Barry Seal : American Traffic
2017
Doug Liman

Alors que nous sommes nombreux à attendre une suite annoncée comme révolutionnaire à l’exceptionnel Edge of Tomorrow, le réalisateur Doug Liman retrouve l’acteur principal de ce même film pour l’adaptation d’une histoire vraie assez dingue, celle de Barry Seal (Tom Cruise). Simple pilote d’une compagnie aérienne américaine, jusqu’à la fin des années 70 il se contentait d’arrondir ses fins de mois en revendant illégalement des cigares cubains qu’il faisait passer la douane dans ses vols de ligne. Soucieux du développement des pays de l’Amérique du Sud, la CIA va lui envoyer l’agent Shafer (Domhnall Gleeson) pour négocier : quelques photos aériennes des territoires hostiles communistes en échange de l’abandon des charges contre lui. Un marché honnête, mais pas forcément très lucratif. Heureusement, sa rencontre avec le cartel de Pablo Escobar va changer la donne, faisant de lui le principal passeur de drogue de l’Amérique Centrale. Seulement quand en plus le gouvernement américain va lui demander de fournir des armes et former les opposants locaux, son petit business va peu à peu devenir un empire très dangereux.

Imaginez Lord of War, mais avec plus de drogue, plus de billets et surtout une véracité totale. Oui, un homme seul a réussi à implanter Escobar aux Etats-Unis, berner tous les gouvernements et empocher plus d’argent que l’on ne peut en dépenser dans une vie (surtout quand on manque d’imagination). On sent en plus une véritable montée en puissance, commençant tranquillement avec des repérages puis prenant petit à petit des propensions dantesques avec une flotte d’aviation entière pour acheminer des tonnes de cocaïne. Le héros a une classe folle, sa petite histoire rencontre la grande, ce qui n’est pas sans rajouter un effet sympathique, et son double, triple voir quadruple jeu nous tient en haleine entre les montagnes de fric et le danger du boulot. Mais le film n’est pas qu’un simple divertissement sur le pilote le plus véreux de l’histoire, c’est aussi une formidable leçon sur le système. On y découvre des machinations gouvernementales, mais aussi leur gestion monstrueuse qui n’hésite pas à sacrifier voir lyncher ses propres hommes. Du grain à moudre édifiant, même pour les non-complotistes qui ne chercheront pas à faire le lien avec certains événements plus récents. En revanche, la réalité est parfois décevante et rares sont les histoires à avoir le panache d’un Arrête-moi si tu peux, empêchant le film de prétendre à plus. Du self-made-man de qualité, fun et éducatif, mais qui n’aura pas forcément un grand impact sur le long terme.

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Problemos

Problemos
2017
Eric Judor

Titre de gros bof, comédien / réalisateur à l’humour souvent douteux dont le comparse était bien meilleur, sortie en pleine période de gros blockbusters qui tachent : le film était un projet mort-né dont on avait même pas envie d’entendre parler. Et forcément, ce qui devait arriver arriva, le film se planta dans les grandes largeurs avec seulement deux cent mille entrées. Comme quoi, les à priori ça rend con.

Invitée par son ancien professeur de yoga, Jeanne et son mari Victor (Eric Judor) vont se rendre dans un campement de fortune réalisé pour lutter contre la construction d’un parc qui serait dévastateur pour l’environnement. Pour elle, c’est l’occasion de se retrouver au plus près de la nature, et pourquoi pas bousculer un peu son citadin de mari qui regarde d’un air moqueur les militants écologistes et autres gauchiasses. Seulement quand une épidémie va décimer toute l’humanité, ne laissant qu’eux comme rescapés, les plus bas instincts de l’homme vont se révéler, balayant tous les beaux principes égalitaires et humanistes jusqu’alors défendus.

Ce film est brillant, cinglante et réaliste vision de nous-même. Il est de bon ton de se montrer altruiste, de défendre des valeurs aussi primordiales que l’écologie, l’égalité des sexes et des personnes, mais le film n’en a absolument rien à faire, comme l’écrasante majorité des gens d’ailleurs. Dans le fond chacun vie sa vie dans son coin sans pouvoir prétendre impacter quoi que ce soit, et à l’image de l’anti-héros on trouve ridicule toute cette hypocrisie ambiante. Oui, le film ose se moquer des hippies à la con, des femens dont l’exhibitionnisme est une hérésie contre-productive, les faisant juste passer pour des folles. Le film dénonce l’hyper-sexualisation des adolescents, l’abrutissement généralisé, notamment à cause de la télévision et des nouvelles technologies, mais aussi la fausseté des anti-capitalistes qui ne rêvent que de prendre la place des plus aisés qu’ils jalousent profondément. Et toutes ces vérités, le film les dénonce avec un humour particulièrement fin et efficace, montrant que l’homme peut-être aussi violent physiquement que moralement. Extrêmement condensé avec moins de 85 minutes générique compris, le film est aussi un modèle de dynamisme, exploitant son sujet avec une efficacité rare. C’est drôle, c’est pertinent, c’est percutant. Une des meilleures comédies françaises de ces dernières années.

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Etats de choc

Etats de choc
2008
Jieho Lee

Casting de fou furieux et concept de multi-narration qui se recoupe, le film avait tout d’un grand succès et fut globalement bien accueilli par le public (3,7 sur allociné et 6,9 sur IMDb) mais déjà bien moins par la presse (37% sur métascore). Il faut dire que le timing n’était pas forcément évident, le film sortant moins de deux ans après le sacre de Collision qui poussait bien plus loin le principe de destins croisés. Mais de là à se manger une gamelle historique à moins de trois millions de dollars dans le monde, ça pique.

Trois vies, trois destins mais un même chemin. On suivra tout d’abord un employé de bureau (Forest Whitaker) qui va prendre de mauvaises décision pour tenter de se sortir de la morosité de son quotidien. S’en suivra un pas si clairvoyant que ça garde-du-corps (Brendan Fraser) qui va découvrir que tout n’est pas forcément joué d’avance, puis enfin un docteur (Kévin Bacon) qui va tenter de remuer ciel et terre pour sauver la seule personne qui compte.

Au premier changement de personnage on reste encore bloqué sur le précédent, se demandant s’il s’agissait d’un rêve ou autre tant la conclusion est surprenante, comme si le film allait s’arrêter en même pas 20 minutes. Un changement de personnage principal déroutant, comme à chaque fois qu’on croise une star qui disparaît la seconde d’après, mais qui en réalité aura une importance dans un arc suivant, voir y sera carrément le protagoniste principal. Les différentes histoires ont toutes leur importance et les enjeux de chacun sont clairement identifiés et intéressants, même si peu de passages marquent vraiment. Grosso modo on suit l’impact des différentes vies (on retrouve parmi elles Julie Delpy, Emile Hirsch ou encore John Cho) sur Sérénité (Sarah Michelle Gellar) dans le milieu mafieux géré par Finger (Andy Garcia), et si la narration n’était pas aussi élaborée, l’histoire n’aurait pas un intérêt dingue. Les passages de la trempe de de l’interview de Jon Bernthal sont rares, le coup du deuxième sac à la fin du second acte induit en erreur, faisant d’abord croire à un problème de temporalité, et on aurait aimé une confirmation franche de Heidi, qui ferait une belle boucle. L’idée reste bien exploitée et les acteurs sont assez bons, surtout celle qui me semble fait Heidi, mais le film aurait mérité une complexité accrue pour convaincre encore plus.

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Okja

Okja
2017
Bong Joon-Ho

En France nous avons un système qui s’appelle « chronologie des médias ». En gros c’est une loi sur le cinéma qui stipule qu’un film doit sortir en salle, puis il a le droit de sortir quatre mois plus tard en support physique et dématérialisé, puis neuf mois après sur canal, douze mois après sur les potentielles chaînes partenaires et enfin après 22 mois sur les autres chaîne en fonction de qui achètera les droits de diffusion en premier (enfin à peu près, j’ai pas appris le règlement par cœur). Largement applaudi à Cannes, le film intriguait tout le monde et le succès en salles allait être total vu comment Bong Joon-Ho est devenu un phénomène au cours de ces dernières années, mais la politique de Netflix a quelque peu refroidi les diffuseurs. Bah oui, un film disponible sur le service de vidéo à la demande en même temps que la sortie en salles, ça avait de quoi inquiéter quant au remplissage desdites salles, et en plus cela allait à l’encontre d’un paquet de lois dont celles françaises sur la chronologie des médias. Mais d’un autre côté, étant tout seul dans son coin à avoir financer les 50 M$ du film, Netflix ne voulait pas ramasser les miettes de son propre film un an après l’exploitation en salle selon les législations de certains pays, donc voilà comment l’un des films les plus attendus de l’année s’est retrouvé quasi mondialement privé de sortie en salles. Mais sinon, le film il vaut quoi ?

Dans le monde, des millions de personnes souffrent de malnutrition voir de sous alimentation sévère, et c’est dans cette optique que Lucy Mirando (Tilda Swinton), gérante d’un empire industriel, va développer une nouvelle race dérivée du porc, le super cochon, une nouvelle espèce viable et auto-reproductible qui coûterait moins cher et fournirait plus de viande, offrant ainsi au consommateur une offre plus importante à un tarif imbattable. Après dix ans de phase de test consistant en une démonstration d’élevage aux quatre coins du globe, il était grand temps pour la société d’inaugurer en grande pompe leur nouveau produit, exhibant sur la scène publique leur plus beau spécimen : Okja, une femelle recueillie par une coréenne de douze ans.  Seulement la jeune fille ne va pas tellement apprécier qu’on lui enlève sa meilleure amie et va tout faire pour la récupérer.

Quand on fait un gros monstre en image de synthèse, le plus dur est de justifier sa présence. Dès les premières minutes, le film excelle à la tache : on nous pose d’emblée une raison logique à son existence, et toutes les premières scènes dans les montagnes coréennes bluffent de par la maîtrise des effets spéciaux, venant à nous faire douter de la non existence de l’animal. Les interactions avec l’environnement sont irréprochables et d’une complexité colossale, réussissant on ne sait comment à recréer l’ondulation de l’eau déformée par son passage, la pliure des herbes sous ses pattes, le déplacement de certains objets et même le contact physique avec d’autres personnes, défi le plus ardu dans l’animation. De bout en bout le film s’acharne à réaliser des prouesses techniques pour rendre la présence d’Okja incontestable, et c’est une réussite absolue. Quid du reste ?

En dehors d’un visuel parfait, le film nous narre aussi une histoire belle et touchante, celle d’une amitié profonde entre une petite fille déterminée et un animal au grand cœur. Les rebondissements sont largement moins classiques que dans les autres films du genre même si globalement le développement reste conventionnel, mais c’est surtout dans le ton que le film tente le plus de choses. Très réaliste et se voulant anticapitaliste, comme bien des films du réalisateur, le film alterne habilement entre humour parfois gras et noirceur perturbante. On se demande même parfois comment réagir face à des braqueurs lançant des pétales de fleurs, mais se retrouver déstabilisé est toujours une bonne chose tant cela prouve que le film n’a rien de commun. Se voulant très ouvert au marché international, le film n’hésite pas à faire appel à de grands noms, mais surtout beaucoup d’acteurs anglophones : Jake Gyllenhaal, Paul Dano, Lily Collins, Devon Bostick ou encore Giancarlo Esposito. On apprécie aussi le fait que chaque choix de casting est justifié par l’histoire, barrant la route à toute polémique de white-washing. Un film particulièrement maîtrisé donc, qui viendrait presque nous faire pleurer à la fin même tant la créature a effectivement prit vie devant nous, et pas que. Beau, intelligent et touchant.

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Death Note

Death Note
2017
Adam Wingard

Rien n’est plus chiant qu’un fan. Si vous lui faite une adaptation fidèle, il viendra vous dire que votre œuvre n’a aucun intérêt parce que rien ne peut égaler l’original. Si vous tentez de vous servir du support comme d’une base pour quelque chose de nouveau, ou si vous déviez un tant soit peu du model, vous commettez un parjure colossal qui vous vaudra une vague de haine ahurissante. Après plusieurs films japonais absolument ignobles, Netflix a enfin eu le courage de mettre sur pied la version américaine du manga culte Death Note dont le projet a mit près d’une décennie à aboutir. Et forcément, dès les premières annonces de casting la déferlante de rage s’est fait sentir (mon dieu le héros a une tête de con, Mia n’est pas blonde et L est noir !), condamnant à mort le film ensuite lors de la divulgation de sa bande-annonce. Or comme il m’insupporte de voir des gens juger de quelque chose qu’ils n’ont pas vu, je voulais croire en ce film pour leur montrer qu’ils ont tort, comme en insistant lourdement sur les quelques points pas complètement catastrophiques de Dragonball Evolution, comme par exemple l’idée de la transposition contemporaine et le design des véhicules de Bulma. Bon après il faut aussi avoir des arguments pour défendre un film, et on ne peut pas dire qu’il aide beaucoup à en trouver.

Monde terrifiant qui ne sera même pas évoqué, il existe dans une autre dimension (ou plan astral comme vous voulez) des créatures divines capable de voir et agir sur l’espérance de vie d’une personne : les Shinigamis. L’un d’eux, Ryuk, de passage sur Terre pour briser son ennui éternel, va intentionnellement laisser tomber son Death Note, son cahier magique qui recèle le pouvoir de tuer quiconque y voyant son nom d’écrit dessus. Son destinataire sera un lycéen américain, Light Turner (Nat Wolff), qui va avec l’aide de sa petite amie Mia (Margaret Qualley) décider de se servir de ce pouvoir pour pallier à la justice du monde en condamnant à mort les criminels les plus dangereux ou répréhensibles. Grâce à lui la criminalité va sensiblement diminuer, craignant une justice divine, mais les autorités vont néanmoins essayer de percer le mystère de ces morts et pourquoi pas arrêter la ou les personnes responsables. Dépassées, elles vont faire appel au détective le plus renommé au monde mais que personne n’a jamais vu : le fantomatique L (Lakeith Stanfield).

Grosso modo le film reprend la première moitié de l’arc narratif de la confrontation mythique entre Light (Raito bordel, mes oreilles saignent !) et L. Des changements il y en a un paquet néanmoins : Light n’est plus un génie capable de prévoir des coups monstrueux sur le long terme, c’est presque un gamin stupide qui se fait mener à la braguette par sa copine, et même à l’origine c’est Ryuk qui a poussé cette énorme fiotte à utiliser le cahier. Ah charisme quand tu nous abandonnes ! Bon après le duo amoureux justicier, on en avait rêvé dans le manga, mais le Light (Raito) d’origine était un sacré connard incapable d’éprouver le moindre sentiment, du coup on reste tolérant sur cette liberté là, même si la disparition du second Shinigami créé un manque considérable. De manière globale, avoir fait l’impasse sur la totalité de l’autre monde est largement préjudiciable tant le background s’en retrouve amoindri, d’autant qu’avec une durée largement speedée de 1h30, le film aurait carrément pu prendre le temps de développer l’univers. Côté L, c’est presque une bonne surprise : le brillant mentaliste impressionne toujours autant, ses mimiques ont été respectées et l’acteur a presque autant de classe. En revanche, ses pertes de sang froid sont une gigantesque déception qui brisent son image de programme informatique parfait, censée faire écho au vide intérieur de Light, mais là aussi c’est raté. Reste que le produit est de base est tellement exceptionnel qu’on ne pouvait pas se tromper avec, d’autant que le film apporte tout de même quelques idées sympathiques comme la quête de Watari et la grande roue, et en plus le film jouit d’une grande liberté en terme de censure. C’est bien simple : il n’y en a aucune, la violence étant physiquement très concrète à l’écran. Si on ne connait pas l’anime ou le manga, le film est même assez divertissant et livre un concept fort, mais difficile de rester neutre face d’aussi grosses fautes de goûts qui nuisent clairement à l’ensemble et l’écart qualitatif est gigantesque.

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Everything, Everything

Everything, Everything
2017
Stella Meghie

Sorti en plein durant la période estivale où les blockbusters s’accaparent l’espace médiatique, personne ne donnait cher de cette petite romance d’adolescents adapté d’un roman de jeunesse de Nicola Yoon. Pourtant, après un démarrage tout à fait correct, le film a connu un beau maintient et s’est même imposé dans le monde avec près de 60 M$ récoltés, ce qui est très encourageant pour ce genre de productions. Et effectivement, ça se regarde plutôt bien.

La plupart des gens qui en sont atteint meurent avant d’atteindre les deux ans, mais Maddy (Amandla Stenberg) a eu la chance d’être prise suffisamment rapidement en charge. Atteinte d’une déficience immunitaire sévère, elle pourrait mourir au simple contact de bactéries, faisant de notre monde un danger de mort perpétuel. Vivant dans un environnement stérilisé et totalement hermétique, elle survit depuis 18 ans, vivant par procuration au travers de livres et d’internet. Mais un jour le monde va frapper à sa porte en la personne d’Olly (Nick Robinson), le fils des voisins récemment installés, avec qui elle va nouer une amitié à distance.

Quand on est atteint par le sida, nos anticorps doivent – en plus de toutes les bactéries environnantes – lutter contre un virus qui s’attaque directement à nos défenses. Ici la situation est largement plus critique : Maddy n’a tout simplement aucun anticorps, faisant du moindre rhume de passage une arme assurément mortelle, sans compte à rebours possible. La maladie est originale, l’environnement de vie créé est donc très créatif et la relation qui s’établie souffle un vent de fraîcheur. Mieux encore, l’écriture est moins prévisible que la moyenne et la fin nous réserve même de grosses surprises. Visuellement c’est aussi par moments novateurs comme avec les phases imaginées de dialogues, et puis surtout les deux acteurs sont très bons et forment un couple attendrissant qui arrive sans mal à nous impliquer émotionnellement. Mise à part quelques pirouettes louables, on reste dans du guimauve très classique, mais c’est mignon et on ne dit pas non.

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Ni le ciel ni la terre

Ni le ciel ni la terre
2015
Clément Cogitore

Mise à part une nomination pour le meilleur premier film aux Césars, il est peu probable que vous ayez entendu parler du film, ce dernier n’ayant pas atteint les dix mille entrées lors de sa première semaine ni les six mille lors de sa seconde, laissant peu de place au doute quant à l’indifférence dont il a fait preuve à sa sortie. Pourtant, le sujet avait de quoi intriguer même les cinéphiles les plus désabusé.

Le film prend place en 2014 alors que le désengagement des troupes françaises en Afghanistan a été lancé. La tension n’a jamais été aussi grande entre d’un côté un peuple soumis aux forces militaires qui compte les jours jusqu’à leur libération, et de l’autre des soldats craignant une attaque de dernière minute. Lors d’une garde de nuit, la situation va prendre une tournure explosive : deux soldats vont disparaître, décuplant le climat de tension. Alors que tout le monde était sur le pied de guerre, un troisième homme va se volatiliser mystérieusement, déchaînant la rage du commandant (Jérémie Renier). Seulement voilà, les disparitions vont aussi se mettre à toucher les forces rebelles, ajoutant de la confusion à cette situation chaotique.

Prenant pour cadre un territoire désertique avec d’un côté une base militaire et de l’autre un village local, le film se pose comme un thriller angoissant quasi fantastique où l’on ne sait exactement si les disparitions sont d’ordre humain, surnaturel voir divin. Un mystère qui fascine dans un premier temps, mais encore faut-il en faire quelque chose. Pourtant très bien écrit, posant moult bases et autres pistes de réflexions, semblant parfois parler dans le vide pour mieux nous prendre à revers en réutilisant une information jugée présomptueusement inutile, le film ne va malheureusement nulle part. Si tout se recoupe, les réponses ne convergent pas pour autant : absolument aucune piste évoquée ne sera traitée. C’est dommage car le casting est alléchant (comptant dans ses rangs les prometteurs Kévin Azaïs et Finnegan Oldfield), le rythme est correct et visuellement les idées ne manquent pas. On pense notamment à la vision de nuit et au drap d’invisibilité, marquants et novateurs, mais les yeux dans le dos sont en revanche bien trop gratuits. Seulement quand le ciment du film n’est que poudre aux yeux, quand le scénario n’est qu’une ébauche de concept, tout s’écroule et on en ressort avec l’impression d’avoir été trahis par de vaines promesses.

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