Dune : Deuxième Partie


Dune : Deuxième Partie
2024
Denis Villeneuve

Après le Covid et surtout la sortie catastrophique sur HBO max, la saga Dune revient enfin après avoir dû faire face à encore d’autres soucis, cette fois la grève des scénaristes qui reporta la sortie de quelques mois. Et on peut constater toute l’étendue des dégâts de la sortie simultanée sur le service de streaming : si à l’international le film n’a que peu progressé, passant de 335 M$ à 429 M$, c’est surtout sur le sol américain que l’écart est aberrant, passant de 110 M$ pour le premier à plus de 282 M$ pour le second. S’il est évident que le bouche à oreille a permis en plus de deux ans de faire grandir la base de fans, et que cette suite a aussi bénéficié de retours encore plus enthousiastes, il semble à peu près clair qu’on ne serait pas passé de 435 à 712 M$, mais plutôt quelque chose dans les 550 – 600 M$ pour le premier. Il reste donc peut-être de l’espoir pour l’humanité si de grandes fresques contemplatives de science-fiction de quasiment trois heures peuvent se hisser parmi les plus gros succès de l’année.

Cette seconde partie reprend donc directement à la fin du premier, alors que Paul Atreide (Timothée Chalamet) lutte intérieurement pour savoir s’il doit n’être qu’un simple guerrier Fremen, ou s’il doit embrasser pleinement les plans des Bene Gesserit et devenir le messie qui fera basculer l’univers entier dans une guerre sainte. De leur côté, les matriarches s’assurent que le plan sera quoi qu’il advienne respecté, que ce soit des mains de Paul ou de celles de Feyd-Rautha (Austin Butler), neveu du baron Harkonnen (Stellan Skarsgard). Pour Jessica (Rebecca Ferguson), mère de Paul, il s’agira donc convaincre le peuple Fremen que son fils est l’élu de la prophétie pour assurer le pouvoir à sa lignée tout en respectant le plan millénaire établi par l’ordre.

Nous voici de retour sur la planète d’Arrakis, aussi appelée Dune, théâtre de la guerre de pouvoir de tout l’univers puisque seule planète sur laquelle l’on trouve l’épice, ressource la plus précieuse au monde (sorte de carburant ultime capable de faire voyager au delà de la vitesse de la lumière). Comme le premier film avait déjà posé les bases de l’univers, cette deuxième partie peut donc se concentrer sur les manigances politiques des différentes maisons, mais surtout la formation de Paul pour devenir Usul / Muad’Dib, et embrasser peu à peu sa propre cause. Les choses s’accélèrent, mais sans dénaturer le style contemplatif du premier film, laissant toujours une grande place aux réflexions des personnages, à leurs vies, les coutumes, les spécificités architecturales et culturelles de chaque maison. Encore une fois, la force des décors construits en dur, de ce travail sur le réel donne toujours cette sensation d’univers tangible, crédible, et ça fait sacrément plaisir. La musique de Hans Zimmer donne toujours autant de frissons, notamment les sonorités mystiques des Harkonnens, voir plus avec la toute dernière composition pour la fin avec ce côté chant religieux. Dans un monde si violent, quelques têtes sont tombées, mais côté casting le prestige est plus que jamais tonitruant : on retrouvera toujours en plus de ceux cités  Josh BrolinJavier BardemDave BautistaZendaya et Charlotte Rampling, mais également quelques nouveaux non moins talentueux comme Christopher Walken, Florence Pugh, Anya Taylor-Joy ou encore Léa Seydoux. Si la première partie laissait ce goût d’inachevé, on sent ici que même si l’histoire n’est pas terminée, une étape importante a été franchie, faisant que même si une troisième partie est prévue pour décembre 2026, le diptyque forme déjà un tout. Pas de nouvelle révolution ou de montée en puissance si importante, mais cette seconde partie amène l’histoire encore plus loin et a su garder toutes les qualités du premier, ce qui est un sacré exploit.

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Dune


Dune
2021
Denis Villeneuve

Immense claque au moment de sa sortie, je n’avais pas su pleinement le digérer d’emblée, ayant peur de me laisser quelque peu emporter par les conditions exceptionnelles dans lesquelles je l’avais découvert (Imax 3D en PLF – Premium Large Format – lors d’une avant-première incroyable avec Le Fossoyeur de films et l’équipage du Nexus VI), d’autant plus que le réalisateur parlait d’un possible montage director’s cut avec près de 40 minutes supplémentaires. Version qui n’a finalement jamais vu le jour, et tant mieux car le film fait déjà plus de 2h30 et est assez contemplatif. De plus, ma vision de l’œuvre risquait de changer si cette première partie ne connaîtrait jamais de suite, car entre le dernier bide de son réalisateur, le budget colossal de 165 M$, le fait que la reprise post-covid était difficile et que le studio se tirait une balle dans le pied en le sortant en simultané sur leur plateforme en ligne, ce qui veut dire piratage massif, il n’y avait clairement pas de quoi être serein quant à l’avenir d’une potentielle saga. Et finalement nous voilà trois ans plus tard, la suite est sortie dans des conditions bien meilleures et a presque doublé le score du premier, un peu limite niveau rentabilité sinon, et une troisième et normalement dernière partie devrait sortir en décembre 2026, donc tout va bien dans le meilleur des mondes.

Adaptant la première partie du premier roman Dune de Frank Herbert, le film nous plongera plus de 8000 ans dans le futur. L’empereur de l’univers, jalousant la montée en puissance du clan Atreide, va décider de leur tendre un piège. La ressource la plus importante qui soit, celle qui permet les voyages spatiaux au delà de la vitesse de la lumière, est l’épice, ne se trouvant que sur une seule planète des moins hospitalières : le désert d’Arakis. Jusqu’alors, c’était les Harkonnens qui géraient la récolte, mais l’empereur va les déposséder de leurs terres pour y mettre les Atreides à la place. Une situation délicate, d’autant qu’en plus des conditions climatiques arides terribles, la planète est en proie aux attaques des vers des sables, des créatures titanesques pouvant faire jusqu’à 400 mètres de long et capables de broyer même les machines les plus robustes. Et il y a aussi à composer avec les autochtones : les Freymens, utilisant pour leur part l’épice pour en faire un puissant psychotrope. Et le piège est des plus sournois : refuser une mission de l’empereur serait s’exposer à son courroux, et accepter serait s’exposer à la vengeance des Harkonnens. Pensant avoir choisi la moindre menace en acceptant la mission, le Duc Atreide (Oscar Isaac) ne se doutait pas que l’empereur avait de toute façon conspiré avec les Harkonnens pour organiser leur vengeance, leur prêtant même main forte.

Un univers danse, et on comprend aisément pourquoi il a été choisi de couper le premier roman en deux films. On se retrouve donc au beau milieu d’un échiquier politique avec trois factions, l’empire, mais également l’ordre des Bene Gesserit, sorte de matriarches religieuses aux pouvoirs télépathiques et divinatoires, gérant dans l’ombre tout ce beau monde avec des plans établis pour les siècles à venir, avec dans leur manche une arme secrète préparée depuis des générations et des générations : la prophétie de l’élu. De l’Inception de très haut niveau pour créer les bourgeons de religions futures. Et il faut reconnaître au film cette force : malgré la quantité de personnages, tout le lexique de cet univers que beaucoup vont découvrir au travers du film, toutes les couches de politiques et d’influences de toutes parts, on arrive sans mal à s’y retrouver. Peut-être que d’avoir joué aux deux jeux sortis sur DOS en 1992, et vu le film des années 80 dans ma jeunesse a aidé, mais j’ai eu l’impression que le film arrivait prodigieusement à faire autant d’exposition de manière fluide et transparente sans que l’on n’ait l’impression de trop crouler sous les informations. Une histoire au demeurant passionnante, même si le film servira plutôt de prémices, mais on regrettera surtout le côté précurseur du roman d’origine qui aura tant inspiré, que ce soit Star Wars avec Tatooine ou la saga Mad Max, à tel point que voir un énième film dans le désert a de quoi faire soupirer de nos jours. Mais heureusement, le film ne se limite pas au désert, et parlons de l’aspect technique, assez fou.

Il est assez dingue de se dire qu’un film de cet ampleur n’a pratiquement pas eu recours à des effets spéciaux, surtout les fonds verts qui se comptent au nombre de deux sur plusieurs centaines de plans. Du travail à l’ancienne, avec tout un village immense reconstitué, des vaisseaux à l’échelle créés pour l’occasion, et une quantité folle de costumes tous plus marquants et réussis les uns que les autres. Un style certes un peu froid et solennelle, mais l’effet est des plus saisissants, décuplant l’ampleur de cet univers. Tout a été récréé, ça se voit, ça se ressent, on y croit : c’est palpable. Mention spéciale aux avions libellule, d’une ingéniosité folle, et globalement on a là une grande leçon de direction artistique. Côté effets spéciaux, c’est là encore impeccable, arrivant même à rendre crédible l’usage des boucliers, outil de mise en scène brillant lors de la scène de la dent. Pour compléter cet emballage visuel prodigieux, Hans Zimmer s’est encore une fois surpassé, délivrant une bande-son phénoménale dont le thème principal est l’une des plus grandes œuvres de sa carrière. Impossible de ne pas parler du casting également, puisqu’on retrouvera pléthore d’immenses talents : Rebecca Ferguson, Jason Momoa, Stellan Skarsgard, Josh Brolin, Javier Bardem, Dave Bautista, Zendaya et même Charlotte Rampling. Et on retrouvera surtout dans le rôle principal Timothée Chalamet, nouvelle coqueluche d’Hollywood qu’on aurait pu croire un peu trop lisse, mais qui finalement s’en sort avec les honneurs, et son côté très propre sur lui, superficiel, complète à merveille le message sous-jacent sur la conspiration des Bene Gesserit et leur élu monté de toute pièce qui sert donc parfaitement d’apparat.

Une réussite incontestable donc, tant au niveau grand spectacle que adaptation pertinente, mais qui n’est après tout qu’une porte d’entrée, un premier chapitre qui pose les bases, mais qui ne raconte pas tant de choses, d’autant qu’il prend pas mal son temps, pour ne pas dire que le côté contemplatif est un peu trop prononcé. Je garde donc un peu de marge au cas où la suite aille plus loin, soit plus efficace, et il me manque la puissance émotionnelle d’un Premier Contact pour lui accorder la note maximale, mais on tient clairement là l’une des œuvres de science-fiction les plus maîtrisées et captivante qui soit. Du très grand cinéma pour une histoire qui ne demande qu’à dévoiler tout son potentiel.

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Civil War


Civil War
2024
Alex Garland

En voilà un film que j’attendais ! Très fan du travail d’Alex Garland, j’avais réussi l’exploit de me protéger de toute forme de spoil, hormis bien sûr le fait qu’il serait question d’un futur d’anticipation où les Etats-Unis sombreraient dans la guerre civile. Avec un pays de plus en plus fracturé, si de surcroît les démocrates « gagnent » encore les prochaines élections, ce n’est plus une question de savoir si une guerre civile est imminente, mais de à quel point ça arrivera vite. Eh bien des mauvaises surprises, j’en ai eu un paquet, mais à ce point là, c’est affolant.

On ne saura ni pourquoi ni comment, mais visiblement les Etats-Unis ont sombré dans une guerre civile, et malgré que l’armée du pays soit la plus forte du monde, le gouvernement perd indubitablement la bataille, et ce n’est plus qu’une question de jours avant que le président soit tué. On suivra alors un groupe de journalistes (incluant Kirsten Dunst et Cailee Spaeny) qui vont se mettre en tête de traverser le pays pour avoir peut-être la toute dernière interview du président, ou à défaut une superbe photo de son cadavre.

Si de base le métier de journaliste est globalement un tas d’ordures fouille merde, le film met en avant une spécialisation si ignoble qu’on a du mal à y croire : photographe de guerre. Le principe est simple : être aux premières lignes d’un conflit, prendre des photos d’échanges de feux, de maisons détruites, de cadavres jonchant le sol, et pourquoi pas si on a de la chance, capturer le moment exact où une personne est abattue. Le degré ultime du voyeurisme le plus malsain imaginable, et quand en plus la personne se prend d’une fascination morbide ignoble, on tient là un sacré combo. Pire encore, il y a la façon de faire, car à vouloir se placer aux premiers rangs, en plein cœur de l’action, ils obligent ceux ayant un reste d’âme de faire un minimum attention à eux, et de leur insouciante va découler des dommages collatéraux, des gens morts par leurs fautes, sans que cela ne les affecte le moins du monde. C’est bien simple, l’équipe que l’on suit est tellement une bande de raclures irrespectueuse et sans une once d’humanité qu’on n’aspire qu’à une chose : échanger les rôles et qu’on puisse à notre tour se délecter d’un spectacle de mort, les leurs. Il est rare qu’une histoire me provoque un tel sentiment de rejet si massif, mais que ce soit les protagonistes, leurs histoires, leurs buts, les enjeux du film, tout me donne envie de vomir, attisant une violence latente, une haine de l’autre. Mon dieu que le passage avec Jesse Plemons est d’une stupidité révoltante ! Alors certes, visuellement le film est parfaitement maîtrisé, le budget étant conséquent on ne sent aucune limite, et techniquement il n’y a pas grand chose à redire, mais le fond est atrocement vide, avec des thématiques nauséabondes, pour ne pas dire criminelles. Un rejet viscérale de bout en bout pour ma part, et je ne vois pas comment on pourrait apprécier ce film à moins d’être complètement abruti ou profondément malsain.

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Godzilla Minus One


Godzilla Minus One
2024
Takashi Yamazaki

Alors que le monstre de Godzilla fut inventé en 1954 par le Japon, l’international aura surtout retenu les productions américaines, qui montraient un certain potentiel de divertissement, mais rien d’autre et sans jamais pleinement transformer l’essai. Mais les choses ont nettement changé avec ce nouveau long-métrage, revenant aux origines mêmes de sa création, avec un succès assez colossal tant en dehors des films d’animation, rares sont les films nippons à avoir su s’exporter : plus de 115 M$ dans le monde, dont un gigantesque succès surprise aux Etats-Unis avec 56 M$. Il faut dire que le film met une gigantesque claque à tout ce qui a été vu jusqu’alors, sur absolument tous les points.

Que veut dire « Minus One » ? Eh bien au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon était économiquement à l’appellation « -1 », c’est-à-dire qu’il ne pouvait pourvoir aux besoins de sa population, ni en eau, ni en électricité, ni en nourriture. Koichi est pour sa part un double rescapé, ayant tout d’abord fui sa mission de Kamikaze pendant la guerre, puis ayant fui face à l’attaque d’un dinosaure géant sur l’île d’Odo. De retour dans son village où tous ses proches sont morts, il va tenter de se reconstruire une vie avec une jeune femme et un bébé qu’elle a sauvé, mais le pays va s’apprêter à devoir faire face à une nouvelle menace : le dinosaure a bien grandi, et Godzilla va les replonger dans l’horreur.

Doté d’un budget de seulement 15 M$, même en prenant en compte que les salaires sont trois fois moindre au Japon qu’aux Etats-Unis, cela ne ferait tout de même que 45 M$ de budget, soit à titre d’exemple 125 M$ de moins que le dernier Godzilla américain. Et le moins que l’on puisse dire, sans même évoquer le scénario, c’est que visuellement il n’y a pas match : le niveau de destruction est bien plus dantesque, et surtout on croit à ce que l’on voit. Les décors sont palpables, réalistes, et même la créature est infiniment mieux modélisée, plus bestiale, avec une texture plus crédible. Il faut dire que la mise en scène aide beaucoup au grandiose, retranscrivant enfin le gigantisme d’un tel monstre. Les sonorités horrifiques peuvent également compter sur quelques compositions assez magistrales comme celle de la bataille finale. Mais parlons surtout de ce qui fait qu’on en a quelque chose à faire, que cette histoire nous touche : l’aspect humain. La détresse, la fierté, la combativité du peuple japonais force le respect, les acteurs sont excellents et on s’attache fort à cette famille recomposée dans la douleur d’un lendemain de guerre. Certains retournements se sentent venir, mais principalement parce qu’ils sont logiques, inévitables pour aboutir au parcours de rédemption du héros. J’ai eu peur plus d’une fois d’un élément potentiellement décevant, mais au final le film a systématique répondu à mes attentes sur le développement des personnages et leurs arcs narratifs. Le traitement des traumatismes de guerre, du syndrome du rescapé, la gestion de la culpabilité, tout est brillant. On a donc une utilisation très pertinente du monstre, comme à la toute base de son histoire, là pour faire écho aux horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, avec une mise en scène et des effets spéciaux dantesques, le tout au service d’une histoire émouvante où l’humain est au centre de tout.

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Pas de vagues


Pas de vagues
2024
Teddy Lussi-Modeste

Statut de fonctionnaire, donc sécurité de l’emploi et meilleur régime de retraite, salaire correct et surtout les quatre mois de vacances par an qui font rêver (si on ne compte pas la préparation des cours). Et pourtant, le métier de professeur est l’un de ceux ayant le plus fort taux de démissions et de suicides, traduisant des conditions de travail exécrables. Il est loin le temps où le professeur était respecté de tous, noble profession suscitant gratitude et admiration…

Jeune professeur encore plein de rêves et d’espoir, contrairement à la plupart de ses collègues qui essayent juste de survivre, Julien (François Civil) aspire à être plus qu’un surveillant laxiste jonglant entre les attaques physiques et verbales au détour d’une copie dont la correction passerait mal. C’est alors qu’il fit l’erreur de sa vie : vouloir sympathiser avec ses élèves, emmenant au kebab les plus méritants et travailleurs. De fait, deux filles de la classe non invitées vont pousser une de leur camarade à accuser leur professeur d’avoir des envies pas très légales à son encontre. Une escalade va alors commencer entre une réputation de pédophile montante, une spirale de voir le mal partout, des menaces de mort et une hiérarchie inexistante n’ayant qu’un seul mot d’ordre : pas de vague.

Ce n’est pas pour rien si en animation ou chez les professeurs / instituteurs, la propension de femmes est largement supérieur à la moyenne : qui dit contact avec des enfants, dit paranoïa de la pédophilie, et donc stigmatisation de la gent masculine. Il est difficile de faire correctement son métier avec la peur que chaque geste, chaque parole soit prise de travers, et à l’inverse, pour les femmes d’autres difficultés pèsent sur ce métier, à savoir s’imposer physiquement face à des élèves de plus en plus dissipés, agressifs voir violents. Il est donc primordial de mettre en lumière ce quadruple abandon : les élèves qui n’en ont plus rien à faire, leurs parents qui eux-mêmes n’ont aucun respect, la direction / académie qui brillera toujours par son absence, et encore la justice, que ce soit celle de police ou celle publique des réseaux sociaux, qui se rangera inévitablement du côté de ceux qui gueulent le plus fort ou se révélera juste complètement inefficace. La mise en abîme de ce système défaillant sur absolument tous les points est effrayant, avec une récompense inversement proportionnelle au mérite ou à l’implication. A l’image de la collègue pourrie jusqu’à la moelle et qui cachetonne comme une fonctionnaire, le monde dans son ensemble est à vomir et les gens semblent d’accord avec le fait de laisser couler, presque de se délecter du spectacle d’un pays en ruine, dansant autour du feu. Seul point dommage, outre la morosité assez dure à encaisser, c’est le choix – enfin pas vraiment comme le réalisateur raconte sa propre histoire – d’avoir fait du personnage principal un homosexuel. Les thématiques sont intéressantes et bien traitées, mais le souci c’est que cela écarte d’emblée toute forme d’ambiguïté, ce qui aurait pu apporter un peu de sel à la situation. Reste aussi un dernier point assez frustrant : l’affaire n’est pas vraiment réglée à la fin. C’est comme les traumatismes de la vie, ça ne disparaît jamais complètement, il faut apprendre à vivre avec.

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Cocorico


Cocorico
2024
Julien Hervé

On aurait pu croire à une mauvaise blague, et il fallait le voir pour le croire. Très souvent tous les deux cantonnés à des rôles de vieux réac dans des films de bons bobos conservateurs, les têtes d’affiche sont pour la première fois réunis ensemble, avec un film au nom bien français et au sujet dont on peine à croire qu’il fasse l’objet d’un film aujourd’hui : le test ADN pour découvrir « ses origines », une énorme arnaque au fondement scientifique inexistant, effet de mode aussitôt sorti aussitôt oublié, qu’on pensait enterré depuis des années, voir une décennie complète presque.

On trouve toujours plus gros poisson. Fier concessionnaire que 99% des gens jalouseraient entre son train de vie aisé, son énorme maison et sa voiture flambant neuve, Gérard (Didier Bourdon) et son épouse (Sylvie Testud) font bien pale figure face aux parents de la fiancée de leurs fils : Frédéric Bouvier-Sauvage (Christian Clavier) et sa femme (Marianne Denicourt) sont ducs du plus grand domaine d’Aquitaine, châtelains n’ayant rien à envier aux rois d’antan. Pour animer la rencontre, leur fille va avoir l’idée de proposer à tous un test ADN fait en cachette, loin de se douter que cela aller remettre en cause tous leurs fondements.

Face à un casting presque parodique tant les compères incarnent inlassablement les mêmes vieux bougons bourgeois, un concept qui sent fort la naphtaline tant l’arnaque des tests ADN est retombé comme un soufflet, mais aussi l’étonnant succès commercial, établi sur la durée avec un maintient excellent, je nourrissais l’espoir d’un petit miracle à la Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? qui arrivait à faire rire et se montrait très efficace dans l’ensemble. Malheureusement, rien de comparable ici, et malgré un début assez prometteur avec un snobisme et un jeu de petites piques assassines assez jouissives, le film met trop de temps à démarrer, tournant bien trop longtemps autour du pot, pour un résultat proche de la catastrophe. Rien n’est crédible, ni les engueulades exacerbées, ni les réactions démesurées. Sérieusement, qui en a quelque chose à faire de ses origines en 2024 ? Surtout s’il s’agit d’arrières grands-parents qu’ils n’ont jamais côtoyé. Certes, l’exagération peut être un ressort comique, mais là ça en devient juste lourd et incohérent. Autant un snobisme outrageant comme au début, j’y crois fort, autant la lourdeur de blagues tournant vite en rond, et surtout le brutal changement de personnalité juste pour des chiffres dénués de sens sur un papier stupide, ça me sort complètement. En vrai il n’y avait probablement pas grand chose d’intéressant à en faire, et on ne retiendra que deux vieux privilégiés en surpoids, accompagnés de femmes sveltes et ayant toutes deux une quinzaine d’années de moins (au point d’avoir autant d’écart avec leurs maris que leurs enfants), se gueulant dessus dans un château d’une splendeur incroyable.

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Argylle


Argylle
2024
Matthew Vaughn

Voir des catastrophes industrielles pareilles, même si le phénomène a tendance a être de plus en plus récurrent, ça reste assez spectaculaire. Malgré un réalisateur de renom qui avait d’ailleurs fait ses preuves dans le genre de l’espionnage avec sa saga Kingsman, malgré un casting absolument débile et un budget non moins délirant de 200 M$, un choc dont j’ai mis des mois à m’en remettre, cherchant inlassablement des sources alternatives déclarant un budget plus réaliste dans les 60-80 M$, ce cas d’école est hors compétition. Car justement, il n’en a eu aucune : pas un film à plus de 10 M$, ni la semaine précédente, ni la semaine de sa sortie, ni la semaine suivante. Un désert absolu, et même malgré ça le film fut un four abyssal : pas même 100 M$ dans le monde, un risible 96 M$ final. C’est bien simple, en enlevant les frais de distribution, le film n’a même pas épongé sa campagne promotionnelle située dans les 50-100 M$, soit entre 200 et 250 M$ de pertes, lui assurant directement une belle place sur le podium des pires échecs de l’histoire, rien que ça. Un résultat qu’il faut en revanche modérer : le film fut disponible en simultané en paiement premium AppleTV à 30$ et aurait été le plus gros succès de tous les temps pour la plateforme, donc il est possible que l’opération y fut plus rentable que la sortie cinéma. Reste que l’échec m’avait surpris au plus haut point, trouvant le projet amusant et ayant pleine confiance en l’équipe la produisant. Comme quoi, ne jamais se fier à ses premières impressions.

Quelle est la réalité et la fiction ? Autrice d’une saga littéraire d’espionnage à succès, Argylle, Elly Conway (Bryce Dallas Howard) va plonger malgré elle au cœur des histoires qu’elle raconte : un certain Aidan (Sam Rockwell) va débarquer dans sa vie, lui expliquant qu’elle est en danger car, à l’image de ses romans, une agence secrète qui voit d’un mauvais œil que toutes ses inspirations fictionnelles s’avèrent vraies, craint pour son avenir puisque le prochain roman à paraître va justement les exposer au grand jour. Elle qui fantasmait de grandes aventures périlleuses, elle va se retrouver en plein dedans.

Quand la réalité rattrape la fiction, c’est un concept très vieux au cinéma, rien de neuf à l’horizon, mais ça permet de créer une proximité avec le protagoniste, renforçant le côté exceptionnel d’une telle histoire. Pas incroyable, mais gageur, d’autant plus en prenant en compte le caractère démentiel du casting : Bryan Cranston, Henry Cavill, Dua Lipa, John Cena, Sofia Boutella, Ariana DeBoose, Richard E. Grant, Catherine O’Hara ou encore Samuel L. Jackson. Malheureusement, une bonne partie ne dépasseront pas la scène d’introduction, ou si peu, créant une certaine frustration tant la comparaison des deux réalités est vite oubliée. Le côté action / aventure sera aussi à relativiser, la faute à un style épileptique, maladroit, rendant chaque scène d’action illisible ou immonde, et globalement – ce qui est affolant pour une production à 200 M$ – on a tout le plus grand mal du monde à croire à ce que l’on voit, criant au fond vert dégueulasse toutes les deux secondes. Mais surtout, surtout, il va falloir parler de ce qui fâche : le scénario. C’est un bordel sans nom, à base des pires poncifs que je croyais illégaux avec le temps. On échappera à rien, que ce soit l’agent double, triple, quintuple, le en fait c’est vrai, en fait c’est faux, même le coup de l’amnésie, tout y passe. Les personnages, les enjeux, qui est qui, tout est constamment bousculé, modifié, redistribué, puis en fait non, et ça pendant l’intégralité du film. Imbitable, mal branlé. Un projet bien trop éparse, un calvaire à suivre, pour du divertissement même pas réussi. Juste usant.

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Quatre mariages et un enterrement


Quatre mariages et un enterrement
1994
Mike Newell

Autre grand classique du genre, le film a-t-il su garder le même attrait avec le temps ? Il faut dire qu’en trente ans les mœurs ont changé, et même si les 244 M$ de l’époque donnent le tournis avant même l’inflation qui a pratiquement doublé, c’est dire, on restait dans une époque assez proche de l’ère hippie et ses relations débridées, pas vraiment compatible avec la notion de « romantisme ».

Quand un salop rencontre une énorme salope. Célibataire endurci qui multiplie les conquêtes sans jamais s’engager, Charles (Hugh Grant) va pourtant tomber fou amoureux d’une invitée au mariage de l’un de ses meilleurs amis. Une américaine incendiaire à la réputation sulfureuse : Carrie (Andie MacDowell). Mais quand il la reverra au mariage d’un autre ami, elle viendra accompagné de son fiancé. Mais comme on dit, c’est pas parce que y’a un gardien qu’on peut pas mettre de but…

J’avais été quelque peu choqué du libertinage éhonté en prologue de Notting Hill, mais c’est clairement d’un autre niveau ici. On parle de tromperie, d’abord à moitié innocente, puis totalement coupable quand Charles décide de poursuivre ses avances malgré la présence du fiancé, qui ne gêne pas plus celle qui s’est engagée. On assistera même à une escalade de la dégueulasserie à qui fera le plus de mal aux gens autour juste pour continuer une liaison qui ne repose sur rien d’autre que de la pure attirance physique. Vraiment le degré zéro du romantisme. Seule la meilleure amie incarnée par Kristin Scott Thomas apportera une petite nuance poétique, mais ça ne sera pas traité. Reste alors un défilement éreintant de quatre mariages et un enterrement où les protagonistes n’existent pas en dehors de ces événements extrêmes. Quelques passages comiques font mouche, on se délectera notamment de l’énergie chaotique de la grande folle barbue, digne de Dionysos, mais le reste est surtout lourd, limite indigeste. L’aspect romantique est complètement raté, et ne reste alors qu’une comédie un peu amer et pas souvent efficace.

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Coup de foudre à Notting Hill


Coup de foudre à Notting Hill
1999
Roger Michell

Classique de la comédie romantique, le film était le point culminant du genre, avant qu’il se ringardise peu à peu, ou plutôt que les gens se rendent compte que l’histoire est à chaque fois peu ou prou la même, et quand y rajouter trop de mélodrame rend l’exercice systématiquement raté car contre-productif, se renouveler tient du miracle, qui heureusement arrive encore de temps à autre. Quand on voit qu’aujourd’hui on célèbre des réussites inespérées comme Tout sauf toi qui a tout juste atteint la barre des 200 M$, meilleur score du genre depuis plus de cinq ans, savoir qu’à l’époque le film a totalisé 364 M$, soit plus d’un demi-milliard avec l’inflation, on voit à quel point les choses ont changé.

La vie est pleine de surprises. Gérant d’une librairie spécialisée sur les guides de voyage, William Thacker (Hugh Grant) va voir un beau jour débarquer dans son magasin ni plus ni moins que la plus grande star de la planète, l’actrice américaine Anna Scott (Julia Roberts). Une charmante rencontre, qui se réitérera une seconde fois le même jour, renversant un jus d’orange sur la pauvre, les deux étant perdus dans leurs pensées. Va alors naître une tumultueuse romance qui mettra la patience de William à l’épreuve.

Du fantasme à la réalité. Tout le monde fantasme inlassablement sur des stars inatteignables, et le film va avoir l’idée de nous plonger dans ce rêve, tout en le démystifiant. Immense star ou non, cela reste des personnes normales, avec d’ailleurs souvent plus de défauts que la plupart des autres, souffrant du syndrome « le monde à leurs pieds », perdant toute notion de normalité et s’imaginant qu’ils peuvent jouer avec tout et tout le monde. Car oui, cette histoire ne démarrera pas sous les meilleurs hospices, la fameuse Anna étant ce qu’on pourrait qualifier communément d’énorme salope, puisqu’entamant une idylle avec l’élégant britannique, alors même qu’un fiancé (Alec Baldwin) l’attendait. Va ensuite se poursuivre un jeu de toxicité, entre le mortel ne pouvant oublier sa déesse, et cette dernière hésitant à assumer une liaison avec un homme banal. Pas vraiment une « belle romance », loin s’en faut, mais le film est tout de même très réussi. Déjà le duo d’affiche est parfait, Hugh Grant représentant le flegme britannique dans toute sa splendeur, entre noblesse et immobilisme candide, et Julia Roberts est magnifique, avec quelques moments touchants qui font tomber son masque de star snobe et insupportable, nous permettant de comprendre l’attachement du prétendant. Ils sont également entourés de seconds rôles attendrissants (incluant Hugh Bonneville et Rhys Ifans), ayant tous leur folie et leurs fêlures. Et globalement, si on se lasse des trop nombreuses embuches, l’écriture est plutôt bonne, drôle avec quelques répliques marquantes. Difficile de ne pas comparer avec le film miroir, Le Come-back, autrement plus mignon dans sa romance, plus efficace dans son humour, et avec cet aspect musique créant aussi des enjeux narratifs, plus discrets ici en dehors de la romance. Un classique qu’on appréciera surtout pour sa fin et la nostalgie l’entourant.

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The Kissing Booth 3


The Kissing Booth 3
2021
Vince Marcello

Enfin fini avec cette saga dont seul le tout premier était sympathique car il se contentait d’être juste du pur divertissement totalement superficiel, il n’essayait pas vainement de créer des rebondissement artificiels basés sur du drame éculé et poussifs. Après un second opus qui singeait l’insipide triangle amoureux de Twilight 2, voilà cette fois un quasi plagiat de l’interlude d’été à la American Pie 2, mais sans s’approcher un instant de son efficacité comique ou de la pertinence de ses propos.

Parce que dans la vie on est jamais assez riche, les parents de Noah (Jacob Elordi) et Lee (Joel Courtney) vont décider de vendre leur maison secondaire sur la côte, un crève cœur également pour Elle (Joey King) qui avait prit l’habitude de taper l’incruste. Un dernier été pour profiter, d’autant qu’elle doit faire le choix entre l’amitié et l’amour quant à ses études, Harvard avec Noah ou Brooklyn avec Lee.

Malaise le film… On dirait que les scénaristes, en pleine dépression, se sont amusés à tout détruire, que ce soit les amours, les amitiés, même les liens familiaux, en faisant agir tout le monde comme des débiles, faisant systématiquement les pires choix qui blesseront le plus les autres, avec un talent inouïe pour l’autodestruction. Les pires timings, les pires réactions, les plus lourdes conséquences. L’été magique, censé être le plus mémorable, va virer au carnage, où personne n’en ressortira grandi, avec toujours cette lutte à contre-courant pour ne surtout grandir. Pire, aucune leçon des erreurs passées ne sera retenue, le tandem Lee / Elle, qui avait failli saborder au point de non retour leurs relations à cause du manque d’investissement envers leur moitié, refera inlassablement les mêmes erreurs. On soupire fort… Ca n’est pas le prologue six ans plus tard qui sauvera les meubles : on ne guéri jamais de nos blessures, on apprend juste à vivre avec. En plus, le film ne fait vraiment aucun effort, seule Elle changera un peu son apparence, mais pas les autres, pas une mèche de bougée en six ans. Ridicule. Petit mot également sur Jacob Elordi, qui ne s’est jamais caché d’avoir fait les films pour l’argent et rien d’autre. Eh bien difficile de plus cachetonner que lui dans ce film : sa présence est fantomatique, pas le moindre effort ni once d’émotion. Si le but était de créer de la tension dramatique ou renforcer l’attachement émotionnel en partageant la détresse des protagonistes, c’est un immense ratage, on a juste l’impression de voir des petits cons faire n’importe quoi à un degré peu crédible. La base même de toute chose, le socle de la vie elle-même est l’amour, tout en découle, tout repose dessus. Bien sûr après vient les besoins matériel, l’amitié, puis éventuellement l’épanouissement professionnel pour les plus chanceux, mais à partir du moment où l’on a conscience de ne pas pouvoir profiter pleinement de la vie si l’on a personne avec qui la partager, ne pas en faire une absolue priorité est une connerie sans nom. De très gros soucis d’écriture, une tournure dramatique qui ne prend pas, pour au final une saga au raz-des-pâquerettes qui n’aura eu de cesse que de s’enfoncer dans les méandres de la créativité.

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