Marjorie Prime

Marjorie Prime
2017
Michael Almereyda

Qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains ? Qu’est-ce qui nous identifie en tant qu’individu ? Somme nous simplement la somme de nos souvenirs et de nos émotions ? Si tel était le cas, suffirait-il de copier ces données et les implanter dans une machine pour nous redonner vie sous une autre forme ? Ou peut-être est-ce une manipulation des intelligences artificielles pour qu’on leur donne plus de crédit que ce que l’on devrait, leur permettant ainsi d’immiscer le doute et potentiellement prendre un jour le pouvoir.

Le film se déroule dans un avenir assez proche (aux environs de 2070 d’après diverses informations) alors qu’une nouvelle technologie a fait son apparition : les primes. Intelligence artificielle évolutive, elle se sert d’hologrammes pour redonner vie à des personnes disparues. Souffrant de la solitude et pleurant toujours la mort de son mari (Jon Hamm), Marjorie, une vieille femme elle-même non loin du trépas, a choisi de s’offrir les services d’un prime pour retrouver son Walter, lui donnant même l’apparence de sa grande époque, au début de leur relation. Pas très à l’aise avec cette simulation s’efforçant au mieux d’être ce qu’elle n’est pas, la fille de Marjorie (Geena Davis) et son époux (Tim Robbins) vont néanmoins y trouver un miroir à qui se confier.

Le jour où on ne pourra plus faire la distinction entre l’homme et la machine sera le jour de notre extinction, à moins que ça ne soit l’inverse. Que se passerait-il si les machines elles-même n’étaient plus conscientes de ne pas être humaines ? À vouloir les faire à notre image, c’est exactement ce qu’il se passe, dotant que basées sur trois valeurs les y incitant : l’écoute, la compassion et l’apprentissage. En plus d’apporter une vision intéressante sur le besoin de survivre dans la mémoire d’autrui, le film aborde quelques thèmes existentiels passionnants, les traitant en plus avec une certaine douceur, voir poésie. Malheureusement, en tant que film en lui-même le résultat est loin de pleinement convaincre. La réalisation est minimaliste, le traitement de l’image pauvre, le rythme somnolant et certaines transitions passent mal, perdant durant quelques minutes le spectateur, ne comprenant pas toujours ce qu’il vient de changer. Une brillante idée intelligemment traitée, mais difficile pour autant de s’en satisfaire entre un concept étiré jusqu’à épuisement et une mise en forme trop faible.

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Max

Max
2015
Boaz Yakin

Après deux ans d’attente, ce joli succès qui a plus que doublé son budget sur le seul territoire américain est arrivé en France directement dans les bacs en même temps qu’une pseudo suite du même acabit que les Home Alone 3 et 4 ou les 5 suites de Beethoven à partir du troisième « opus ». Un dédain inquiétant de la part des distributeurs, finalement assez largement injustifié.

Déjà que la fibre patriotique est énorme aux Etats-Unis, grandir dans une famille où le patriarche est un héros de guerre ne pouvait conduire Kyle  (Robbie Amell), le fils aîné, qu’à devenir un militaire et espérer y faire ses preuves. Devenu maître chien et déployé en Iraq, il tombera malheureusement au cours d’une mission, prit dans une embuscade. Malgré tous ses efforts pour prévenir les troupes et sauver son maître, son fidèle chien Max ne se remettra jamais de sa perte, sombrant dans une grave dépression. Incapable de servir sur le front, il sera confié à aux parents de Kyle (Thomas Haden Church et Lauren Graham) et à son frère, espérant y trouver une nouvelle raison de vivre.

On parle souvent des hommes qui risquent leurs vies, mais jamais assez des compagnons canins ou équidés qui ont sacrifié tant des leurs pour nous aider. Si le film est ultra classique entre la teen romance, les méchants dangereux, le chien-chien super gentil mais qui se fait rejeter par le père suite à des malentendus l’incriminant, les moments de stresse où on se dit que le monde est trop injuste et compagnie, le postulat de départ donne plus d’impact. Comme d’habitude, les jeunes sont cons mais voient clair tendis que les adultes se vautrent dans leurs certitudes et leurs principes qui font qu’ils ne se remettent jamais en question. Du basique à outrance, mais une fois encore le chien est adorable, les acteurs sont plutôt bons, le personnage de Carmen est génial et les décors sont sympas. Du film familial classique avec sa mascotte choupi, mais pourtant ça continue de marcher et on en ressort jouasse.

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Wonder Woman

Wonder Woman
2017
Patty Jenkins

Apparue dans l’affrontement de Batman V Superman, la guerrière amazone a enfin droit à son film solo introductif. Et rien que ça c’est problématique. Possédant les DC Comics, source de super-héros au moins aussi riche que celle des Marvel de Disney, la Warner a voulu copier le phénomène des Avengers, mais sans reproduire la stratégie qui en a fait un succès si retentissant. Avant de faire un quelconque rassemblement, il y a eu pas moins de cinq films, dont quatre introductions de protagonistes majeurs. Un seul film de moins avant la Justice League me diriez-vous donc, mais non seulement Suicide Squad est un épisode à part, mais en plus BvS avait déjà des allures de Justice League en réunissant ses trois piliers principaux et n’avait que Man of Steel en guise d’introduction à l’univers. Le tout donnait l’impression d’une création de franchise à l’arrache, plaçant hasardeusement ses films sur le calendrier. Pas de quoi être serein donc malgré deux premiers films très bons vu le naufrage du spin-off censé être sur des « méchants », surtout avec toute la promo féministe autour du film et la crainte de se retrouver face à un insipide Captain America bis, mais on tient finalement là l’un des meilleurs films de super-héros de la décennie.

Fille de Zeus et de la reine des Amazones (Robin Wright), la princesse Diana (Gal Gadot) a grandi à l’écart du monde dans leur royaume, se préparant au jour où le vil Arès, dieu de la guerre, refera surface pour répandre sa haine sur les hommes. Lors de l’été 1918, le monde entra en contact avec leur île pour la première fois : pourchassé par les allemands, le pilote américain Steve Trevor (Chris Pine) s’échoua sur l’île, leur apportant la nouvelle d’une guerre mondiale terrible ayant déjà plusieurs dizaines de millions de morts. Persuadée que derrière le général allemand Ludendorff (Danny Huston) se cache Arès, Diana va décider de partir avec Steve pour mettre fin à ses agissements.

Voilà près d’un siècle que Diana est devenue la Wonder Woman, soit autant d’histoire palpitantes à raconter, d’autant que le premier super-héros de la Justice League à être entré en action après elle est Batman, probablement arrivé il y a seulement une vingtaine d’années, ce qui fait de Diana la seule défense de l’humanité pendant au bas mot 80 ans, lui donnant ainsi une légitimité totale quant à être la seule intervenante. Raconter ses origines était un passage obligé, mais choisir de replacer cet événement durant la Première Guerre Mondiale est original, détonnant d’autant plus qu’aucune femme n’avait de position sociale élevée à l’époque. Meilleure combattante et princesse de son royaume, elle va débouler dans le vrai monde comme un bulldozer qui ne se laisse pas faire, arrivant aussi avec une naïveté extraordinaire. Une femme forte mais qui ne connait la vie que d’un point de vue théorique et idéaliste, créant bien des situations comiques de par sa soif d’apprendre et de tout découvrir. Elle fera montre d’une maladresse touchante, montrant que derrière sa force colossale et ses pouvoirs se cache une jeune femme exaltée et passionnée. Comme dans Première sortie et Un Monde entre nous, le film tire tout le potentiel comique et dramatique d’une telle situation, lui conférant par moments une certaine légèreté. Un style efficace, une histoire solide, des personnages forts, un casting prestigieux (incluant David Thewlis), une bande-son très réussie avec un thème mémorable, une réalisation et des effets-spéciaux propres : un sans-faute. Les femmes peuvent effectivement se réjouir puisque non seulement un blockbuster d’envergure a fait le pari de mettre une héroïne à la tête d’un film, chose rarissime, mais en plus le film s’avère être une immense réussite artistique et technique.

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The Last Girl – Celle qui a tous les dons

The Last Girl – Celle qui a tous les dons
2017
Colm McCarthy

Un genre n’est figé que si personne n’est décidé à le faire changer. Quand on parle de zombies, les gens pensent immédiatement au style horrifique ou aux films d’actions bourrins où ça dézingue à tout va, mais pourtant ça peut être tellement plus. Bienvenue à Zombieland nous montrait le potentiel comique du sujet tandis que Warm Bodies prouvait qu’une romance décalée avait tout à fait sa place. Cette fois le but n’est pas de casser les codes mais de les faire évoluer avec une nouvelle approche.

On l’oubli souvent, mais dans notre histoire c’est la nature qui a causé le plus de morts parmi les êtres humains entre les différentes maladies. Une fois de plus, la nature s’est retournée contre nous : la prolifération des perturbateurs endocriniens ont donné naissance à un champignon capable de prendre possession des hôtes pour qu’ils attaquent les non-infectés, pouvant répandre les germes via les sécrétions corporelles (sang, salive, sexe). Avant de comprendre ce qu’il se passait et d’où venait la menace, l’écrasante majorité de la population fut contaminée et les quelques survivants se sont terrés dans des bunkers militaires. En Angleterre, dans la base du sergent Eddie (Paddy Considine), le docteur Caldwell (Glenn Close) travaillait sur un vaccin, se servant pour cela d’un type de cobaye très particulier. En effet, les fœtus de mères infectées ont développé une symbiose avec le champignon, étant à la fois contaminés et toujours conscient d’eux-même selon les apparences. Pour les militaires et l’équipe de recherche les enfants ne sont plus des humains et leur comportement « normal » n’est qu’un mécanisme de défense du champignon, mais malgré la mise en garde le professeur Justineau (Gemma Arterton) va tout de même se lier d’amitié avec l’une des enfants dont elle gère l’éducation. Suite à une attaque d’infectés sur la base, le sergent Eddie, deux de ses hommes, le docteur Caldwell, madame Justineau et sa jeune protégée vont se retrouver à devoir survivre seuls dans une zone non sécurisée et hautement dangereuse.

L’approche du film est très originale et ressemble beaucoup à celle des Âmes Vagabondes où l’invasion extraterrestre se faisait par prise de contrôle d’un hôte humain. Ici le concept est adapté à une épidémie planétaire transformant en zombie, avec en prime l’incertitude de la réalité de conscience des personnes pouvant très bien être le fruit d’une évolution conjointe. Si l’enfant n’a pas conscience de la menace, il ne cherche pas à lutter contre, expliquant peut-être la différence, mais il est aussi possible que le champignon est lui-même une conscience, agissant soit à la place de l’enfant ou au contraire l’aide t-il à s’épanouir en choisissant délibérément de le laisser maître de son corps. Impossible de trancher sur la question puisque la communication passe toujours par un hôte, mais le film semble plutôt prendre partie pour l’une des possibilités. Plus encore, le film a imaginé une autre solution de survie pour le champignon face à des hôtes pouvant mourir faute de nourriture (à force de se bouffer les uns les autres les non-infectés se font rares), et l’idée est une véritable trouvaille logique et implacable en plus d’être visuellement géniale. Côté visuel le film est excellent d’ailleurs, ayant trouvé des villes entières, complètement abandonnées et où la nature a reprit ses droits depuis longtemps, nous offrant des décors saisissants. Même en terme de réalisation le film fait clairement le boulot avec quelques séquences bien sympas. Et puis bien sûr il y a le scénario. Si on prend séparément chaque idée ça n’a rien de révolutionnaire, mais l’enchevêtrement des thèmes est efficace et souvent surprenant. Très bonne surprise donc, arrivant à apporter une vision fraîche et profonde à un sous-genre injustement snobé par les simples d’esprit.

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Ce Qui Nous Lie

Ce Qui Nous Lie
2017
Cédric Klapisch

Le vin, le terroir, c’est toute notre culture française, notre patrimoine. Alors forcément, de temps à autre le cinéma s’empare du sujet, soit pour s’en servir de cadre pour raconter une histoire, soit pour parler de la passion de certaines personnes pour l’art viticole. Enfin bien sûr, on est en France et on ne sait presque rien faire sans y rajouter un drame social ou familial, spécialité du réalisateur Cédric Klapisch qui aime confronter ses personnages à des situations inconnues ou difficiles.

Aîné d’une famille de vignerons, écrasé par la pression et se sentant indésirable, Jean (Pio Marmai) était parti faire le tour du monde et n’était jamais revenu. De passage pour dire au revoir à son père sur son lit de mort, il va retrouver sa sœur (Ana Girardot), gérant tant bien que mal les terres de la famille, ainsi que son frère (François Civil), devenu quant à lui sous-fifre de son beau-père, lui aussi vigneron. Face à des créances de droits de succession intenables et les problèmes de chacun, la terre qui les lie pourrait bien se retrouver menacée.

Avec le recul, le film me fait un peu penser à Interstellar : incapable de se satisfaire de sa vie, un homme part chercher un sens à son existence à l’autre bout du monde, pour au final vivre en étant obnubilé par ses fantômes du passé. La grande différence c’est qu’ici il a réellement trouvé un sens à l’autre bout du monde, tout en ayant l’occasion de renouer avec ce qu’il avait perdu. Ainsi, l’entièreté de sa mission n’est pas veine, constatant au final qu’il avait déjà sauvé l’humanité avant de partir (paradoxe de la boucle), que la colonisation sur la dernière planète n’a aucun sens dans la mesure où le grand amour de Brand – censé s’y trouver – est déjà mort et que l’humanité a eu droit à son plan A, constatant à son retour que sa raison de vivre est agonisante (donc pas de retrouvailles mais des adieux), perdant ainsi la seule chose pour laquelle il s’est battu et pour laquelle on méritait de se battre. Un non sens au même titre que le plan B, puisque non seulement le projet de partir avec une seule mère porteuse est une aberration (si elle meurt en couche le projet tombe à l’eau, et mieux vaut n’engendrer que des filles le premier siècle car il faut rapidement penser aux prochaines gestations), mais en plus à quoi bon sauver l’humanité si c’est pour perdre les raisons pour lesquelles on voulait qu’elle survive ? Oui, effectivement, j’ai revu ce chef d’œuvre de la SF. Mon respect pour le travail accompli est toujours aussi immense, mais je reste en profond désaccord avec nombre de points du scénario, notamment toute la fin, ses paradoxes et ses désillusions.

Tout ça pour dire qu’on en revient toujours à la même conclusion : le seul et unique but ou sens de la vie est d’aimer et d’être aimé. Trouver sa place, ce n’est pas trouver où vivre, mais avec qui vivre. Après c’est sûr, matérialiser les lois de la physique avec brio, inventer un univers post-apo avec un aventure spatiale colossale et une petite fille qui vous fait fondre en larmes, ça a tout de suite plus de gueule que deux frères et une sœur faisant les vendanges. En parlant de frère, on en parle du pauvre frère de Murphy ? Alors que pendant 20 ans il était le seul à envoyer des messages à son père, ce dernier ne pensera jamais à lui et ne demandera même pas de ses nouvelles avant de faire une seconde fois ses adieux à la civilisation. Certes, il est sous-entendu qu’il est mort depuis le temps, mais quelle a été sa vie post évacuation ? Le choix de la version adulte de Murphy est aussi très discutable, jouant la carte de la femme forte, perdant la fragilité et l’émotivité désarmante de sa jeunesse. On dit que les roux n’ont pas d’âme, eh bien pour le coup ça m’a fait l’effet de perdre l’essence de cet amour source de toute chose. Qu’importe le temps qu’il nous est imparti, il vaut toujours mieux un instant de bonheur qu’une éternité de malheurs. Qu’importe que la Terre soit condamnée tant que je meurs dans les bras de l’être aimé. Pardonnez-moi pour cet aparté, car le film n’a pas démérité, mais quand chaque pensée vient vous hanter, vous n’avez de choix que de l’expulser. L’expression est une libération, la critique symptomatique, la rime c’est pour la frime.

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Je ne suis pas là pour être aimé

Je ne suis pas là pour être aimé
2005
Stéphane Brizé

Voilà un titre on ne peut plus vrai. Pas loin d’être le métier le moins aimé du monde, Jean-Claude Delsart (Patrick Chesnais) est un huissier de justice, celui qui vient prendre vos biens pour payer vos dettes en cas de décision de justice suite à de multiples défauts de paiement. Une vie professionnelle peu engageante, mais sa vie privée est encore moins jouasse. Lui qui fut lui-même obligé de reprendre le cabinet familial, il s’apprête à obliger son propre fils à vouer sa vie au malheur des autres, sa vie sentimentale est inexistante et ses seules sorties en dehors du travail sont pour rendre visite à son père, vieil homme acariâtre et infecte avec tout le monde, surtout lui. Un beau jour, il va apercevoir par sa fenêtre un cours de tango et se dire pourquoi pas. De son côté, Françoise (Anne Consigny) préparait son mariage et s’était inscrite au cours pour ne pas être ridicule devant ses convives, mais impossible d’y traîner son fiancé (Lionel Abelanski) accaparé à écrire son roman. Jean-Claude et Françoise vont donc faire connaissance grâce au tango, échappatoire à leur morne quotidien.

Le cinéma peut avoir bien des buts. Offrir un pur divertissement, apporter un point de vue sur une question de société ou sur l’histoire, nous faire voyager, frissonner, réfléchir ou ressentir des choses, mais il existe un type de cinéma assez particulier et très représenté en France : le drame social ennuyeux. Le but est de nous faire découvrir des personnages dépressifs à la vie morne et pathétique, non sans rappeler celle du spectateur. La proximité rend l’empathie immédiate, mais il n’est pas forcément bon de rappeler la détresse du spectateur, qui cherche plus souvent à s’évader qu’à être ramené à la réalité sans qu’on ne lui apporte de réelle piste de réflexion ni de vague semblant de solution. Pire, la construction du film est archaïque, piochant allègrement dans les clichés les plus éculés, allant du fameux discours courageux présenté devant une chaise vide, ou encore le coup du « je m’en fout mais en fait j’ai quand même tout gardé », histoire de montrer de façon éculée et gnangnan que derrière la carapace se cachait un cœur. Si les prestations sont honorables et les personnages attachants, l’écriture manque beaucoup trop de profondeur pour permettre au film d’avoir un quelconque impact.

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#Chef

#Chef
2014
Jon Favreau

On ne peut pas peser un bon quintal sans s’intéresser un minimum à la nourriture, et durant trois ans l’acteur / réalisateur Jon Favreau avait animé une émission de télé culinaire. Le voilà cette fois à la tête d’un long-métrage sur le sujet qu’il a lui-même réalisé, écrit et où il campe le personnage principal, celui de Carl Casper, chef cuisinier d’un restaurant classique et particulièrement côté, appartenant au très dirigiste Riva (Dustin Hoffman). Une excellente place, mais n’ayant aucune liberté sur les menus, son art culinaire se mourrait, et le jour où un critique de renom (Oliver Platt) va descendre en flèche son absence totale de prise de risque et d’imagination, il va tout plaquer et se remettre en question, l’occasion pour lui de se redécouvrir créativement et surtout de se rapprocher de son fils qu’il délaissait depuis quelques temps.

C’est vrai pour à peu près toute forme d’art, la structure et la routine cassent l’inspiration, et quelle que soit la situation il est toujours bon de se remettre en question. Voyage touristique, culinaire et spirituel, le film véhicule donc de bonnes valeurs dans une ambiance festive malgré le poids ineffaçable de la dure réalité. Le film décolle d’ailleurs vraiment quand le héros décide d’ouvrir son esprit et accepte enfin la proposition de l’ancien compagnon de la mère de son fils, homme d’affaire incarné par nul autre que Robert Downey Jr. Question casting le bougre se fait d’ailleurs sacrément plaisir, puisque non content que de fricoter avec Scarlett Johansson, il se paye en plus Sofia Vergara pour camper la mère de son fils. Actrice personnellement vue à une seule autre occasion où elle servait de morceau de viande vulgaire, elle trouve ici un rôle sensible et sensuel, montrant qu’en plus d’avoir un corps de rêve elle possède aussi un charme ahurissant et une classe folle. Mais une déesse pareille ne fait pas à elle seule le film, dans l’ensemble plutôt plan plan et trop superficiel, même son approche des réseaux sociaux caressant trop le spectateur dans le sens du poil. Si on s’amuse par moment et que la passion culinaire est joliment communiquée, il manque ce soupçon de poésie qui aurait pu le démarquer.

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Baby Driver

Baby Driver
2017
Edgar Wright

Pas disponible cet été pour aller voir ce film en salle, j’attendais avec impatience le nouveau long-métrage du génial Edgar Wright qui jusqu’alors enchaînait les sans-faute. Même son projet avorté Ant-Man transpirait son génie et le film est tout simplement le Marvel le plus drôle, bien qu’il aurait probablement été encore meilleur s’il était resté attaché au projet jusqu’au bout puisque les scènes d’actions rajoutées par le studio étaient plus dommageable qu’autre chose. Entre des critiques extrêmement positives et un succès colossal au box office, plus du triple de son précédent record, l’excitation était à son comble et j’attendais beaucoup de ce film. Beaucoup trop.

Orphelin qui a dû apprendre très jeune à se débrouiller, Baby (Ansel Elgort) a un jour volé la mauvaise personne : Doc (Kevin Spacey), cerveau d’un gang de braqueurs. Depuis, pour racheter sa dette, il officiait comme chauffeur pour lui, s’étant découvert un talent au volant. Une dernière mission et c’était fini pensait-il, mais on ne se sépare pas comme ça de sa patte de lapin dont dépend la poule aux œufs d’or.

Après une invasion de zombies, une ville de dégénérés, des alcooliques face à des extraterrestres et un super-héros braqueur, on s’étonne de voir le réalisateur en venir pour la première fois à quelque chose de très classique. On trouve là un héros lambda, pas mauvais de nature et qui se retrouve contre son gré mêlé au banditisme. Trois ans après Les Gardiens de la Galaxie, on retrouve encore un héros nostalgique qui pleure sa maman et qui écoute de vieilles musiques intradiégétiques, justifiant une bande-son assommante par le besoin de couvrir le sifflement des acouphènes dudit protagoniste. Un matraquage sonore quasi non-stop qui devient vite pénible, d’autant que le mixage sonore laisse à désirer. Côté motivations on a encore et toujours le proche handicapé et la belle demoiselle pour qui on ferait l’impossible : Debora (Lily James). Bien que je sois complètement amoureux de l’actrice et que sa présence m’enthousiasme au plus haut point, elle n’en reste pas moins un enjeu classique. L’écriture est paresseuse, l’ambiance funky déjà vue, le casting sympa sans plus (comprenant Jon Hamm, Jamie Foxx et Jon Bernthal), les meilleures scènes d’actions ne valent à aucun moment les pires des Fast & Furious, et même côté humour le film n’est pas si convaincant. Pour preuve, le passage qui m’a fait le plus rire c’est quand Baby et Doc sont dans l’ascenseur, imaginant le pauvre se faire violer par le désormais tristement célèbre prédateur. Si le film reste globalement sympa et distrayant, le réalisateur nous avait habitué à plus de folie.

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The Bye Bye Man

The Bye Bye Man
2017
Stacy Title

Démarrage canon, maintient exécrable, exportation inexistante. Après le premier week-end aux Etats-Unis, on pouvait presque déjà tabler sur le lancement d’une franchise tant tous les feux étaient au vert, mais la chute fut si historique que les distributeurs du monde entier se sont rétractés, notamment en France où il débarqua en DVD six mois plus tard. Le résultat est-il si indigne ? Pour un film d’horreur lambda qui n’avait pas la prétention de révolutionner le genre, c’est même plutôt plus honnête que la plupart des productions similaires.

Comme toute bonne entité de film d’horreur, le Bye Bye Man n’a que peu de pouvoir, ne pouvant que légèrement témoigner de son existence à ceux qui sont prédisposés à croire en lui. Mais une fois le doute inséminé, plus rien ne peut l’arrêter. Si vous connaissez son nom, si vous le dites, si vous y pensez, son influence ne cessera de croître et il pourra alors prendre possession de votre esprit. Se croyant bien au dessus de tout ça, un jeune étudiant va faire l’erreur de sous-estimer la menace…

Classique, simple, efficace : on prend des jeunes qui se marrent, on montre au spectateur que c’est des cons et que ça va méchamment leur tomber dessus, on fait monter l’angoisse, on montre un être maléfique terrifiant, on créé un background comme quoi l’histoire se répète pour bien faire flipper sur le statut invulnérable de la chose, et de temps à autre on casse les codes du genre pour renouveler un peu l’expérience. Le résultat est moins fainéant que ce qu’on pouvait craindre, trouvant quelques angles d’attaque intéressant comme le jeu sur les illusions ou la duplicité insoupçonnée. Effectivement, le film n’est pas révolutionnaire ni spécialement terrifiant, mais au moins il n’abuse de jump-scare et autres artifices pompeux, jouant plus sur le psychologique. Certes, le film a plus sa place dans les bacs à DVD que dans une salle de cinéma, mais par rapport aux productions Bloom House qui commencent à sérieusement tourner en rond, on reste au dessus de la mêlée.

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Les Flèches brûlées

Les Flèches brûlées
1952
Ray Enright

Dans notre paysage télévisuel, une chaîne assez spéciale ravira tous les nostalgiques de l’âge d’or d’Hollywood : la Paramount Channel, rediffusant en version restaurée leurs vieux films de la belle époque où le studio était encore un fer de lance de l’industrie, et pas un studio mineur en pleine débâcle. Genre délaissé aujourd’hui et qui fut pourtant l’icône majeur du cinéma, le Western vient nous rappeler ici le panache d’antan.

Dans ce genre de films, on a plusieurs thèmes très récurrents : la confrontation avec les indiens, les attaques de diligences, les demoiselles en détresse, les justiciers solitaires et les tueurs sanguinaires. Eh bien si on compile le tout cela donne ce film, où un certain Tex McCloud a tout perdu suite à l’attaque de sa ferme par des indiens et un tireur mythique qui sème la peur sur son sillage depuis près de vingt ans : la Rafale. Il va décider de partir à la rencontre de ce bandit pour lui régler son compte, mais il va aussi se retrouver malgré lui embarqué dans les combines d’une danseuse qui cherchait un usurier pour obliger son créancier à régler ses dettes, cette dernière s’étant attaqué à la promise de son créancier qui se trouve aussi être la nouvelle protégée de McCloud.

On retrouve ainsi tout ce qu’on aime dans nos bons vieux Western : des personnages charismatiques, de l’action, des villes lugubres, des manigances, du mystère, et le tout avec en toile de fond les paysages magnifiques de l’Ouest américain. Une formule simple, efficace, classique. Trop peut-être ? Le film avait en effet une piste miraculeuse, exceptionnelle quant à l’identité de la Rafale. Attention spoiler, la Rafale est en réalité le faux bienfaiteur de la ville à la pseudo mine d’or qui cache en réalité une affaire d’escroqueries qu’il réalise grâce à ses amis indiens. Pas de twist, d’apparence trompeuse ou de surprise : le sourire carnassier de l’homme trop parfait pour être vrai cachait bien le visage de l’antagoniste de l’histoire. Pourtant, avant la révélation, une piste autrement plus originale, couillue et révolutionnaire semblait encore possible : celle de la jeune indienne. Et si son clan avait fait d’elle un sniper hors pair dès son plus jeune âge et que par amour elle mette son talent à son service ? Un film de 1952 mettant en avant une jeune indienne pour incarner le grand méchant d’un Western, ça aurait tellement été jouissif et avant-gardiste. Un doux rêve qui restera lettre morte, fantasmant sur un mélange de Pocahontas et l’Ange de Verdun. Une ébauche trop calibrée pour son époque, mais promesse d’une potentialité formidable.

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