The Power of the Dog
2021
Jane Campion
Bon, allons-y… N’ayant gardé que des mauvais souvenirs de La Leçon de piano, et ayant pleinement détesté le pédant et foncièrement raté Bright Star, l’essentiel de la carrière de Jane Campion m’était donc hermétique, et sur les douze nominations aux Oscars, le voir repartir avec « uniquement » celui de la meilleure réalisatrice fut un grand soulagement, me disant que je n’avais donc pas à faire mon devoir de cinéphile en m’obligeant à le voir. Puis les années ont passé, mes ressentiments ont été oubliés, et c’est ainsi que j’ai fait l’erreur de finalement lui laisser une chance.
Le film nous fait revivre l’époque Far West, nous plongeant en 1925 dans les états profonds de l’Amérique. On y suivra deux frères, Phil (Benedict Cumberbatch) et Georges (Jesse Plemons) Burkbanks, à la tête d’un immense domaine, principalement focalisé sur l’élevage. Alors que le premier a réussi de brillantes études et que le second a échoué à avoir un parcours scolaire ne serait-ce que correct, leur vies sont à l’exact opposé de ce que leur potentiel aurait pu laisser présager. Phil est un homme de terrain, aimant le dur labeur et trimant avec ses hommes, tandis que Georges préfère la mondanité et la tranquillité. Leur vie va se retrouver chamboulée quand Georges va s’éprendre d’une tavernière (Kirsten Dunst), traînant derrière elle un fils (Kodi Smit-McPhee) particulièrement maniéré.
Certaines thématiques sont intéressantes, notamment la confrontation entre la nature et la civilisation, symbolisée par les deux frères qui n’auront pas vraiment tord ou raison, ou du moins pas en même temps. L’aîné est d’abord montré comme un sauvage, sans manières, à la masculinité toxique, un vrai connard, tandis que son frère est un gentleman, bien éduqué, élégant et gentil. Puis peu à peu on voit que le comportement du premier vient surtout d’un rejet de l’hypocrisie, de tout ce qu’il juge inutile voir nuisible au monde, comme les femmes au foyer qui ne font rien, ou encore les hommes en costume qui font semblant d’avoir de l’importance alors que ce sont lui et ses hommes qui font un réel travail utile et qui répond à des besoins fondamentaux. Et pour son frère, sa gentillesse est montré progressivement comme une tare, l’aveuglant face à un monde de paillettes totalement vide et cynique. Un bijou d’écriture pour les personnages ? Non, loin s’en faut. Alors que le film traîne sur plus de deux heures, le développement des personnages est laborieux, très mal équilibré, et à la finalité lamentable. Tout ça pour ça ? On pensera à la cachette qui semble vouloir dessiner une piste, jamais explorée, on encore ce rôle de mentor trop tardif, et en dehors de ce duo, les autres sont tout simplement oubliés en chemin. Et puis des personnages ne suffisent pas à faire un film, l’absence totale d’intrigue est si aberrante, car rien ne viendra dynamiser ce récit en dehors des interactions limitées entre chacun. Un vide sidéral. Reste alors les musiques et les paysages, sympathiques mais qui ne tiennent pas deux secondes la comparaison avec Westworld. On a donc là quelques personnages intéressants, mais au développement décevant, et avec un vide ahurissant autour d’eux, pour un ennui patent.