Cops – Les Forces du désordre

Cops – Les Forces du désordre
2015
Luke Greenfield

Joli succès de l’été dernier aux Etats-Unis avec 82 M$ engrangés, le film aura mit cinq mois à débarquer chez nous, ce qui n’est jamais bon signe. Encore une comédie américaine lourdingue qui ne supportera pas l’écart culturel ? C’était à prévoir, mais le thème pouvait être fort sympathique, et il l’est, mais c’est malheureusement aussi ce qu’on pouvait craindre : une comédie bien grasse.

Invités à une fête des anciens de leur lycée, Ryan et Justin vont se ramener à la soirée déguisés en agents de police, ayant confondu costume exigé (classe) et bal costumé. Un mal pour un bien tant les choses vont tourner à leur avantage : tout le monde va les prendre pour des vrais flics, et l’effet sera des plus plaisant. Ils sont la loi, ils ont le pouvoir et l’autorité, et cela ne laisse pas les femmes indifférentes. Sous le coup de l’adrénaline, ils vont se prendre au jeu et s’embarquer dans de vraies affaires, impliquant de vrais criminels bien réels et dangereux (Andy Garcia).

Le fantasme de l’uniforme marche dans les deux sens : il est impressionnant pour les autres, mais pour soi aussi. Avoir une arme dans sa main, représenter la loi et être la main de la justice, ça donne des frissons, le vertige même, et en abuser salement est terriblement jouissif. Le film l’a bien comprit et le restitue efficacement, mais pas très sobrement. Bon, d’un autre côté faire le kéké et faire preuve d’un amateurisme ahurissant, cela participe à rendre le film divertissant et drôle, mais moult fois le film bascule dans le mauvais goût. Deux trois grasses en dessous de la ceinture, à la limite, mais pas si c’est pour un gag où un gros vient foutre ses boules sur le front du black. Sexuel oui, mais pas obscène. Pareillement, la démesure peut faire son petit effet, même dans une gratuité totale, mais pas si c’est au détriment de la cohérence. Le film a donc ses bons moments et l’idée première est pas mal amusante, mais ça reste bien con sur les bords.

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Tracers

Tracers
2015
Daniel Benmayor

Popularisé en France avec Yamakazi puis progressivement implanté dans le reste du monde, la discipline urbaine ultra sportive qu’est le Parkour, course libre et acrobatique se servant des immeubles et autres obstacles comme chemin, revient avec un tout nouveau film sorti il y a déjà quelques temps en France, sans grand succès, et le reste du monde ne l’a même pas accueilli. Il faut dire qu’embaucher le Jacob de Twilight ne permet pas de faire des économies en supprimant le poste de scénariste, sinon ça se paye.

Après avoir salement tenté une reconversion comme agent secret dans Identité secrète, le loup-garou Taylor Lautner campe ici Cam, petit con qui a emprunté à un dangereux mafieux asiatique, pour des raisons non moins débiles. Pour payer ses dettes, il jouait jusqu’alors les coursiers casse-cou en vélo, mais suite à une rencontre, sa passion et gagne-pain deviendra le Parkour. À pied, pas de contraintes, pas de limites, on trace.

Le scénario du film est tout simplement affligent : un type doit de l’argent, sombre dans la délinquance pour payer ses dettes, ça marche super bien malgré quelques accrocs, mais au final ça part en vrille parce que le type veut, encore, se taper la copine de son boss. Deux fois d’affilées, c’est d’autant plus insupportable, surtout que nul passage en prison ou élaboration d’un vrai gros coup ne viendra rendre l’histoire tolérable. Pire encore, le casting ne vient pas nous réconforter, au contraire, il est plus que mauvais et tendrait à nous questionner sur le professionnalisme de l’équipe. Reste alors les impressionnantes pirouettes et autres sauts vertigineux inhérents au thème, et c’est assurément un solide argument de vente, notamment grâce à la quasi absence de doublure pour le principal protagoniste, ce qui est particulièrement classe. Néanmoins, avec une réalisation bâclée, la mise en valeur est loin d’être optimale. Le thème est très bon mais ne se suffit pas à lui même, surtout quand tout le reste est à ce point foireux.

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Son of a Gun

Son of a Gun
2015
Julius Avery

Au programme de ce nouveau film disponible en e-cinéma, format qui se répand de plus en plus, une rencontre qui va tout changer. Condamné à six mois de prisons pour des conneries, JR (Brenton Thwaites) va rencontrer une légende lors de son incarcération dans une prison australienne : Brendan Lynch (Ewan McGregor), l’un des plus grands braqueurs de l’histoire. Ayant encore vingt ans à tirer, ce dernier va se servir de l’admiration que lui porte JR pour qu’il l’aide à s’évader. Pouvoir jouer dans la cour des grands, ça ne se refuse pas, mais encore faut-il savoir gérer la pression et les règles du milieu. Tu ne convoiteras point la femme (Alicia Vikander) que convoite ton boss…

Banal, peu ambitieux, vaguement créatif mais profondément protocolaire. On a le prototype du jeune fougueux qui ne se sent plus à force de baigner dans un cadre infiniment trop bien pour lui, du mentor ultra cool et bad-ass, de la greluche bonasse qui ne sert que d’élément perturbateur, et tout autour d’eux gravitent des stéréotypes pas tellement plus inspirés. La narration est elle aussi facile et classique, de même qu’on retrouve des prestations et un humour conventionnels. Un film pas inintéressant, efficace par moment, mais si peu innovent qu’il en devient lisse, et on peste un peu face au manque d’inspiration du scénario. Si un jour vous tombez dessus sur un journal télé et que les autres programmes ne vous inspirent pas plus, à la rigueur, mais ça reste plutôt une belle perte de temps.

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The Legend of Zelda : Majora’s Mask

The Legend of Zelda : Majora’s Mask
2000 (Nintendo 64)
Eiji Aonuma, Yoshiaki Koizumi, Shigeru Miyamoto

Porte étendard, véritable icône de la Nintendo 64, Ocarina of Time est l’un des jeux les plus appréciés de l’histoire, et reste aujourd’hui encore porteur de valeurs intemporelles. Néanmoins, il ne fut pas la seule incursion de l’univers Zelda sur la console, et beaucoup ont même préféré cette suite spirituelle. Révolutionnaire, fou, malsain, le jeu ne s’était clairement pas reposé sur les acquis de la franchise, et il est vrai que l’effort d’originalité est louable, mais la réussite est loin d’être totale.

Graphismes : 20/20

Le premier fut une claque mémorable, cette suite a encore repoussé les limites techniques de la console, et il s’agit indéniablement du plus beau jeu de la plateforme. Sans jamais défaillir, n’accusant aucune des actuelles baisses de framerate, le jeu est une double réussite, à la fois technique et artistique. Techniquement irréprochable pour l’époque, le jeu ne souffre de presque aucun bug d’affichage ou de collision, les décors sont homogènes, variés et riches en détails, et les modèles 3D comptent parmi les plus beaux de l’époque. Concernant l’inspiration artistique, c’est encore plus probant. La ville centrale est entourée de quatre grands territoires, possédant chacun leur thème (marais, montagne enneigée, mer et montagne désertique), tous radicalement différents, à l’exploration différente et aux temples parfaitement adaptés. Avec un sens de la mise en scène incroyable, des boss colossaux (surtout l’effroyable premier et son style aztèque) et des lieux magnifiques, on en prend plein la vue. Comme quoi, l’ajout de RAM du « extension pack », ça change la donne.

Jouabilité : 12/20 mais potentiellement 19

Pour ce qui est de l’aventure à proprement parler, le jeu est encore meilleur que son prédécesseur. On reprend l’extrême liberté d’action, des possibilités d’interactions ahurissantes avec le retour des objets iconiques, mais le jeu y apporte en plus des idées assez exceptionnelles. Dans l’histoire, on gagne tour à tour des masques permettant de se changer en Mojo (petit être de bois), Goron (sorte d’ogre des montagnes) et Zora (poisson humanoïde), bouleversant le gameplay en fonction de la forme du personnage. Ainsi, le Mojo peut rebondir sur l’eau, s’envoler à l’aide de fleurs, tandis que le Goron a une force de frappe énorme et peut se rouler en boule pour écraser ou avancer très vite, alors que le Zora est doté de boomerangs et possède des aptitudes aquatiques fantastiques. Et avec plusieurs dizaines de masques aux propriétés uniques à collectionner, l’éventail de possibilités donne le tournis, mais c’est aussi ça le problème de l’œuvre : ça fait beaucoup, beaucoup trop. Le principe du jeu est qu’on a 72 heures avant la fin du monde (4 heures en temps réel), nous donnant à la fois un temps imparti pour effectuer les missions et des créneaux variables. Le fait qu’on perde notre argent, le contenu de nos bouteilles, nos munitions et l’avancement dans nos quêtes à chaque retour dans le temps n’est pas très grave, le jeu est généreux de ce point de vu. Non, le vrai problème c’est que certains événements ont lieu à des horaires précis, à un jour précis, avec des gens précis, et à une localisation précise. Résultat ? On ne sait jamais quoi faire, on se retrouve bloqué toutes les deux secondes, on passe à côté de presque tout, et de toute ma vie je n’ai jamais autant regardé une soluce, pour au final n’avoir réussi qu’une seule fois à avoir les 15 fées et ayant raté 31 quarts de cœur. Et si au moins il s’agissait d’un problème de difficulté, mais non. Quand on a des conneries de missions annexes du style donner au hasard spet poissons (nécessitant donc deux à trois voyages de bouteilles) à un aquarium pour gagner un quart de cœur, on nage en plein délire, et c’est franchement usant avec une logique aussi inexistante, comme devoir ré-affronter un boss pour débloquer des courses donnant accès à la poudre qui permet de forger la dernière épée. Et dire que la course de cheval est nécessaire pour obtenir un masque obligatoire pour avancer dans l’histoire…

Durée de vie : 16/20

Avec la solution en permanence sous les yeux, le jeu vous tiendra en ligne droite 20-25 heures, soit bien plus que Ocarina of Time. Sans solution, vous n’aurez même pas la possibilité de survivre à la fin du monde d’introduction, c’est dire. Et même en connaissant le jeu, la logique est tellement biaisée, fourbe, malhonnête, que vous ne trouverez jamais dans aucun temple que ce soit les 15 fées perdues, et encore moins les stupides 52 quarts de cœur, un nombre gigantesque qui empêchera certains d’atteindre la seconde dizaine. Personnellement, j’ai jeté l’éponge dès le second temple pour les fées, et je me suis contenté de 12 cœurs finaux, la difficulté relative autorisant un tel manque de préparation. Pour les masques, les trouver est aussi chiant qu’inutile, donnant accès à la toute fin au masque des fées, cheat code ambulant certes ultra classe, mais retirant tout plaisir de combattre. Heureusement que le jeu est bon, sans quoi une telle lourdeur aurait été rédhibitoire.

Bande son : 19/20

Allant de pair avec l’univers magnifique créé, l’ambiance sonore est une merveille du même ordre de grandeur que son légendaire ancêtre. Certains thèmes sont recyclés, mais les nouvelles compositions, surtout celles entourant le masque de Majora, sont célestes, et on apprécie grandement les variantes instrumentales du héros en fonction de sa forme (hyrulienne, Mojo, Goron, Zora). Les bruitages sont quant à eux toujours géniaux, donnant vie de façon détournée aux personnages.

Scénario : 17/20

Voici sans doute l’évolution la plus marquante dans la saga. L’univers a toujours été très riche, mais intrinsèquement l’histoire de base d’Ocarina of Time était bien trop conventionnelle, s’effaçant derrière l’expérience de l’aventure. Point de classique grand méchant ici avec une princesse à sauver : Link est mort et a été choisit pour guider les âmes des gens au purgatoire. Ayant sombré dans la folie suite au port du masque de Majora, Skull Kid a décidé de lancer sur ce monde un météore, voulant réduire en cendre ce lieu d’illusions où cohabitent diverses personnes plus ou moins conscientes de leur sort (le déni, Bourg-Clocher ; la colère, les Mojo ; le marchandage, les Gorons ; la dépression les Zoras ; et l’acceptation, la vallée des morts). Link a pour mission d’apaiser leurs âmes, tout en préservant ce lieu de passage en stoppant Skull Kid.

Note Globale : 15/20

C’est dramatique d’être obligé de mettre une note aussi basse à l’un des meilleurs jeux de l’histoire, mais certains défauts ruinent considérablement l’aventure. Il s’agit d’un des plus beaux jeux de sa génération, son gameplay est d’une richesse sans commune mesure, ultra complet et innovant, l’histoire est d’une immense maturité et nous tiendra en haleine des jours durant, et l’une des plus belle bande-son jamais conçue viendra mélancoliquement bercer nos oreilles. Potentiellement le jeu pouvait prétendre aux astres les plus flamboyants, mais en l’état il est pratiquement injouable. La progression est constamment freinée voir stoppée par des missions d’apparence annexes, à la résolution tellement tordue qu’il est parfois impossible de la trouver. C’est bien simple, sans internet à l’époque, j’ai dû me résoudre à abandonner le jeu après des jours à tester tout et n’importe quoi. Ne serait-ce que finir le jeu est si usant que vouloir fouiner, et obtenir chaque quart de cœur, masques et fée perdue, n’est que folie. Dans l’absolu le jeu est une œuvre majeure atteignant pour ainsi dire la perfection, mais impossible de fermer les yeux sur la désastreuse progression qui nous est imposée.

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Gangs of New York

Gangs of New York
2003
Martin Scorsese

Les Etats-Unis sont un pays très récent, et à l’histoire assez courte donc, et il n’y a pas grand chose à dire en dehors des Western confrontant les colons aux les indiens, la guerre d’Indépendance et la guerre de Sécession, opposant le Nord et le Sud sur des affaires d’esclavagisme. D’ailleurs, le film prend place pendant la période Lincoln, mais le grand Martin Scorsese consacre son film à une autre histoire se déroulant en parallèle : les rivalités entre gang. Projet pharaonique peaufiné pendant trente ans et ayant nécessité huit mois de tournage, aboutissant à un coût astronomique (100 M$), le film fut largement acclamé à sa sortie, même si commercialement ce fut une petite déception, sans compter l’absence de récompenses aux Oscars, inadmissible. Mais nul doute que le film restera une référence du genre pour des générations.

En 1846, dans la zone des Five Point de New York, un affrontement violent éclata entre deux gangs rivaux : celui du Pasteur Vallon (Liam Neeson), les « lapins-morts », et celui du Boucher (Daniel Day-Lewis), les natifs. Les premiers souhaitaient faire du pays une terre de droit pour tous, mais les seconds, rejetant les nouveaux immigrés et revendiquant un droit de sang, l’ont emporté, et Vallon est mort ce jour là. 16 ans plus tard, son fils Amsterdam (Leonardo DiCaprio) est de retour, bien décidé à venger son père et débarrasser la ville des profiteurs qui gangrènent la ville, à l’image du Boucher.

Mon jeu préféré de la saga d’aventure notamment grâce à son scénario sur l’indépendance des Etats-Unis, Assassin’s Creed III a visiblement copieusement pioché dans le film, sa grande inspiration. Tout ce qui faisait la force du jeu, on le retrouvait déjà dans ce film : l’aspect crasseux de la ville, reconstituée avec un soucis du détail formidable, l’ambiance pesante des gangs et un méchant ultra charismatique. C’est tout bonnement scandaleux que Daniel Day-Lewis n’est pas eu l’Oscar pour son rôle tant il est bluffant, intriguant, fascinant et terrifiant. Son challenger DiCaprio est évidemment excellent aussi, comme tout le casting d’ailleurs (Cameron Diaz, Brendan Gleeson, John C Reilly, Jim Broadbent ou encore Eddie Marsan), mais c’est vraiment lui à qui l’on doit la prestation la plus mémorable du film. Esthétiquement sublime, artistique poignant, le film possède en plus des musiques originales et fortes, ne souffre aucunement de sa grande durée (2h40) et arrive à nous captiver jusqu’à la fin, qui accuse certes un contre-coup historique qui réduit la marge de manœuvre. Une histoire puissante, à défaut de briller par son originalité, et on peut difficilement imaginer plus abouti.

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Unfinished Business

Unfinished Business
2015
Ken Scott

C’est décidé, les comédies américaines c’est fini, surtout en famille. Bêtement on lit l’affiche, constate le casting de rêve, et se dit qu’avec le réalisateur de Starbuck aux commandes, ça pourrait être assez drôle. Oui mais voilà, ça serait oublier l’essentiel : le film est une comédie américaine classé R (interdit aux mineurs non-accompagnés), et son bide en salle fut l’un des plus retentissants de l’histoire (top 20). Dans les deux cas, ça n’est pas le fruit du hasard, et il aurait mieux valut ne pas savoir pourquoi.

Spécialiste dans la revente de matériaux de recyclage, Dan (Vince Vaugh), n’ayant pas supporté sa baisse de salaire économique, a claqué la porte de son boulot, se lançant dans l’aventure avec Timothy (Tom Wilkinson) et Mike (Dave Franco), un frai retraité et un jeune attardé recalé à un entretien d’embauche. Sur une affaire depuis longtemps, Dan espérait bien signer un gros contrat (avec Nick Frost et James Marsden) pour lancer son entreprise, mais son ancienne boss Chuck (Sienna Miller) est elle aussi sur le coup.

Sur le fond le film n’a pas vraiment de problèmes. Une affaire qui se monte, une bande de collègues / amis improbables, des histoires de familles, de problèmes d’argent : des thèmes très classiques et éculés, mais pas forcément pour autant mauvais ou inintéressants. Le soucis, c’est comment le film les gère, et surtout comment il amène l’humour. Dans ce film, toute scène, tout sujet est inévitablement tourné en dérision, devient source d’humiliation, ou est sexuellement détourné. Les démonstrations publiques sont aussi légions qu’insupportables, les discours lamentables et confus, comme les dialogues en général d’ailleurs, avec le magnifique débat sur la forme d’un distributeur, et le sexe ne souffre aucun tabou. On en parle grassement, on en montre gratuitement. C’est déplacé, de mauvais goût, prévisible et atrocement redondant. C’est pauvre, terriblement pauvre, et on a honte pour tout ceux qui ont participé à ça.

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Dark Places

Dark Places
2015
Gilles Paquet-Brenner

Tourné à peu près en même temps que Gone Girl, le film est lui aussi une adaptation d’un roman à suspens de l’écrivaine Gillian Flynn, mais les deux réalisateurs ne jouant pas dans la même cour, le destin des films fut radicalement différent. Le premier fut l’un des plus grands succès du genre, tandis que celui-ci n’a connu qu’une sortie modérée en dehors de la France, terre natale du réalisateur, pour un cumul mondial inférieur à quatre-cent mille entrées. Pourtant, la différence de niveau n’est pas énorme.

Il y a trente ans, un drame est survenu dans une petite ville américaine près de Kansascity. Un soir, le fils aîné des Day, Ben (Tye Sheridan), un sataniste aux fréquentations douteuses (Chloë Grace Moretz), accusé de pédophilie et activement recherché, est revenu chez lui et aurait assassiné sa mère et deux de ses sœurs. Il ne s’est jamais défendu, et pour la plus jeune de la famille, Libby, seule rescapée et alors âgée de huit ans, sa culpabilité ne fait aucun doute. Pourtant, trente ans plus tard, pressé par la possibilité de voir l’affaire définitivement classée, Lyle (Nicholas Hoult), membre d’un comité de détectives privés en quête de vérité, va contacter Libby (Charlize Theron) dans l’espoir de découvrir si Ben est réellement coupable, ou si la vérité est tout autre.

L’écrivaine ne manque semble t-il pas de talent vu comment elle excelle dans l’art du suspens, mais ses histoires ne tiennent pas la longueur, aboutissant encore à une déception finale. Le montage du film a pris 15 mois, et ça se voit : la structure narrative est parfaite, nous faisant découvrir l’histoire au travers de deux time-line différentes en parallèle, et le dosage est irréprochable. On est directement dans l’ambiance, les personnages sont immédiatement attachants, notamment grâce au talent des acteurs, à la hauteur de leurs réputations, et le suspens nous prend aux tripes. C’est mené d’une main de maître, c’est haletant, toutes les pistes sont envisageables et c’est en ça que le film est si réussi, du moins avant la toute dernière ligne droite. À force de faire monter la pression on veut du grandiose, de l’ambitieux, du twist-ending de folie, et comme pour Gone Girl, c’est finalement banal, soulevant du coup quelques questions de cohérence. On en prend plein la vue, mais on repart plein de désillusions. Un formidable travail, mais la fin n’est clairement pas à la hauteur des attentes.

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Journal d’une femme de chambre

Journal d’une femme de chambre
2015
Benoît Jacquot

C’était il y a tout juste deux semaines, je découvrais dans une profonde indifférence la version de 1964, qui restera probablement à tout jamais l’adaptation la plus populaire et appréciée du roman d’Octave Mirbeau. Se disant que les sujets sur l’esclavagisme patronal et l’antisémitisme abordés par le livre faisaient écho aux problèmes actuels, un énième réalisateur s’est prêté à cet exercice, pour un ennui plus copieux que jamais.

Suite à une mésaventure dans la dernière demeure où elle exerçait (chez Vincent Lacoste), Célestine (Léa Seydoux) a accepté une place en campagne, bien qu’elle se juge largement au dessus de la populace et trop bien pour travailler pour des bouseux pareils. Elle supportera alors d’autant plus mal la conduite dictatoriale de sa maîtresse, ne s’intéressant qu’à Joseph (Vincent Lindon), le vieux jardinier.

Si grosso modo l’histoire ne bouge que très peu, jouant simplement sur la chronologie et la mise en scène, le film est finalement très différent de la dernière version, et cela aurait dû être une bonne nouvelle, mais non. Principale originalité de cette adaptation, le film fait régulièrement rebondir l’histoire sur des flashback, mais l’intérêt n’y est pas, les enjeux ayant déjà été désamorcés et la conclusion étant évidente. Pire, la narration classique en pâti, certains pans entiers étant oubliés et enlevant par là même nombre de ressorts dramatiques. Comment se sentir concerné par le viol et le meurtre d’une petite fille quand le personnage n’a pas été présenté ? D’autant plus que le film désamorce une fois de plus les enjeux de ce passage en banalisant les rapports sexuels à 12 ans, naturels pour l’époque. Et ça n’est malheureusement pas le seul problème du film : le personnage de Célestine a été sabordé, transformée en grosse boudeuse aigrie ; les acteurs sont assez mauvais, surtout l’héroïne ; le son est parfois inaudible, ce qui est assez fâcheux ; et la réalisation est hideuse. Entre le montage saccadé, les scènes hors contexte, les zooms bien dégueulasses et les balayages en phase de dialogue, il n’y a vraiment pas grand chose à sauver. Le matériau de base doit vraiment être mauvais, mais pas autant que les adaptations qui en découlent, trouvant là une itération bien malheureuse.

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Good Morning England

Good Morning England
2009
Richard Curtis

Trois films, trois bijoux. Scénariste à la base, Richard Curtis nous avez offert en 2003 l’une des plus belles comédies-romantiques qui soit, Love Actually, et il a récemment fait très fort avec Il était temps, autre romance magnifique, mais placée sous le signe du voyage temporel avec une approche très profonde et travaillée. Et entre les deux, on retrouve cette comédie non moins réussie, ode au rock et aux années magiques des débuts, même si contrairement aux deux autres, le succès commercial ne fut pas au rendez-vous, malgré l’enthousiasme des critiques.

Dans les années 60, alors que le monde du rock’n roll accueillait certaines de ses plus grandes légendes, dont beaucoup en provenance de Grande-Bretagne, ce même pays en interdisait la diffusion à la radio, la jugeant décadente. Faisant front et souhaitant apporter au peuple ce qu’il demandait, nombre de stations de radio pirates ont vu le jour, notamment « Radio Pirate », aux DJ aussi légendaire que les musiciens qu’il passaient. Cherchant sa place dans ce monde, le jeune Carl (Tom Sturridge) va avoir l’immense privilège de monter à bord de leur paquebot, côtoyant des personnages aussi atypiques que Le Conte (Philip Seymour Hoffman) et son rival Gavin (Rhys Ifans), son parrain et maître à bord Quentin (Bill Nighy), le chaud lapin Dave (Nick Frost) et bien d’autres. Un petit paradis flottant que suivent quelques 20 millions d’auditeurs, de quoi donner quelques sueurs froides au gouvernement, bien impuissant face à cette déferlante.

On peut difficilement imaginer meilleur film sur le sujet. Tout y est : l’ambiance, le casting, le talent, la mise en scène. La période a beau être lointaine, les tubes pas tous connus, impossible de rester insensible face à des partitions aussi entraînantes et mélodieuses. La bande son est tout simplement mythique, et on se retrouve immédiatement happé par l’ambiance de l’époque, tellement plus cool et relaxe. Et avec des personnages à ce point charismatiques et sympathiques, on jubile de la vie sur le bateau, d’autant que le casting, très en forme, est ahurissant (avec en plus de ceux susmentionnés Emma Thompson, Kenneth Branagh, January Jones et Gemma Arterton). Les plans sont intimistes, favorisant le rapprochement pour une immersion optimale, le montage dynamique, et l’humour omniprésent irrésistible, so british. On voudrait tellement y être, participer à l’aventure, déconner et se marrer avec la bande, et c’est en ça que le film est si bon.

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Restless

Restless
2011
Gus Van Sant

Pourtant réalisé par une pointure du milieu et représenté dans quasiment tous les festivals connus, ce qui explique peu-être pourquoi les distributeurs américains se sont entêté malgré des moyennes par salle désastreuses, le film est passé assez largement inaperçu, bidant lors de son exploitation et repartant bredouille des cérémonies auxquelles il était convié. Avec un thème fort et une actrice talentueuse, c’est d’autant plus étonnant, mais à l’image de Ma vie pour la tienne, abordant une histoire semblable, le film rate son coche.

Avec un Enoch (Henry Hopper) mystérieux capable de parler au fantôme d’un aviateur japonais, on pouvait s’y tromper, mais il s’agit ici d’une histoire d’amour « classique » entre deux âmes brisées. D’un côté donc Enoch, orphelin qui s’incruste de façon malsaine aux enterrements des autres, et de l’autre Annabel (Mia Wasikowska), cancéreuse dont les jours sont comptés. Leur histoire ne sera quoiqu’il arrive qu’éphémère, mais ils représentent l’un pour l’autre la meilleure chose qu’il leur soit arrivé.

Depuis Shakespeare et son Roméo et Juliette, beaucoup ont tenté d’apporter à la romance cette touche de tragédie si larmoyante qu’on obtient à la mort de l’une des personnes du couple. Le cancer, dégénérescence aléatoire et chaotique, rajoute de l’anxiété et de la fatalité à l’ensemble, et avec Nos étoiles contraires, on a bien vu que la combinaison peut s’avérer redoutable. On pouvait s’attendre à une réussite équivalente ici avec le caractère indé et la touche fantastique avec le fantôme japonais, mais ça n’est pas le cas. Pas d’autres apparitions spectrales au programme, comme laissant de côté cette belle idée, une romance ultra banale, une amorce trop longue, une conclusion bâclée et n’osant pas les effusions : le scénario déçoit grandement. L’émotion n’est pas là, les acteurs pas si bons, et la réalisation fait un peu de peine tant c’est amateur. Ça reste une belle histoire pas inintéressante, mais le film est très loin de réaliser son potentiel, ne va pas au bout des choses, et souffre de la comparaison avec la superbe romance susmentionnée.

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