John Wick : Chapitre 4


John Wick : Chapitre 4
2023
Chad Stahelski

La saga John Wick est une anomalie dans le paysage cinématographique actuel : après un premier épisode certes très apprécié mais économiquement tout juste rentable (87 M$ dans le monde), chaque volet suivant a explosé les compteurs. 171 M$ pour John Wick 2, 326 M$ pour John Wick 3, et même ce quatrième opus, sorti post covid dans un marché encore convalescent avec un nombre ahurissant de plantages et de suites se cassant les dents, un nouveau pallier a été pulvérisé avec 432 M$ dans le monde. Un succès incroyable, d’autant qu’on ne peut pas vraiment dire que la saga a su se renouveler, et personnellement les quasiment trois heures de ce chapitre 4 faisaient peur. Il faut dire que Parabellum ne servait absolument à rien, mais cette fois on nous vendait une conclusion épique à toute la franchise, donc autant lui laisser une dernière chance.

Retour case départ pour John Wick (Keanu Reeves), toujours excommunié et qui devra là encore raviver de vieilles amitiés (Laurence Fishburne et Hiroyuki Sanada) pour espérer s’en sortir. Pire, le courbage d’échine du directeur du Continental (Ian McShane) n’aura servi absolument à rien : la Table a désigné un nouveau Marquis (Bill Skarsgard) qui va faire de la lutte contre John Wick son cheval de bataille, allant jusqu’à désacralisé tous les Continental car lui étant venu en aide. Il va faire également appel à un certain Caine (Donnie Yen), l’un des plus dangereux tueurs existant.

Espérons que les rumeurs de suite soient fausses et que le spin-off sur les ballerines soit un ratage (Black Widow était déjà pas bien passionnant, et le scénario sera sensiblement identique), car il était grand temps que la saga s’achève. On tourne décidément énormément en rond, avec toujours les mêmes enjeux : tenir bon face à des hordes de tueurs courant après la prime sur John Wick, et restaurer les privilèges de ceux tombés en disgrâce à cause de ses agissements. Alors oui, et même plus que jamais le savoir faire en matière de mise en scène et chorégraphies de combat force l’admiration. C’est beau à se damner visuellement, les cadres sont de toute beauté, la photographie incroyablement travaillée, les décors impressionnants, et niveau action ça envois du sacrément lourd. Les idées de cinéma débordent, on pensera notamment aux décors au Japon dignes d’une Citadelle, des passages où la respiration fait partie intégrante de la bande-son sur la place de l’étoile, ou encore les plans séquences vu de dessus dans l’immeuble désaffecté rappelant fortement le jeu-vidéo. Tout cela est très bien, et ça permet d’apprécier tout de même la séance, mais bigre que l’histoire tourne en rond ! Les combats sont toujours les mêmes, John est increvable et se relève instantanément de chutes ou impacts logiquement mortels, ses ennemis sont sympas à un point débile à ne lui tirer dessus que quand il peut se protéger et attendent qu’il attaque le premier. Pire, la scène dans la boîte de nuit est à hurler, encore pire que celle de Collateral tant personne ne réagit. Et avec 2h49 au compteur, c’est juste usant. La technique c’est bien, mais encore faut-il savoir doser et couper dans le gras pour se concentrer sur raconter quelque chose, point sur lequel la franchise aura eu décidément énormément de mal. Du grand divertissement de qualité, mais manquant de fond et incroyablement redondant.

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Kingdom Hearts : The Story so far


Kingdom Hearts : The Story so far
2019 – PS4
Tetsuya Nomura

La saga Kingdom Hearts est à la fois un bordel scénaristique et logistique, mais surtout une expérience narrative assez unique qui a largement été saluée pour la nervosité de son gameplay et son concept assez fou. Pour ceux qui dorment dans le fond, la franchise repose sur une combinaison de deux univers : Disney et Final Fantasy, la rencontre entre un cinéma ayant bercé l’enfance de beaucoup, et un savoir-faire vidéoludique légendaire à l’origine d’une grande partie des meilleurs JRPG de l’histoire.

C’est ainsi qu’en 2002 naquit Kingdom Hearts premier du nom, sous l’impulsion de Tetsuya Nomura, proposant les aventures de Sora, un garçon de douze ans ayant été choisi pour être un porteur de la Keyblade, arme en forme de clé permettant entre autre d’ouvrir les âmes des gens, au propre comme au figuré, d’ouvrir des passages entre les mondes, et surtout de lutter contre la menace des sans-cœurs, créatures nées à partir de gens ayant succombés aux ténèbres. Un premier pas fort sympathique, permettant de revivre les plus grands classiques des films d’animation Disney, et qui donnera naissance à un univers des plus riches qui n’a eu de cesse que de s’étoffer en attendant un troisième opus qui s’est fait attendre durant 14 ans.

Et justement, c’est tout le sujet du jeu dont il est question aujourd’hui : The Story so far. Car avant d’enfin découvrir Kindgom Hearts III, sorti en 2019, une compilation a vu le jour (bien qu’elle soit arriver après coup en France, avec un an de retard sur les Etats-Unis) pour permettre aux joueurs de tout connaître de l’univers en amont. Si les deux premiers opus numérotés sont sortis en 2002 et 2005 sur Playstation 2, le reste aura été un joyeux bordel : Chain of Memory, faisant le lien entre le 1 et 2, est sorti sur Gameboy Advance, Coded, exploration du métavers du journal du premier opus, est sorti uniquement au Japon sur téléphone avant d’avoir un premier remake sur Nintendo DS, 358/2, retraçant l’entre deux du point de vue de l’Organisation XIII, est lui aussi sorti sur Nintendo DS, puis le préquel Birth By Sleep est sorti sur PSP, et enfin Dreams Drop Distance, l’opus de transition entre le 2 et 3 est sorti sur Nintendo 3DS, retraçant l’examen de maître de Sora et Riku, sans compter les autres jeux sur téléphone. C’est donc tout simplement une demi-douzaine de consoles qu’il fallait avoir pour tout connaître des jeux principaux. Un casse tête improbable, d’où l’intérêt d’une compilation, là aussi compliquée. Ce n’est pas moins de quatre compilations qui ont vu le jour : I.5, II.5 et II.8, puis The Story so far qui réuni les trois compilations sur trois Blu-ray mais dans une seule boîte.

I.5 reprend un remaster HD du premier Kingdom Hearts, toujours bon à prendre, avec quelques retouches appréciables sur la gestion de la caméra, et c’est de fait la version Final Mix, jamais sortie en dehors du Japon. Seulement voilà, bien que sur la dizaine de jeux sortis, seuls les deux principaux ont bénéficié d’une VF, c’était là l’un des points forts jouant énormément sur l’immersion, et n’avoir qu’une version française doublée en anglais, c’est un énorme point noir. Qui montre à ses enfants les classiques Disney en VO ? Personne, tout le monde regarde en VF, d’autant que notre pays est probablement de loin le meilleur dans le domaine du doublage, de même que 90% des films vus en salle le sont en VF. Pour l’immersion dans un univers jouant à fond sur la nostalgie, c’est si dommage. Quitte à en parler, autant évoquer aussi le cas de Kingdom Hearts II : sans la voix de Patrick Poivé, l’univers de Tron perd beaucoup de son intérêt. D’ailleurs soyons francs, si vous possédez un PC solide, tous les jeux sont aussi sortis sur PC depuis, et les moddeurs ont rajouté la VF sur les deux premiers, donc si vous en avez la possibilité, autant en profiter, car la visite et l’immersion des mondes Disney est un des principaux plaisirs.

Toujours pour la compilation I.5, nous retrouvons le remaster HD de Re : Chain of Memory, remake de l’opus GBA fait avec le moteur graphique des opus PS2. Si le jeu a une importance cruciale dans le lore, expliquant pourquoi dès leur apparition dans Kingdom Hearts II la moitié de l’Organisation XIII est déjà morte, le jeu était surtout un exploit sur console portable, avec une 2D magnifique, mais le passage en 3D moderne enlève tout l’intérêt au titre, qu’on sent bâclé du fait qu’il soit à l’origine un bonus cadeau de la version Final Mix de Kingdom Hearts II. Le dernier « jeu » présent sur la première compilation est en réalité une compilation de cut-scènes de 358/2, un jeu là encore fou techniquement pour sa console d’origine, très sympa à jouer, mais au scénario anecdotique. Autant se regarder un résumé rapide sur Internet.


La seconde compilation II.5 est sans nulle doute la plus intéressante. Jeu incroyable encensé par tous, Kingdom Hearts II est disponible dans une version 4K magnifique, le jeu ayant si bien vieilli grâce à son style cartoon enfantin, et les apports de la Final Mix sont tous excellents, permettant de redécouvrir l’un des jeux les plus aboutis, si efficace dans sa mise en scène, l’exploration des mondes en deux temps. Alors bien sûr, l’absence de VF est un crève-cœur, mais comme le III n’a pas de VF et que le IV n’a pratiquement aucune chance d’en avoir une, autant se revoir tous les Disney en VO puis se reforger de nouveaux souvenirs…

On passera sur le « jeu » Recoded en version uniquement cinématiques, déjà pas passionnant avec sa notion de Di, doubles numériques des personnages, nous perdant déjà entre la personne de base, sa possible version sans-cœur s’il a cédé aux ténèbres, sa version simili si sa personnalité était trop forte pour « mourir », d’autant que si un sans-cœur est libéré et le simili détruit, la personne d’origine peut revenir à elle, d’autant que l’apparence physique peut varier, de même que le nom.

Le troisième disponible est autrement plus intéressant : le remaster HD de Birth By Sleep, meilleur jeu de la PSP à l’ambition folle, qui reste encore très fun à jouer et dont l’importance narrative est primordiale. On y voit les notions d’héritage de la Keyblade, l’origine du croisement de tous les destins des porteurs, de la nature première de Xehanort, antagoniste ultime de tout cet univers, et l’idée d’une narration en trois parties, se complétant à mesure que l’on effectue les trois histoires, c’est une idée géniale. Avec un système de mixage gratifiant, une chasse aux commande jouissive, sans avoir l’envergure qu’il devrait, c’est à la fois un jeu primordial dans la mythologie, et un jeu super fun à parcourir, malgré le manque d’intérêt des univers parcourus.

La dernière compilation est la II.8, au bilan assez mitigé. On trouvera tout d’abord le remake HD de Dreams Drop Distance, l’opus 3DS sur l’examen de maître de la Keyblade de Sora et Riku. Un opus très important dans la mythologie, immanquable même tant ses répercutions sont légions entre un retour stupéfiant, une autre nouvelle recrue, puis surtout toute l’importance de la fin avec cette boîte de pandore dangereuse qu’est le voyage dans le temps. Toute la dernière partie du jeu est épique à souhait, dantesque et posant les bases de la suite, mais le jeu dans son ensemble a plus de mal à convaincre. Des mondes moins mémorables, des interactions limitées, un sentiment de perte de temps puisque l’on ne fait que se balader dans les rêves. Un jeu toujours cool à jouer, mais qui sent trop le feeler de remplissage, et on préférera se voir un résumé vidéo pour mieux se concentrer sur des jeux plus ambitieux.

Teasé comme une démo technique servant d’introduction au si attendu KHIII, II.8 propose surtout le fameux Fragmentary Passage, faisant suite à Birth By Sleep. On y suit ainsi Aqua, tentant de se retrouver dans les ténèbres et les mondes oubliés. Génial sur le papier, ça ne reste qu’un errance de 2h tout au plus, au gameplay assez bridé, répétitif, et surtout visuellement inquiétant. Oui, les décors sont incroyables, mais ne collent pas du tout avec la direction artistique de la licence, les personnages ont un effet plastique enlevant leur âme, et même Sora semble avoir changé de voix. Passablement inquiétant pour la suite, mais heureusement, d’après ce que j’ai cru voir, KHIII est sensiblement différent. De quoi tout juste raccrocher les wagons, ajoutant toujours plus de poids sur les épaules d’un KHIII monde qui devra tout recouper.

Enfin dernier à tous niveaux, Black Cover est un film d’animation d’une heure réalisé sous Unreal Engine 4 pour raconter le jeu sur téléphone X Chi du point de vue des Oracles. Une catastrophe à tous les niveaux tant le résultat est inutile et frustrant : que des personnages masqués dont le visage ne sera jamais révélé, des mystères jamais expliqués pour une intrigue inutilement complexe et confuse, rajoutant de nouvelles migraines avec une notion de commencement des temps.

Que retenir de tout cela ? Que mise à part éventuellement le premier Kingdom Hearts encore soft en symbolique et mythologie, la saga ne s’adresse décidément pas aux enfants mais plus leurs parents nostalgiques des anciens Disney, et surtout globalement ceux qui aiment les scénarios torturés sur la nature même de la vie, avec une bonne grosse dose d’adrénaline pour les combats. Sur ce, après avoir consacré deux mois entiers à revoir et découvrir les pièces encore inconnues d’un immense puzzle, il est temps de confronter KHIII aux 14 ans d’attentes (15 pour moi, ayant découvert le second en 2009 et rattrapant le retard cinq ans après) et une dizaine de jeux ayant amplifié le mythe. Autant dire que la pression est totalement surréaliste et ne sera très certainement pas totalement comblée, voir loin s’en faut, mais sachons raison garder.

Edit : dès l’introduction, Kingdom Hearts III m’a donné tort, Black Cover aura en réalité une importance cruciale, les notions de destins et de la Keyblade qui voit tout semblent au cœur du récit dans une cité des Dieux à se damner, laissant entendre de sacrées claques esthétiques.

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The Pale Blue Eye


The Pale Blue Eye
2023
Scott Cooper

Sorti en tout début d’année dernière, le film avait fait un peu de bruit, étant décrit comme un must pour les amateurs d’enquête, avec comme souvent avec Netflix, un casting des plus alléchants (on retrouvera également Toby Jones, Robert Duvall, Gillian Anderson, Timothy Spall ou encore Charlotte Gainsbourg). Et effectivement, le film est bourré de qualités et ne passe pas loin de la très très bonne surprise, mais impossible de faire abstraction d’une liste de défauts assez conséquente.

L’histoire prend place en 1830, alors que l’académie militaire de West Point fait face à un drame inédit : l’un de ses cadets a été retrouvé pendu. Qui plus est, le corps a été retrouvé mutilé, le cœur arraché. Quelle est donc cette diablerie ? Pour mener l’enquête, l’académie fera appel à Landor (Christian Bale), un policier à la retraite.

Sur le papier, l’histoire semble assez bonne, à un détail près : Edgar Allan Poe (Harry Melling). Si le cousin Dudley offre une prestation incroyable, il n’en reste pas moins que voir le célèbre poète – ayant certes fait ses classes à cette époque dans ladite académie – prêter main forte à l’enquête en devenant ami avec Landor, c’est une hérésie. L’histoire fonctionne bien, le duo a une belle complicité, mais inclure inutilement un personnage historique de la sorte, c’est juste débile. Comment croire en sa romance quand le personnage féminin n’a pas le nom de sa future femme ? Comment le croire en danger quand l’on sait son véritable décès bien plus tardif ? Ca et les bondieuseries trop mélodramatiques, voilà qui entache sérieusement une histoire pourtant clairement intéressante, à défaut d’être captivante. Car là encore, si l’ambiance de l’époque est parfaitement maîtrisée, avec une belle réalisation et une photographie magnifique, le rythme est assez laborieux. Le bilan aurait pu même être plus que mitigé, si un point ne faisait pas consensus : sa fin. Alors qu’on croyait l’affaire résolue, moult détails qu’on aurait pu penser comme étant simplement du lore, prennent finalement tout leur sens, donnant une toute nouvelle vision à l’ensemble. D’apparence simpliste, l’histoire se révèle plus qu’aboutie, ne laissant en réalité rien au hasard. Avec quelques coupes dans le tas, un acolyte délesté de sa figure historique, moins de mélodrame sur la religion, on aurait pu avoir l’un des meilleurs films du genre. Reste un bel ouvrage de surface, avec une fin incroyable, malheureusement plombé par quelques choix discutables.

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Reptile


Reptile
2023
Grant Singer

Thriller dont probablement personne n’a entendu parler, il représente bien le souci Netflix dans son ensemble : ou quand le cinéma devient du contenu. On se retrouve donc encore une fois avec un film intriguant sur le papier, une histoire d’enquête avec un casting prestigieux, mais qui n’aura pas été mis en avant par la plateforme et qui du coup s’est retrouvé noyé dans une liste. Et quand on voit la qualité de leurs « grosses productions » qu’ils mettent en avant, notamment The Killer et Le Monde après nous récemment, il y a de quoi être perplexe.

Policier proche de la retraite, Tom Nichols (Benicio Del Toro) va se voir confier l’enquête autour du meurtre de la conjointe d’un certain Will Grady (Justin Timberlake), riche homme d’affaire. Tout semble au point mort : aucune piste, aucun suspect, aucun mobile aux premiers abords. Il devra en plus faire face à la pression sociale entre des amis ayant cédé à l’appât du gain, ou encore une femme (Alicia Silverstone) qui n’a plus grand désir pour lui.

Dans l’absolu on tient là un bon film d’enquête, avec un casting solide, une histoire relativement étoffée avec moult rebondissements et une écriture assez poussée. Seulement voilà, le mystère est assez bancal dans la mesure où l’on se doute bien vers où cela va nous mener, et tous les rebondissements ne feront que conforter nos suspicions, pour au final leur donner raison. Clairement, un film d’enquête où l’on devine la fin dès les quinze premières minutes, c’est plutôt triste. Certes, on suit l’histoire sans déplaisir, malgré une durée un peu abusive (2h14) le film est assez bien rythmé, mais les seules surprises viendront se greffer autour d’une issue bien trop évidente. Solide, mais prévisible.

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Black Phone


Black Phone
2022
Scott Derrickson

Fuyant le navire sombrant du MCU où la suite de son Doctor Strange lui fut enlevée pour un résultat au mieux décevant, le réalisateur retourne à ses premiers amours : le cinéma d’horreur. Carton plein et critiques positives, chose assez rare dans un genre si difficile à renouveler et où les sous-productions bancales sont légion, de quoi attiser la curiosité, d’autant que l’intrigue va venir titiller notre fibre nostalgique à la manière d’un Stranger Things.

L’histoire prend place dans une petite ville américaine classique, durant les années 80 semble-t-il. Entre les mystérieuses disparitions d’enfants angoissantes et une adolescence difficile, jusque dans son cercle familial avec une mère décédée et un père (Jeremy Davies) alcoolique violent, la vie de Finney (Mason Thames) était déjà peu reluisante, mais le sort va s’acharner puisqu’il va être la nouvelle victime d’un psychopathe (Ethan Hawke) à l’origine de toutes les disparitions précédentes. Isolé dans une cave lugubre, il ne pourra compter que sur un téléphone noir capable de recevoir des appels de l’au-delà.

Plus que d’agiter la carte de la nostalgie, le film y met les formes : image terne, pellicule pleine de grains, tout dans l’image fait écho à cette époque lointaine. Et c’est aussi pourquoi la série Stranger Things marche à ce point, que la première partie de It était bien meilleure et que globalement l’idée de faire un film d’horreur à cette époque est pertinent. A force d’en faire un doudou réconfortant, berceau de presque toute la pop-culture où la vie semblait – et était objectivement – tellement plus simple et bienveillante, vouloir nous y plonger, nous amadouer, pour mieux renverser la situation avec de l’angoisse, c’est certes facile, mais carrément brillant. Mais au delà de ce simple postulat, le film est particulièrement bien fait et prenant, nous embarquant dans une histoire sordide pleine de rebondissements. Et là où le film marque aussi des points, c’est qu’il n’est pas débilement gore ou gratuit dans sa démarche, c’est de l’horreur non visuelle, plus sensorielle. Le seul reproche, outre la relative banalité de l’histoire de fond, c’est l’absence d’impact de certaines sous-intrigues, notamment la sœur. Plus d’imbrication ou de retournements auraient été appréciés, mais ne boudons pas notre plaisir, les films d’horreur de cette qualité se font rares.

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Gone Baby Gone


Gone Baby Gone
2007
Ben Affleck

Tout premier film en tant que réalisateur pour Ben Affleck, qui signera ensuite coup sur coup des films acclamés, certains l’ayant même amené jusqu’aux Oscars, avec pour ses débuts une adaptation d’un type qui a l’air sacrément joyeux, l’écrivain Dennis Lehane à qui l’on doit Mystic River. La thématique restera là aussi la même : de sombres histoires de famille, de l’enquête, le tout s’axant autour de la pauvreté et surtout une fille disparue.

Mère vraiment pas fréquentable dont le mari s’est barré, Helene (Amy Ryan) avait l’habitude de laisser sa fille de quatre ans vagabonder un peu toute seule, car quand elle ne l’amenait pas dans des braquages ou autres joyeusetés, ses grandes passions dans la vie sont boire et se droguer, avec souvent les jambes écartées pour payer tout ça. Un beau jour, sa fille va disparaître et pas la moindre piste à l’horizon. Pour aider la police (incluant Morgan Freeman et Ed Harris), la sœur de la mère et tante de la disparue va demander de l’aide à Patrick (Casey Affleck) et Angie (Michelle Monaghan), un duo de détectives privés ayant l’avantage d’être du quartier, et donc plus à mêmes de délier les langues.

Revenant visiblement de loin, les frères Affleck avaient à cœur de montrer l’enfer de leur enfance, dans un quartier ravagé par tout ce qui est possible et imaginable : pauvreté, alcoolisme, drogues, banditisme, kidnapping, pédophilie et meurtre. Le loto gagnant de la vie de merde. Pour nous plonger dans la bonne humeur de ce milieu réjouissant, la disparition d’une petite fille est une porte d’entrée des plus sympathiques. Pour ma part, ce n’est pas le genre d’ambiance qui m’intéresse, mais ça n’est pas gage de qualité. Au contraire, l’enquête est assez différente de par son mélange professionnel / amateur de la rue, et l’écriture du film laisse d’abord circonspect, avant d’un peu plus convaincre au global. En effet, l’enquête sur la fille se résout au beau milieu du long-métrage, nous prenant de cours et nous laissant un peu estomaqué : que raconter après ? Il y aura effectivement plus à découvrir, et le récit sera moins prévisible et linéaire que Mystic River par exemple, mais n’en aura pas non plus l’impact ou la qualité d’interprétation. Car outre une morale inconstante voir incohérente, le casting n’est pas toujours très convaincant. Déjà insupportable sur le papier, le personnage de Patrick est de surcroît interprété par un Casey Affleck amorphe antipathique au possible, décuplant le côté insipide et stupide. Une histoire bien ficelée, riche en rebondissements et avec un axe original, solide dans son exécution et qui de facto est un très bon film, mais qui personnellement m’a laissé en dehors à cause de son cadre peu reluisant, sa morale incohérente, et surtout son personnage principal insipide semblant continuellement défoncé.

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L’Appel de la forêt


L’Appel de la forêt
2020
Chris Sanders

Roman culte de Jack London, l’œuvre a déjà été adaptée une dizaine de fois au cinéma, avec presque à chaque fois l’une des plus grandes stars de l’époque en tête d’affiche. C’est dire l’aura mythique de l’ouvrage, et cette fois ne fait pas exception, si ce n’est que les temps ont changé. Avec les évolutions technologiques, faire courir des risques énormes aux animaux (avec des morts sur nombre tournages du genre) n’est plus envisageable, faisant de fait grimper le budget ici à 125 M$, ce qui aurait été largement amorti vu le démarrage très correct, mais qui se solda par un désastre financier du fait de sa sortie historiquement catastrophique : à quelques jours des fermetures des salles pendant de longs mois pour cause de Covid. En cette période de fête propice aux films familiaux du genre, le long métrage semblait tout indiqué, mais avec un défi de taille : justifier son existence quand son histoire a déjà été adapté plus que de raison, et faire passer la pilule des animaux en effets spéciaux.

L’histoire prend place à la fin du XIXème alors que le pauvre Buck va se voir arracher à sa famille bourgeoise pour se voir attelé de force au traîneau d’un certain Perrault (Omar Sy), un postier au boulot des plus rudes puisqu’il doit traverser les terres les plus froides du Canada pour livrer le courrier sur des distances folles. Un changement de vie brutal, mais il faut contre mauvaise fortune faire bon cœur.

Contrairement à ce que l’affiche laisserait penser, non, Harrison Ford n’est pas le premier rôle, pas plus qu’Omar Sy. En vérité le film est découpé en deux parties, et chacun est le personnage secondaire principal de sa moitié, puisque le personnage principal est Buck, et les deux autres ont un temps d’écran équivalent. Il s’agit avant tout d’un chien domestique classique, qui se retrouve du jour au lendemain kidnappé puis revendu, passant de la chaleur et de la tranquillité au froid glacial, des conditions climatiques aussi rudes que primitives. Des thématiques dans le fond assez classiques sur le retour à la nature, à la vie sauvage. Peut-on retrouver son état primitif après une vie de domestication ? Est-ce un style de vie plus pur, plus en adéquation ? A l’image des hommes, tantôt bons, tantôt vils (Dan Stevens), la réponse ne sera pas manichéenne bien sûr, ce sera plutôt une question d’apprendre à aimer ce que l’on a. Un esprit très Noël en sommes, et que ce soit dans la mise en scène ou son récit, le film est très prenant. Alors bien sûr, on est encore loin d’animaux totalement bluffant, les FX restent criants notamment sur les mouvements trop brutaux ou trop fluides, l’aspect informatisé saute aux yeux, et plus globalement l’attachement émotionnel aurait été plus fort avec de vrais animaux avec un dressage forçant le respect. Mais en l’état on reste sur du bon divertissement véhiculant de belles valeurs, une ode à l’aventure comme on en voit que trop rarement.

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Le Monde après nous


Le Monde après nous
2023
Sam Esmail

Après une bande-annonce des plus mystérieuses, teintée d’angoisse et d’airs de fin du monde dantesque, le tout desservi par un casting prestigieux, la hype était énorme. Potentiel petit cadeau de Noël en avance pour les uns, d’anniversaire pour ma part, j’avais très hâte de sonder les mystères de ce qui semblait être un des événements de la fin d’année, venant me réconcilier avec Netflix après le foutage de gueule The Killer, un ratage peu commun, qui viendra pourtant se faire challenger dans les abysses du néant.

L’histoire est celle d’un couple (Ethan Hawke & Julia Roberts), des bobos de la ville, ayant loué une maison au vert pour se ressourcer avec leurs enfants le temps d’un weekend. Mais dès le premier soir, leur tranquillité va être dérangée par un certain G. H. Scott (Mahershala Ali) et sa supposée fille, se prétendants être les propriétaires, et suite à une série d’incidents, vont vouloir passer la nuit dans ce qui est normalement leur maison secondaire qu’ils louent. Le début de phénomènes bien plus inquiétants, allant d’un pétrolier en dérive à une coupure des communications. Que se passe t-il ?

Rien. Enfin si, plein de choses, mais le film aura visiblement soit la flemme soit l’absence d’envie de se prononcer quant aux événements. Il n’y aura aucune explication à quoi que ce soit, que des suppositions émises par les protagonistes sans que rien de concret ne vienne aiguiller solidement quoi que ce soit. D’une durée massive de 2h20, le film est une boîte mystère, mais vide. C’est un principe qui consiste à susciter la curiosité du spectateur en ouvrant plein de pistes intrigantes, mais aucune piste n’amènera où que ce soit, rien ne sera développé ou expliqué. Le troisième chapitre consiste en du potentiel échangisme amoral sortant de nulle part, rallongeant artificiellement une durée déjà lourde, mais là encore, ça n’aboutira pas et ne servira à rien, ni conflit ni répercutions ni continuité. Du brassage de vent intégral, d’un niveau de foutage de gueule si puissant que le dernier plan du film consiste en une récompense de type contenu audiovisuel qui passionne l’un des protagonistes, et qui hasard des choses, est disponible sur Netflix. Incroyable coïncidence ! Donc non seulement le film joue la carte du mystère pour finalement ne rien en faire, mais le seul accomplissement d’un des personnages consiste à regarder quelque chose disponible sur Netflix. Ce n’est même plus honteux ou une arnaque, c’est d’un niveau de criminalité intellectuelle si abjecte qu’on a tout simplement jamais vu ça. Les critiques élogieuses sont aussi criminelles, validant de l’auto-fellation aberrante. L’existence même du film est préjudiciable à l’humanité entière, à fuir.

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Collateral


Collateral
2004
Michael Mann

Considéré comme l’un des plus grands films de l’un des plus grands réalisateurs, le film fut très largement salué à sa sortie, il est vrai marquant une révolution technique pour l’époque, étant l’un des premiers totalement tourné en numérique, et ce pour une raison pratique : le tournage de nuit. Si les capteurs des caméras pellicules ont fait des progrès, c’est avec l’avènement du numérique que les tournages nocturnes sont devenu bien plus lisibles et faciles. Un argument solide en son temps, mais qui n’a factuellement aucun intérêt pour le spectateur avec les années, et ça n’est plus gage de qualité. Presque deux décennies se sont écoulées, ne laissant qu’un vague souvenir  à réécrire.

On suit un simple chauffeur de taxi de LA, Max (Jamie Foxx), qui se croyait en veine ce jour-là, venant de faire une course en agréable compagnie (Jada Pinkett Smith) avec un petit numéro gratté à la clé, mais c’est avec son prochain client que les choses vont se gâter. Un certain Vincent (Tom Cruise) va lui demander de l’escorter toute la nuit, dans une tournée de visites « amicales », mais quand la première va se conclure sur un cadavre dans le coffre et un flingue sur la tempe, il va vite regretter sa course.

Encore un film de tueur à gages, mais cette fois le point de vue est inversé : le tueur ne sera pas « adulé » et mis en avant, mais sera l’élément perturbateur. Le point de vue sera celui d’un potentiel dommage collatéral (d’où le titre), subissant cette violence qu’il va chercher à fuir. Un rôle à contre-emploi pour Tom Cruise, qui de fait se retrouve être le méchant, et où son assurance habituelle sera renvoyée à la monstruosité de son « métier ». Un choix d’axe réussi, un casting solide (à noter les présences de Mark Ruffalo, Javier Bardem ou encore Jason Statham) et un rythme plutôt bon, surtout dans son dernier tiers où tout s’accélère, avec un climax sympathique. La réalisation est très belle, et globalement le film est bon, mais pas exempt de défauts. Tout d’abord le tueur froid, dont l’arrogance semble peu justifiée vu la quantité aberrante de risques pris et surtout les innombrables erreurs, laissant tellement de témoins et de traces sur sa route qu’on s’étonne que sa carrière ne se soit pas arrêtée d’emblée. La scène de la boîte de nuit, magnifique visuellement, est débile à souhait, trop frontale, et surtout ne créant que trop peu de réactions. Comment peut-on danser calmement quand quelqu’un se fait tuer juste à côté ? Tout l’aspect enquête policière est ratée d’ailleurs, ne servant à rien, n’apportant aucune conclusion, avec même une incertitude sur le sort de certains. Et en parlant de conclure, la fin est trop abrupte, laissant trop d’histoires sans contexte ou inachevées. Prouesse technique, maîtrise dans la réalisation, divertissant avec un casting solide, mais une histoire un peu bancale, pas très originale de base et à l’écriture lacunaire.

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The Killer


The Killer
2023
David Fincher

Assurément l’un des plus grands événements cinématographique du moment, le film est réalisé par un auteur oscarisé considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire, avec en tête d’affiche un immense acteur se faisant assez rare dernièrement, le tout pour une adaptation d’une BD française à l’ambition ahurissante puisque le budget est colossal, pas moins de 175 M$, ce qui est dingue pour une production Netflix. Comme quoi, on peut avoir du potentiel, s’en donner les moyens, de la main des plus grands, mais se vautrer comme rarement.

L’histoire est ô combien classique : celle d’un tueur à gages (Michael Fassbender). Il va un jour rater une mission, tuant la mauvaise personne, et au lieu de retenter un second tire ou de chercher à honorer son contrat à une autre occasion, il va prendre la fuite. Grosse erreur dans ce milieu, et un contrat sera mis sur sa tête, mais c’est sa femme qui sera trouvée seule chez lui, finissant à l’hôpital. Constatant à son retour que son inaction a eu des répercussions, il cherchera à se venger.

Le postulat du film est déjà catastrophique. Il rate sa mission, ne l’assume pas, la faute retombe sur sa femme, mais qui survit, et lui qui jacasse pendant toute la longue introduction pour dire à quel point c’est un tueur froid, qu’on s’en fout de la cible, il va prendre à cœur d’avoir été la cible. Et alors même que visiblement tout le monde a tourné la page, que l’agression sur sa femme aura été un avertissement suffisant, il va quand même partir en croisade pour liquider tous ceux impliqués. C’est totalement illogique et débile. Mais si au moins le film était efficace…

Certes, que l’histoire soit bancale, avec un protagoniste détestable et incohérent, c’est assurément le plus gros souci, mais des films mal écrits restant divertissants, il y en a. Ce ne sera pas le cas ici, le style du film étant un problème d’une ampleur presque aussi grande. Pratiquement pas une seule scène d’action, là seule réelle étant une bagarre chaotique où le style froid et distant rejette toute forme de dynamisme. Il attend, enquête, se déplace, s’infiltre, prend l’avion. Que c’est mou ! Eh puis surtout, il faut parler de cette immense blague : 175 M$. Alors oui, il y a pas mal de décors, on voyage beaucoup, mais il n’y a que très peu de casse, jamais de grande ampleur, et à aucun moment on ne sent l’argent à l’écran plus que dans un film comme Sound of Freedom qui nous faisait voyager beaucoup également, et qui a coûté moins que le dixième (14.5 M$) ! Le réalisateur s’est prit un chèque ridicule de 100 M$ et a filé bien grassement 50 M$ à l’acteur principal ??? Mais c’est du vol, du détournement immonde ! Que le film soit chiant à en crever est une chose, d’autant qu’on a là un mélange jamais original de Mr Wolff et John Wick en absolument moins bien sur chaque point, mais avoir claqué une somme pharaonique pour un film lambda où plus du dixième du budget est difficilement justifiable à l’écran, c’est tout simplement une arnaque. Un film ennuyeux comme pas possible, doublé d’un scandale financier grotesque.

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